|
Arrêtez de nous Taser!François Du Canal, Thursday, May 6, 2010 - 10:09 La déclaration suivante a été déposée à la Commission de la Sécurité Publique de la Ville de Montréal qui a tenu une consultation publique sur l’usage par les policiers du SPVM du Taser. Elle est disponible sur le site de la Commission dédié à la question des Tasers, de même que les mémoires de la Coalition pour le retrait du Taser, de la Ligue des Droits et Libertés, de la Ligue des Noirs du Québec, de Patrick Bolland et du SPVM (http://ville.montreal.qc.ca/portal/page?_pageid=4617,61631570&_dad=porta...). Le président de la Commission, Claude Trudel, a bien tenté de faire taire l’auteur de cette déclaration, sous prétexte du délais de 15 minutes puis de la « pertinence » (alors que je parlais du cas de Quilem Registre, tué par 6 décharges de Taser en octobre 2007!). Trudel a fait fermer le micro et il s’est retenu pour ne pas dire « Taisez(Tasez)-vous! » En espérant que la Ville écoutera les personnes et groupes qui demandent le retrait des Tasers. Ce n’est pas pour rien que l’acronyme du Taser ou « Armes à Impulsions Électriques » donne « AÏE! »… Arrêtez de nous Taser! Déclaration à la Commission de la Sécurité Publique François Du Canal, 27 avril 2010 Bonjour, Je me présente, je milite contre les abus policiers et leur impunité à Montréal depuis plusieurs années. J'ai entre autres milité dans le Collectif Opposé à la Brutalité Policière (COBP), la Coalition contre la Répression et les Abus Policiers (CRAP) et la Coalition Justice pour Anas. J'ai aussi soutenu la famille de Quilem Registre dans leur lutte pour la justice. Je viens vous demander d'arrêter immédiatement d'utiliser des Tasers, un outil de torture qui tue. 1. Le Taser ne sauve pas des vies: il tue Cette Commission se penche sur la question des « avantages et inconvénients » de l'utilisation des Tasers. D'après la compagnie Taser International, les policiers et les politiciens qui les soutiennent, les Tasers seraient une arme « non létale » qui serait supposée « sauver des vies ». Ce soi-disant « avantage » des Tasers est en fait un mensonge, car en vérité le Taser ne sauve aucune vie, il tue. D'après le site internet « Truth... Not Tasers » (http://truthnottasers.blogspot.com/), au moins 477 personnes ont perdu la vie juste en Amérique du Nord après avoir été Tasé par des policiers, dont 28 au Canada. La liste de ces personnes ainsi que beaucoup d'informations se retrouvent sur ce site internet qui a été créé par la famille de Robert Bagnall, décédé en 2004 après avoir été Tasé à Vancouver. La cause du décès est régulièrement contestée par les policiers et par Taser International, qui prétendent que les gens sont morts non pas à cause du Taser mais pour d'autres raisons. C'est comme quand l'agent de la police de Montréal Giovanni Stante a tué Jean-Pierre Lizotte en 1999: ils ont affirmé en cour que les coups de poings donnés au visage de Lizotte alors qu'il était retenu par le portier du Shed Café n'étaient pas la cause de sa mort... Bien qu'il n'est pas toujours facile de prouver que c'est le Taser qui a causé médicalement la mort de quelqu'un, c'est dur à croire que ces 477 personnes seraient mortes de toutes façons même si elles n'avaient pas reçu une ou plusieurs décharges de Taser. En bref, il est complètement faux de prétendre que le Taser ne tue pas ou n'est pas dangereux. 2. Le Taser n'est pas une « alternative » à l'arme à feu, c'est une arme létale de plus (et de trop) Deuxième soi-disant « avantage » du Taser, il serait pour les policiers une « alternative » à l'utilisation d'armes à feu ou encore une « arme d'exception » qui ne serait utilisée que dans des « circonstances exceptionnelles uniquement ».(1) Ceci est encore une fois faux, car les Tasers sont utilisés par des policiers dans des situations où l'utilisation d'une arme à feu ne serait aucunement justifiable. Pour citer un rapport d'Amnistie Internationale sur les Tasers: « Des pistolets paralysants ont été utilisés par les policiers pour venir à bout d’élèves difficiles, de personnes non armées souffrant de troubles mentaux ou en état d’ébriété, de suspects qui s’enfuyaient après avoir commis un délit mineur ou de personnes ayant eu une altercation avec des policiers ou n’ayant pas obtempéré immédiatement à un ordre. Certains éléments de preuve laissent à penser que, loin d’être utilisés dans des circonstances restreintes et bien définies dans le but d’éviter un recours à la force meurtrière, les pistolets paralysants sont devenus le principal outil de contrainte dans certains services de police. »(2) Ce n'est peut-être pas le cas de Montréal où le Taser n'est pas le « principal outil de contrainte », mais cela montre que loin d'être une « alternative » à l'utilisation de l'arme à feu, le Taser n'est qu'une arme létale de plus (et selon nous, de trop), entre les mains des policiers de Montréal et d'ailleurs. 