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L’UCL est-elle devenue conspirationniste?Anonyme, Monday, September 13, 2010 - 20:28
Le Drapeau rouge-express
Dans un texte publié dans le numéro de septembre du journal Le Couac et reproduit sur le blogue La Commune, un militant de l’Union communiste libertaire (UCL), Marc-André Cyr, revient sur les événements entourant le G20 à Toronto. Il se questionne sur le rôle de la police en cherchant à savoir «comment les radicaux ont-ils malgré tout réussi à brûler quatre voitures de police et à fracasser les vitrines d’une cinquantaine de multinationales». Question qui peut être pertinente d’un point de vue progressiste si nous voulons répéter l’exploit et améliorer la capacité d’action des forces révolutionnaires. Par contre, l’article semble ici être abordé d’un point de vue réactionnaire, puisque les questionnements de l’auteur paraissent être orientés afin d’éviter qu’une action de masse comme celle-ci se reproduise. De plus, l’auteur semble croire que le peuple en colère est incapable de se révolter et de commettre des actions directes contre les symboles du système capitaliste sans un petit coup de pouce de l’État. C’est ainsi que, malheureusement comme plusieurs camarades, il succombe aux thèses conspirationnistes et laisse croire que le Black Bloc n’est qu’un regroupement de policiers et que le service de police a délibérément laissé la casse avoir lieu sans intervenir. N’en déplaise aux conspirationnistes convaincus que le Black Bloc n’est qu’un ramassis de policiers et que celui-ci est une entité manipulée par l’État, il y a une partie de la population qui en a assez de l’ordre établi, qui ose se révolter ou qui n’hésite pas à approuver ces gestes. Je ne nie pas la présence de policiers en civil, puisqu’il y en a dans toutes les manifestations qui remettent en cause l’ordre politique. Je ne nie pas non plus la présence de policiers s’habillant en noir pour infiltrer les contingents de militants radicaux. D’ailleurs, ces agents déguisés sont bien souvent rapidement repérés et dénoncés par ceux-ci, qu’ils soient ou non du Black Bloc. Ce fut d’ailleurs le cas à Montebello, ce que les conspirationnistes oublient souvent de préciser, ou lors de la dernière manifestation du COBP le 15 mars 2010 où ils se sont fait sortir de celle-ci ainsi qu’à celle de la CLAC le 1er juillet dernier, où ils se sont fait empêcher d’y entrer. Tout comme je ne nie pas que ces agents costumés puissent avoir l’intention d’effectuer des gestes pouvant faciliter l’attaque de commerces ou l’affrontement avec les forces de l’ordre. Par contre, cette tactique de provocation de la part des policiers ne mène à rien. Si les militants radicaux ont l’intention d’affronter les flics ou de faire de la destruction ciblée, il y en aura et elle sera minimalement planifiée. Ils n’ont pas besoin de policiers pour les motiver. De même que si les militants veulent une manifestation sans confrontation directe, il n’y en aura pas. C’est bien souvent à ce moment que les policiers déguisés sont démasqués, car ils ne comprennent pas les subtilités des enjeux politiques qui font qu’une manifestation doit être confrontationnelle ou non. De plus, comme le Black Bloc est une stratégie de lutte assez spontanée et non une entité uniforme, il est pratiquement impossible de diriger en entier cette mouvance. Sauf si les policiers infiltrés sont plus nombreux que les radicaux eux-mêmes, ce qui n’est assurément pas le cas. En fait, ces policiers servent plus souvent à identifier les manifestants radicaux qui affrontent les flics ou qui font des dommages ciblés. Ainsi, ils auront peut-être une pierre dans la main, mais ils ne la lanceront pas. Par contre, ils observent qui le fait. La question alors soulevée est de savoir pourquoi ces flics déguisés ne font-ils pas d’arrestations sur le fait. Tout simplement parce que les manifestants radicaux s’entraident et contre-attaquent, contrairement aux pacifistes, afin de libérer un camarade qui se fait coincer par des policiers en civils. Ce fut d’ailleurs le cas à quelques reprises à Toronto. Ils s’entendent également pour forcer le passage vers une ligne de flics plus affaiblie afin d’éviter un encerclement. Ce qui fut justement le cas dans le quartier des affaires où les premières voitures de police ont été incendiées. Il y a sûrement des flics dans le Black Bloc, ça ne fait aucun doute. Est-ce que ça fait de tous ceux qui y participent une bande d’agents provocateurs? Non, je ne crois pas. Alors, un ramassis d’agents