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L'affaire Jean-Loup Lapointe (partie 3) Propagande d'un État policier

Belette_Curieuse, Sunday, August 16, 2009 - 15:05

Belette Curieuse

Le coroner indique qu'il a été atteint à trois endroits. Deux balles ont frappé les organes vitaux.


L'affaire Jean-Loup Lapointe (partie 3)

Propagande d'un État policier

Partie 1 | Partie 1 (avec sources) | Partie 2
Comment ça s'est passé
Sarkozy : Immigration = Racaille
Version partielle et définitive en attendant
Transparence oblique
Un ministre souffrant d'Alzheimer
L'arrestation non motivée comme but
Une fouille injustifiée
Politique à moitié efficace
Une décision planifiée
Encore mieux que la persuasion
Opération Lapointe


Comment ça s'est passé
Pendant que le policier maintient le jeune de 22 ans au sol, il tue celui âgé de 18 ans. Le constable Jean-Loup Lapointe tire quatre balles au total et blesse sérieusement deux autres personnes présentes.

Le coroner1 indique qu'il a été atteint à trois endroits. Deux balles ont frappé les organes vitaux dans le haut de la cage thoracique et dans l'abdomen selon le coroner Paul Dionne. Tout de suite, il a perdu de grandes quantités de sang causant une mort rapide. "On l'a rapidement amené à l'hôpital et on a tenté désespérément de réparer les blessures internes mais il avait perdu trop de sang".
La neutralité politique n'existe pas. À la différence d'Amnesty International, il peut être admis que les droits humains sont intimement liés aux questions politiques et économiques.

Sarkozy : Immigration = Racaille
En France, en 2005, alors qu'il est ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy organise une conférence de presse dans une banlieue parisienne.

Le 25 octobre de cette année-là, avant qu'il ne sorte de sa voiture dans la Zone à Urbaniser par Priorité (ZUP) d'Argenteuil, des policiers tentent de repousser les curieux. Dès que le ministre arrive, un cri : "Sarko on t'encule..." et des projectiles légers tombent.

À un journaliste qui lui demande s'il s'attendait à cet accueil, il répond "Tout à fait...c'est même pour ça que je suis venu".

Le ministre lève la tête vers les fenêtres et assure à une habitante de la banlieue qu'il va la "débarrasser de toute cette racaille" faisant allusion à des immigrants qui habitent majoritairement ces quartiers.

Suite à sa conférence de presse où il annonce un train de mesures pour contrer la délinquance, il prend à témoin des caméras de télé. Il demande à une dame Maghrébine habillée en noir si elle habite le quartier. Elle répond que oui. Ensuite, il lui pose la question si elle est "pour les droits de l'homme.
-Oui, pour les droits de l'homme c'est ça...
-Parfait... Voilà, et vous êtes descendue en tenue du soir (il désigne ses pieds que l'on devine chaussés de pantoufles)...
-Oui, pour vous dire que j'apprécie...
-Voilà, ben dites-le, c'est tout (on sent une petite irritation poindre dans la voix du ministre).
-Mais oui, c'est vrai, c'est pour avoir le droit de...le droit de...(elle semble chercher son texte).
-De vivre ! lui souffle le ministre.
-De vivre ! Voilà, tout simplement... Si je suis sortie comme ça, c'est pour ça...
-Et on peut pas dire que madame refuse les jeunes du quartier, relance Nicolas Sarkozy. Parce que j'imagine que vous êtes du quartier ? Vous êtes de la même origine que les jeunes du quartier ? Sans être indiscret ?
-Oui, oui... C'est ça...
-Et vous ne supportez plus cette ambiance.
-Non."

À ce moment, le ministre se tourne vers les journalistes. "Interrogez d'autres habitants du quartier, ils vous diront tous la même chose". (Il revient à nouveau à la dame en noir.) "Eh bien, vous pourrez leur dire qu'il y aura la police dorénavant."
Le journaliste d'investigation Paul Moreira2 a demandé aux voisins, aux groupes communautaires, il a fait le tour de plusieurs bâtiments du quartier muni de sa photo sans retrouver la femme Maghrébine qui disait habiter le quartier. Le parti politique de Sarkozy ne la connaît pas. La mairie non plus. Le personnage public Sarkozy aime 'les happenings... Dans son équipe, on appelle ça "nourrir la bête" '.

