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Quelques fausses notes dans le concert d’éloges envers le prochain chef de policelacrap, Monday, August 23, 2010 - 23:27 Incapable de supporter davantage les acclamations sans fin saluant le choix de Marc Parent à la tête de la police de Montréal, la Coalition contre la répression et les abus policiers décide de briser l’unanimité. Non mais c’est vrai, qu’est-ce qu’ils lui trouvent tous à ce haut-gradé qui ambitionne de devenir chef des flics à la place du chef des flics depuis nombre d’années ? Identifié comme le candidat de la puissante Fraternité des policiers, Marc Parent s’est illustré en tant qu’ardent défenseur du Taser, une arme meurtrière de sinistre réputation. Qui plus est, ce même Marc Parent que l’on présente comme étant un officier à la « conduite irréprochable » qui serait « bien vu des communautés culturelles » a pourtant été condamné par un tribunal à verser des milliers de dollars en dommages-intérêts pour avoir associé à tort des Montréalais d’origine algérienne à un réseau terroriste, lors d’une conférence de presse qui contribua à alimenter l’amalgame entre les arabes et le terrorisme. Le 19 août dernier, le maire de Montréal, Gérald Tremblay, annonça qu’il avait arrêté son choix sur Marc Parent pour succéder à Yvan Delorme au poste de directeur du Service de police de la ville de Montréal (SPVM). Depuis, les éloges ne cessent de pleuvoir sur celui qui sera vraisemblablement appelé à prendre les rennes du deuxième corps policier municipal en importance au Canada. Identifié à « l’aile gauche » (?) du SPVM (1), Marc Parent serait à la fois apprécié des flics de terrain et des groupes communautaires tout en étant « bien vu des communautés culturelles ». Son éventuelle nomination à la tête du SPVM fut saluée par les représentants de l’opposition municipale, le syndicat policier montréalais et même par Brunilda Reyes, la dirigeante des Fourchettes de l’espoir, un organisme communautaire basé dans l’arrondissement de Montréal-Nord. (2) Bref, à en croire ce qu’on lit et entends de part et d’autres dans les médias, le futur chef de police serait aimé de tous et jouirait d’un consensus quasi-universel. Cette symphonie de louanges n’est cependant pas le fruit d’un bienheureux hasard, mais constitue plutôt un signe parmi d’autre que le futur no.1 du SPVM préparait soigneusement son accession à la tête du corps policier municipal depuis longue date. Déjà, en 2005, il avait tenté sa chance lors de la course à la direction au SPVM, mais il n'avait pas été convié à la dernière étape du processus. « Marc Parent est quelqu'un de patient », souligna Jacques Bourgault, qui dirigea son mémoire de maîtrise à l’École nationale d’administration publique. (3) Question de ne pas louper sa seconde chance, Parent s’est vraisemblablement attelé à la tache de cultiver ses réseaux de relations, sans oublier les incontournables tournées de poignées de main. À l’image d’un politicien cherchant à plaire au plus grand nombre de gens, l’aspirant chef de police ne rata pas une occasion de se faire voir. En voici quelques exemples. En juin 2009, Marc Parent associa son nom à la visite très médiatisée de Zinédine Zidane dans l’arrondissement de Montréal-Nord. Classé trois fois meilleur joueur mondial de l’année par la Fédération Internationale de Football Association, Zidane fait figure d’idole auprès de milliers de jeunes de couleur des quartiers défavorisés, dont ceux de Montréal-Nord, qui se reconnaissent en lui en raison de ses origines modestes. Cherchant à capitaliser sur l’engouement suscité par la venue de cette superstar du soccer, Marc Parent devint centre droit le temps d’un match amical opposant l’équipe de Zidane à celle de policiers du SPVM au stade Percival-Molson. (4) Lorsqu’un journaliste lui demanda d’expliquer pourquoi l’équipe de Zidane devrait affronter des flics, Parent alla jusqu’à comparer le SPVM à l’Unicef. « On s'implique beaucoup avec des projets comme le Rebondi, où des patrouilleurs distribuent des ballons quand ils vont dans les parcs », affirma-t-il à La Presse. (5) Il va sans dire que la distribution de ballons aux jeunes apparaît plus sympathique que la distribution de contraventions pour des infractions à la réglementation municipale, comme le flânage ou