Le 4 décembre dernier, lors d’une soirée des projectionnautes, j’ai entendu un universitaire rabaisser la théorie en public. Rien d’étonnant j’en conviens, les forces qui sapent le potentiel de l’institution opèrent aussi de l’intérieur. Mais imaginez-vous donc que le détracteur en question est un chargé de cours anarchiste! Derrière ce drame ordinaire de la critique, il y a aussi celui d’un milieu qui autrefois s’y enracinait, et qui fait dorénavant dans l’économie de la pensée. Les petites têtes qui le représentent, faute de parvenir à trouver une manière de se renouveler, basculent dans la haine de la théorie, et ce même quand il s’agit de l’objet de leur vie professionnelle. Quelle misère!
Pour ceux qui en ces mauvais jours parlent encore de subversion, la pensée critique est particulièrement pénible, car elle sape la mauvaise conscience des bien-pensants, et fait apparaître les contradictions qu’ils aimeraient ne pas avoir à justifier. C’est que la véritable réflexion ne peut se satisfaire d’épithètes. Porteuse du négatif, elle pourfend les imposteurs de tout acabit. Ce qui est jugé puéril et périmé par son déploiement critique doit être dépassé ou bien condamné par l’histoire. Ça fait mal. Ainsi, lorsque Marko Silvestro déclare, à la soirée des projectionnautes, que « dans la vie, il y a beaucoup de théories mais pas assez d’action », ce n’est pas pour défendre l’importance d’ancrer notre pensée dans le réel, en d’autres termes d’en faire un objet politique universel. Oh que non! Il lui faudra bien admettre qu’il n’a alors aucun défenseur de l’idéalisme pur devant lui, seulement une bande de militants toujours prêts à réaffirmer la suprématie du travail de terrain sur tout le reste.
Pourquoi alors s’en prend-t-il lâchement à la théorie? Pour avoir l’air plus groundé devant ses copains anarchistes? Pour leur prouver que son travail à l’UQAM ne l’a pas corrompu? Sans doute. Mais là n’est pas l’essentiel. Une telle manœuvre rhétorique vise surtout à discréditer la pensée elle-même, afin de mieux se défiler devant le négatif à l’œuvre. Silvestro n’hésite pas non plus à qualifier la discussion de « faux débat » et à quitter poliment la salle peu de temps après son intervention; il s’agit d’une posture pratique, certes, mais ô combien lamentable, surtout de la part d’un intellectuel anarchiste. C’est que la critique qui se déploie devant lui ce soir là, celle de l’aveuglement politique du milieu communautaire(1), pointe nécessairement vers la clique au sein de laquelle il mène sa vie de petit marginal. Pour quelqu'un qui comme lui y est bien établi, une telle réflexion est gênante.
Dans les circonstances, Silvestro n’a pas le choix : il se replie dans un douteux scepticisme par rapport à la réflexion théorique, aussi convaincu puisse-t-il être de la nécessité de s’asseoir en rond avec de jeunes uqamiens de gauche, et de passer des sessions entières à réfléchir avec eux sur la question de la pensée anarchiste. Mais je me demande, en quoi peut bien consister sa pensée à lui, en tant qu’anarchiste? Les quelques indices qu’il nous a fournis lors de son intervention à la soirée des projectionnautes portent à croire que celle-ci est plus proche d’un matérialisme vulgaire que d’une pensée réellement développée. Même avec toute la bonne foi du monde, il serait difficile de conclure de quelqu'un qu’il est conscient de la nécessité d’une théorie critique, quand ce qu’il a à dire sur la cruciale question de la manière dont les anarchistes devraient aborder le prolétariat se résume à affirmer « qu’il va falloir en manger nous aussi des hot dogs! »
Comble du ridicule, Silvestro sous-entend que la critique du milieu contestataire nuit au développement qualitatif de la lutte. Pourquoi perdre notre temps à critiquer une sous-culture, aussi moribonde, mutilée et régressive puisse-t-elle être, alors que nous avons tant d’ennemis communs à abattre? Eh bien, c’est parce que nous devons établir une stratégie qui ne soit pas aliénée, en créant d’abord les affinités nécessaires via des affrontements théoriques féconds. Et cet exercice a un point de départ, à savoir les diverses formes d’opposition au capitalisme. Agir au lieu de réfléchir? Quelle aubaine! Mais avec qui, comment, et pourquoi? On ne peut cesser l’exercice réflexif sans sacrifier l’activité critique en général, celle qui empêche la régression vers un activisme niais.
Seule une théorie qui serait en mesure de penser la pauvreté de sa propre praxis pourrait permettre à Silvestro d’en élaborer une nouvelle, une qui ne serait pas complètement repliée sur elle-même, et dont la portée ne se limiterait pas à la pseudo réalité que lui et ses acolytes se sont construits pour échapper au désespoir. Vu son refus de considérer la nécessité d’un tel effort, il n’est pas étonnant de le voir faire la promotion d’un microscopique projet de squat culturel, pour lequel ses idéologues institutionnalisés n’oseraient jamais prendre le moindre risque, en le présentant comme une alternative valable. La méfiance envers la théorie n’est que très rarement critique, elle sert le plus souvent à garantir l’impunité d’une praxis aveugle, arbitraire ou inconséquente. Voilà ce que Silvestro devrait enseigner à ses élèves, et nous pourrions alors dire qu’à ce niveau, au moins, il fait du bon travail.
Louis-Thomas Leguerrier
(1)Le milieu communautaire est hermétique et corrompu. Sa base est dissoute depuis longtemps. Elle s’est progressivement éclipsée avec l’institutionnalisation des groupes en période néolibérale. Il ne reste que sa bureaucratie encrassée, qui est constituée d’anciens radicaux désormais refoulés. On n’y parle plus de révolution, ni d’un monde meilleur, jamais. Les professionnels de la contestation empochent les miettes en répondant au téléphone. Ils ne militent qu’en temps que salariés, des fois en surtemps. Le milieu communautaire n’a aucune stratégie de lutte globale. Les permanents ne font que maintenir les acquis péniblement. Ils copinent lorsqu’il y a des offres d’emploi dans le milieu. Ses acteurs sont très souvent incompétents et cyniques.
Toute personne ayant déjà posté sur le CMAQ devrait être exempté de critiques désormais, y compris lorsqu'il s'agit de "figures d'autorité" du mouvement et que cette critique concerne des propos publics tenus en-dehors du CMAQ ?
Cet article respecte en tous points la politique éditoriale du CMAQ et c'est pourquoi je l'ai validé et le referai encore. Qu'on suspende sa publication, par interprétation boiteuse d'une clause de notre politique, pour remettre la décision finale entre les mains de la personne critiquée m'apparait clairement plus problématique que le brulot dont on parle ici.
En passant, souligner superficiellement une filiation mystique avec HO pour ta plainte tout en te plaignant d'attaques ad hominem, c'pas fort fort.
Fonctionnement du CMAQ : on cherche une solution avant de publier. Ici, il y a une contestation, sur un principe en lien avec la politique éditoriale, donc il faut en discuter.
Opinion personnelle :
J'estime ici qu'il y a critique des propos, des idées : ce n'est pas vraiment une attaque personnelle. On permet des textes qui blast des individus de droite, on peut bien accepter ce type de débat d'idée.
Je ne crois pas que c'est moindrement diffamatoire. Quand un-e militant-e fait un discours publiquement, c'est cool qu'il y a des réactions sur le CMAQ. On pourra inviter le concerné à répondre si ça lui tente.
ciao,
Michaël Lessard [me contacter]
de l'équipe de validation du CMAQ
Deuxièmement, c'est signé d'un pseudo, mais c'est clair pour moi que c'est le propos est celui d'un membre du groupe HO, et ça n'a rien de mystique. La filiation Projectaunautes > Hors d'Oeuvre > Louis-Thomas Leguerrier est plutôt limpide.