Comme le dit le journaliste d'investigation le mot 'racaille' va résonner dans les jours suivants au cours desquels il y aura les émeutes urbaines les plus violentes qu'ait connu la France. Une bavure policière3 a mis, là aussi, le feu aux poudres. Deux immigrants sont morts alors qu'ils étaient poursuivis par des policiers pour un contrôle de routine.

À l'instar du ministre devenu président, un policier du Service de Police de la Ville de Montréal a usé de son influence au mois d'août 2008.

Version partielle et définitive en attendant
Depuis l'incident du 9 août 2008, le SPVM et la ville disent qu'ils ne peuvent parler publiquement en raison de l'enquête policière de la SQ.

Certains éléments ont été rapportés par les médias toutefois. Sans indiquer leur source, les journalistes Alexandre Geoffrion-McInnis et Maxime Deland rapportent dans le journal de Montréal du 10 août 2009 :'Le jeune suspect aurait alors refusé de se laisser maîtriser'. Néanmoins, aucune accusation n'a été portée contre Dany Villanueva pour ce qui s'est passé ce soir-là.

Ces mêmes journalistes rapportent indiquant cette fois-ci comme source la police (sans préciser s'il s'agit de la SQ, qui est chargée d'enquêter, ou du SPVM, qui est en conflit d'intérêt plus évident) 'les patrouilleurs auraient plutôt été encerclés par une bande d'une vingtaine de jeunes'.

S'agit-il de la conclusion d'une enquête ou de la reproduction fidèle des déclarations des policiers Lapointe et Pilotte qui n'ont pas été interrogés par la SQ ? Parions plutôt que ce sera la conclusion de l'enquête criminelle. Entretemps, il faut gagner du temps.

Selon Yannick Ouimet porte-parole de la Police de Montréal "Les policiers se sentaient menacés". Cette déclaration obligatoire ne peut pas être utilisée en cour. Tous les policiers doivent rédiger un rapport ou une déclaration. Une telle version obtenue sous contrainte ne peut être admise en preuve.

Aussi, comme il n'y a pas d'autre témoins policiers que les agents Pilotte et Lapointe, c'est leur déclaration commune. Ce n'est pas tout, comme il n'ont pas été arrêtés et séparés pour rédiger leurs rapports, il ont pu s'entendre sur les faits à raconter.

Dans le traité de propagande4, 'le choix truqué' consiste à proposer à un public un choix, comme s'il lui revenait de trancher et de choisir la meilleure option. Les policiers sont allés eux-mêmes intervenir dans un groupe de jeunes non armés alors que eux portent une arme.

Du moment que c'est eux, les deux agents, qui ont fait un geste, d'abord avec leur voiture qui s'est approchée et en faisant l'interpellation puis en tentant de réaliser une fouille et ceci sans préciser la raison selon des témoins civils, c'est bel et bien eux qui pouvaient être perçus comme intimidants.

Agent anonyme
Alors que le maire de Montréal et la SQ collaborent pour ne rien dire ou presque, un agent du SPVM qui connaît Jean-Loup Lapointe s'est adressé aux médias en date du 14 août 2009. Demandant à ne pas être nommé dans la presse il 'révèle' au journaliste que "Je suis sûr que les deux agents sont chez eux à se dire : 'Mon dieu, je me suis fait battre et mes patrons ne vont pas me défendre'."

Pour citer le traité de propagande5:
Le roman Fahrenheit 451 de Ray Bradbury décrit une société futuriste où les pompiers, au lieu d'éteindre des incendies, sont employés à brûler les livres. La raison officielle donnée par le pouvoir en place consiste à dire que les livres doivent être éliminés car ils produisent de la tristesse.
Dans le roman, le leader a donc posé une question qui pourrait être "souhaitez-vous conserver les livres et demeurer malheureux, ou acceptez-vous leur destruction pour accéder à plus de bonheur ?"

Le policier anonyme du SPVM nous demande de choisir, sans rire, entre une police violentée et une société paisible. Pas d'accusation contre Dany Villanueva pour le 9 août et Jean-Loup Lapointe a tué Fredy, son frère, qui tentait de s'interposer à une fouille sans motif. Ainsi, il omet de dire qu'une police doit rechercher les criminels, et non tuer une personne innocente.

