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Deux mois après le coup d’État au Honduras, une sortie de crise toujours incertaineAnonyme, Thursday, September 3, 2009 - 08:16
David Murray
Deux mois après le renversement de Manuel Zelaya le 28 juin dernier, celui-ci est toujours en exil. Le gouvernement issu du putsch avec à sa tête Roberto Micheletti, malgré son isolement sur la scène internationale, continue à se maintenir au pouvoir, entre autres grâce aux tergiversations des États-Unis. Les négociations sous les auspices du président costa-ricain et Nobel de la paix Oscar Arias sont au beau fixe, le clan Micheletti refusant toujours d’entériner les Accords de San Jose qui propose le retour en poste de Zelaya sous la bannière d’un gouvernement d’union nationale jusqu’aux élections présidentielles prévues pour le 29 novembre prochain. Dans la rue, l’opposition qui s’est manifestée dès l’annonce du coup d’État est toujours aussi vive. Tous les jours, aux quatre coins du pays, des marches, manifestations et autres grèves sont organisées pour dénoncer le renversement de Zelaya et appeler à son retour. Comme il se doit, cependant, la répression est elle aussi toujours aussi déterminée. Les organisations Human Rights Watch et Amnistie internationale ont toutes deux dénoncé récemment les nombreuses violations de droits humains par le régime putschiste et plusieurs organes de presse honduriens se sont vus muselés dans leur travail ou carrément interdits d’opérer pendant quelques temps. Le journaliste Maurice Lemoine fait aussi état dans l’édition du Monde diplomatique de septembre de 18 assassinats politiques depuis le 28 juin. La condamnation de la communauté internationale, quant à elle, est toujours aussi affirmée. L’union européenne a entre autres gelé toute aide au gouvernement du Honduras tant que la situation ne sera pas régularisée. Même unanimité au sein de l’Union des États sud-américains, alors que le 10 août dernier on s’entendait pour ne pas reconnaître un gouvernement hondurien qui serait élu sous les rênes du régime putschiste. Même deux alliés traditionnels des États-Unis qu’on ne peut soupçonner de sympathies gauchisantes, le Pérou et la Colombie, ont entériné cette résolution. En fait, il semble que ce soit seulement aux États-Unis que l’on tergiverse encore sur la nature du renversement de Manuel Zelaya. Malgré quelques signes au cours de l’été venant de Barack Obama tendant à condamner le renversement de celui que l’on surnomme « Mel », aucune position officielle n’a été adopté. Même que du côté du Département d’État on n’a toujours pas pris de position claire sur la nature du renversement. Alors, a-t-on affaire à un coup d’État ou à un simple changement constitutionnel? Pour tenter d’apprécier à sa pleine mesure le renversement de Zelaya, il importe de revenir sur sa présidence. Ce dernier a été élu le 27 novembre 2005 pour ensuite entrer en fonction le 27 janvier 2006. Proche des milieux populaires, sa présidence a graduellement tendu vers la gauche en opérant des politiques visant à améliorer le sort des plus démunis, le Honduras étant un des pays les plus pauvres de l’hémisphère et où les inégalités sont les plus criantes : les deux tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté, le chômage est estimé à 28% et le 10% des plus pauvres détient 1,2% de la richesse du pays contre 42% pour le 10% des plus nantis. À l’instar d’autres pays d’Amérique latine, le Honduras est donc un pays où une petite élite a réussi au fil du temps à concentrer le pouvoir entre ses mains, corrompant plusieurs échelons du gouvernement malgré un fonctionnement et une constitution reposant sur des notions d’État de droit. Au cours de sa présidence, Zelaya s’est donc appliqué à corriger cet état de fait tout en se rapprochant au niveau continental de pays comme le Nicaragua et le Venezuela. Bien entendu, plusieurs des mesures mises de l’avant par l’administration Zelaya ont soulevé l’ire de cette élite hondurienne et de ses soutiens dans les officines du pouvoir à Washington. Une de ces mesures fut l’augmentation de 60% en juin dernier du salaire minimum. Deux grandes multinationales étasuniennes ont alors mené la fronde contre Zelaya, suivies par la suite par certains secteurs honduriens opérant dans le textile et les exportations. Il s’agit de Chiquita Brands Int. et Dole Food Co. Une autre mesure controversée : la volonté de transformer la base militaire étasunienne de Palmerola en aéroport civil pour pallier aux insuffisances de l’aéroport de Tegucigalpa en matière de trafic aérien international. Des négociations avaient d’ailleurs été amorcées avec l’administration de George W. Bush, pourparlers