Je me trompe peut-être. Mais le fond de la question ne change pas.
La raison pour laquelle je l'ai remis en validation est que je voulais avoir l'opinion d'autres membres du collectif, et aussi pour signaler à la personne concernée qu'elle est visée par un texte sur le CMAQ. Il est arrivé par le passé que de des gens soit visés personnellement par des articles et nous demandent d'en invalider la publication. Dans ce cas-ci, j'estime que la teneur et le ton du propos justifie qu'on attende à tout le moins que d'autre membres du comité se prononcent, et que la personne visée signale qu'elle est OK avec la publication du texte sur le CMAQ.
En ce qui me concerne, comme j'ai écrit plus haut, ça ne devrait pas être problématique et la personne concernée étant assez grande pour se défendre elle-même acceptera sûrement que le texte soit publié.
Un argumentaire faisant état de contradictions chez un individu relève-t'il nécessairement d'attaques ad hominem ? Non; une attaque ad hominem, c'est d'utiliser des informations étrangères à un débat pour attaquer une personne dans le cadre de celui-ci. Par exemple, amener comme argument qu'un groupe appuie "sans doute" un texte pour amener des gens à en rejeter le contenu, ça c'est ad hominem. Critiquer la praxis d'une personnalité publique peut être fait sans sombrer dans l'ad hominem et c'est visiblement ce que Michael et moi pensons.
Pour le reste, Marco Silvestro n'a pas de veto sur le CMAQ, aux dernières nouvelles. Je cherche à comprendre les incohérences patentes du processus actuel par rapport à notre fonctionnement habituel, d'où ma frustration; je ne m'en excuserai pas.
Je n'ai rien fait de la sorte. J'ai souligné au passage la filiation, mais pas pour "amener les gens à en rejeter le contenu". Ça relève plutôt de la projection ici. Si HO est discréditée, c'est pas par ma faute. Les gens sont capables de se faire une idée à la lecture du texte, nonobstant la filiation.
Quant au caractère ad hominem du texte lui-même, c'est effectivement discutable, dans la mesure où on ne se sert pas d'éléments étrangers au "débat", si l'on considère bien sûr que son statut économique et social est pertinent au "débat".
Ce qui est clair, par contre, c'est qu'on s'attaque à l'intégrité de Sylvestro, avec pour toute munition son statut d'universitaire et une poignée de citations extirpées de leur contexte. Perso, je n'y vois pas tant un débat d'idée qu'un char de marde sur la tête de Sylvestro.(quelles sont les idées défendues par l'auteur, au juste? Se porte-t-il vraiment en défenseur de la Théorie, et ce, contre le "matérialisme vulgaire" et "l'activisme niais"?)
En tout cas, je vous laisse vous amuser. Mon seul point, à moi, est que si un membre de la communauté se fait attaquer de la sorte, j'estime que ça vaut une discussion au comité de validation, et ça vaut que l'on s'assure auprès de la personne visée qu'elle n'a pas d'objection à ce que le texte soit publié.
Que tu aimes ou pas le propos, le ton ou whatever est impertinent ici : on est en mode validation. Ton objection ne touche pas un point de la politique éditoriale du CMAQ.
La préservation de la quiétude d'esprit des militantEs, c'est pas un critère de rejet d'article. L'article détruit-il l'anonymat d'un user du CMAQ ? Non. Est-il totalement impertinent quant à la mission du CMAQ ? Non. S'agit-il de matériel inacceptable à caractère discriminatoire ou oppressif ? Non. Y a-t-il un problème de contenu mercantile, sous copyright ou en duplicata ? Non. Ben selon la politique éditoriale, c'est pour ces raisons et seulement ces raisons que tu peux rejeter une publication ici. So, what the fuck is this all about ?
Dans l’éventualité où une contribution dévoilerait explicitement l’identité ou des renseignements personnels d’un autre utilisateur ou utilisatrice sans son consentement, le comité de validation se réserve le droit d’éditer cette soumission en tout ou en partie afin de préserver l’anonymat de cette personne.
Ici, on prétexte qu'il s'agit d'une "personnalité publique" qui s'est exprimé dans un contexte public. D'accord. Fort bien. Voyons donc ce qu'en pense le principal intéressé.
J'avais écrit une réponse plus réfléchie (ex.: il n'est pas une personnalité publique/ayant un poste public, mais on peut voir sur Internet des critiques frustrées et peu pertinentes parfois quand on est porte-parole, etc.), mais un fuck Firefox l'a effacé. Donc voici juste la proposition...
PROPOSITION :
Considérant que l'objectif de Franko et moi est d'accepter le contenu critique au sens disons «socio-politique» ou les réactions à une prétendue attitude ou propos de militant-es —malgré le style peu efficace et douteux de la contribution;
Considérant que Pat veut s'assurer que les individus puissent protéger leur identité,
Il est proposé que le nom de la personne visée soit modifié ou occulté.
Logiquement, cela répond honnêtement aux deux principes défendus. Si l'objectif est réellement un débat d'idée, visant un collectif ou une attitude militant-es, le nom n'est pas important.
EDIT [retrait d'une mention privée!]
Michaël Lessard [me contacter]
de l'équipe de validation du CMAQ
vu que personne d'autre ne s'est manifesté et que Marco lui même est resté silencieux, je lève mon objection.
Sur la proposition de Michael, je ne crois pas qu'il soit nécessaire de caviarder le nom de Marco, puisque les membres du CMAQ qui ont pris le temps de s'exprimer (moi y compris) ne voient pas d'objection à ce que le texte soit publié tel quel.
Pour ce qui est des commentaires, ça m'est égal qu'on les y laissent ou qu'on les suppriment.
Vous avez tenu des propos concernant mon texte auxquels je me dois de répondre. Premièrement, il me semble que la méthode dont vous parlez dès votre premier commentaire, et que vous attribuez maladroitement à Hors-d’œuvre, en est une historiquement reconnue et ayant fait ses preuves. Il s'agit d'une réaction à une intervention à caractère politique ayant été faite dans le cadre d'un débat publique, rien de plus conventionnel. Il est souhaitable que les opinions exprimées dans un espace publique soient discutées publiquement, et le faire par l'écriture de textes argumentés est une méthode éprouvée, qu'il serait ridicule d'associer exclusivement à Hors-d'Oeuvre. Le fait que le milieu militant ait développé de solides réflexes pour se prémunir de la critique n'y change rien.
Maintenant, vu que vous ne semblez pas avoir très bien compris les enjeux, voir même la signification de base de mon texte, il serait négligeant de ma part de ne pas mettre un terme à votre confusion. Je répondrai à vos interrogations de manière très précise. Je prends effectivement le parti de la théorie, et je m'oppose de toute mes forces au matérialisme vulgaire et à l'activisme niais. Il y a une raison à cela, et c'est que jamais ce monde pourri ne sera amélioré par de telles choses. Le matérialisme dialectique est le seul qui doit être mis de l'avant par des révolutionnaires conséquents. Et il se trouve qu'un tel matérialisme ne peut se maintenir sans une théorie capable de penser la distinction entre sa version vulgaire et sa version critique, distinction qui semble, si je me fie à ce que vous avez dit de mon texte, complètement vous échapper.