Est-ce que la violence sur Fredy est une réponse légitime au désordre public ou bien s'agit-il plutôt d'un instrument d'oppression pour des motifs politiques ? Il faut entendre que les vrais patrons, ceux qui font la loi, pas ceux qui l'appliquent, ce sont les policiers de l'escouade Éclipse du SPVM qui intimident les minorités à Montréal-Nord. Nul besoin du maire, de l'Assemblée Nationale ou de la Chambre des Communes pour bien traiter nos immigrants.

Ce policier anonyme ne se trouvait pas sur les lieux de l'incident. La journaliste Sue Montgomery écrit dans le journal The gazette du 15 août 2008 que ce policier aurait appris que : 'les deux agents en patrouille ont reconnu Dany Villanueva. Les agents ont cru qu'il violait ses conditions de probation et ont tenté de procéder à son arrestation'.

Cette version des agents Lapointe et Pilotte a-t-elle été rédigée ? A-t-elle été communiquée à des confrères ? L'agent Bruno Duchesne de la SQ dit qu'il a respecté le délai d'une semaine suite à l'incident pendant lequel les deux agents ont été placés en arrêt de travail6.

Ce serait suite à cette semaine de repos, que les agents visés par l'enquête de la SQ ont finalement remis leurs versions. Est-ce que celle-ci est différente du communiqué diffusé par le SPVM en soirée le 9 août 2008 ?

Alors que dans l'affaire Gosset en 1987, le chef de police conclut le soir du 11 novembre même qu'il n'y a pas de racisme dans l'incident, la commission de police confirme sept mois plus tard (en juin 1988) les sentiments publics du chef basés sur les versions coulées par l'accusé Gosset et sa coéquipière Campbell.

Transparence oblique
Quand la police américaine nie l'existence du profilage racial, il faut la croire. Lorsque le policier Gosset dit qu'il n'est pas raciste car il peut voyager dans le sud, on doit sympathiser7.

En outre, si le ministre Dupuis dans l'affaire Jean-Loup Lapointe dit qu'il a confiance à l'enquête menée par la SQ, c'est qu'il veut passer un sapin à la population.

On ne peut d'un côté dire que l'on ne va rien dire et de l'autre laisser filtrer des informations biaisées. Le ministre Dupuis dit que les enquêtes menées par des policiers sur des policiers, c'est efficace.

Or, dans l'affaire Barnabé, un chauffeur de taxi battu par six agents de la police de Montréal qui tentaient de le fouiller pour assurer sa sécurité, les policiers de la SQ ont commis des erreurs de débutant, comme omettre de lire les droits, aux cinq policiers montréalais accusés au criminel8. La plupart des déclarations recueillies n'ont pas pu être utilisées en cour. En décembre 1993, ce M. Richard Barnabé, le frère d'un policier, des suites du passage à tabac, est demeuré dans un coma végétatif pour une période de 30 mois avant de mourir en mai 1996 à l'hôpital.

Un ministre souffrant d'Alzheimer
Le ministre Dupuis dit qu'il "n'y a aucun policier qui n'agirait autrement que de manière objective (dans ce contexte)". C'est vrai que les policiers, s'ils arrêtent quelqu'un, peuvent avoir des soupçons. Toutefois la loi dit que ces soupçons doivent être vérifiables.

Dans sa hâte, le policier Lapointe était pressé d'aller interpeller Dany Villanueva. A-t-il fait une vérification sur son ordinateur ou à la radio avec la centrale afin de vérifier l'existence de conditions de probation ou de caution ainsi que leur contenu ?

Se dirigeant vers Dany Villanueva et tentant de l'interpeller sans même vérifier l'identité des personnes présentes, pouvait-il être en mesure d'évaluer le respect de telles conditions  ?

L'arrestation non motivée comme but
Selon une lettre datée du 6 mai 1996 par le NO2 de la Sûreté du Québec et destinée aux inspecteurs-chefs de la Sûreté du Québec, on peut lire :
"On reproche aux enquêteurs ... de demander aux substituts d'accepter des dénonciations alors que le dossier d'enquête ... est quasi-inexistant et ce notamment pour des enquêtes qui se déroulent depuis plusieurs mois."
C'est que les procureurs-chefs avaient dénoncé la pratique de procéder à l'arrestation sans mandat et la comparution en détention de plusieurs personnes dans des enquêtes d'envergure sans avoir avisé le bureau des substituts du procureur général9.

