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Les gentils IndiensAnonyme, Thursday, June 4, 2009 - 18:00
David Ruffieux
Cette année l’abattage de quelques 600 narvals pris dans les glaces à Pond Inlet au Nunavut (Canada) avait de quoi soulever le cœur des écologistes. La première question qu’on doit se poser est celle-ci : a-t-on tout fait pour tenter de sauver ces superbes animaux ? Ces narvals étaient dans une situation de détresse de laquelle ils ne pouvaient s’échapper, nous dit-on. La mort de faim ou d’asphyxie dans les glaces en formation était-elle inexorable ? Dans un pays qui compte de puissants brise-glaces et comptant sur l’aide des Inuits, si soucieux du bien-être des animaux, on s’attendait à un autre spectacle; celui de la délivrance et de la vie. Et bien non. Le Canada aura encore brillé par sa cruauté envers la faune sauvage. Dans un pays dont le gouvernement conservateur fait l’apologie de la chasse commerciale jusqu’au cœur même de l’Europe et utilise l’argent public dans des proportions intolérables pour subventionner cette chasse, la vie de ces quelques narvals comptait bien peu. Mr. Harper, que notre malheur commun a reconduit au pouvoir et les hauts fonctionnaires du Département des Pêches et Océans font preuve encore d’un manque de compassion affligeant. Non contents d’avoir gagner des votes chez les Inuits, dont la culture, invariablement, semble nécessiter la mort de mammifères marins, des ministres fédéraux sortent de leurs igloos, pour critiquer les propos excessifs de Paul Watson. Le Président de la Sea Shepherd Conservation Society, dont on réclame sa destitution et dont le bateau a été séquestré par les autorités canadiennes, est un habitué des formules chocs et réitère ses exploits médiatiques en assimilant la tuerie des narvals à Pond Inlet, au massacre de My Lai, lorsque des soldats américains massacrèrent les habitants de tout un village, durant la guerre du Vietnam. Ma première expérience des Indiens d’Amérique remonte évidemment à l’enfance à travers les films de Western, dans lesquels John Wayne passait à la carabine Winchester, sans coup férir et la cigarette au bec, des hordes hurlantes de ‘peaux rouges.’ Scènes spectaculaires, en effet, que ces tueries réciproques entre le généralement bon cowboy et le bien souvent vilain Indien. L’enfant occidental regardait avec fascination et ébahissement des films d’un niveau de violence anodine et culturellement acceptable pour l’époque. La réalité, on s’en doute, était bien pire. Aujourd’hui ce qui est particulièrement choquant, c’est non seulement la disparition des cultures autochtones dans le monde, mais la ferveur avec laquelle les colons ont exterminé la faune sauvage; il s’agit de l’un des épisodes les plus tragiques du monde animal. On se rappellera volontiers de la conquête sanglante de l’Ouest, mais aussi de l’avidité obscène des nouveaux arrivants qui annihilèrent les bisons qui traversaient les plaines de l’Amérique du Nord depuis des milliers d’années. L’homme Blanc, mue d’une voracité sans pareil, aura conduit la planète et sa biodiversité à sa ruine, en l’espace seulement de quelques secondes sur une échelle de temps géologique. Mais ce qui est moins reconnu par un public européen édulcoré aux bons sentiments, c’est que les dits ‘peaux rouges’ n’étaient pas des anges non plus dans leur rapport avec la faune. En effet parmi les techniques de chasse pratiquées par les peuples des plaines, on retrouve la chasse à l’enclos, par laquelle les bisons étaient conduits dans une gorge étroite par un chasseur qui endossait une peau de bison. D’autres chasseurs formaient deux rangées d’hommes prêts à recevoir les animaux qui se bousculaient pour entrer dans un corral très étroit. L’abattage se faisait à la lance. Il y avait aussi la belle méthode du saut vers la mort. Cette peu gracieuse technique consistait à effrayer les bisons, en faisant virevolter des couvertures, qui finalement se précipitaient vers le fond d’une falaise. On imagine aisément la scène de boucherie de tous ces animaux, certains morts dans leur chute, d’autres encore agonisants dans des enchevêtrements de membres et