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Le réveil de l'Amérique - Analyse du mouvement des occupationsAnonyme, Thursday, October 20, 2011 - 17:45
Ken Knabb, traduit par Claude Guillon
Un texte de ken knabb Petite analyse intéressante, Pour le lien original en français : http://claudeguillon.internetdown.org/article.php3?id_article=326 Texte original : http://www.bopsecrets.org/recent/awakening.htm LE RÉVEIL DE L’AMÉRIQUE Traduit par Claude Guillon. Avertissement du traducteur [Gédicus] : J’ai traduit ce texte, sans même en demander l’autorisation à l’auteur (qui, je crois, ne devrait pas s’en offusquer) parce qu’il me semble important qu’il soit accessible tout de suite aux francophones, bien que je le trouve discutable sur quelques points mineurs qui n’invalident en rien l’essentiel. Je l’ai traduit dès réception, d’une traite. Il se peut donc qu’il soit empreint de certaines maladresses, bien que je ne croie pas m’y être trop mal pris. Il est certain qu’on peut faire mieux et j’essaierai peut être d’affiner cette traduction dans les temps qui viennent. En attendant, on peut comparer avec l’original en allant sur le site de l’auteur, qui peut aussi servir à copier le texte original et le faire circuler parmi les anglophones. Une situation radicale est un éveil collectif (...) Dans de telles situations, les gens s’ouvrent de plus en plus à de nouvelles perspectives. Ils sont plus disposés à questionner certaines affirmations qui avaient cours. Ils décèlent plus vite les couillonnades habituelles (...) Les gens en apprennent là plus sur la société en une semaine qu’après des années d’études sociologiques académiques ou de « prise de conscience » gauchiste. Tout semble possible et, donc, bien plus est possible. Les gens on du mal à croire ce qu’ils supportaient « avant » (...) La consommation passive est remplacée par la communication active. Des étrangers démarrent des discussions enflammées aux coins des rues. Des débats font le tour du cadran, de nouveaux arrivants remplaçant constamment ceux qui partent vers d’autres activités ou pour essayer de prendre quelques heures de sommeil, bien qu’ils soient en général trop excités pour dormir longtemps. Tandis que certaines personnes succombent aux discours des démagogues, d’autres formulent leurs propres propositions et prennent leurs propres initiatives. Des passants sont entrainés par ce tourbillon et vivent des changements d’une étonnante rapidité (...) Ces situations radicales sont de ces rares moments où les changements qualitatifs deviennent vraiment possibles. Loin d’être anormales, elles révèlent combien chacun est habituellement coincé. Elles font paraître la vie « ordinaire » semblable à une marche de somnambule. Ken Knabb, La joie de la révolution Le mouvement des « occupations » qui balaie le pays depuis quatre semaines est d’ores et déjà l’explosion radicale la plus significative en Amérique depuis les années 60. Et il ne fait que commencer. Cela a démarré le 17 septembre lorsque plus de 2000 personnes se sont rassemblées à New York pour « occuper Wall Street » afin de protester contre la domination toujours plus évidente d’une « élite économique » ultra-minoritaire sur les 99% de la population. Les participants commencèrent une sorte de camping sauvage dans un parc près de Wall Street (rebaptisé Place de la Liberté en guise de salut envers l’occupation de la Place Tahir en Egypte). Ils formèrent une assemblée générale qui fut reconduite chaque jour suivant. Bien qu’au départ totalement ignorée par les principaux médias, cette action inspira rapidement des mouvements d’occupation similaires dans des centaines de villes à travers le pays et d’autres dans le monde entier. La classe dominante ne sachant pas d’où venaient les coups qui la frappaient s’est mise immédiatement sur la défensive tandis que les medias serviles tentaient de déprécier le mouvement en lui reprochant de ne pas avoir de revendications précises et d’être incapable de formuler un programme. Les participants ont bien sûr exprimé de nombreux griefs, assez évidents pour qui a prêté un peu d’attention à ce qui se passe dans le monde. Mais ils ont sagement évité de se limiter à une ou quelques revendications précises, parce qu’il est devenu absolument évident que chaque aspect du système pose problème et que tous ces problèmes sont liés. Au contraire, reconnaissant que l’implication de la population est le moyen essentiel pour parvenir à une solution réelle, l’assemblée de New York a émis une proposition déroutante quoiqu’éminemment subversive, incitant les peuples du monde à exercer leur droit de s’assembler pacifiquement ; occuper l’espace public ; créer un processus pour aborder les problèmes qui se posent et faire naître des solutions accessibles à tous. « Rejoignez nous et faites vous entendre ! » Ce mouvement