Cette mésentente posait plusieurs problèmes pour les substituts du procureur. Soit les policiers avaient procédé à une arrestation trop hâtive, ou encore, à une arrestation qui, normalement n'aurait pas été autorisée si un mandat d'arrestation avait été demandé10.

Les policiers exerçaient des pressions subtiles sur les substituts de façon à ce que ceux-ci autorisent les plaintes malgré la faiblesse du dossier.

En effet, selon le rapport Bellemare daté de la même année 'de nombreux policiers ont de la difficulté à distinguer le soupçon du motif raisonnable et probable. Le problème se pose également pour certains gestionnaires de premier niveau11'.

De plus, le même rapport révèle qu'il 'semble assez courant qu'on néglige de considérer ou de vérifier les faits qui tendent à innocenter... ou même simplement à contredire l'hypothèse que le policier explore'. Les auteurs soulignent 'qu'en aucun cas, l'urgence ne pallie à l'insuffisance de motifs'.

En 1998, même les autres corps policiers au Québec reconnaissent des différences entre les objectifs poursuivis par leurs enquêteurs et ceux recherchés par les enquêteurs de la SQ. 'Lors de la mise sur pied de l'escouade Carcajou, la perception à la GRC (Gendarmerie Royale du Canada, police fédérale) était que les enquêteurs du Service de la répression du banditisme à la Sûreté du Québec avaient tendance à rechercher des résultats rapides lors des enquêtes... Notant, de façon générale, les différences entre les méthodes de travail des enquêteurs des enquêteurs de la SQ et celles des enquêteurs de la GRC et du SPCUM, il faisait le constat suivant : "ils travaillent surtout vers les arrestations et les saisies...[...] Nous, on travaille à plus long terme vers... le succès à la cour12" '.

Ce qui complique les choses ici c'est qu'il pourrait y avoir deux enquêtes. D'abord celle dans laquelle Jean-Loup Lapointe agit comme policier et pour laquelle il voudrait bien aller recueillir de la preuve pour accuser Dany Villanueva de bris de condition ou de bris de probation d'un côté et de l'autre il y a l'enquête menée par la Sûreté du Québec visant à établir la vérité sur ce qui a pu pousser l'agent Lapointe à tirer trois fois sur Fredy (et à blesser deux autres personnes sans plus de raison).

Pour la première : il y a eu arrestation et tentative de fouille mais pas d'accusation et pour la deuxième : pas d'arrestation ni accusation car, dès le départ, les deux agents sont considérés comme témoins et non suspects...

Une fouille injustifiée
Il y a une différence entre une arrestation et le fait d'avoir une personne sous sa garde, en détention. La commission Poitras écrit dans son rapport 'nous savons que la détention dans le but de recueillir des éléments de preuve est illégale... l'utilisation abusive du pouvoir d'arrestation et de détention peut également s'accompagner d'un traitement abusif de la personne détenue13".

Aussi, selon un examen de la jurisprudence réalisé en 1996, 'les policiers ont le droit de fouiller sommairement la personne arrêtée pour vérifier si elle porte des armes ou si la preuve de la commission d'une infraction criminelle peut être découverte par une telle fouille...ce pouvoir de fouille accessoire à une arrestation ne peut être exercé que dans la mesure où l'arrestation est légale14' de là l'insistance à examiner l'existence de motifs raisonnables que l'agent Jean-Loup Lapointe avait de procéder à une arrestation sans mandat de Dany Villanueva le 9 août 2008.

En définitive, le policier anonyme et ami de Jean-Loup Lapointe s'est confié le 15 août 2008 à Sue Montgomery du journal The Gazette. L'arrestation de Dany Villanueva devait servir à vérifier s'il se trouvait en bris de condition ou en bris de probation.

Or, à la Sûreté du Québec selon la dernière enquête publique réalisée en 1996 (rapport Bellemare), 'dans le cas de certaines escouades, on procède à des arrestations trop hâtives, alors que si l'on avait laissé l'enquête se poursuivre un peu on aurait découvert une preuve suffisante [...] ou, au contraire, des éléments disculpatoires faciles à établir15'.