Il est frappant que vous ayez pu vous interroger à savoir si je prenais ou non position pour la théorie. C'est à croire que vous ne m'avez pas vraiment lu, ou bien qu'une telle position vous est tellement étrangère que sa formulation vous laisse perplexe, tellement que vous en venez à douter de la thèse, pourtant réitérée à chaque paragraphe du texte, à laquelle vous êtes confronté. Et bien je le répète, pour que jamais plus vous ne puisiez en douter: la méprisable arrogance avec laquelle les acteurs du milieu contestataire ont tendance à rabaisser la théorie me dégoûte profondément. Leur incapacité à comprendre que cette attitude contribue à la lamentable impuissance de leur praxis, et donc à la perpétuation de cet enfer qu'est devenu la vie sous le capitalisme en fait autant. Et c'est effectivement à cause de son statut d'universitaire que j'ai choisi Silvestro comme cible, mais un tel choix n'a évidemment pas la signification banale que vous lui attribué pour me le reprocher. Ce n'est pas le fait qu'il soit un anarchiste universitaire que je lui reproche, mais bien qu'il ait lui-même rabaisser ce qui est pourtant la présupposition d'un tel statut, c'est-à-dire la conviction que la réflexion théorique a sa place dans la lutte. Loin de moi l'idée de soutenir que la théorie devrait être confinée à l'université, mais il est légitime de penser qu'un anarchiste qui décide de se rendre jusqu'au doctorat y tient particulièrement, même si la réalité est tout autre. Je voulais aussi pas là dénoncer la mystification selon laquelle la méfiance envers la théorie représente une posture critique face à l'institution universitaire. Cette dernière regorge de faussoyeurs de la pensée critique, qui sont toujours prêts à la sacrifier, soit pour des subventions ou par pur désintèrêt. Une posture vraiment critique devrait s'opposer à cette mutilation de la théorie, et l'anarchisme se doit d'être critique.
Vous me reprochez aussi d'avoir cité des propos hors de leur contexte, et bien je réponds que le contexte a été, au contraire, clairement exposé. La déclaration de Silvestro selon laquelle il y a beaucoup de théorie mais pas assez d'action faisait directement référence à la critique qui avait été formulée un peu plus tôt, et qui a déclenché le débat et la prise de tours de paroles. Cette critique est clairement identifié dans mon texte comme celle du milieu communautaire, et même explicité dans une note de bas de page. Les actions entreprises par le milieu communautaire ont été critiquées, à travers un débat théorique portant sur le potentiel révolutionnaire de celles-ci, et Silvestro a répondu que l'action, par le fait même d'être de l'action, est déjà mieux que la théorie. Voilà le contexte, et je considère que mon texte l'a très bien rendu. D’ailleurs, tout le monde le connaît dans le milieu, ce foutu contexte. Ça c'est passé comme d’habitude. Quelqu’un prend la parole, et au lieu de se contenter de critiquer les grands chefs d'entreprises, il remet en question les mœurs du milieu contestataire. Pour aggraver la chose, il se met à lire une citation de Marx de plus de 10 mots, et alors c'est parti, la théorie se retrouve au banc des accusés, et la critique refoulée.
Si j'ai attaqué Silvestro, ce n'était pas pour m'en prendre à son intégrité, mais pour dénoncer les forces objectives qui se sont exprimées à travers lui, celles qui discréditent la théorie afin de maintenir le voile qui se trouve devant le caractère aliénée de la praxis courante, caractère qui devrait pourtant être mis à jour, afin que celle-ci soit corrigée. Il en va pour moi d'une nécessité historique. Seuls les inconscients ne seront pas d’accord.
PS: Leguerrier c'est pas un pseudonyme mais mon nom de famille.
eh ben me voilà. juste pour dire que "la figure d'autorité" du milieu ne s'oppose pas à ce que ce texte soit publié. Je ne suis pas certain que ce soit une critique de mon opinion qui soit fondée, je ne crois pas non plus que ce soit un texte fait uniquement pour répondre à mes opinions, mais je ne m'opposerai certainement pas. Je me demande seulement comment on peut conclure que je suis contre la théorie et que je suis un fossoyeur de pensée critique à partir d'une déclaration spontanée de 3 minutes dans un débat où, avant que je parle, les insultes avaient déjà commencée à voler. Et je me demande aussi pourquoi on ne m'a pas répondu sur place, en continuant le débat, plutôt que de le faire en différé ici.
Bref, c'est tout ce que j'ai à dire. Peut-être que M. Leguerrier, ses autres noms et ses amis en tireront d'autres conclusions qui me feront bien rire.
Moi c'est Andréann Cossette. Mon pseudo c'est Gavroche. Je précise parce qu'on dirait qu'il y a du monde mélangé.
***
D'abord, je me rappelle que le débat était mal préparé et chaotique, mais je ne me rappelle d'aucune insulte.
Ensuite, si je me souviens bien, tu es parti quelque chose comme 5 minutes après ton intervention Marco, ce que plusieurs personnes ont trouvé bien dommage. Voilà pour ton interrogation.
Il me semble qu'un débat est quelque chose qui doit durer dans le temps pour prendre de l'ampleur et de l'importance. Je trouve aussi que la façon dont il a été entamé lors de la soirée du 4 décembre était boiteuse. Nous avons manqué de temps. Alors quoi de plus pertinent que de le poursuivre avec du recul et la possibilité de bien réfléchir avant de s'exprimer?
En voulant qualifier de faux-débat la question en cours, tu as fait en sorte de la disqualifier de facto. Spontanément et en 3 minutes, tu as voulu poser la question de comment rejoindre la masse plutôt que de faire un débat sur le milieu communautaire et les révolutionnaires. Je pense que c'était effectivement une des questions sous-jacentes au débat en cours. Soit, elle a été reprise. La réponse de Louis-Thomas amène un éclairage intéressant. On y explique que la lutte ne peut se mener sans une alliance cohérente entre théorie et action. Tu as opposé la théorie à l'action lors de cette soirée, en disant qu'il valait mieux être sur le terrain que de faire de faux-débats. Il y a clairement une opposition théorique et stratégique ici qui mérite d'être traitée.
J'ai vu beaucoup d'universitaires se gargariser de théorie et ne rien faire. J'ai aussi vu des militants ou des gens se croyant radicaux rejeter la lecture de livres théoriques sous prétexte que seule l'action vaut quelque chose. C'est vrai que la question te dépasse et j'espère qu'elle le fera pour vrai. Mais rien ne bat l'ironie d'un militant, universitaire et prof de surcroît, qui prône l'action sur le terrain contre la théorie. L'ironie n'a échappé à personne et c'est pourquoi ce moment a été choisi parmi d'autres pour relancer la question. Peut-être que si tu avais l'occasion de t'exprimer à nouveau sur le sujet, tu pourrais clarifier ta pensée...
Cher monsieur le chargé de cours, je suis parfaitement daccord avec vous pour dire que mon texte ne portait pas seulement sur vos opinions. Évidemment que non! Celles-ci n'ont pas une telle importance. J'ai dailleurs pris la peine de préciser, dans ma réponse à patc, que c'est pour dénoncer les tendances objectives que vous avez véhiculé lors de votre intervention que je vous ai attaqué dans mon texte. J'ai aussi expliqué pourquoi ces tendances me font écumer de rage, et c'est de cela dont je voudrais que nous parlions. Pour ce qui est de votre reproche selon lequel j'aurais dû vous répondre sur place, je suis encore une fois confus devant le manque de considération envers une méthode, qui je le répète, a toujours été reconnue comme légitime, et ce depuis que les débats politiques existent! Quoi de plus naturel que d'écrire un texte en réponse à une intervention publique? Tout cela me dépasse.
Passons au vif sujet. Je considère que la réalité que j'ai abordée dans mon texte en est une très sérieuse, et si celle-ci vous fait vraiment rire, comme vous l'insinuez dans votre réponse, alors je serai forcé de conclure que vous êtes complètement inconscient, et que par cette inconscience vous permettez la perpétuation du pire.Je vous donne ici l'occasion de nous démontrer que ce n'est pas le cas, en répondant à des questions auxquelles je considère que vous devez faire face après avoir tenu les propos cités dans mon texte, à moins que vous ne considériez que le fait que ceux-ci aient été formulés de manière spontanée vous dégage de la responsabilité qu'ils impliquent.
