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Au-delà du nationalisme, mais pas sans mon identité!Anonyme, Wednesday, October 19, 2011 - 19:07
Mathieu Grondin
inspiré de «Beyond Nationalism, But Not Without It» de Ashanti Alston, ex-Black Panther. Comment pouvons-nous réconcilier la lutte de libération nationale avec l'anarchisme dans le contexte post-référendaire québécois ? Ce qui me motive le plus à propos de l’anarchisme et de sa relation au nationalisme québécois, c’est la pertinence du combat pour l’indépendance du Québec en lien avec le combat pour l’émancipation des 99% d’ouvriers, de cultivateurs, cols blancs, intellectuels progressistes, étudiants, travailleurs contractuels, immigrés, autochtones, jeunes et petits bourgeois lucides par rapport au 1% de patrons, exploiteurs, criminels, mafieux, juges, policiers, PDG et autres maîtres-d’oeuvres de la Loi et l’Ordre au profit d’un système qui sacralise les corporations, soient-elles locales ou étrangères. La relation entre le nationalisme québécoise et le combat libertaire m’a permis de comprendre que nous n’avons pas été capable de terminer la Révolution Tranquille parce que nous n’avons pas réalisé l’indépendance du Québec. L’indépendance nous aurait enfin permis de transcender ce débat identitaire schizophrénique, de s’élever AU-DELÀ DU NATIONALISME qui nous empêche aujourd’hui de prendre pleinement notre place dans le mouvement révolutionnaire mondial inspiré des Indignés du 15 mai en Espagne. Au Québec, l’échec du référendum de ’95 et le rejet du nationalisme dans les milieux progressistes québécois dans les deux décennies qui l’ont suivi ont mis un frein à la popularité de nos initiatives et nous a empêché de rejoindre la masse endormie. Le discours mondialiste voulant abolir les différences culturelles et célébrer l’unicité de la race humaine a séduit les progressistes, blasés par la question identitaire. La nationalisme québécois a donc été récupéré par une frange plus radicale du nationalisme québécois qui a toujours été présente depuis Duplessis: la droite identitaire. C’est pourquoi, lors du début de l’occupation du Square Victoria dans le cadre du mouvement mondial «Occupons Ensemble», les activistes arborant la fleur de lys et le drapeau national québécois ont été accueillis avec scepticisme par les anarchistes présents. À l’intérieur des mouvements révolutionnaires québécois, plus proche du mondialisme que de l’internationalisme, le nationalisme a mauvaise presse. Alors qu’aux États-Unis, les militants d’Occupy Wall Street s’affairaient à coudre un drapeau américain géant de 100 mètres de long, ici, à Montréal, le drapeau québécois était perçu comme un outil de division de la classe dominante pour détourner l’attention des exploités de la «vraie lutte», celle contre le Grand Capital. «Nous sommes tous pareils, ce mouvement est mondial. La nationalisme québécois n’y a pas sa place.» était le genre de commentaire partagé par une bonne partie des révolutionnaires sur place. Amis anarchistes, il y a toute sorte de nationalismes et il y a toutes sortes de réactions au nationalisme. Je voudrais vous en parler du point de vue de quelqu’un qui a flirté avec certains nationalismes spécifiques à la société québécoise.
« Le sentiment dévorant de disparaître sur place de ce peuple qui n’en finit plus de ne pas naître.» Le nationalisme québécois a donné un sens à mon identité alors que j’étais un adolescent. Il a « brassé » mon acceptation passive du modèle capitaliste américain et m’a permis de m’imaginer vivre à ma manière, de façon autonome. Je suis un enfant d’Octobre ’70 né au début des années ’80. J’ai lu et entendu Vallières, les Rose, Bourgault, Godin, le docteur Ferron, Charlebois, Lévesque, Vigneault... Il y a eu le FLQ, puis le RIN, le PQ en ’76, le référendum de ’80, Meech, le référendum de ’95... Les gens qui ont construit ces mouvements étaient tous des nationalistes, mais en raison de la dynamique historique d’exploitation des francophones par les anglophones au Québec, les libertaires québécois avaient compris que pour se libérer du Capital, il leur fallait d’abord se regarder eux-mêmes. Point à la ligne. L’exploitation des travailleurs/colonisés (francophones) par les capitalistes/monarchistes (anglophones) ainsi que la défense territoriale de la langue française en Amérique ont été les moteurs du nationalisme québécois des années ‘60 jusqu’au référendum de ’95. Lors de la Révolution Tranquille, nous scandions : AIMONS-NOUS LES UNS LES AUTRES ! LE QUÉBEC EST BEAU ! MAÎTRES CHEZ NOUS ! Après le référendum de ’95, le Québec est entré dans l’ère de la mondialisation néolibérale. La défaite du deuxième référendum et le commentaire raciste d’un Parizeau