Avec l'enquête menée par Jean-Loup Lapointe, pas besoin de vérifier, il est allé empoigner Dany Villanueva. D'un autre côté, le cas de la SQ qui enquête sur Jean-Loup Lapointe, nul besoin de l'interroger, le public va oublier. Or, selon the International City Management association Training Institute, (Institut international de gestion de police municipale basé à Washington, USA), cité par le rapport Bellemare en 1996, « tous les efforts dans une enquête criminelle doivent être orientés vers la condamnation de son auteur ». Nous sommes bien loin des évaluations du ministre Dupuis.

À la décharge de l'agent s'il invoque qu'il voulait décerner un constat d'infraction à Dany, il n'a pas d'enquête à faire. Un constat d'infraction requiert seulement que policier constate l'infraction. L'ennui c'est que cela ne procure pas de possibilité supplémentaire de procéder à une arrestation sans mandat comme nous allons le voir plus loin. À plus forte raison, ça ne donne pas le droit de tuer le frère et de blesser deux autres personnes non plus.

Politique à moitié efficace
En 1996, le ministère de la sécurité publique encourageait les corps policiers de la province à traiter les cas où des personnes subissent des blessures pouvant causer la mort (après l'intervention d'un policier) comme des interventions où la personne devait décéder et en confier l'enquête à un autre corps de police.

La politique ministérielle qui date de 1979 et qui a été modifiée en 1988 suite au décès d'Anthony Griffin prévoit qu'un autre corps de police, que le corps de police auquel le policier visé appartient, doit faire l'enquête s'il y a décès et pas seulement blessure.

En 1998, la commission Poitras rapportait une confusion à la Sûreté du Québec entre le Guide des pratiques policières, un document administratif de ce corps policier, et la politique ministérielle qui, elle, est mise en place par le ministère de la sécurité publique.

En date de 1998  Guide des pratiques SQ  Politique Ministérielle 
Corps policier impliqué  Incident   
Corps policier désigné  Décès  Incident et décès 


Une décision planifiée
C'est donc sans surprise que le substitut du procureur a annoncé ses conclusions le 1er décembre 2008. De la même manière que la commission de Police venait confirmer la version d'Allan Gosset, répétée par le chef de police le 11 novembre 1987 et entérinée 7 mois après les faits en 1988, Me François Brière est venu confirmer la version relatée par les médias à l'égard du fait que ' Les policiers se sentaient menacés' publié par le SPVM en date du 9 août 2008 au soir. La validation par l'État est venue après un délai de quatre mois, cette fois-ci.

Le procureur élabore. 'Jean-Loup Lapointe était justifié d'utiliser la force contre [Fredy] Villanueva parce que le policier avait une crainte légitime pour sa sécurité et celle de sa consoeur, l'agente Stéphanie Pilotte'.

Toujours selon le récit du procureur, plusieurs versions indiquent que les policiers se sont présentés dans le parc vers 19h00 pour mettre fin à un jeu de dés.

Dans la foulée et toujours selon la séquence de faits retenue par le procureur (celle des deux policiers impliqués sans aucun doute) l'agent Lapointe a reconnu et a décidé d'arrêter le frère de Fredy Villanueva, ce qui a mené à une violente confrontation avec les jeunes. Et on n'exagère en rien.

En effet, selon la réglementation municipale (P-3 des Règlements Refondus de la Ville de Montréal, article 6, il est interdit à quiconque visite ou fréquente un parc 10° de conduire des jeux de hasard ou d'y participer; l'article 21 du même règlement prévoit 'Quiconque contrevient au présent règlement commet une infraction et est passible 1° pour une première infraction d'une amende de 100$ à 300$').

Ainsi, il est justifié tuer le frère d'une personne qui joue aux dés alors que l'infraction est punissable d'une amende maximale de 300$. En termes de propagande il s'agit de la technique de la vérité incroyable. Toujours selon le traité de propagande16,
"L'important n'est pas la réalité de la vie mais ce que les gens croient [...] Ce sont les mythes qui font que les hommes se lèvent et marchent, s'exposent et se font tuer, ou au contraire s'arrêtent et se cachent. Les mythes sont des images-forces, des imaginaires collectifs capables de fasciner les consciences d'un groupe ou d'une masse parce qu'elles y trouvent des satisfactions ou des valorisations profondes. [...] Trouver les mots est plus important que d'analyser les données objectives".
En conséquence, le fait de dire que Dany connaitrait des membres de gangs de rue et que ça rend son frère si 'dangereux' ou 'criminel' constitue la menace pour Jean-Loup, il l'exagère à peine. Pourtant, c'est un mythe qui ne devrait pas fonctionner dans une société pluraliste et non raciste.