Pensez-vous réellement qu'il y a assez de travail théorique qui est fait au sein du milieu anarchiste?
Que pensez-vous de l'anti-intellectualisme prépubaire qui sévit parfois dans les évènements de celui-ci? Et surtout, comment pouvez-vous justifier qu'un chargé de cours en sociologie y participe?
Comment pensez-vous que les gens qui tiennent un discours sur la souffrance du prolétariat devraient tenter de se rapprocher de celui-ci, mis à part le fait de manger des hot dogs?
En terminant, je me dois encore une fois de répèter que je n'ai qu'un seul nom de famille, et qu'il s'agit bel et bien de Leguerrier. Je vais commencer à le prendre mal si vous continuez à nier mes racines de cette manière. Et en passant, Marko Silvestro ça fait pas mal plus pseudonyme, on croirait que vous avez changé de nom pour que ça sonne plus millitant. Franchement!
Comme tu le sais certainement, je n'en doutes pas, entre le contenu et la forme, parfois un ou l'autre bloque le sens.
Ici, la forme que tu as prise met assurément les esprits sur la défensive. C'est une réaction totalement légitime. Donc le sens de ta critique a mal passé.
Personnellement, ce qui me passionne, c'est l'effort de cohérence entre les principes (théories) et nos actions ou une sorte de «recherche-action» dans nos vies. Par exemple, j'ai très souvent entendu des gens se proclamant révolutionnaires et radicaux, me « traiter » de réformiste, pendant que dans la vraie vie ces personnes sont des salariés de capitalistes. La question de ce qui est révolutionnaire/réformiste est pleine de contradictions et il faut le prendre un peu en riant; mais pour justement finir par se poser les bonnes questions. :)
Souvent, on fait l'erreur de juger selon des théories et des propos, alors que les gestes et la vie concrète des gens sont plus évocatrices.
J'écris ceci dans l'esprit qu'il y a un niveau sain et sympathique d'auto-critique et d'auto-dérision à avoir dans nos débats et dans nos efforts de changer le monde. La forme que tu as prise ici n'a pas peut-être pas donnée l'effet voulu (ou peut-être que oui :) mais il est clair en tout cas que tu t'es senti brimé à cette occasion.
Salut Silvestre,
Moi c’est Ousmane Thiam, alias l’exterminateur. Votre petit jeu, où plutôt votre tactique TVA n’impressionne personne. Il faut remettre les pendules à l’heure. Pour cela, la prérogative de vous attaquer dans votre vie insoucieuse est plus que nécessaire. Docteur Silvestro, lorsque vous osez vous défiler devant une critique aussi modérée que celle du Guerrier, ne démontrez-vous pas votre incapacité théorique et pratique à faire face aux sujets douloureux de notre époque? Moi je pense que oui. A votre place, j’aurais profité de mes vacances pour faire sortir l’anarchisme montréalais de son hibernation théorique. Vous, vous avez préféré occulter la situation critiquée, en vous tournant vers le silence, le déni, et l’amilitance. Pauvre de vous. Que faire avec des gens comme vous? Je n’ai pas encore d’idée claire sur le sujet, mais je sais que vous et votre gang sont les acteurs principaux de la destruction théorique de l’anarchisme. Fidèle à ma praxis, je vous lance un ultimatum. Vous avez jusqu’à la fin des vacances pour vous prononcer sur le débat, ou bien pour retirer publiquement les propos que vous avez tenu à la soirée des projectionnautes. Sinon, je serai dans l’obligation de vous confronter, si possible, devant vos étudiants.
Bonnes vacances.
L'exterminateur.
Je tiens tout de suite à dire que je ne m'embarque pas dans une joute de ping-pong avec des gens qui sont à ce point bouffis de leur propre importance. Je lis ici des commentaire parfaitement risibles de fatuité. (Et ceci dit sans mépris pour des camarades, qui tout de même devrait prendre une tasse ou deux d'humilité.)
Je note toutefois une bizzareté digne d'intérêt dans le discours: ce qu'on nomme praxis n'est-il pas l'arrimage rationnel de la théorie et de l'action?
Quand un professeur de théorie anarchiste constate publiquement un déséquilibre entre théorie et action, affirme-t-il pour autant que la théorie est moins importante que l'action? Dénigre-t-il pour autant la théorie? C'est l'interprétation qui me semble être la prémisse de ce prétentieux jet de brique dans la mare.
Je n'étais pas présent à l'événement en question, mais il me semble que le récit est tissé d'un raccourcis énôrme.
Si le milieu anarchiste souffre actuellement d'un vacuum théorique, n'est il pas également exact de dire que l'action soi-disant révolutionnaire est cruellement anémique? N'est-ce pas vrai!?
Et veut on combler (prétend-on combler) ce vacuum théorique en ressassant les notions qui ont fait la grandeur et la décadence du matérialisme dialectique? En agitant les vases stériles du marxisme?
Prétend-on sans rire renouveler la théorie anarchiste en dépoussiérant les platitudes qui ont calcifié la gauche?
@ Leguerrier.
Oui. J'avais bien compris que vous vous portiez héroïquement à la défense de la Grande Théorie contre ses prétendus détracteurs vulgaires. La forme interrogative était ici rhétorique. C'est la prétention et la naïveté du projet qui me laissait perplexe en l'occurrence. Je n'en reviens juste pas qu'on se prenne à ce point au sérieux!
La posture avant-gardiste ne date pas d'hier, mais je m'étonne toujours que certains s'y attachent encore avec autant d'autosatifaction .
Continuez à vous parer de vos idées creuses et bonne chance pour le renouveau de la praxis révolutionnaire.
P.-S. N'hésitez pas à me ranger parmi les pourris anti-intellectuels ou à me servir moultes épithètes de votre choix. Si cela me classe dans la catégorie des comiques brouillons qui se gardent une petite gêne au lieu de sombrer dans la suffisance, j'en ferai ma fierté.
Au ping-pong, les échanges sont nuls si un des joueurs envoie la balle n'importe ou. Prétendrait-il ne pas vouloir jouer. Pour un tel joueur il pourrait être naturel de vouloir voir dans la praxis un quelque chose qui viendrait par magie justifier à tout coup un service aussi peu habile et une attitude si peu "fair play". Ainsi sa praxis spécifique est donc un "arrimage rationnel de la théorie et de l'action". J'ai souvent entendu et lu des usages pittoresques de termes, mais là chapeau! Sans doute un problème d'interprétation, mais un dictionnaire c'est un outil formidable dans ces cas-là. Oh et question d'interprétation: est-ce qu'il ne faut pas jeter des briques à l'eau pour construire un pont? Mais alors en voilà d'autres auxquelles tu pourrais répondre: Pourrais-tu m'éclairer sur la "décadence du matérialisme dialectique"? Et par quoi la théorie anarchiste (s'il en est une qui justement n'est pas poussiéreuse) serait-elle renouvelée à ton humble (ridicule) avis?
"Continuez à vous parer de vos idées creuses et bonne chance pour le renouveau de la praxis révolutionnaire." Seule piste cohérente pour comprendre tes motivations.
Mais certainement monsieur, vous ne vous preniez pas au sérieux! Vous ne jouez pas cette partie vous. Vous êtes si minuscule et bouffis d'insuffisance. La prochaine fois, gardez-vous une petite gêne d'accord?