visiblement éméché à la suite de cette défaite amère et de ce référendum volé m’ont éloigné du nationalisme. Les tentatives de justification subséquentes de certains nationalistes supposément progressistes ou se réclamant des «Patriotes» m’ont déçu. Nous n’avons qu’à comparer l’évolution du vote pour le OUI à travers les différentes région du Québec pour s’apercevoir que les quartiers multiethniques montréalais avaient mieux progressé que certaines banlieues de la région de Québec depuis le référendum de 1980. J’ai voté OUI à ces deux référendums, mais ça ne fait pas de moi un étatiste pour autant. La nécessité de régler la question identitaire a été chaque fois le motif principal de ma participation à cet exercice de votation qui a été suivi par plus de 90% de la population. Lorsqu’on compare les taux de participation des référendums par rapport aux élections, on constate que le projet d’indépendance du Québec a été le moteur de l’engouement politique de la société civile québécoise moderne. J’ai toujours cru que la question identitaire québécoise doit être intimement ancrée à l’intérieur du combat pour une société plus juste. L’auto-détermination du Québec doit passer par l’auto-détermination des individus et l’indépendance des individus passe par l’indépendance du Québec. L’un n’ira pas sans l’autre. Malgré tout, il demeure que la vraie question n’est pas «Voulez-vous vous séparer d’Ottawa ?» mais bien «Voulez-vous vous séparer de Wall Street ?». Il est donc nécessaire de dissocier l’idée de l’indépendance du Québec avec le nationalisme québécois. Le nationalisme et l’étatisme sont différents parce que le nationalisme peut être anti-étatique. En tant qu’anarcho-indépendantiste québécois, je constate que les deux peuvent avoir des similarités au sens où le nationalisme peut être seulement contre certains types d’organisations étatiques comme un État colonial, raciste ou fasciste. L’anarchisme peut donc être similaire au nationalisme au sens où ils peuvent être tous les deux des idéologies anti-coloniales, anti-racistes et anti-fascistes. Cependant, pour moi, en tant que nationaliste québécois, même un parti comme le PQ qui comprend des gens de la droite économique et morale ainsi que des membres qui peuvent promouvoir des propos racistes, homophobes, capitalistes et potentiellement fascistes travaillent tout de même à sauvegarder mon identité francophone sur le territoire nord-américain. Pour moi, même un Lucien Bouchard, vieille belle-mère pas si Lucide, a joué un rôle dans la construction d’une fierté francophone minoritaire en Amérique du Nord. Leur travail «sur le terrain» est très important pour préserver une culture fragile, faite de toute ses rêves et paradoxes, et s’exprimant d’abord dans une langue unique à l’intérieur du contexte nord-américain. Et tant qu’anarchiste québécois, c’est aussi MA LUTTE, parce que c’est MON MONDE. Le but était de démontrer que les mondialistes ne savent pas ou oublient parfois ce que c’est qu’être QUÉBÉCOIS dans un contexte mondialisé où le débat identitaire n’a pas été réglé. Vous n’avez pas le luxe d’ignorer cette problématique qui nous est propre. L’éléphant est et restera dans la pièce. Pardonnez-moi l’anglicisme ! En tant qu’anarchiste post-moderne, la politique de l’identité est importante pour moi. La mondialisation économique vendue à grand coup de slogans publicitaires de type « UN MONDE, UN PEUPLE » vise à effacer les cultures locales au profit d’une culture de la consommation. L’anarchiste mondialiste ne doit pas jouer le jeu du Capital. L’anarchiste mondialiste doit se rappeler qu’il est d’abord un anarchiste anti-colonial qui veut préserver cette diversité d’identités culturelles. C’est une évidence pour les Acadiens aux États-Unis et les peuples autochtones du Mexique. Pourquoi ne l’est-ce pas pour le Québec à l’échelle de l’Amérique du Nord ? Il est facile d’intellectualiser le nationalisme à partir des modèles rationnels, scientifiques et matérialistes hérités des points de vue modernistes et eurocentriques. Bien que cette critique soit appréciable, notre nationalisme à nous a, historiquement, rallié les gens ensemble, nous permettant de nous rappeler notre histoire, de nous aimer nous-mêmes, de rêver et de résister. Nous, les anarchistes québécois et les révolutionnaires libertaires du Québec, comprenons les limites du nationalisme au niveau de son approche parfois sexiste et hiérarchisée, mais nous reconnaissons également qu’il existe des pièges dans la pensée anarchiste mondialiste qui lui font ignorer la problématique du privilège basé sur la supériorité numérique et culturelle de la langue anglaise. Les efforts des membres du FLQ pour construire une organisation/fédération