qui étaient par contre vus d’un mauvais œil par certaines franges de l’appareil d’État étasunien, notamment John Negroponte, premier à avoir été à la tête de la Direction du renseignement national en 2005, ancien ambassadeur au Honduras de 1981 à 1985 alors que le pays servait de base arrière pour armer les Contras dans leur combat contre le gouvernement sandiniste du Nicaragua, et maintenant à l’emploi de McLarty Associates, consultant de la firme Covington & Burning LLP qui représente Chiquita. Plusieurs griefs, donc, à l’endroit de Manuel Zelaya de la part de l’élite hondurienne. Mais avec une donne en train de changer en Amérique latine, où les traditionnels coups d’État militaires ne peuvent plus s’opérer aussi aisément, il fallait trouver un prétexte pour son renversement, si possible sous vernis du droit. La question du référendum constitutionnel aura été l’alibi tout désigné. Le 28 juin dernier devait se tenir un référendum prenant la forme d’un vaste sondage auprès de la population pour savoir si celle-ci serait disposée à tenir un vote, parallèlement à l’élection présidentielle, visant à créer une assemblée constituante qui aurait pour mandat de revoir certaines dispositions de la constitution. Ce qui aura attiré l’attention médiatique fut celle qui aurait eu pour effet de permettre au président de pouvoir se présenter pour un deuxième mandat, ce que la constitution actuelle lui interdit, l’article 239 stipulant que personne ne peut proposer de modifier les termes d’un mandat présidentiel et que quiconque s’y essaie doit immédiatement être démis de ses fonctions. Chez les critiques de Zelaya, ils ont été nombreux à accuser le président de vouloir se maintenir au pouvoir à la manière d’un Castro. Pourtant, en entrevue à Democracy Now! Manuel Zelaya mentionnait qu’un tel changement ne devait pas le cas échéant s’appliquer à sa propre personne mais bien aux futurs candidats à la présidence. Évidemment, le vote n’a pas eu lieu puisque qu’aux aurores, le 28 juin, l’armée hondurienne, sur un ordre de la cour suprême, débarquait chez Zelaya pour lui signifier qu’il était démis de ses fonctions et pour le conduire hors du pays au Costa Rica. Bénéficiant d’un vote favorable du Congrès et de la cour suprême c’est donc sous couvert de la loi qu’on renversa Zelaya. Mais pourquoi avoir opéré de la sorte? Et le gouvernement putschiste peut-il réellement se draper sous les oripeaux de la loi? Comme l’a souligné l’historien Greg Grandin (http://www.huffingtonpost.com/greg-grandin/fact-checking-lanny-davis_b_2...), le vote tenu au Congrès a été taché d’irrégularités. De plus, l’article 239 ne fut pas invoqué dans le décret du Congrès mais a servi de justification après coup. Idem du côté du jugement de la cour suprême. Aussi, si Zelaya a enfreint la loi, pourquoi ne pas simplement l’arrêter en bonne et due forme et le traduire en justice? Le jugement de la cour suprême ne fait pourtant pas mention d’une violation de la loi par Zelaya et aucune accusation formelle n’a été formulée à son encontre depuis. Il semble donc que la justification légale du renversement repose sur des bases plutôt fragiles, n’en déplaise à certains défenseurs du régime putschiste comme Lanny Davis, un lobbyiste de carrière très proche du clan Clinton, principal soutien de Mme Clinton lors des primaires démocrates après avoir été le principal conseiller de Bill Clinton lors de son processus de destitution et aujourd’hui représentant du principal regroupement de gens d’affaires du Honduras. Alors, encore une fois, pourquoi un tel traitement envers Manuel Zelaya et un tel durcissement du régime? Les manœuvres justificatives ne semblent pas avoir convaincu grand monde puisque la majorité de la communauté internationale continue à condamner ce qu’elle qualifie bel et bien de coup d’État. Dans un tel contexte, avec les tergiversations de Washington, la stratégie du gouvernement Micheletti semble être de vouloir gagner du temps jusqu’aux élections présidentielles du 29 novembre et espérer le cas échéant que le président soit reconnu, en premier lieu des États-Unis. Donc, tant que l’oncle Sam ne prendra pas une position ferme dans le dossier, difficile de prédire si les manifestations populaires au Honduras viendront à bout du régime putschiste et permettront le retour de Zelaya. Bref, tant que les États-Unis ne décideront pas de couper les vivres à la junte, des soupçons demeureront sur une possible implication de certaines franges du gouvernement étasunien dans le coup d’État et la perspective d’une sortie de crise restera incertaine. Pour plus d’infos :
David Murray
Narco News
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