encore de jouer aux dés dans un parc… Au mois de juillet suivant, Marc Parent s’impliqua dans l’organisation d’une « mobilisation éclair » – ou « flash mob » – en hommage à une autre vedette très populaire auprès des jeunes de couleur, Michael Jackson, décédé quelques semaines plus tôt. Or, Le Devoir révéla peu après que la « flash mob » n’avait rien de spontanée en fin de compte. (6) En effet, pas moins de trois boîtes de communication avaient prit part aux préparatifs entourant cet hommage spectaculaire envers le « roi de la pop ». Spontané ou non, Marc Parent ne cacha pas sa joie d’avoir pu mettre son grain de sel dans ce happening encore une fois bien médiatisé. « On a participé à la mise en scène », se félicitait-il au Téléjournal de Radio-Canada. (7) Le maire Tremblay aura beau répéter à qui veut bien l’entendre que la puissante Fraternité des policiers et des policières de la Ville de Montréal n’a eu « aucune influence » sur son choix, il n’en demeure pas moins qu’il s’est montré parfaitement incapable d’expliquer clairement ce qui avait fait pencher la balance en faveur de Marc Parent. Ainsi, durant la conférence de presse du 19 août, le maire énuméra une longue liste de qualités qu’il attribuait à Parent, avant d’ajouter à la toute fin qu’il reconnaissait les mêmes aptitudes à son rival Jean-Guy Gagnon, no.2 du SPVM et bras droit du chef sortant, Yvan Delorme. (8) Dans les faits, la Fraternité a obtenu ce qu’elle voulait… une fois de plus. Durant la course à la chefferie du SPVM, la position publique de la Fraternité se résumait en effet à dire ceci : n’importe-qui-sauf-Jean-Guy-Gagnon. Le Journal de Montréal alla même jusqu’à écrire que « c’est un secret de polichinelle que de savoir que Parent était le choix du syndicat ». (9) De son côté, le président de la Fraternité, Yves Francoeur, ne cacha pas sa satisfaction de voir Parent hériter du poste de directeur du SPVM. (10) En fait, pour quiconque connaît moindrement le redoutable pouvoir d’influence du syndicat policier montréalais, mais aussi son histoire, il est difficile de concevoir que l’opinion de la Fraternité n’ait pesée aucun poids dans la sélection du prochain chef du SPVM. Sur son site web, la Fraternité laisse sous-entendre qu’elle a déjà réussie à avoir la tête de deux directeurs du Service de police de la Communauté urbaine de Montréal (l’ancêtre du SPVM) par le passé. Dans le premier cas, le syndicat avait reproché au chef de police de l’époque, Roland Bourget, son attitude à l’égard de l’agent Allan Gossett après que celui-ci eut abattu un jeune homme Noir, Anthony Griffin, dans le stationnement d’un poste de police, le 11 novembre 1987. Âgé de 19 ans, Griffin n’était pas armé au moment où l’agent Gossett lui tira une balle dans la tête. « La Fraternité, qui a soutenu son policier financièrement et psychologiquement durant toute l’épreuve accuse le directeur de police d’avoir fait fi de la présomption d’innocence et d’avoir cédé aux pressions politiques et à la fureur publique. Le directeur Bourget prendra sa retraite peu de temps après cette controverse », lit-on sur le site web du syndicat policier. (11) Dans le deuxième cas, pas moins de 2000 membres de la Fraternité prirent la rue par une journée glaciale du mois de février 1992 en brandissant des pancartes sur lesquelles on pouvait lire « Urgent : chef demandé » après que le directeur du SPCUM, Alain Saint-Germain, eut critiqué publiquement le sergent Michel Tremblay pour avoir enlevé la vie à un jeune homme Noir, Marcellus François, 24 ans, lors d’une désastreuse opération de filature, le 3 juillet 1991. À l’instar de Griffin, François n’était pas armé lui non plus lorsqu’il fut abattu d’une balle dans la tête. Durant l’allocution qu’il prononça lors de l’imposante manifestation policière, le président de la Fraternité de l’époque, Yves Prud’homme, avait dit de Saint-Germain qu’il n’avait pas « pas de sang de police dans les veines ». (12) Voici comment le syndicat décrit cet épisode sur son site web : « La Fraternité organise à son tour une "marche du respect" pour protester contre la condamnation publique du policier de la part du directeur Saint-Germain, avant même de connaître les conclusions de l’enquête du coroner et du commissaire à la déontologie policière. Le directeur démissionnera