Aussi, selon le code de procédure pénale17, un agent peut procéder à une arrestation dans le contexte où il aurait des doutes sur l'identité de la personne visée. Or, de l'aveu même de l'agent Jean-Louis Lapointe, il connaissait Dany Villanueva.

Mais encore toujours selon code de procédure pénale18 'Une personne peut refuser de déclarer ses noms et adresse ou de fournir des renseignements permettant d'en confirmer l'exactitude tant qu'elle n'est pas informée de l'infraction alléguée contre elle'. En conséquence, s'il s'agissait de délivrer un constat d'infraction, l'enquête 'transparente' de la SQ ne relève pas de mise en garde (lire les droits) à Dany ou Fredy dans la version de l'agent Lapointe. Selon ce qui est public, il n’a pas délivré aux personnes présentes un constat d'infraction en vertu de la réglementation municipale.

Ce qui a d'abord transpiré des déclarations non faites, mais dont le SPVM a laissé coulé la teneur dans les médias, c'est que Dany Villanueva 'aurait eu' des conditions ou une probation à respecter, ce qui est très différent comme infraction. Ladite infraction de bris de condition n'entraîne tout de même pas la peine de mort pour le frère du prévenu. Il est raisonnable de penser que Dany Villanueva ne brisait pas de conditions de probation ou relatives à un cautionnement. Il faut donc trouver une infraction qui s'ajuste bien à l'incident. On est toujours dans la propagande. Bris de condition ou jeu de dés, est-ce vraiment une infraction collée ou bien s'agit-il bien de profilage racial ? Nous aussi, nous sommes capables de faire un 'choix truqué'. On a au mois la décence de l'écrire.

Sans oublier aussi les articles 10 a) et 10 b) de la charte canadienne lesquels prévoient qu'une personne détenue doit être informée sans délai des motifs de sa détention [10 a)] et de son droit à un avocat [10 b)].

Tandis que les enquêteurs de la SQ avaient 'oublié' (et on doit le croire) de faire la mise en garde à l'un des policiers de Montréal qui avaient tabassé Richard Barnabé en 1993, est-ce que l'agent Jean-Loup Lapointe (3 années d'expérience) et l'agent Stéphanie Pilotte (18 mois d'expérience) ont clairement informé les personnes présentes que Dany Villanueva devait cesser de jouer aux dés ou bien qu'il aurait brisé des conditions ?

N'empêche, certains faits font l'objet de fuites :'les policiers sont menacés'. D'autres sont jugés non pertinents par la SQ. Est-ce que l'infraction reprochée a été clairement indiquée à Dany ? C'est là toute la transparence promise par le maire Gérald Tremblay. Il disait le 15 août 2008 'j'ai demandé au ministre de la Sécurité publique Jacques Dupuis de faire en sorte que les détails de l'enquête soient rendus publics peu importe si des accusations sont portées ou non'.

Le 14 août 2008, le ministre de la Sécurité publique Jacques Dupuis disait lui-même qu'il a demandé à la SQ de faire des compte-rendu publics réguliers sur les progrès de l'enquête.

Comme les enquêteurs de la SQ n'ont jamais considéré les déclarations des agents Lapointe et Pilotte comme des versions venant de suspects mais plutôt en tant que témoins, il est permis de se demander pourquoi l'enquête était si longue si les conclusions étaient déjà connues au départ ? Il fallait le dire plutôt et cela n'aurait rien changé. C'est ça le plan. Solidarité corporatiste entre corps policiers oblige.

Encore mieux que la persuasion
Dans le journal La Presse du 3 octobre 2008, on peut lire 'Les enquêteurs de la Sûreté ont interrogé plus de 75 témoins pour le rapport [les témoins civils sont interrogés et les policiers visés 'participeraient' à des rencontres ou des entrevues] le jeune policier [Jean-Loup Lapointe] a été vu à titre de "témoin" et non de suspect'. C'est la conception d'objectivité d'une enquête telle qu'avancée par le ministre. Il avait peur que les policiers de la SQ soient trop agressifs, plus qu'ils ne le seraient envers des prévenus civils.

