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Copenhagen ou les lundis sans viande.DavidRuffieux, Tuesday, December 8, 2009 - 16:58
David Ruffieux
Cher Nicolas, je vous le dis à vous, les scientifiques de la Banque mondiale sont formels; consommer des animaux favorise le réchauffement de la planète. Et ce n’est pas une petite contribution de rien du tout... On parle de la moitié des émissions de gaz à effets de serre qui sont attribuées à l’élevage. Robert Goodland et Jeff Anhang, dans leur article Livestock and Climate Change ont calculé que l’élevage du bétail représente 51% du total, bien davantage que les 18% qui ressortaient d’un rapport des Nations Unis, en 2006. Regardez donc dans votre assiette, allez-y! Voyez là, la calotte arctique fondre comme du beurre, ici les super ouragans, les méga tsunamis, la montée divine des eaux et bien d’autres sujets d’inquiétudes, coûteux pour nos sociétés, qui laisseront vos descendants dans un embarras certain. Vous ne me croyez pas, vous me prenez pour un rabat-joie ? Pourtant, c’est aussi cela le résultat du contenu de votre assiette. La contribution de l’élevage dans le réchauffement planétaire dont on entend parler si peu, dépasse celle de tout le transport international, selon la FAO (Food and Agriculture Organization), et dont on nous parle ad libidum, sur toutes les chaînes de télévision, de radios et dans nos journaux. Et alors, cette nouvelle voiture à pile hydrogène? Le transport en commun, le recyclage, les pistes de vélos, quelles idées vraiment géniales parce qu’avec le Global Warming, il faut faire attention! Ne me dites pas que vous prenez l’avion pour un Paris-Lyon! Ça ce n’est pas cool. En ce moment, les voitures hybrides sont subventionnées par le gouvernement, je me tâte… On veut tous faire quelque chose pour afficher une volonté citoyenne, n’est-ce pas? Alors un coupable à la fois, mettons d’abord la voiture en accusation et ces maudites pétrolières, Total et consortium, au piquet! D’ailleurs, Al Gore l’a montré dans son reportage An Unconvenient Truth, du sommet de son échelle électrique pour pouvoir suivre la courbe exponentielle des émissions de CO2 qui monte, qui monte. Jamais dans l’histoire de l’humanité, nous dit-il, nous n’avons assisté à un tel changement en seulement un siècle. Ce que le vice-président Al Gore a oublié de manière commode (ou est-ce un oubli de sa part) c’est d’introduire, devant le monde entier, la notion que l’élevage des bovins, des moutons, des cochons et des poulets, est le responsable principal de cette évolution géothermique préoccupante. C’est vrai qu’Al Gore ne semble jamais refusé un bon repas dans ses multiples pérégrinations de Prix Nobel de la paix, et que l’idée d’un steak ou d’une entrecôte, source d’émissions colossales non seulement de CO2, mais aussi de méthane et d’azote nitreux, tous plus réchauffants les uns que les autres, est un, dérangeant et deux, impopulaire. Sottises vous dites, Nicolas? Ces gens veulent contrôler votre vie, vous enlever le plaisir de la bouche, vous les accuser d’être des Khmers verts. C’est un peu exagéré. Il est vrai qu’à 58 ans, vous êtes bon vivant, amateur de cigares, de corvettes, de bon vin et de chair. Vous ne vous privez de rien, en effet. Je vous envie un peu toutes ces années à consommer sans restriction, à cette débauche des sens, à vous en mettre plein la poire! Vous vous êtes payé du sacré bon temps. Vous ne vous êtes pas imposé de freins à vos désirs, ni n’avez jamais questionné cette consommation débridée qui caractérise si bien votre génération, mais que reste-t-il, après vous? Il est possible que nos enfants n’aient ni votre chance, ni l’opportunité de vous imiter. Avouez que vous avez largement salopé cette belle planète et vécu avec une grande aisance sur un capital qui ne vous appartenait pas. La bonne nouvelle, c’est qu’un régime végétarien prolonge l’existence et réduit les chances de cancer et de maladies cardiovasculaires, et il est permis de croire, osons l’avouer, que vos fréquentes visites chez les médecins vous feront un peu regretter vos ripailles. Dr Rajendra Pachauri, dans une lecture ayant pour thème, l’impact de la production et la consommation de viande sur le réchauffement de la planète, le rappelle d’une manière moins équivoque: «Un kilo de bœuf est responsable d’un équivalent de carbone émis par un véhicule européen moyen pour une distance de 250 Kms.» Avec un hectare de sol en légumes, on peut nourrir 30 personnes, mais seulement 5, si on utilise le même espace pour y faire de l’élevage. De quoi faire méditer ceux et celles qui se consternent de la faim dans le monde. Car en définitive, pour chaque tranche de rôti du Nord, c’est 6 assiettes dont on prive un enfant du Sud, vous savez, celui qui erre sur des montagnes d’ordures à la recherche de quoi vivre jusqu’au lendemain. J’inspire une grande bouffée d’air, quand des personnes bien intentionnées, mais mal renseignées, me disent