lui aussi après cette affaire ». Certains lecteurs se demanderont peut-être quel rapport peut-il bien y avoir entre les prises de position de la Fraternité relativement aux affaires Anthony Griffin et Marcellus François, d’une part, et la succession d’Yvan Delorme à la tête du SPVM, d’autre part. Hé bien, tout indique que l’attitude de la haute direction du SPVM relativement à une autre bavure policière qui coûta la vie à un jeune homme, lui aussi non-armé et issu d’une minorité, joua encore une fois un rôle significatif dans la désignation du chef de police. Comme l’ont rappelé plusieurs médias, comme Canoë (13) et le chroniqueur de La Presse Patrick Lagacé (14), Jean-Guy Gagnon, le seul et unique rival de Marc Parent au « dernier tour » de la course à la chefferie du SPVM, s’était fait beaucoup d’ennemis au sein des rangs policiers après avoir fait acte de présence au salon funéraire où était exposé Fredy Villanueva, un jeune de 18 ans abattu par un policier dénommé Jean-Loup Lapointe, à Montréal-Nord, le 9 août 2008. Un enquêteur du SPVM déclara même à un journaliste du quotidien The Gazette que cette simple présence aux funérailles de Fredy représentait ni plus ni moins que le « baiser de la mort » pour la carrière de l’ambitieux Gagnon. (15) En fait, la Fraternité n’a jamais pardonné à Gagnon d’avoir mit les pieds aux funérailles de Fredy. « Ce n’était pas la place du service de police. Les policiers ne l’acceptent pas du tout. Ils se sont sentis trahis », dénonça Yves Francoeur en entrevue au Journal de Montréal. (16) Le syndicat policier était si outré qu’il alla jusqu’à adopter une motion de blâme lors d’une assemblée spéciale. Le texte de la motion reprochait plus particulièrement à la haute direction du SPVM d’avoir « donné l’impression d’avoir plus de compassion pour la famille [du défunt] que de considération pour les policiers ». (17) Pour le syndicat policier, la direction du SPVM aurait dû se porter à la défense de l’agent Jean-Loup Lapointe devant l’opinion publique. Selon Francoeur, le chef de police aurait dû dire à ses troupes « je vous fais confiance, je vous soutiens ». Bref, aux yeux de la Fraternité, le devoir d’un « vrai » chef de police est de défendre inconditionnellement, pour ne pas dire aveuglément, les flics en toutes circonstances, même lorsqu’ils commettent l’irréparable en « tirant dans le tas », comme l’a fait l’agent Jean-Loup Lapointe, le 9 août 2008. Ce reproche ne va pas sans rappeler les critiques que la Fraternité avait adressées aux chefs Bourget et St-Germain à l’époque des affaires Griffin et François. Deux décennies plus tard, l’affaire Villanueva nous donne l’occasion de voir que la Fraternité fait toujours preuve de la même absence de compassion envers les victimes de bavure et leurs proches. Cette persistance dans l’insensibilité nous force à constater que l’attitude de la Fraternité dans l’affaire Villanueva n’est pas le résultat d’un dérapage isolé survenu dans des circonstances particulières, mais témoigne bien au contraire de l’existence d’une sous-culture policière, caractérisée par l’apologie de la violence et du recours à la force meurtrière, laquelle est bien enracinée dans les milieux constabulaires. Puisque la défaite de Jean-Guy Gagnon apparait en partie attribuable à la présence de celui-ci aux funérailles de Fredy, les flics arrivistes dotés d’un appétit de pouvoir insatiable, en particulier ceux qui aspirent à devenir un jour chef des flics, vont comprendre que les gestes de sympathie envers les victimes de bavure et leurs proches, aussi symboliques et opportunistes soient-ils, ne sont pas du tout payant pour mousser une carrière et sont même susceptibles d’entraver l’ascension vers le sommet de la hiérarchie policière. Fort de cette leçon, si jamais un autre jeune de couleur non-armé avait le malheur de tomber lui aussi sous les balles d’un flic à la gâchette facile lors du règne de Marc Parent, alors il y aura fort à parier que le successeur de Delorme ne répétera pas la même « erreur » que son prédécesseur… De toute évidence, la Fraternité pourra dormir tranquille sur ses deux oreilles lors des années à venir puisque le prochain chef de police s’annonce manifestement pour être un flic qui a « du sang de police dans les veines ». Surtout quand on sait qu’il n’a