Je trouve fort dommage que dans cette discussion le texte de M. Leguerrier soit oublié. Il mérite d'être lu et relu! Il me semble qu'il est d'abord question d'un texte, d'un texte structuré qui décrit et déplore une situation de façon claire. Cette situation décrite devrait être plus intéressante que le reste. Je suis, comme M. Silvestro, une universitaire. Je suis même une candidate au doctorat. Même si j'en fais partie, j'ai néanmoins une vision très dure du système universitaire. Cela dit, je sais très bien que M. Silvestro est un chargé de cours et qu'on ne peut pas le critiquer comme on pourrait le faire envers un professeur. Le professeur possède toute l'autorité de l'institution, le chargé de cours n'a pas de sécurité et détient une très relative autorité.
Les universitaires sont quasiment les seuls possédant la capacité matérielle d'oeuvrer dans les sentiers arides de la théorie comme un intellectuel devrait pouvoir le faire, avec le temps, l'espace et la liberté nécessaires. Ce faisant, puisque les universitaires détiennent ce privilège dans un monde où la théorie s'est quasiment retirée, ils possèdent à la fois la possibilité de la mettre à mort et celle de la maintenir en vie coûte que coûte. Je suis toujours dégoûtée d'apprendre qu'un de mes collègues universitaires s'est une fois de plus incliné pour ridiculiser à la fois le prolétariat et la théorie. Le fait de dire « qu’il va falloir en manger nous aussi des hot dogs » est tellement lourd de conséquence, même si la phrase est lancée en l'air comme ça. Si je l'avais dite, j'en serais gênée. Elle témoigne d'un manque de sensibilité évident et en plus d'un manque de conscience théorique. Elle ressort l'idée mille fois relancée que l'urgence n'est plus de mettre le nez dans nos livres, de ressortir des vieux auteurs, mais d'aller se tenir coude contre coude avec les pauvres diables et de s'abattre sur la merde qu'ils mangent, faute de mieux, enfin de comprendre leur drame quotidien. Cette phrase est une basse stratégie pour avoir l'air humain en montrant un mépris à peine voilé pour le prolétariat. Si la situation avait été inversée et qu'il avait dit qu'il faudrait en faire lire des livres des grands auteurs aux pauvres diables, on aurait pu le traiter de naïf, certes, mais pas d'agent du pire. Rien ne sert d'aller militer fièrement pour toutes les belles causes du monde sans sensibilité et sans conscience théorique. Sans sensibilité et sans conscience théorique, on sera toujours les agents du pire.
Faudrait tout de même que vous m'expliquiez ce qui ne va pas avec ma définition sommaire de praxis...
Action, activité, portée par une théorie, un système abstrait, dans le but d'atteindre un résultat souhaité.
Donc, la notion d'un arrimage entre idée et action ne me semble pas particulièrement éloignée de la définition reçue du terme. Ché pas, là, mais... comme vous dites, sans doute vous avez un problème d'interprétation.
C’est tellement dommage de commencer une intervention en disant :< Je n’ai pas l’intention de faire une partie de ping pong>, pour indiquer d’emblée que la volonté d’avoir un débat complet n’est pas présente. Mais je dois tout de même applaudir le fait que vous ayez pris la peine de répondre à mes arguments, ce qui vient un peu compenser pour le silence juvénile du docteur Silvestro.
Dois-je vraiment préciser que ce que je prends ici au sérieux est le débat lui-même, pour des raisons que j’ai déjà longuement explicitées, et non ma propre personne? Il me semblait que c’était évident. Et de toute façon, le niveau de sérieux que j’accorde à ma personne n’a absolument rien à voir avec la présente discussion. Quand bien même je serais l’individu le plus imbu de lui-même, cela n’invaliderait en rien mes arguments, dont le contenu de vérité objective dépasse autant ma prétention démesurée que votre petite modestie à deux sous.
Je n’ai jamais douté du fait que Silvestro ait voulu souligner un déséquilibre entre la théorie et la praxis. Seulement, je me suis posée une question qui m’a permis de pousser ma réflexion plus loin. Je me suis demandé si le contexte où la critique a été émise correspondait vraiment à celle-ci. La réponse fût négative, et c’est ce qui m’amena à écrire mon texte. Voyons donc encore ce qu’il en est de ce contexte : Le déséquilibre dont vous parlez a été évoqué à un moment où l’action politique du milieu communautaire était critiquée théoriquement, dans le but assumée de parvenir à effectuer son dépassement vers quelque chose de mieux. On s’est alors servi du cliché de la dichotomie action/théorie pour qualifier cette critique de faux débat, et cela a nuit autant à l’une qu’à l’autre. C’est-à-dire que la résolution des problèmes se posant au niveau de l’action a été sabotée par le refus de la critique théorique qui s’en porte garante. Il s’agit là de quelque chose que j’ai bien pris la peine de préciser dans mon texte : Le mépris hautain envers la théorie est une des principales causes de la déchéance de la praxis. Je suis donc parfaitement d’accord avec vous pour affirmer que l’action révolutionnaire se trouve aussi dans un piètre état, seulement je rajoute que la dernière chose à faire pour changer cela est de s’en prendre à la théorie, ce dont vous et l’universitaire de peu de lettres ne semblez pas être conscients. Pour ce qui est de votre critique selon laquelle le marxisme serait un vase stérile, il s’agit là d’un autre débat, que j’ai l’habitude d’avoir avec mes collègues universitaires postmodernes. Je serai toutefois évidemment enclin à remettre ça, si vous vous donnez la peine de donné un peu de chaire à votre critique, et de la rendre minimalement intelligible.
En attendant, j’aimerais attirer l’attention sur le très beau passage du commentaire de MlleVinteuil, dans lequel le privilège matériel au niveau des moyens théoriques des universitaires est abordée.
On voit bien dans ce passage ce qui devrait terriblement gêner Silvestro dans toute l’histoire, c’est-à-dire qu’il ait fait un si mauvais usage de son privilège. Et on comprend mieux l’affirmation de l’exterminateur, qui peut de prime abord sembler choquante, selon laquelle celui-ci aurait une responsabilité particulière dans la destruction de la théorie. Je me demande donc, comment peut-il persister à garder le silence devant des constats aussi accablants?
Pour le ping-pong, c'est juste qu'on se tanne un peu du jeu après un certain temps.
Je ne dis jamais non à des discussions respectueuses. C'est juste que le CMAQ est une espèce de laboratoire où l'on teste souvent les limites du respect et du mépris. J'estime qu'il y a de meilleurs moyens de s'en prendre aux idées que de s'attaquer aux individus.
En ce qui me concerne, bonne année à vous. Reposez-vous. 2010 s'annonce sous le signe de la résistance. Avec un peu de chance, en plissant les yeux, on va peut être arriver à constater finalement qui développe quelle praxis.
Écoute, Louis-Thomas, je vais commencer à douter de ta bonne foi à débattre. Si je ne réponds pas vite, c'est peut-être que je ne suis pas disponible 24h sur 24 pour intervenir sur le CMAQ. Alors inutile de continuer les épithètes et les qualificatifs sur ma personne. J'ai juste d'autres obligations que de chatter.
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Les idées exprimées lors de la soirée des projectionautes sont des idées importantes: quelle serait une position révolutionnaire, quels seraient les acteurs de cette position, est-ce que le milieu (ou mouvement) communautaire serait le lieu d'exercice de cette praxis. Par extension, l'idée que le mouvement libertaire montréalais serait dans un vide théorique, notamment lorsque certainEs personnes de ce mouvement proposeraient des alliances avec le mvmt communautaire. Enfin, l'idée disant que l'on ne doit pas refuser de s'autocritiquer. De bonnes questions, que plusieurs personnes se posent, incluant moi-même.