qu’il faut d’abord s’occuper de la famine dans le monde. C’est ce que j’essaie de faire modestement, dis-je à cette dame et à son caniche, qui attendaient le bus mais refusaient de signer ma pétition contre le foie gras! Il est vrai qu’avec le grain, le fourrage et l’apport calorique qui sont donnés au bétail, il serait possible de nourrir plus que la population humaine. Il faut 16 livres de grains pour faire une livre de boeuf, donc pas besoin d’un doctorat en économie pour comprendre l’absurdité d’un tel rendement. L’absurdité devient obscénité lorsqu’on sait qu’un enfant meurt de faim toutes les 2 secondes, parce que le blé, le maïs, le soja, l’énergie et l’eau servent à produire des protéines animales pour l’Occident. Dans son livre, The Hungry Planet, Georg Bergstrom nous explique que les pays riches épuisent les ressources des pays sous-développés pour exporter les protéines dont ils jouissent. En fait, 90% des poissons du monde s’exportent vers les pays riches, la moitié des céréales du monde est utilisée pour nourrir le bétail des Américains. Les Etats-Unis importent un million de tonnes de protéines végétales des pays en développement pour nourrir le bétail. Comme je vous le disais au début, Nicolas, n’y pensez plus! D’abord ne pensez pas, l’industrie agro-alimentaire vous le demande; sa survie en dépend, car elle a beaucoup de choses à cacher derrière les murs des abattoirs et ceux des fermes industrielles. En plus, vous avez d’autres chats à fouetter. On ne vous parlera donc pas des conditions de vie extrêmes des animaux de boucherie, des mutilations, des mauvais traitements, de la mort à la chaîne. On ne veut plus vous ennuyer avec cette réalité lugubre qui est le quotidien de millions d’animaux vivant tout près de chez vous. Juste peut-être cette histoire d’une vache indisciplinée, qui s’est échappée d’un abattoir l’autre jour, dans un dernier mouvement de révolte contre la bêtise humaine. Cette vache fut recueillie dans un refuge et épargnée du sort qui attendait les autres. “Ces vaches qu’on aime et qu’on mange quand même,” comme chante si admirablement, Alain Souchon. Et puis encore ceci, je viens d’acheter un livre de Jonathan Safran Foer, Eating Animals, que je vous invite à lire, si vous en avez le loisir. Il s’agit d’un livre dont le Prix Nobel de littérature J.M. Coetzee a dit tout l’intérêt: « Les horreurs quotidiennes de l’industrie de la viande sont évoquées de manière si brillante, et l’argumentation contre les gens qui dirigent ce système est présentée de manière si convaincante, que quiconque ayant lu le livre et continue de consommer les produits de cette industrie doit ne pas avoir de coeur, ou être inaccessible à la raison, ou les deux à la fois. » Le récit de ce livre évoque les conditions d’élevage et d’abattage des animaux aux Etats-Unis, le plus gros consommateur d’animaux au monde ; c’est 10 milliards d’animaux qui sont sacrifiés par an, soit 125 kg de viande par habitant en moyenne. Mais surtout, n’allez pas croire que la situation est différente dans un pays comme la France. Au fait, en tant qu’amateur de bavette, connaissez-vous la compagnie Charal? Il s’agit d’un entreprise spécialisée en viande bovine infiltrée par des militants de l'association L214 dans un de ses abattoirs, à Metz, pour y tourner un film sur les conditions d'abattage des bêtes. L'association y dénonce l'abattage d'animaux encore conscients, tandis qu'ils sont suspendus pour être découpés. Je vous sens, à ce point de ma lecture, sur la défensive. Peut-être faites-vous parti de ces gens qui ne comprennent pas comment les choses pourraient être autrement? La consommation de viande vous paraît si naturelle, elle est liée de manière si profonde à vos émotions, à votre culture et votre éducation, mais elle est une véritable malédiction pour le genre humain aujourd’hui. Peut-être aussi que votre malaise traduit une certaine culpabilité de ne pas pouvoir être différent, ou une jalousie de voir chez les autres des vertus auxquelles vous ne pouvez prétendre. Vous sentez-vous coupables parfois de causer tant de malheur contre ces pauvres bêtes au nom de votre estomac? Vivez-vous dans le déni de cette immense souffrance animale que vous ne voulez ni ne pouvez voir? Cependant réjouissez-vous, car malgré votre ignorance feinte ou réelle des abattoirs et de l’élevage industriel qui rend votre vie confortable et sereine au rayon des viandes, vous pouvez d’un seul geste sauver la planète. En effet, d’un coup de fourchette, assurez la prospérité des générations futures, sans vous soucier du reste, sans y penser. Devenez végétariens! En fait, comment pouvez-vous, cher Nicolas, consommer des produits d’une industrie si amorale et si corrompue. Montrez que vous avez un coeur, que vous êtes accessible à la raison, ou les deux à la fois. -Livestock and Climate Change, de Robert Goodland et Jeff Anhang (World watch Institute)
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