des forces québécoises progressistes sont un exemple de l’union entre le nationalisme québécois révolutionnaire et l’anarchisme. Je crois que le FLQ, même si on le définissait d’abord comme une organisation nationaliste, comprenait la nécessité d’être ancré dans les communautés québécoises à l’aide d’une organisation déhiérarchisée, fonctionnant en «cellules» autonomes autour de «communauté d’intérêts». Ainsi, les expériences du FLQ, au même titre que celle des Black Panthers aux États-Unis, ont été essentielles pour construire un mouvement politique radical québécois. La question est donc de savoir si les anarchistes mondialistes peuvent travailler avec ce genre de groupe. Même si ce groupe n’existe plus aujourd’hui, la question demeure pertinente au même titre que l’expérience qu’ils ont à nous offrir. Les anarchistes mondialistes doivent être des ALLIÉS ANTI-RACISTES et ANTI-COLONIAUX des communautés et des activistes nationalistes québécois, particulièrement des activistes nationalistes puisqu’ils sont souvent la porte d’entrée vers l’établissement d’une relation sociale avec les communautés québécoises. La théorie anarchiste et sa pratique ne peuvent prendre la forme d’une simple adhésion aux mantras des Pères Fondateurs comme Kropotkine, Bakounine ou la Guerre Civile espagnole. Je suis tanné d’en entendre parler ! L’anarchisme ICI, dans NOTRE Babylone, doit adresser nos problèmes uniques et trouver nos propres manières d’y mener la lutte. Et notre lutte n’est pas simplement contre le capitalisme. Ce serait trop facile. Notre lutte n’est pas que contre le racisme. Ça aussi, ce serait trop simple. Il y a plein de -ismes négatifs contre lesquels nous devons nous battre; il y a toute sorte de mondes possibles pour lesquels nous nous battons. C’est pourquoi je crois que l’idée et la pratique des assemblées populaires et de la recherche du consensus sont si importantes pour les activistes contemporains puisqu’ils nous permettent de créer un espace pour faire entendre toutes les «voix» possibles afin de les prendre en considération dans le processus de décision de manière à ce que toute activité que nous entreprenions puisse préfigurer le genre de mondes possibles que nous désirons bâtir. Je divague n’est-ce pas ? Mes excuses. En terminant, je voudrais offrir ce conseil: ANARCHISTES MONDIALISTES, SOYEZ LES MEILLEURS ALLIÉS ANTI-RACISTES ET ANTI-COLONIAUX QUE NOUS POUVONS AVOIR. NOUS AVONS BESOIN DE VOUS, MAIS NOUS MÈNERONS À BIEN CE PROJET SANS VOUS SI NÉCESSAIRE. Et à mes frères nationalistes: IMAGINEZ... Imaginez un monde fabriqué de mondes possibles à l’intérieur desquels le principe de co-existence traverse l’immense diversité des identités individuelles qui construise notre identité nationale. Hochelaga / Montréal-Nord / le Rigodon / le Rap québécois / le Rock en français / nos Cégeps / les villages de Charlevoix / le Village de Montréal / Felquistes / Patriotes / Catholiques / Athéistes / Squatteur / Sans-abri / Membre d’une coopérative / Gens du Plateau / Fonctionnaire de Limoilou / Poètes / Nomades / et puis tout ceux d’entre nous qui sont sans malice et animés d’une folie rêveuse au moment où nous devons absolument en être animé ainsi qu’à tout ceux qui souhaite entreprendre ce voyage à travers et entre les communautés, en créant ainsi parfois de nouvelles... SI ON SE DONNAIT LA CHANCE DE CHANGER ?
« Les défis que soulève l’évolution de l’humanité, à chaque étape historique, apparaissent toujours, à première vue, comme insurmontables. La description, que l’on se fait à soi-même et que l’on raconte aux autres, de cette société sans exploitation pour l’avènement de laquelle on est prêt à se battre, ressemble à un roman de science-fiction… l’Utopie, quoiqu’en dise les idéologues du capitalisme, du néocapitalisme et de l’impérialisme, n’est pas une utopie de philosophe : elle résume des aspirations qui demandent non seulement à être perçues et comprises, mais avant tout à être réalisées. L’Utopie n’est pas non plus le point final, le terminus de l’évolution humaine. Au contraire. Elle n’est que le point de départ, le commencement, le premier stade de l’histoire nouvelle que les hommes entreprendront ensemble…» Et si on se donnait la chance de faire du Québec un société autrement ? Nous devrons nous élever AU-DELÀ DU NATIONALISME tout en prenant la pleine mesure de notre auto-détermination, embrassant la diversité de nos croyances, de nos modes de vie et de nos arrangements économiques respectueux, réunissant les Amoureux de la Terre avec une Terre Aimante. Un peu d’imagination et tout est possible. Le prochain référendum devra se gagner par consensus ! Nous sommes les 99% ! |
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