Pour résumer:
  • l'indépendance,
  • la transparence,
  • l'expertise,
  • le professionnalisme,
  • l'objectivité
sont les termes que M. Dupuis a utilisés pour décrire le travail de la SQ. Il a aussi mentionné l'embauche de policiers de minorités visibles à Montréal. Pourtant, le premier policier noir à Montréal était victime de harcèlement et de discrimination.

Si on fait une enquête et que les personnes visées par l'enquête ne sont pas rencontrées nous 'orientons tous les efforts vers la condamnation des auteurs'. À moins qu'il ne soit décidé au départ qu'il n'y a pas de crime et auquel cas ce n'est plus une enquête criminelle mais cela devient plutôt un exercice de relations publiques au mieux ou un savant étalage de la technique de propagande.

C'est-à-dire un effort délibéré et systématique19 de moduler les perceptions, de manipuler le savoir, et d'influencer les comportements dans le but d'obtenir une réponse en droite ligne avec les intentions du propagandiste: que le public accepte cette mort inutile.

Opération Lapointe
Pour en revenir au 9 août 2008, l'objectif final de l'opération de l'agent Lapointe était-il de procéder à l'émission d'un constat d'infraction à la réglementation municipale ? Des témoins ont pu néanmoins constater l'embarquement de Dany Villanueva dans l'auto-patrouille.

Or, selon le code de procédure pénale20, le pouvoir d'arrêter, pour empêcher que l'infraction ne continue, disparaît dès lors que la détention n'est plus nécessaire pour éviter la reprise ou la continuation de ladite infraction dans l'immédiat.

Une fois que son frère est tué, l'immigrant en provenance du Honduras et à la peau foncée continuera-t-il à jouer aux dés ? Les commodités du capitalisme sont les femmes, enfants et les minorités. En définitive, le rôle fondamental de la police est de veiller au maintien de l'ordre social actuel. Celui de la destruction humaine au service de l'enrichissement d'une minorité d'hommes blancs. Au cours des années 1980, le Honduras a été un vecteur de l'impérialisme américain dans l'Alliance Noire (Dark Alliance) afin de renverser une révolution sociale au Nicaragua. C'est ce que nous verrons dans le prochain texte.


  1. The Gazette, Villanueva Shot 3 times: coroner, Friday, August 15, 2008, A4.
  2. Paul Moreira, Les nouvelles censures, Editions Robert Laffont, 2007, p. 128. L'anecdote est tirée de son ouvrage.
  3. Bref article et dossier complet en hyperliens. Afrik.com est un média international indépendant. Existe depuis 9 ans.
    http://www.afrik.com/article8965.html

    Une caricature
    http://lille.indymedia.org/article2770.html

    Dossier indymedia avec plusieurs liens périmés mais dont certains sont intéressants
    http://lille.indymedia.org/article2890.html
    et finalement :
    http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%9meutes_de_2005_en_banlieue_parisienne
  4. Augé, Etienne F., Petit traité de propagande, Editions de Boek Université, 2007, p. 114.
  5. Id. p. 115.
  6. Myles, Brian, La SQ n'a jamais interrogé les policiers impliqués dans la mort de Villanueva, Le Devoir, 26 mai 2009, http://www.ledevoir.com/2009/05/26/241273.html
  7. Curran, Peggy, Judgment more useful than rules Gosset says, The Gazette, Thursday April 21, 1988, A3. ‘In no way am I a racist, said Gosset. "Where I used to live in LaSalle, there were many black people and I often vacation in countries that are predominantly black." ‘
  8. Boisvert, Yves, L'affaire Richard Barnabé: six verdicts possibles par accusé, La Presse, Mardi 20 juin 1995, A1.
    « ... quand les enquêteurs de la SQ les ont convoqués, les six étaient [...] suspects et ont été interrogés comme tels [...] de tous ces interrogatoires de policiers par des policiers, un seul ait été jugé admissible (celui de Vadeboncoeur), car le juge a conclu que les policiers de la SQ n'avaient pas respecté les règles! Dans un cas, ils ont piégé le suspect en prétendant qu'il y avait de nombreuses contradictions entre les rapports (ce qui est faux). Dans un autre cas, ils n'ont pas donné correctement ses droits au suspect, dans un troisième, ils ont nié que le policier était un suspect ».
  9. Rapport de la Commission d'enquête chargée de faire enquête sur la Sûreté du Québec, Pour une police au service de l'intégrité et de la justice, Gouvernement du Québec, 1998 (Rapport Poitras), volume 2, p. 1210.
  10. Id. p. 1211-1212.
  11. Groupe de travail chargé d'examiner les pratiques en matière d'enquêtes criminelles au sein des corps de police du Québec, Les pratiques en matière d'enquête criminelles au sein des corps de police du Québec, Gouvernement du Québec, 1996 (Rapport Bellemare), p. 84;