pas peur de vanter publiquement les mérites d’une arme dénoncée de part et d’autres en raison des supplices physiques qu’elle est capable d’infliger. d’une arme de torture En avril dernier, la Commission de la sécurité publique de la Ville de Montréal tenait des audiences publiques portant sur les avantages et inconvénients des armes à impulsions électriques, communément appelées Taser, du nom de son fabriquant basé dans l’État américain de l’Arizona. Lors des auditions, Marc Parent, alors responsable du dossier de l’emploi de la force au SPVM, s’était portée à la défense du Taser en invitant les élus municipaux à résister aux appels de plus en plus nombreux et insistants demandant de bannir cette arme controversée de l’arsenal des forces constabulaires montréalaises. « Avec le Taser, vous pouvez les maîtriser plus rapidement. Si on ne l'avait pas, nous aurions besoin de plusieurs policiers pour y arriver », avait alors déclaré Parent. (18) Ainsi, le fameux rapport du Comité contre la torture de l'Organisation des Nations unies (ONU) condamnant le Taser ne semblait pas avoir ébranlé les certitudes de Marc Parent quant aux vertus douteuses qu’il attribue au pistolet à impulsions électriques. « Le Comité s'inquiète de ce que l'usage de ces armes provoque une douleur aigüe, constituant une forme de torture, et que dans certains cas, il peut même causer la mort, ainsi (que l'ont démontré) des études fiables et des faits récents survenus dans la pratique », peut-on lire dans ce rapport publié en 2007. (19) Le débat public sur la dangerosité du Taser n’a rien de bien nouveau au Canada. Dès juillet 2004, des médias de l’ouest canadien entreprirent de soulever cette épineuse question après que la police de la ville de Vancouver eut été appelée à enquêter sur deux décès survenus en moins d’un mois lors desquelles des policiers eurent recours au Taser. (20) Depuis 2003, le Taser joua un rôle dans au moins 29 décès au Canada. Le décès le plus récent est celui d’Aron Firman, 27 ans, qui perdit la vie à Collingwood, en Ontario, le 24 juin dernier, après avoir été atteint de décharges électriques projetés par un agent de la police provinciale de l’Ontario. (21) Selon le site web Truth not Taser, au moins 503 personnes ont perdu la vie à la grandeur de l’Amérique du Nord suite à des interventions des représentants des forces de l’ordre lors desquelles le pistolet à impulsions électriques a été utilisé. (22) La position pro-Taser de Marc Parent est d’autant plus indéfendable quand on sait que cette arme meurtrière est loin de faire l’unanimité parmi les policiers eux-mêmes. Ainsi, dès 2001, le détachement de la GRC de la ville de Prince George, en Colombie-Britannique, exprima des doutes quant au niveau de performance du Taser. Ainsi, durant une période d’essai de six mois, la GRC de Prince George fit appel au pistolet à impulsion électronique à trois occasions lors d’interventions policières. Or, le Taser se montra inefficace deux fois sur trois. Tant et si bien que les policiers de la GRC délaissèrent le Taser pour recourir à la force physique lors de la troisième intervention. (23) Par ailleurs, les décès de Robert Dziekansky, à Vancouver, et de Quilem Registre, à Montréal, qui survinrent à seulement quelques jours d’intervalles, en octobre 2007, eurent pour effet refroidir les ardeurs de certains corps policiers envers le pistolet à impulsion électrique. Ainsi, en novembre 2007, la Force constabulaire royale de Terre-Neuve annonça qu’elle renonçait à équiper ses patrouilleurs de Taser. (24) De son côté, le service de police de la municipalité de Saskatoon décida de mettre sur la glace ses projets d’achat de Taser. (25) Notons aussi qu’aux États-Unis, les villes de Détroit, Washington DC et Boston ont renoncé à équiper leurs policiers de Taser. Par ailleurs, la Commission de police de la ville de San Francisco a également voté contre le recours aux Taser. (26) Cela étant, le plaidoyer de Marc Parent en faveur du Taser ne laissa pas indifférent les élus municipaux montréalais. En effet, le rapport de la Commission de la sécurité publique recommanda le maintien de l’arme à impulsion électrique dans l’arsenal du SPVM, en restreignant toutefois son utilisation aux situations présentant un risque de mort ou de blessure grave pour le policier