Mon intervention lors de ce débat de la soirée des projectionautes fut certainement un peu maladroite, incomplète et en partie dirigée par l'émotion. Je prends quelques lignes pour l'expliquer: lors de cette soirée, je ne savais pas que nous étions conviés à une critique des positions publiques d'un membre du groupe dont je fais partie, la pointe libertaire. Je fus quelque peu surpris de voir que quelqu'un avait préparé un texte de critique en règle, que ce texte s'adressait explicitement à Marcel et que la critique fut faite alors qu'il n'était plus dans la salle. Autrement dit, si on avait été explicitement conviés à un débat sur nos positions, on se serait un peu préparé et, en fait, les membres de la Pointe libertaire seraient restés dans la salle pour débattre. Je fus aussi passablement surpris du style de l'ouverture du débat: la critique du mvmt communautaire est essentielle, mais la façon dont elle fut engagée ce soir-là m'a paru sans nuance et faisant appel à un appareillage théorique peu accessible pour le commun des mortels dans cette salle. Conclure ensuite que le mvmt communautaire dans son ensemble n'est constitué que de cyniques corporatistes, corrompus et même, dirais-je, de santé mentale fragile (ça été dit d'une autre façon ce soir-là), m'est apparu, encore une fois, manquant de nuances et, pour le dire franchement, mal informé et à côté de la plaque. Cela pour dire que j'étais un peu sur les nerfs et que mon intervention, spontanée, s'en est ressentie.
Maintenant, j'ai dit lors de ce débat que je trouve qu'il y a trop de théorie et pas assez d'action. C'est une formule, incomplète, et c'est vrai que je dois l'expliquer si je ne veux pas qu'on m'accole une étiquette comme "fossoyeur de pensée critique". Voici, en gros et rapidement, ce que je voulais dire par là. Gavroche a exprimé un peu ce que je veux dire dans son commentaire ci-haut: dans ma vie d'universitaire, j'ai pu constater, d'une part, le foisonnement des idées théoriques sur la société, et d'autre part, une tendance universitaire à la spécialisation, à la sur-théorisation et au non-engagement (engagement au sens d'agir et d'intervenir dans l'espace public). Pour le dire en reprenant une image de Sartre: très peu d'intellectuels qui se mouillent, mais des centaines de "penseurs" qui se restreignent à un cercle d'interlocuteurs qui se gargarisent de grands discours lors de colloques sans conséquence. C'est pourquoi je suis un peu en criss contre ceux et celles qui sortent des grandes phrases à portée théorico-philosophiques, dans un langage peu accessible. J'ai aussi constaté, chez plusieurs étudiantEs, cette tendance à vouloir sortir de la grande théorie et à faire de la "critique de café", autrement dit de jouer au gérant d'estrade. Cependant, je crois aussi que les étudiantEs, notament en sciences sociales, doivent s'exercer à manier et comprendre la théorie, ce qui donne parfois des envolées un peu pompeuse, mais pas malhonnêtes (on l'a tous fait, et moi aussi). DONC, je crois que la théorie est essentielle pour comprendre le monde et ses mécanismes et pour ensuite orienter notre action.
Cela dit, je trouve quand même qu'il y a trop de tentatives théoriques qui se situent à un niveau très abstrait, ou très général. Je pose trois niveaux – je ne fais cela que pour rendre plus compréhensible de mon propos -: un niveau de théorie abstraite, systémique, générale, comme par exemple le travail de Marx sur les mécanismes d'aliénation qui a été utilisé lors de la soirée des projectionaute. Un second niveau qui se rapproche des conditions réelles d'existence, qui se nourrit du premier niveau, mais qui cherche à le rendre concret dans une analyse d'une situation x – prenons toujours Marx comme exemple et son 18 Brumaire de Louis-Bonaparte, texte qui avait pour but de mettre à l'épreuve et d'appliquer sa théorie générale. Enfin, je place un 3e niveau qui est celui de la stratégie et de la tactique. Ce 3e niveau est celui qui m'intéresse le plus présentement: il est directement lié à l'action, l'intervention, la lutte, appelez ça comme vous voulez. Prenons toujours Marx: toute sa pensée théorique et analytique s'est déclinée dans une stratégie révolutionnaire, celle de l'organisation de la classe ouvrière en parti. Et les tactiques utilisées furent conséquentes avec cette stratégie.
J'estime pour ma part que nous avons besoin, en tant qu'anarchistes, communistes, en tant que militantEs qui cherchent à provoquer des changements radicaux, de réflexion surtout au 3e niveau. Autrement dit, pour le dire vite, je pense que la théorie de Marx est toujours bonne et que nous n'avons pas besoin de chercher à la réinventer: les mécanismes de l'aliénation sont toujours les mêmes; l'analyse concrète des sociétés n'a guère changée non plus (peut-être que l'analyse de l'économie de services et l'économie désincarnée est encore à peaufiner d'un point de vue radical); Les grandes théories sur le monde existent, sont importantes pour en comprendre son organisation, mais très peu utile pour agir. cependant, sur le plan stratégique et sur celui des tactiques, tout est à faire ou presque: les stratégies et tactiques appliquées depuis deux siècles ont eu des résultats mitigés. Cela tient sûrement aux stratégies et tactiques en soi, et aussi au contexte dans laquelle elles furent appliquées.
D'où mon commentaire: trop de tentatives théoriques à un niveau d'abstraction élevé, et peu de réflexion sur les actions à prendre, comment les accomplir, et quels objectifs rechercher. Peu de réflexion sur la mobilisation aussi: comment rejoindre les gens, comment élargir la base du mvmt radical-révolutionnaire (parce que, soyons sérieux, on se parle entre nous et on fait souvent des actions où seulement les convaincuEs se pointent.) De plus, je dirais: trop de tentatives de lier une théorie très abstraite, très générale, qui s'applique à un niveau systémique, avec des micro-situations très concrètes qui d'après moi appellent une analyse plus près de la matérialité des relations sociales. Ce fut le cas, à mon sens, du premier intervenant qui a lancé le débat lors de la soirée projectionaute: utiliser des extraits du capital de Marx pour critiquer le mvmt communautaire est faire appel à une abstraction trop grande qui n'éclaire pas vraiment la situation qu'on veut critiquer. Il y a moyen de poser l'aliénation concrète avec des idées plus adaptés au contexte qu'à partir de la théorie générale de l'aliénation. Il y a là, à mon avis, un fossé entre théorie générale et contexte concret.
Alors je lance cela pour commencer.
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L'affaire des hot-dogs…Il est intéressant de voir que, souvent, dans une tentative de débat, certainEs lancent des phrases supposément fortes, mais qui ne veulent pas dire grand-chose, comme lorsque j'ai dit cela, et qu'ensuite d'autres accrochent sur ces phrases. Je prends ça comme une preuve que j'ai mal expliqué ma pensée. A mon souvenir, cette phrase voulait dire (et il me semble que je l'ai quelque peu expliquée) que plutôt que de se cantonner à l'université et à la critique en soi, il serait préférable d'être présent dans les luttes sociales – même si on les juge réfos (je dis pas qu'il faut mettre toute notre énergie dans ces luttes) – pour comprendre comment les gens vivent, agissent et comprennent le monde. Si je change les hots-dogs pour un autre exemple, je pourrais presque dire qu'on devrait aller travailler en usine et organiser à partir de là (c'est encore une image, mais vous voyez où je veux en venir). A mon souvenir, lors de la soirée des projectionautes, on faisait appel à "la masse": comment rejoindre la masse, comment faire bouger la masse, la masse par-ci, la masse par là – ce sont des phrases que j'ai entendu à plusieurs reprises. Et il m'est apparu assez rapidement que la salle était remplie à majorité d'étudiantEs (peut-être que je me trompe.) Et moi j'Ai répondu: mais c'est qui, la masse? Mais pourquoi, la masse? A mon sens, dire "faut faire bouger la masse", c'est de l'avant-gardisme, c'est se placer à l'extérieur de cette masse et réfléchir comment la conscientiser et la faire bouger. Sans oublier que "masse" est un terme qui a une connotation un peu péjorative. A mon sens, c'est condescendant et je ne m'excuse pas d'avoir dit qu'il faudrait manger plus de hots-dogs, voulant dire par là que, d'après moi, il est préférable de se pointer dans une fête de quartier organisée par une organisation locale, de parler au monde, de partir de leur compréhension de la société pour voir comment on peu radicaliser le mécontentement, plutôt que d'aller bouffer des tapas sur le Plateau en critiquant la masse qui ne bouge pas (je ne dit pas que ceux et celles qui étaient au débat font cela, mais c'est une attitude qui existe et qui est très, très répandue.)