3. Le Taser est un outil de torture Le Taser a été développé à partir des cattle prod, soit des bâtons qui servaient à donner des chocs électriques pour garder les vaches dans les troupeaux. Des gens se sont dits que pour garder les être humains « dans le troupeau » (ou dans le rang si vous préférez), il faudrait aussi trouver un « outil » semblable. De là est né le Taser! Sauf que d'après le comité de l'ONU contre la torture qui en 2007 a recommandé au Portugal de ne pas les utiliser, le Taser serait rien de moins qu'un « outil de torture ». Même le sous-comité consultatif permanent en emploi de la force du Ministère de la Sécurité Publique du Québec (MSP) a dit en 2007 dans un rapport que « un dispositif à impulsions ne devrait pas servir de moyen unique pour contrôler une personne par le mécanisme de la contrainte par la douleur, cela se rapprocherait dangereusement de la torture ».(3) Une bonne raison de l'interdire! 4. La police et Taser International ciblent les personnes qui y sont le plus vulnérables Fait inquiétant, alors qu'il est reconnu que les personnes intoxiquées ou en crise sont plus à risque de mourir si elles sont Tasées, le SPVM et Taser International privilégient l'emploi de cette arme contre les personnes en crise (la « solution idéale », pour le SPVM!). Pourtant, les personnes en crise ont besoin d'aide, elles doivent être considérées au mieux comme une urgence médicale et non pas comme des cibles à abattre et à Taser.(4) 5. L'absence de recherche indépendante et le manque d'information Un autre des problèmes avec les Tasers, c'est qu'aucune recherche indépendante n'a été menée sur les impacts de l'utilisation des Tasers. Ce n'est que grâce aux journalistes, aux familles de victimes et aux militantEs pour les droits de la personne que l'on peut avancer le chiffre de 477 morts causées par le Taser aux États-Unis et au Canada. Les policiers devraient être responsables de rendre des comptes sur l'utilisation qu'ils font des Tasers, mais ils ne le font pas. Malgré tout, on en sait malheureusement déjà plus qu'assez sur le Taser pour savoir qu'on ne veut plus jamais se faire Taser. 6. Des conflits d'intérêt en prime Comme si ce n'était pas assez, la compagnie Taser International est impliquée dans de trop nombreux scandales de conflit d'intérêt impliquant des politiciens, bureaucrates et policiers. Par exemple, Benard Kerik, nommé à la tête du département de Sécurité intérieure par George W. Bush en décembre 2004, était membre du conseil d'administration de la compagnie; Ken Boessenkool, un ancien conseiller de Steven Harper et du ministre fédéral de la Sécurité Publique Stockwell Day, a été embauché comme lobbyiste par la compagnie le 28 novembre 2007; deux jours plus tard, on apprenait que le coroner en chef de l'Ontario, James Cairs, se faisait payer des voyages par la compagnie sans y voir de conflit d'intérêt (!); enfin, plus près de nous, on apprenait en février 2008 dans la Gazette que le SPVM aurait ouvert une enquête interne sur le lieutenant Michel Masse, qui donnait les formations de Taser alors qu'il avait déjà été payé pour faire la promotion de Taser International en Europe! Est-ce que ces liens entre Taser International et des gens du gouvernement et de la police a un lien avec le fait que les policiers utilisent ces armes de torture mortelles? 7. Taser International veut faire taire les critiques des Tasers La compagnie Taser International n'hésite pas non plus à poursuivre en cour les gens qui critiquent cette arme, y compris les familles de victimes de Tasers! Ce n'est pas l'attitude d'une compagnie en qui nous devrions avoir confiance quand ils nous disent d'utiliser leur arme. 8. Les cas d'abus sont nombreux, niés par la direction du SPVM et censurés Outre les cas de morts suite à l'utilisation de Taser, de nombreux cas d'usage « abusif » du Taser sont documentés. Par exemple, le 14 février 2008 la Gazette rapportait que « La police de Montréal utilise mal les Tasers dans environ 1 cas sur 5 » (ou 11 cas sur 53). La Gazette rapportait que Or, deux jours plus tard, l'assistant-directeur du SPVM Jean-Guy Gagnon affirmait que les policiers montréalais avaient agi de manière « appropriée » dans chacun des 53 cas cités par la Gazette! Comme quoi, on voit que la haute direction de la police n'hésite pas à défendre le travail des agents sur le terrain. Pourtant, la Gazette rapportait que dans 11 cas les policiers n'avaient pas respecté les instructions opérationnelles: ils avaient Tasé des gens qui refusaient d'obéir à un ordre ou qui offraient une résistance passive, alors que le Taser n'est censé être utilisé que quand il y a un risque de violence ou de blessure. Encore une fois, les documents internes obtenus par l'Accès à l'Information étaient en partie censurés par le SPVM. Les informations gardées secrètes par la police incluaient dont le nombre de chocs, l'endroit atteint et si la personne a été hospitalisée ou blessée.