perturbateurs? Dans le sens de troubler l’ordre social et politique, alors ça oui, sans aucun doute. Concernant son affirmation sur l’abandon volontaire du centre-ville par les policiers: est-ce que nous pouvons parler de volontariat lorsque les policiers reculent et abandonnent leurs véhicules sous une pluie de projectiles ou devant une foule hostile? Je ne crois pas, et c’est bien ce qui s’est passé. La première auto-patrouille a été abandonnée après qu’elle eut été attaquée par les manifestantes et manifestants. Alors qu’un policier était toujours à l’intérieur et que ses collègues essayaient, sous le tir de balles de golf, de lui venir en aide. Tandis que les policiers des autres véhicules qui ont été incendiés ont fui devant la foule arrivant rapidement sur eux. À ce moment, ils avaient le choix d’abandonner leurs véhicules et fuir à pied ou foncer sur les manifestantEs, puisqu’ils pouvaient difficilement reculer vers le périmètre. C’est au moment où le Black Bloc et la foule qui l’entourait remontaient Yonge Street, après avoir évité l’encerclement près du périmètre, que les policiers ont reçu l’ordre de ne pas intervenir. Pourquoi? Tout d’abord, parce que leur mission première de protéger le périmètre de sécurité était accomplie. De plus, après avoir été dépassés par les événements, laisser les choses traîner leur permettait de regrouper leurs forces et de préparer leurs interventions. Ensuite, intervenir sur des rues commerçantes achalandées au moment où le Black Bloc était en pleine action aurait été trop risqué pour leur sécurité, celle des passants et des commerces. Puis, il ne faut pas se le cacher, cela pouvait alimenter leur campagne de peur et permettre de justifier après coup l’énorme présence policière, ainsi que la répression qui devait suivre. Bien qu’il n’y ait que les pacifistes, les réformistes et les légalistes qui peuvent croire que l’État bourgeois n’utilisera pas tous les moyens nécessaires pour défendre son existence. Nous sommes loin du complot orchestré par l’État, et c’est pourquoi ce genre de position de la part d’une organisation qui se réclame de l’anarchisme peut surprendre. Alors que nous pourrions croire, peut être à tort, que ses militantes et militants ont participé activement aux tentatives de se rendre au périmètre de sécurité le samedi après midi. À moins que dans la réalité, ils aient tous volontairement suivi le trajet, encadré et approuvé par l’État, de la manifestation des groupes communautaires et syndicaux pour éviter toute possible confrontation? Dans ce cas, l’UCL bien que révolutionnaire en parole, seraient indéniablement réformiste dans ses actions. Alors, pourquoi une organisation communiste révolutionnaire défend les actions d’un Black Bloc composé à majorité d’anarchistes? Car ces gestes favorisent une rupture avec les règles du jeu propres à l’ordre capitaliste et à son consensus pacifique de manifestations qui ne dérangent aucunement les dirigeants. Pas que la destruction de quelques vitres les dérange. Ce serait naïf de le penser, mais plutôt que cela contribue à casser le conditionnement des militantes et militants qui croient que nous ne pouvons rien faire contre l’État. Ces actions prouvent que la résignation ne doit pas dominer. Qu’il est possible de gagner dans la rue, même si ce n’est que temporairement. Pas que des actions directes ne soient indispensables à chaque manifestation, loin de là. Par contre, il ne peut y avoir de lutte de classe sans développement d’une résistance offensive, et il faut comprendre que la résistance ne s’arrête pas là où commence le Code criminel bourgeois. Surtout, bien qu’il faut applaudir ces gestes ciblés de destruction de symboles du capitalisme, il faut tout faire pour éviter que ce genre d’action ne soit qu’une soupape servant à faire sortir la pression que nous subissons en tant qu’exploité. Pas que ce soit nécessairement mauvais, mais c’est insuffisant. Si le but ultime est de faire la révolution, il faut alors faire un pas de plus vers celle-ci avec la création d’organisations révolutionnaires fortes. C’est ce désir d’essayer d’encadrer, de canaliser cette violence justifiée et nécessaire à l’aide d’un parti révolutionnaire qui nous différencie, entre autres, des anarchistes. Tandis que c’est le désir d’agir, que ce soit ou non dans le cadre légal bourgeois qui nous différencie, des organisations communistes réformistes et légalistes. Ian Karl Bakker
-- Article paru dans Le Drapeau rouge-express, nº 239, le 14 septembre 2010.
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