J'ai moi-même été longtemps étudiant et je ne renie pas cela. Sauf qu'il est vrai que ce n'est pas de l'université, ni de ceux et celles qui se cantonnent dans la théorisation, que sortira la révolution. On m'a parfois critiqué comme étant petit-bourgeois parce que j'ai des diplômes – ce n'est sûrement pas tout à fait faux: l'université est généralement réservée à ceux et celles qui ont les moyens financiers et culturels d'y aller, et ce ne sont pas les plus mal-pris de la société qui y vont. Bon, cela dit, est-il possible de vivre et d'agir radicalement en société, avec ce que cela implique (c'est-à-dire côtoyer des gens qui ne sont pas des radicaux, et les apprécier quand même), "traverser" les barrières de classe plutôt que de s'appuyer dessus, etc. (j'oppose "vivre en société" à rester dans un ghetto micro-culturel exclusif à ceux et celles qui en possèdent les codes.) Je ne sais trop comment exprimer cette idée: il ne s'agit pas tant de prendre fait et cause pour les opprimés, ni de "prendre une position de classe" un peu artificielle (par exemple vivre en banlieue dans un certain confort et aller parler au nom des pauvres (je caricature un peu)). Ce que j'essaie d'exprimer c'est aussi ce qui a été dit dans les commentaires ci-haut, soit la question de la cohérence entre théorie et pratique, mais aussi la cohérence à l'intérieur même de sa propre personne. Je n'ai pas choisi de façon utilitariste d'aller vivre parmi les pauvres; c'est plutôt que ma provenance culturelle m'y pousse: c'est de là que je viens, d'un milieu populaire, et c'est toujours dans ces milieux que je demeure et que je me sens bien. Mais j'essaie toujours de me critiquer pour ne pas perdre de vue que j'ai des diplômes, que objectivement on pourrait me placer parmi les classes dirigeantes, et aussi que je pourrais facilement m'enfuir, faire ma vie avec un bon job et casser du sucre sur le dos de ceux et celles qui n'ont pas réussi. (par ailleurs, le fait que je cherche toujours à respecter une certaine cohérence entre mes actions et mes pensées radicales me fait grimper dans les rideaux lorsqu'on me traite de petit-bourgeois ou de fossoyeur de pensée critique…)
Donc pour résumer: pour moi les tâches importantes des militantEs radicaux-ales serait de vivre dans le monde, de parler à ses voisin-es, de militer parmi eux et elles. Parallèlement, les questions "théoriques" que je trouve importantes sont celles que j'ai dit plus haut: comment construire un mouvement social radical large; comment mobiliser des gens qui sont, actuellement, pris dans un engrenage individualiste; comment élaborer des moyens de lutte qui soient adaptés à la situation actuelle et enfin comment élaborer un discours qui parle à ceux que l'on veut rejoindre.
Bon je lance tout cela dans le débat, en espérant que ma pensée soit plus clairement énoncée que lors de ce débat. J'ai, je crois, insulté du monde avec mon intervention, et j'en suis un peu désolé. J'ai tendance à être baveux et sarcastique lorsqu'on vient parler avec emphase et maladroitement de choses qui me tiennent à cœur. Et l'attitude fait beaucoup lors d'une prise de parole: je trouve que l'intervention de départ était baveuse et pompeuse et j'ai répondu dans la même veine, ce qui n'est pas pour faciliter les relations.
Cela dit, j'ai pas abordé ici la critique du milieu communautaire, je pourrai le faire une autre fois parce que cette critique est légitime. Cependant, pour la faire sur des bases solides, je crois qu'il faut aller lire ce qui s'Est déjà écrit là-dessus, et il y en a beaucoup. Je crois aussi qu'il faudra y aller de façon nuancée, parce que le mouvement communautaire, ce n'est pas un bloc uni, c'est plutôt…disons un genre de constellation. Enfin, pour terminer, c'Est vrai que Marcel Sévigny dans son dernier livre, et le groupe La pointe libertaire, affirment qu'il est possible et intéressant de faire des alliances stratégiques avec certains groupes communautaires. Et quand on lit le livre de Marcel, surtout les 2 derniers chapitres, on constate qu'il ne propose pas n'importe quelle alliance ni a n'importe quel prix. Or cette nuance n'a pas été apporté lors du débat originel et c'est une autre raison de mon intervention ce soir-là. Je voudrais rappeler que cette nuance, je l'ai abordé ce soir-là.
Je suis intéressé à poursuivre cette discussion, ici ou ailleurs. Sachez cependant que je ne me sens pas obligé de me justifier par rapport à ceux qui me qualifient de figure d'autorité, de prof ou de je ne sais quoi. Sachez aussi que si mes positions théoriques ne sont pas tellement connues, c'est notamment 1) que ma réflexion est en cours, 2) qu'elle ne m'appartient pas personnellement et individuellement (je réfléchis à l'intérieur de la pointe libertaire et ce qui est publié par des membres de ce groupe reflète à bien des égards mes idées personnelles. À ce titre, il est possible de trouver des textes d'analyses sur le web. D'autres sont présentement en phase d'être publiés).
Marco S.
P.S. pour Ousmane: jubile pas trop, mon cher. C'est certainement pas ton ultimatum qui m'a fait écrire. Ton intervention est symptomatique de ce que je trouve le plus méprisable dans la discussion publique. Tu te prends pour qui? Commence par exterminer ta propre connerie avant de t'en prendre à celle des autres.
Sachez que je n'aurais pas douter une seule seconde de votre intention de répondre dès que votre horaire surchargé vous le permettrait, si ce n'était de votre premier message, dans lequel il était écrit: «C'est tout ce que j'ai à dire, si vous continuez ça va peut-être me faire rire...»
PS: Votre commentaire envers Ousmane porte à croire que vous n'avez pas un très grand sens de l'humour, après tout, comme dit l'autre, on se prend beaucoup trop au sérieux!
Premièrement, comme je l’ai d’ailleurs souligné dans mon texte, aucun de ceux qui se trouvent ici, ou bien de ceux qui se trouvaient à la soirée des projectionautes, ne défend l’idée que les théoriciens, universitaires ou pas, ne devraient pas s’engager dans l’espace publique. On est tous avec Jean-Paul là-dessus. On pourrait en parler des heures et on deviendrait tous de grand chums tellement on seraient d’accord. Ce serait beau pas vrai? Mais là n’est pas la question. Affirmer que dans la vie, il y a déjà assez de théorie, ça revient à sous-estimer la réalité, et c’est pratiquement anti-intellectuel, ce qui ne favorise pas réellement l’engagement, entoucas pas un engagement qui soit en bonne santé. Toutefois, je prends ici en considération le fait que Silvestro a nuancé cette affirmation. Je n’en dirai donc pas plus. Je voulais seulement préciser que je n’aurais pas écrit un texte contre Silvestro s’il s’était contenté de souligner l’importance de valoriser une pensée qui soit engagée socialement.