(5) Ce n'est pas pour nous mettre en confiance, bien au contraire! 9. Alors, qui nous protège des Tasers? Pour nous rassurer sur l'usage du Taser par les policiers montréalais, on nous dit qu'il est supervisé de près et de loin, que les policiers doivent faire des rapports, etc. Mais comme l'exemple ci-haut le montre, les policiers ne veulent pas rendre publics les informations sur leurs abus. Ils pratiquent plutôt l'Omerta (la loi du silence) et le cover-up pour se protéger entre eux. Ce phénomène a entre autres été étudié par la Commission Poitras à la fin des années 1990, dénoncé par les groupes de défense des droits depuis longtemps et même par des policiers et anciens policiers de la SQ récemment. Donc, on ne peut pas se fier aux policiers pour nous protéger d'eux-mêmes quand ils utilisent les Tasers (ou toute autre forme de violence d'ailleurs). On invoque parfois l'idée qu'une meilleure formation aiderait les policiers à mieux nous Taser. Mais ceci n'est pas non plus une protection. À preuve, l'agent Bordeleau qui a tué Quilem Registre en le Tasant 6 fois en novembre 2007 à Montréal avait suivi une formation de deux jours sur son utilisation. Ceci ne l'a pas empêché de briser, ainsi que son collègue, la plupart des procédures d'utilisation du Taser du SPVM et du MSP! En effet, le cas de Quilem Registre est particulièrement éclairant sur le fait que ni une formation ni des procédures officielles ne peuvent éviter les bavures policières avec le Taser. Par exemple, les policiers portaient le Taser à leur ceinture au lieu de le transporter dans un coffret, ils n'ont pas fait de plan ni appelé Urgence-Santé avant d'intervenir, ils ont utilisé plusieurs décharges, et en plus ils n'ont même pas averti le personne hospitalier du fait qu'ils avaient utilisé le Taser! 10. Conclusion: est-ce qu'il existe une « bonne utilisation » du Taser? Non! Comme nous l'avons vu, les policiers de Montréal utilisent des Tasers depuis près de dix alors que l'on sait que c'est un outil de torture qui tue. 10 ans, d'innombrables abus et 1 mort plus tard, la Ville de Montréal nous consulte pour savoir ce qu'on en pense... Vu que les policiers torturent et tuent avec cette arme depuis trop longtemps, que ni la police, ni les formations, ni les procédures ne nous mettent à l'abri de cette arme abusive en soi, il est grand temps que les politiciens cessent d'endosser cette arme et l'interdisent à tout jamais. D'ailleurs, le problème dont il est est question ici n'est pas seulement le Taser, mais bien le problème de la brutalité policière, des abus policiers et de leur impunité. En effet, les policiers tuent non seulement avec les Tasers, mais ils le font aussi avec le poivre de cayenne, leurs revolvers, voire même avec leurs poings. La Commission devrait donc se pencher sur cette question si elle se préoccupe de la sécurité des montréalais face aux armes et à l'usage que font les policiers de la violence qui leur est légalement permise. Pourquoi au moins 60 personnes sont mortes depuis 1987 à Montréal durant des opérations policières? Pourquoi sur ces 60 cas il n'y a eu d'accusations que 4 fois contre des policiers? Et pourquoi la Ville de Montréal s'oppose-t-elle en cour à la tenue d'enquêtes publiques du coroner sur la mort de citoyens aux mains de policiers (Michel Berniquez et Mohamed Anas Bennis)? Arrêtez les abus policiers et l'impunité! Notes : Pour plus d'informations sur les Tasers, les abus policiers et l'impunité:
Page de la Commission de Sécurité Publique, Ville de Montréal, sur les Tasers
|
|
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Ceci est un média alternatif de publication ouverte. Le collectif CMAQ, qui gère la validation des contributions sur le Indymedia-Québec, n'endosse aucunement les propos et ne juge pas de la véracité des informations. Ce sont les commentaires des Internautes, comme vous, qui servent à évaluer la qualité de l'information. Nous avons néanmoins une
Politique éditoriale
, qui essentiellement demande que les contributions portent sur une question d'émancipation et ne proviennent pas de médias commerciaux.
|