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Utopies réformistesAnonyme, Saturday, February 26, 2011 - 17:19
Le Réveil - Journal de la nébuleuse autonome romande
C’est la crise. Ça, tout le monde le sait. Les mouvements le crient pour annoncer la révolution imminente qui, immanquablement, arrivera d’ici peu, les syndicats l’utilisent comme moyen de pression pour prétendre à des augmentations salariales, les gouvernements l’exploitent comme passe-partout grâce auquel ils peuvent imposer l’austérité à travers la rhétorique hypocrite « il faut serrer la ceinture » et, finalement, le patronat en tire profit en se faisant octroyer des milliards par les citoyens grâce aux subventions étatiques. Pourtant, parmi ces fleuves de paroles, d’analyses, de prédictions, de prévisions, d’espoirs et de crainte, quelque chose manque. Ce qui est échappe au débat public, si tant est qu’il en a jamais existé un au sujet, est le caractère structurel de cette crise. Le manque de changement dans la (non)-régulation du (nouveau ?) marché financier qui gouvernait et continue à gouverner l’économie mondiale en est la preuve incontestable. Vite oubliée, la rhétorique obamienne d’un système malade qui s’était poussé trop loin, on a recommencé joyeusement à faire du fric : en 2010, le nombre de milliardaires est passé de 793 à 1011 et leur patrimoine cumulé représente 3 600 milliards de dollars, en hausse de 50% par rapport à l’année dernière. Mais, au centre de la contestation, on a toujours posé la question de la crise dans un aspect plus ou moins conjoncturel, négligeant, en bonne ou mauvaise foi, le cadre général. Les vides défilés contre l’austérité, la précarité ou la délocalisation sont tous, a priori, voués à l’échec - autant comme pratique de lutte que comme cadre de réflexion politique - car ils ne règlent pas leurs comptes avec la divinité maître de notre société totalitaire contemporaine : l’accumulation du capital. Concept invisible et tautologique, car la fonction de l’argent est, évidemment, de créer plus d’argent : la boucle est infinie. Comme le met brillamment en évidence David Harvey, le capitalisme n’a jamais résolu ses problèmes structuraux, mais il les a tout simplement « fait tourner ». Même les libéraux les plus bornés n’ont pas pu nier, lors de cette crise, d’avoir négligé le poids de ce qu’ils qualifient de « risques systémiques ». Autrement dit, dans une formulation un peu moins hypocrite, on avait oublié les « contradictions intrinsèques à l’accumulation du Capital ». Marx nous disait, justement, que ce que différencie le Capital des simples échanges marchands c’est le fait que il se préserve et se perpétue dans et à travers la circulation. Sic et simpliciter, il ne peut pas tolérer des limites. Hier, pour garder la demande (et donc la production) élevée, on a gonflé le crédit, notamment à travers les cartes bancaires et les prêts sub-primes en créant une énorme dette qui a explosé soudainement. Demain, peut-être, ce sera le tour des l’économie verte de relancer le marché. Mais peu importe ! Après l’explosion de cette bulle, il y en aura sûrement une autre, puis une autre encore, car le capitalisme se base sur l’exploitation de nouvelles terres vierges, qu’elles soient des lieux physiques à (néo)coloniser ou des nouveaux pâturages de spéculation à investir. Comme nous dit Bauman, ce système est un parasite qui ne peut pas être complet et cohérent en même temps : soit il est cohérent avec ses principes, et alors surgissent des nouveaux problèmes insurmontables pour l’économie (les crises cycliques), soit il essaye de survivre, mais ne peut pas éviter de tomber dans l’incohérence avec ses propres principes (l’aide de l’Etat). Quelle naïveté dans ces élans d’indignation de la gauche et des populistes envers le démantèlement de l’Etat social, alors qu’il ne s’agit de rien d’autre que de la conséquence logique, presque banale, de l’accumulation du Capital ! Quel intérêt à donner un contrat à temps indéterminé à un travailleur quand dans six mois je pourrai choisir de le garder s’il m’est toujours indispensable ou bien constater son inutilité et le remercier ? Où est l’avantage de garder dans d’éphémères frontières nationales les processus de production, quand les coûts de transports ont tellement chuté ces dernières 30 années au point que l’on peut produire pour un tiers du coût à l’autre bout du monde ? Quelle possibilité de garder une sécurité sociale si l’argent des taxes doit être donné pour sauver les entreprises des nantis, sinon la société (ses privilèges et ses privilégiés) s’effondrerait sur elle-même ? Le paradoxe est que, dans un moment aussi fécond pour la remise en question de l’existant, les combats de syndicats et de la « société civile » en Europe ont été, jusqu’à maintenant, « à la baisse » et vides de sens. Face à cette situation, la modération est prônée comme une attitude raisonnable. On nous dit qu’avancer par petits pas est indispensable, et que défendre les droits acquis est une nécessité incontournable. … Quelle gros amas de merde ! Au lieu de contre-attaquer on se limite à pleurnicher pour avoir la sécurité d’être exploité à vie comme nos parents ou réclamer qu’après une existence perdue à gagner notre vie, ils nous laissent quelques années de maigre retraite avant de crever. Ces requêtes ne sont pas seulement humiliantes, mais aussi impossibles à réaliser car elles demeurent incompatibles, aujourd’hui plus que jamais, avec ce monstre insatiable qu’on appelle Capital. Les situations contingentes de nôtre esclavage ont évolué. La précarité ou l’austérité, bien qu’elles ne soient que la pointe de l’iceberg, sont les réalités merdiques que nous subissons au quotidien, par conséquent, leur adresser une critique farouche n’est pas seulement crucial au niveau communicationnel mais, pour nous, c’ est une nécessité immédiate et libératrice. Il ne s’agit donc pas d’éviter de critiquer les nouvelles évolutions de ce monstre multi-forme, car « nous voulons tout » ne coïncide pas avec « rien ne change jamais » ! Essayons tout simplement de garder dans nos esprits et dans nos luttes l’idée que tout changement est illusoire sans une remise en question totale de l’existant. Ces crises cycliques sont la preuve incontestable que le capitalisme non seulement EST la famine et l’exploitation pour la majorité de l’Humanité, mais que de surcroît c’est un système qui n’est même pas capable de survivre à lui-même ! Nous voulons abandonner toute velléité de retour à une soi-disant “belle époque” morte et enterrée de l’Etat-providence, pour relancer en avant, et plus en avant encore, la critique d’un système qui est entrain de s’écrouler. Aucune révolution n’est envisageable sans la destruction du système de valeur qui rend possible la reproduction de ce cancer. La monétarisation des rapports interpersonnels et de la culture, la condition de salarié, le concept de vente et d’échange, la croissance économique, la solidarité, la propriété, l’identité de classe, le métissage, la spiritualité, la participation, le contact avec la terre, la sacralisation de la marchandise, la distorsion des concepts de valeur et travail doivent être au centre du débat populaire pour arriver à vivre avec une nouvelle palette de valeurs qui permettra finalement au Pouvoir de l’Amour de vaincre sur l’amour du pouvoir. Soyons raisonnable, exigeons l’impossible Sources : 1 http://www.forbes.com/lists/2010/10...
Le Réveil - Journal de la nébuleuse autonome romande
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