    'l'existence de pratiques d'arrestation qui ne correspondent pas aux prescriptions du par. 495 (2) C. Cr. et l'abus volontaire de l'arrestation (harcèlement, humiliation, sanction pour défaut de collaboration)', p. 270;

    ' Le cas des voies de fait et d'injures à l'occasion de l'arrestation...Ce phénomène est toutefois plus étendu si l'on s'en fie aux décision des tribunaux et du Comité de déontologie policière. Beaucoup trop de citoyens se plaignent encore de ce type d'agissements qui est surtout le fait de patrouilleurs' p. 271;

    Le juge Lévesque, dans David (J-E 94-996 Cour du Québec 500-01-008819-925) a émis l'opinion que bon nombre d'affrontements seraient évités si le policier informait le suspect aussitôt que possible des motifs de son arrestation ou de son interpellation p. 272;

    Recommandation 24 QUE les services de police exercent un contrôle strict sur les manquements en matière d'arrestation et de la manière dont elle est effectuée en exigeant, notamment, que tout policier qui a connaissance de tels cas les rapporte au gestionnaire.
    Tout policier en position d'intervenir face à cette faute, devrait agir pour la faire cesser. Le défaut de ce faire constituerait une faute disciplinaire. p. 275.
  12. Rapport Poitras, vol. 2, p. 1220.
  13. Rapport Poitras, vol. 2, p. 1227.
  14. Rapport Bellemare p. 74. En outre, 'les cas de fouilles abusives accessoires à l'arrestation [...], révèlent des lacunes en formation. Ils reflètent une situation où les motifs raisonnables sont manquants et où l'on cherche à compenser par une méthode légale lorsqu'elle est correctement appliquée, p. 272.

    Recommandation 25 QUE les services de police resserrent davantage l'encadrement et le contrôle concernant les manquements en matière de fouille accessoire ou incidente à l'arrestation, la détention ou l'interpellation. Un rapport spécial, par le gestionnaire de premier niveau, concernant de tels manquements, devrait être préparé et communiqué aussitôt que possible, au responsable de l'unité qui verra à prendre les mesures appropriées, p. 275.
  15. Rapport Bellemare, p. 91.
  16. Augé, Etienne F., Petit traité de propagande, Editions de Boek Université, 2007, p. 101.
  17. Code de procédure pénale article 72 :'L'agent de la paix qui a des motifs raisonnables de croire qu'une personne a commis une infraction peut exiger qu'elle lui déclare ses noms et adresse, s'il ne les connaît pas, afin que soit dressé un constat d'infraction.
    Doutes sur l'identité.
    L'agent qui a des motifs raisonnables de croire que cette personne ne lui a pas déclaré ses véritables noms et adresse peut, en outre, exiger qu'elle lui fournisse des renseignements permettant d'en confirmer l'exactitude'.
  18. Code de procédure pénale du Québec art. 73.
  19. Jowett, Garth S. & O'Donnell, Victoria, Propaganda and persuasion, Sage publications, fourth edition, 2006, p. 7.
  20. Code de procédure pénale du Québec art. 75. 'L'agent de la paix qui constate qu'une personne est en train de commettre une infraction peut l'arrêter sans mandat si l'arrestation est le seul moyen raisonnable à sa disposition pour mettre un terme à la perpétration de l'infraction.
    Mise en liberté
    La personne ainsi arrêtée doit être mise en liberté par celui qui la détient dès que celui-ci a des motifs raisonnables de croire que sa détention n'est plus nécessaire pour empêcher la reprise ou la continuation, dans l'immédiat, de l'infraction'.

Partie 1 | Partie 1 (avec sources) | Partie 2
Veuillez télécharger la version de ce texte au format pdf en bas à droite. L'ensemble produit par Belette Curieuse le 16 août 2009.

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