laisse tout aussi désemparés tous les « radicaux » doctrinaires qui restent à distance, prédisant frileusement qu’il sera récupéré ou lui reprochant de ne pas avoir adopté d’emblée une posture plus radicale. Ils devraient pourtant savoir que la dynamique des mouvements sociaux est plus importante que leurs positions idéologiques affirmées. Les révolutions sont toujours nées de ce processus complexe de débats sociaux et d’interactions qui atteignent une masse critique et déclenchent une réaction en chaîne - processus fort semblable à ce que nous vivons en ce moment. Le slogan des 99% n’est peut être pas une « analyse de classe » très précise, mais c’est une approximation suffisante pour commencer ; une excellente manière de couper court à tout le jargon sociologique traditionnel et souligner le fait qu’une vaste majorité de gens est asservie à un système régit par et pour une minorité dominante. Et il cible justement les institutions économiques plutôt que les politiciens qui n’en sont que les laquais. Les griefs innombrables ne constituent peut être pas un programme cohérent mais, pris dans leur ensemble, ils impliquent la nécessité d’une transformation totale du système. La nature de cette transformation se clarifiera à mesure que la lutte se développera. Si ce mouvement finit par contraindre le système à adopter quelques réformes importantes -dans un esprit de « New deal »- ce sera toujours ça de pris. Et cela créera les conditions permettant de pousser les choses plus avant, plus facilement. Et si le système se montre incapable de produire de telles réformes, cela forcera les gens à chercher des alternatives plus radicales. Quant à la « récupération », il y aura évidemment de nombreuses tentatives de manipuler ce mouvement ou d’en prendre les rênes. Mais je ne pense pas qu’elles y parviennent facilement. Dès le début, ce mouvement des occupations à été résolument participatif et anti-hiérarchique. Les décisions des assemblées générales sont prises de manière scrupuleusement démocratique, le plus souvent par consensus. Un procédé qui peut parfois être pesant mais qui a le mérite de rendre les manipulations presque impossibles. En fait, la vraie menace est tout autre : L’exemple de la démocratie directe menace toutes les hiérarchies et divisions sociales y compris celles qui existent entre les travailleurs et les bureaucraties syndicales, entre les chefferies politiques et leurs adhérents. C’est pourquoi tant de politiciens et de bureaucrates syndicaux essaient de prendre le train en marche. C’est une preuve de notre force et non de notre faiblesse. (C’est lorsque nous nous laissons couillonner à monter dans leurs wagons que la récupération réussit). Les assemblées peuvent, bien sûr, admettre de collaborer avec tel ou tel groupe politique pour une manifestation ou avec tel syndicat pour une grève, mais la plupart prennent soin que la distinction reste claire, et presque toutes se sont franchement tenues à distance des deux principaux partis. Bien que ce mouvement soit éclectique et ouvert à tous, il est rassurant de pouvoir dire que son esprit est très fortement anti-autoritaire, tirant son inspiration non seulement des récents mouvements populaires d’Argentine, Tunisie, Egypte, Grèce, Espagne et autres pays, mais aussi des théories et tactiques anarchistes et situationnistes. Comme l’éditeur d’ « Adbusters » (Casseurs de pub) le fait remarquer : « Nous ne sommes pas juste inspirés par le récent printemps arabe. Nous avons étudié le mouvement situationniste. Ce sont les gens qui ont fait naître ce que beaucoup considèrent comme la première révolution globale, en 1968, quand le soulèvement de Paris inspira des insurrections dans le monde entier. Soudain les universités et les villes explosaient. C’était dû à un petit groupe de gens, les situationnistes, qui furent comme la colonne vertébrale philosophique du mouvement. Un des personnages clé était Guy Debord qui a écrit La société du spectacle. L’idée était que si vous avez un engagement assez puissant ; des idées assez fortes, et que le moment est mûr, ça suffit à déclencher une révolution. C’est de ce mouvement que nous sommes issus. » De fait, la révolte de mai 68 en France fut aussi un « mouvement des occupations ». L’un de ses aspects les plus remarquables fut l’occupation de la Sorbonne et de nombreux autres bâtiments publics, qui inspirèrent l’occupation des usines dans tout le pays par plus de dix millions de grévistes. (Inutile de dire que nous sommes encore très loin de cela, qui ne pourrait se produire que si les travailleurs américains échappaient à la tutelle de leurs bureaucraties syndicales et menaient une action collective de leur propre chef, comme cela se passa en France). Alors que le mouvement se répand dans des centaines de villes, il est important de noter que chaque nouvelle