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[Cameroun - France] Paul Biya a bu du Bordeaux au Karcher

Anonyme, Friday, July 24, 2009 - 21:43

La France, a accueilli du 21 au 24 juillet 2009, Monsieur Paul Biya, en vue de résorber le déficit abyssal de la dette publique camerounaise générée principalement par la politique dispendieuse, insoucieuse, du régime de Yaoundé. Une dette dépassant les 20 milliards d’euros, (soit 160 pour cent du PNB) durant ses vingt-sept ans de pouvoir. L’inviter, un 21 juillet, donc une semaine après la prise de la Bastille le 14 juillet, est plus qu’une simple ballade orgiaque. Cette invitation apparaît, suite aux pressions de la diaspora et d’un rapport incendiaire du CCFD, comme un ultime hommage posthume de la part de la France, à quelques mois des élections au Cameroun de 2011.

La prestidigitation
Que les amateurs de conte de fées se détrompent : la jonction de Paul Biya avec la France n’est nullement le fruit du hasard. Elle résulte d’une double conjonction : la conjonction des intérêts des états, ceux de la France avec son pré-carré en Afrique centrale, principal soutien du Tchad contre le Soudan dans sa guerre contre la nébuleuse rébellion et l’islamisme. La conjonction des intérêts des personnes, ceux de Biya en personne, candidat à la présidence camerounaise en 2011 et de l’homme d’affaires Bolloré, ami de Sarkozy, candidat au poste d’actionnaire unique des plantations de bananes de Njombé, ensuite au port de Kribi. Avec l’arrivée de Sarkozy au pouvoir en France en 2007, Cette double conjonction donnera à la relation Biya-Bolloré une tournure singulière pour atteindre son paroxysme avec la volonté de Bolloré de non seulement maîtriser le zone portuaire de l’Afrique équatoriale, Mais aussi de prendre une part active dans les télécoms et l’agro-alimentaire au Cameroun. Ces mélanges de genres, conditionnent pour une large part les relations franco-africaines ; Sarkozy ayant été contraint par ses amis du CAC 40 à ne pas lâcher du lest en Afrique, malgré sa volonté affichée de rupture. Voilà en quelque sorte, une des raisons de la visite de Biya en France, sans que personnellement Sarkozy l’apprécie.

Tout le monde semble ignorer que, malgré l’atlantisme poussé de Nicolas Sarkozy, le désamour avec Biya, commence au moment de l’invasion de l’Irak, au paroxysme de la rivalité franco-américaine. La position de Biya est restée dans les travers de l’intelligentsia française, farouchement opposée à Georges Bush et son bellicisme. Paul Biya avait donné sa caution à Bush pour l’invasion de l’Irak. Sa visite à Washington quelques jours avant le déploiement de l’armée américaine, n’est oubliée d’aucun diplomate, surtout de Monsieur Levitte conseiller diplomatique de Sarkozy, en poste au moment des faits. Recevoir Paul Biya, même s’il n’a pas la réputation d’un Kadhafi en matière de droits de l’homme, est tout comme. Car, l’Europe redoutant la montée en puissance du fondamentalisme islamique, ne saurait laisser les terres africaines à ces zélotes qui pourraient enrôler une jeunesse désorientée, abusée par des gouvernements totalement discrédités. Et, sur un autre plan, les africains se sentant plus proches de la France que de la Chine, elle est prête, à se racheter en sacrifiant certains leaders indésirables, notamment Paul Biya.

La cuvée du CODE:
L’implosion avant son arrivée en France d’un rapport d’une ONG française et la pression du CODE, n’auraient pas pu laisser la classe politique française indifférente. Bolloré pose en filigrane le problème des rapports entre la France et le Cameroun sous la présidence de Sarkozy, tant est manifeste la connivence entre le chef de l’Etat français et l’homme d’affaires, tant est démonstrative la manifestation de leur amitié. En deux ans de pouvoir de Sarkozy (2007-2009), Bolloré aura fait douze visites de travail à Yaoundé. Sarkozy a dépêché en trois mois (mars-juillet 2009), un premier ministre avec une délégation ministérielle à la fête nationale du 20 mai 2009, tandis qu’auparavant, le 9 mars Alain Joyande était porteur d’un message de Sarkozy, record mondial absolu de tous les temps. La fréquence des retrouvailles de Bolloré avec les autorités camerounaises, la chronicité des accolades avec les dirigeants camerounais incitera un journal « L’express » propriété des Nolf et Claeys amis de Bolloré à qualifier non sans témérité de « publicité opportune», l’insertion publicitaire du gouvernement camerounais. Depuis que les relations entre la France et le Cameroun existent, c’est la première fois que Monsieur Biya, la veille d’un déplacement en France, prenne une insertion publicitaire dans un journal français. C’est aussi la première fois qu’une société de journaliste en l’occurrence celle du journal « L’express » humilie aussi radicalement un chef d’Etat africain.

Un tel commentaire à l’adresse du dépositaire d’un prestigieux héritage, de la part d’un journal conservateur nullement suspecté d’irrévérence à l’égard de la hiérarchie gaulliste, laisse songeur. Il donne en tout cas la mesure de la corrosion de la politique africaine de la France. Il donne aussi la mesure de l’érosion de la crédibilité de ses acteurs. Sarkozy étant sensible à l’opinion des journaux, a pris en compte ces facteurs, lors de son entretien avec Biya. Le communiqué de l’Elysée en lui seul dit tout, sur l’opinion que Sarkozy se fait de Biya. En langage diplomatique, il lui a demandé de démissionner. Ce communiqué demande au chef de l’Etat camerounais de faire des efforts sur : la gouvernance, la démocratie, les droits de l’homme, les élections…En somme, on demande à Biya de revoir toutes ses institutions. Donc, il n’est pas crédible.

Bon nombre d’observateurs garderont à l’esprit, l’entrée triomphale des militants des partis politiques, des associations de la diaspora, unis autour du CODE, où, emportés par un élan nationaliste, ont poussé les autorités françaises à bouter Biya hors du tapis rouge. Etant sans relief aux yeux de l’opinion publique, son homologue l’a lestement propulsé hors du champ de l’espace médiatique français : pas de conférence de presse commune, à l’instar d’un président du Brésil. Le Brésil est un pays du tiers-monde autant que le Cameroun. L’humiliation continuant son cours, les autorités françaises, ont choisi un symbole en la personne de Juppé Maire de Bordeaux, pour être l’hôte du couple Biya. Alain Juppé est le seul ministre battu lors des élections législatives de 2007, il était aussi en tant que secrétaire général du RPR, représentant de ce parti, au congrès fondateur du RDPC à Bamenda en 1985. Par ailleurs, inviter Paul Biya à Bordeaux à une exposition sur la vente des noirs, donc des esclaves, est plein d’enseignement. Enfin, Biya étant un amateur de vin, on l’a convié à la source, pour boire du bon cru au karcher. Cette démarche si peu protocolaire où la prééminence a paru se confondre avec l’avilissement, ne peut que laisser plus d’un observateur de la scène politique africaine songeur. Les Camerounais, peuvent comprendre qu’au-delà du forcing et de l’agitation, Paul Biya est vaincu. La marche des camerounais vers leur destin, n’est qu’une question de timing. Alors il ne reste plus qu’aux camerounais de se serrer la main.

Aimé Mathurin Moussy



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