ou la personne visée et en limitant le nombre de décharges à une seule. (27) Cependant, il y a lieu de douter que le resserrement des critères entourant le recours au Taser soit une mesure suffisante pour éviter de nouvelles tragédies quand on sait que des documents obtenus par Radio-Canada via la Loi d’accès à l’information ont déjà révélé que les agents du SPVM contrevenaient à la politique d’utilisation du pistolet à impulsions électriques une fois sur cinq, soit dans 20% des cas, en 2006 et 2007. (28) Notons toutefois que le vice-président de la Commission et no.2 du parti d’opposition Vision Montréal, Réal Ménard, se dissocia ouvertement du rapport en se positionnant en faveur d’un moratoire sur le Taser. Parent au racisme anti-arabe Le comble de cette surenchère de flatterie adressée au successeur de Delorme tient peut-être dans l’insistance des admirateurs de Marc Parent à dépeindre ce dernier comme étant un officier de police « apprécié des communautés ethniques » et « réputé pour son approche inclusive envers les communautés culturelles ». Or, le passé de Parent n’est pourtant pas sans tache à ce chapitre, comme en témoigne un jugement rendu par la Cour supérieure du Québec, en 2004. En effet, Marc Parent a été condamné, conjointement avec l’agent Jean-Yves Mailloux et la Ville de Montréal, à verser la somme de 5000$ à deux Montréalais d’origine algérienne, soit Hichem Ayoub et à Hocine Guellal. Les faits de cette affaire remontent au 16 décembre 1999, jour où les noms d’Ayoub et Guellal avaient été associés à un réseau terroriste international lors d’une conférence de presse du SPVM à laquelle avait participé Parent, alors commandant du Poste de quartier 20. Or, il s’est avéré que le SPVM avait tourné les coins ronds puisque ni Ayoub, ni Guellal n’étaient que de simples petits voleurs qui n’avait aucun lien que ce soit avec le terrorisme. À l’époque, Ayoub et Guellal avaient tous deux été arrêtés pour des vols commis dans des véhicules se trouvant sur le territoire couvert par le PDQ 20. Une première conférence de presse avait été tenue le 9 décembre par le commandant Parent sous le prétexte de sensibiliser le public au danger de laisser des objets de valeur dans des véhicules stationnés au centre-ville. (29) Une série de photos de onze individus accusés de vol, méfait et recel, incluant celles d’Ayoub et Guellal, avaient alors été exhibées sur un tableau pour le bénéfice des représentants des médias. Notons qu’à aucun moment il n’avait été question de terrorisme durant cette première conférence de presse. Puis, le 16 décembre suivant, le SPVM tint une seconde conférence de presse. Encore une fois, les photos d’Ayoub et Guellal avaient été exposées sur le même tableau qui avait été utilisé lors de la première conférence de presse. Toutefois, cette fois-ci la photo d’un dénommé Saïd Atmani, déjà arrêté et déporté en France en 1998 pour répondre d’accusations reliées à un réseau terroriste présuméé, avait été ajoutée et apparaissait au sommet du tableau des photos. (En 2001, un tribunal parisien condamna Atmani à purger une peine de cinq années d’emprisonnement pour son rôle dans un réseau de faux passeport). Que s’était-il donc passé entre le 9 et le 16 décembre pour que le SPVM décide de donner une dimension beaucoup plus inquiétante à ce qui n’était à l’origine qu’un simple fait divers ? Hé bien, le 14 décembre, Ahmed Ressam, un autre Montréalais d’origine algérienne, avait été arrêté par des douaniers américains alors qu’il avait essayé de traverser la frontière canado-américaine en conduisant un véhicule transportant 59 kilos de substances explosives. L’arrestation de Ressam fera beaucoup de bruit dans les médias tant canadiens qu’Américains, et contribuera même à nourrir certaines tensions entre Washington et Ottawa au sujet de la lutte au terrorisme, en particulier lorsqu’il fut révélé au procès que le convoyeur de matériel explosif avait été sous la surveillance des services secrets canadiens dans les mois précédent son départ vers un camp d’entrainement d’Al-Qaïda, en Afghanistan. (30) (Ressam purge actuellement une peine de 22 ans d’emprisonnement dans un pénitencier américain (31)). Ainsi, lors de la conférence de presse du 16 décembre, les petits voleurs avaient soudainement été élevés au rang de « cellule