occupation et assemblée reste totalement autonome. Bien qu’inspirées par l’occupation de Wall Street, elles ont toutes été créées par des gens dans leurs propres communautés. Aucune personne ou groupe extérieur n’a de contrôle sur ces assemblées. Ce qui est bien ainsi. Lorsque les assemblées locales sentiront la nécessité pratique d’une coordination, elles se coordonneront. En attendant, la prolifération de groupes et d’actions autonomes est plus saine et plus fructueuse que l’ « unité » imposée de haut en bas que les bureaucrates appellent toujours de leurs vœux. Plus saine, parce qu’elle rend la répression plus difficile : si l’occupation dans une ville est écrasée (ou récupérée) le mouvement sera toujours vivant dans des centaines d’autres. Plus fructueuse, parce que cette diversité permet l’expérience et la comparaison d’un grand nombre d’idées et de tactiques. Chaque assemblée a son propre mode de fonctionnement. Certaines pratiquent le consensus, d’autres le vote majoritaire, d’autres encore une combinaison des deux (Par exemple : Une pratique du « consensus modifié » qui ne requiert que 90% d’accord). Certaines restent strictement respectueuses de la loi, d’autres s’engagent dans diverses sortes de désobéissance civile. Elles créent différents comités ou groupes de travail pour s’occuper de questions précises, et diverses méthodes pour s’assurer de la loyauté des délégués et porte-paroles. Elles décident la manière de se comporter avec les medias, la police et les provocateurs, et de la façon de se comporter avec d’autres groupes. De nombreuses formes d’organisation sont possibles, l’essentiel est que la situation reste transparente, démocratique et participative ; que toute tendance à la hiérarchisation ou à la manipulation soit immédiatement démasquée et rejetée. Un autre aspect intéressant de ce mouvement est que, en contraste avec de précédents mouvements radicaux qui consistaient en une réunion pour une action un jour précis puis se dispersaient, les occupations actuelles s’installent sans annoncer de date où elles prendront fin. Elles s’installent dans le long terme, pour avoir le temps de laisser pousser des racines et expérimenter toutes sortes de possibilités. Il faut y participer pour comprendre ce qui s’y passe. Tout le monde ne peut pas passer des nuits à occuper des lieux mais presque tous peuvent prendre part aux assemblées. Sur le site : http://occupytogether.org on peut se renseigner sur les occupations en cours et celles qui sont programmées dans plus de mille villes aux USA et plusieurs centaines dans le monde. Les occupations rassemblent toutes sortes de gens venant de milieux très différents. Cela peut être une expérience nouvelle et possiblement déstabilisante pour certains, mais il est impressionnant de voir à quel point les barrières tombent lorsqu’on travaille en commun à un projet collectif excitant. Les méthodes du consensus peuvent, au début, sembler fastidieuses, en particulier si l’assemblée utilise la technique du « micro populaire » (Où l’assemblée répète à voix haute chaque phrase de celui qui parle afin que tous puissent entendre). Mais elles ont l’avantage d’encourager les gens à ne pas parler dans le vide, et après un petit moment, on prend le rythme et on commence à apprécier le fait que chacun se concentre sur chaque phrase et que chacun ait une chance de s’exprimer et voir ses préoccupations trouver une écoute respectueuse chez les autres. Au fil de ce processus, on commence à goûter une nouvelle vie ; la vie que nous pourrions avoir si nous n’étions pas coincés dans un système social aussi absurde qu’anachronique. Tant de choses se passent, si vite, qu’on trouve à peine les mots pour le dire. Ce qu’on ressent, c’est : « Je n’arrive pas à y croire ! Finalement, ça y est, ou ça pourrait y être. Ce que nous attendions depuis si longtemps, le réveil humain dont nous rêvions mais dont nous doutions qu’il se produise de notre vivant. Maintenant c’est là et je sais que je ne suis pas le seul à verser des larmes de joie ». Une femme prenant la parole dans la première assemblée d’Oakland dit : « Je suis ici aujourd’hui, non seulement pour changer le monde, mais pour me changer moi-même ». Je pense que chacun des présents comprit ce qu’elle voulait dire. Dans ce nouveau monde, nous sommes tous des débutants. Nous allons tous faire des tas d’erreurs. Il faut bien s’y attendre. Mais ça ne fait rien. Oui, c’est nouveau pour nous. Mais dans ces conditions nous apprendrons vite. À la même assemblée quelqu’un brandissait un écriteau qui disait : « Il y a plus de raisons d’être enthousiaste que d’avoir peur ». Ken Knabb Bureau of Public Secrets 15 octobre 2011. Traduit de l’anglais par Gédicus (18 octobre 2011) Bureau of Public Secrets, P.O Box 1044, Berkeley CA 94701, USA
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