Maintenant, j’espère que l’expression gérant d'estrade ne s’appliquait à aucun des individus ayant pris la parole pour critiquer le milieu communautaire ce soir là, pacequ’il s’agissait indéniablement de personnes connaissant la lutte, et y ayant souvent participé activement. Cette critique a été déployée dans le but mainte fois réitéré de rendre cette lutte plus pertinente, et elle se situait presque exclusivement au troisième niveau théorique que Silvestro a identifié. Je présume, en toute bonne foi, que cette expression a été utilisée de manière très générale et non personnelle. Par contre, il faut rester critique par rapport à ce genre d’épithètes. Tout révolutionnaire conséquent devrait pouvoir répondre aux critiques qui lui sont formulées, et ce sans avoir besoin de faire référence à l’expérience de la personne qui les formule. Si quelqu'un n’y connaît vraiment rien, sa critique sera surement très pauvre, et c’est sur cette pauvreté et sur rien d’autre que le débat devrait porter.
Pour ce qui est des problèmes qu’il y a à appliquer une théorie abstraite et générale à des réalités concrètes qui doivent être saisi dans leur complexité, je ne pense pas que c‘est ce que l’intervention qui a initié le débat de l’autre soir a voulu faire. Lorsqu’on affirme que les micro-situations doivent être investies en tant que telle, afin de ne pas passer à côté de leurs spécificités propres et de leur nature réelle, on oublie que cette nature réelle n’est pas immanente à la situation en question, mais qu’elle est imposée de l’extérieure. Ce n’est pas la pensée de Marx qui nous informe sur l’aliénation du milieu communautaire, mais la critique de ce dernier qui nous informe sur le caractère aliénée de la société et sur la vérité du marxisme. En pointant la misère du milieu communautaire, on en apprend sur les forces objectives qui le conditionne. Voilà tout l’intérêt, outre la question stratégique, de critiquer le milieu contestataire et ses coutumes. De cela découle qu’en essayant de comprendre la spécificité d’une réalité en termes immédiats, on passe à côté des rapports sociaux qui la médiatisent. Il ne s’agit donc pas d’imposer une analyse systémique extérieure au milieu communautaire, mais au contraire de saisir l’essence interne de celui-ci, sauf que si on analyse cette essence sans la mettre constamment en relation avec le système, on perd sa vérité.
Dans une société aussi systématisée que la nôtre, ce que Silvestro appelle les grandes théories sur le monde sont essentielles à l’élaboration d’une praxis qui pourrait appréhender son objet, en l’occurrence le communautaire, sans passer à côté, c’est-à-dire sans occulter les liens systématiques qui font de cet objet un particulier du capitalisme universel. La théorie de Marx est un très bon outil pour y parvenir. Et je m’oppose vivement à toute affirmation selon laquelle le Capital déclinerait vers la question de l’organisation du prolétariat en parti, pour reprendre les termes de Silvestro. La critique de l’économie politique représente le plus grand effort pour retourner la rationalité bourgeoise contre ces propres principes, elle n’est aucunement réductible à des questions stratégiques. De plus, une grande théorie sur le monde serait actuellement plus que nécessaire pour faire face à l’hégémonie du nihilisme postmoderne. L’influence de l’idéologie bourgeoise sur le cours des choses est aussi un facteur à prendre en compte stratégiquement.
Je suis Guillaume, auteur de la première intervention, somme toute bâclée, de la soirée des Projectionautes.
Je suis content, Sylvestro, que tu aies retiré le caractère sensationnaliste de ton discours à la soirée pour afin que l'on aie un débat important sur la nécessité de discuter d'une théorie globale.
Ta théorie des trois niveaux de discussion théorique me fait rire - tu es bien le premier et le dernier penseur à exprimer de telles idioties. Il est simplement impossible de séparer l'un de ces niveaux des autres. Le premier niveau (la théorie générale) dépasse en tout point le second niveau (les faits concrets). À la longue, j'ai beau observer le monde qui m'entoure, lire le journal, accumuler les informations; tout cela ne sert à rien si je n'associe pas les faits réels entre eux en décortiquant la logique sociale de mon époque. Le troisième niveau serait la stratégie: or, à quoi bon discuter de stratégie avec un social-démocrate, s'il n'est pas d'accord avec les bases même de la lutte que je désire mener? Et si ce social-démocrate est déguisé en anarchiste, que dois-je faire?
Je prends un exemple concret.
Pourquoi aie-je parlé de l'aliénation lors de mon intervention? Parce que la lutte contre la totalité du système social est complètement évacuée à une époque où le mouvement révolutionnaire est mort et que ses restes se complaisent dans des luttes réformistes. Les maigres victoires partielles des mouvements sociaux sont devenus l'objectif des pseudos-anarchistes, et l'on oublie que le but de notre activité politique devrait au contraire être la révolution sociale. Concrètement, qu'est-ce que ça veut dire? Ça veut dire que le chargé de cours ès anarchisme de l'UQAM concentre principalement son engagement dans «la promotion d’un microscopique projet de squat culturel, pour lequel ses idéologues institutionnalisés n’oseraient jamais prendre le moindre risque, en le présentant comme une alternative valable.» On voit donc que ma critique de la stratégie des anarchistes est attachée comme un aimant à la critique globale de la société.
Comment et avec qui discuter de stratégie politique? Voilà une question d'importance que soulève ton dernier commentaire. La réponse n'est pas simple: parfois, il faut discuter de stratégie avec des prolétaires dont la conscience de classe est troublée par l'idéologie dominante.
Cependant, - et c'est de ce cas que j'aimerais discuter - il faut aussi parfois discuter de révolution avec les prolétaires dont la conscience de classe est la plus affûtée de toute la population. Les débats entre révolutionnaires permettent à ceux-ci de s'organiser en groupes affinitaires et de développer des projets ambitieux grâce à une camaraderie solide et de forts liens tactiques.
Et comment développer ces forts liens tactiques? En développant un cadre d'analyse solide, présentant le moins de failles possibles. Pour moi, parler d'aliénation, de fétichisme de la marchandise, de réification ou de spectacle, c'est la moindre des choses. Je ne m'organiserai pas en groupe d'affinité avec des personnes qui ne comprennent pas ces concepts parce que nous ne serons pas du même point de vue tactique. Et aussitôt que l'on est d'accord sur l'aliénation, nous devons passer à l'étape suivante de la réflexion: comment l'aliénation influence notre vie quotidienne, critiquer le milieu duquel nous provenons.
Et quel milieu nous a formé politiquement? Le milieu anarchiste. Or, le milieu anarchiste a-t-il une actuellement une activité politique capable de mener à terme son projet de société? Non, parce qu'il reproduit les mêmes activités que ses ancêtres, en version dégradée. En s'engageant tête première dans les mouvements sociaux, il est pogné dans des luttes circulaires, dont chaque gain partiel devient essentiel. Il est entré dans le mouvement anarchiste, il cherche à faire entrer des nouveaux dans ce milieu de la même façon. Il en oublie même la question de la révolution sociale. Jamais il ne prend une pause, afin de prendre le temps nécessaire à critiquer ses propres faiblesses, afin de développer une pratique politique cohérente et nettement plus ambitieuse.
La question était avec qui m'allier politiquement? Personnellement, je ne peux que m'allier avec ceux et celles qui cherchent à procéder à un examen critique de leur propre milieu et de leurs aliénations.
En somme, si je veux parler de tactiques révolutionnaires dans une soirée, il faudra d'abord que les personnes qui m'écoutent soient d'accord avec les préceptes de ma pensée, parce quelle celles-ci déterminent ma pratique politique. Et à la soirée des projectionautes, il y avait des désaccords sur les préceptes. Il était normal que j'en discute. Et parmi ces préceptes, il y a la critique globale de la société.
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