de ganstéro-terrorisme algérien ». Le SPVM lança même un appel aux ressortissants algériens, en les invitant à s’abstenir de garnir les « caisses du terrorisme »… (32) Le SPVM aurait voulu mettre la communauté algérienne au grand complet sur le banc des accusés devant le tribunal de l’opinion publique qu’il ne s’y serait pas pris autrement. Ces allégations à la fois gratuites et extrêmement préjudiciables furent reprises dans de nombreux médias québécois et canadiens. Par sa participation à cette scandaleuse conférence de presse, Marc Parent a donc contribué à promouvoir l’amalgame pernicieux entre les arabes et le terrorisme, alimentant ainsi le racisme et les préjugés contre la communauté arabe en général et les immigrants algériens en particulier. Lors du procès au civil, Ayoub et Guellal ont décrit au tribunal les conséquences désastreuses que ces allégations de terrorisme avaient eues sur leur existence. Durant son témoignage, Guellal expliqua que de nombreux immigrants algériens avaient eux-mêmes été victimes du terrorisme dans leur pays d’origine. Guellal parla des disputes, maux de tête, cauchemars, interrogatoires, honte, perte d’amis, isolation, découragement et pleurs. « Si la police l’a dit, ça doit être vrai », se faisait-il souvent répondre par des gens auprès de qui il avait essayé de s’expliquer. « Être affublé du titre de terroriste nous suit toute notre vie », déclara pour sa part Ayoub, qui expliqua avoir dû composer avec le stress, l’angoisse, la tristesse, la paranoïa et l’isolation. Dans son jugement rendu en 2004, le juge Maurice Lagacé reconnu les torts causés aux deux demandeurs, en écrivant ceci : « Ainsi, la réputation d’une personne associée au terrorisme n’est pas qu’écorchée. Elle est entachée, ternie et presque totalement minée, du moins temporairement. » (33) « Les policiers Parent et Mailloux n’avaient aucune raison de croire que monsieur Guellal ou monsieur Ayoub savaient que, à cause des opérations d’un receleur, une partie du fruit de leurs vols pourrait servir à financer des activités terroristes », nota ensuite le juge Lagacé, tout en invitant les policiers à « éviter d’adopter une attitude s’apparentant au maccarthysme ». opposition à l’hôtel de ville ? En constatant l’unanimité sur la scène politique municipale que suscite le choix de Marc Parent à la direction du SPVM, il devient difficile de ne pas se demander s’il reste encore une opposition à l’hôtel de ville. Dans son communiqué de presse, Vision Montréal parle d’une « excellente candidature ». (34) Réal Ménard, le maire de l’arrondissement de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve et membre du comité de sélection du prochain chef du SPVM, déclara qu’il appuiera « avec enthousiasme » le choix de Marc Parent, en se disant convaincu que celui-ci « aura une attitude beaucoup plus ouverte que son prédécesseur ». Même son de cloche du côté de Projet Montréal, le second parti d’opposition au conseil municipal. « Je pense que M. Parent a une sensibilité urbaine approfondie et qu’il est capable d’adapter la police aux enjeux qui surgissent », déclara Luc Ferrandez, maire de l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal et également membre du comité de sélection. (35) Ce n’est pas parce que le choix de Marc Parent n’a pas été critiqué par l’opposition municipale qu’il n’y a pas matière à réprobation. En fait, le présent texte illustre bien au contraire qu’il ne manque pas de motifs de désapprobation envers la candidature de Marc Parent. En fait, si l’opposition municipale n’a pas formulée de critique envers ce choix, c’est plutôt parce qu’elle n’a pas jouée le rôle qui lui revient dans le système politique actuel. Certains observeront avec justesse que l’absence de réserves de la part des deux partis d’opposition est le résultat prévisible de la décision des deux formations politiques d’accepter de devenir partie prenante du processus de sélection du prochain chef de police. Cette décision ne va pas sans soulever certaines questions : - Le rôle premier d’une opposition digne de ce nom ne consiste-t-il pas à critiquer les décisions du parti au pouvoir ? ALEXANDRE POPOVIC Sources : (1) http://www.cyberpresse.ca/actualites/regional/montreal/201008/16/01-4307...
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