d’échines fracassés. D’autres chasseurs finissaient le travail au bas de la falaise. D’autres techniques, mieux adaptées aux couverts forestiers, permettaient d’embourber le bison des bois dans les hautes neiges, d’où on l’encerclait. Bref, les méthodes de chasse de l’époque ne permettaient pas une mise à mort humaine et causaient des souffrances considérables. Avec l’arrivée du cheval qui n’était pas connu avant l’arrivée des Espagnols, les Premières nations d’Amérique du Nord purent s’approcher plus facilement des animaux en fuite pour les flécher à plusieurs reprises, entraînant peut-être une mort plus rapide. Mais ce fut l’introduction du fusil à poudre qui allait précipiter la disparition du bison, avec le développement du commerce de la viande et des peaux. Au départ venus de l’Est, trappeurs et chasseurs européens, ayant fait disparaître le castor par le commerce des fourrures (avec l’aide précieuse des Premières nations), dans leurs mouvements vers l’Ouest rencontrèrent des milliers de bisons arpentant tranquillement les plaines, libres et ouvertes jusqu’à l’horizon, dans une Amérique encore vierge. Les luttes entre les Blancs et les autochtones, ces derniers repoussés davantage vers des retranchements avec l’avancée des colons et de leurs armées, allaient contribuer à l’un des plus grands massacres de mammifères que ce continent ait connus. En effet, la politique d’extermination des peuples autochtones, en rébellion face à l’invasion coloniale, décida du sort des bisons qui, à leur tour, furent systématiquement anéantis par les bons cowboys, tel le général Custer, voyant là un ingénieux stratagème pour priver l’Indien récalcitrant de sa nourriture de base. D’aucuns diront que ces choses appartiennent au passé, mais s’il est vrai que les Premières nations, leur fierté et leurs cultures ont pu se remettre quelque peu d’un génocide, et même jouissent aujourd’hui de notre respect coupable, il reste que le génocide animalier continu. Les narvals tués dans les eaux arctiques constituent un épisode parmi d’autres chasses qui mettent en péril des espèces. Dès 2007, les gentils autochtones de l’arctique canadien admettait que la population de caribous connaissait une chute libre dans le Nord. En fait, cinq des sept hardes de caribous sont en déclin, alors qu’une sixième éprouve le même problème. En particulier, la harde de caribou de Bathurst au nord du Grand lac des Esclaves, est passée de 500 000 individus à environ 186 000, soit un recul de 60 pour cent en 20 ans. On invoque des changements climatiques et l’activité humaine, comme l’industrie, mais la chasse est aussi au banc des accusés. Dans un entretien, Richard Nerysoo, le chef de la bande Déné d'Inuvik affirmait : «Nous devons pratiquer une récolte disciplinée, nous devons comprendre que cela doit changer.» Il faut dire que chasser depuis les avions semble assez loin des techniques anciennes de chasse d’antan, les armes puissantes ont remplacé les flèches et les lances, les motoneiges se passent volontiers des chiens de traîneaux, bref, l’animal a peu de chance d’échapper aux chasseurs. Au Canada, le pouvoir politique hésite à mettre le nez dans les affaires autochtones de ce genre. Si bien que la chasse autochtone est devenue intouchable. Elle est sanctifiée par divers traités et se trouvent nullement entravée par quelque réglementation. En conséquence, les autochtones ont le privilège de chasser et pécher toute l’année, le nombre d’animaux qui est laissé à leur discrétion. Ces autochtones abattraient environ 11 000 animaux par année, c’est dix fois plus que les pourvoyeurs et les chasseurs résidants qui sont déjà très nombreux, au Québec et dans l’ensemble du Canada. Les élus tremblent à l’idée d’imposer des contraintes visant la chasse autochtone. Pourquoi dans un état de droit, il semblerait y avoir des zones de non-droit ? Le visiteur ébloui, tout comme le nouvel immigrant ébahi par la généreuse nature Québécoise peut facilement sous-estimer les activités de chasse et de pêche au Québec. Mais contrairement à un pays comme la France où la chasse concerne à peine 2% de la population, le gouvernement du Québec se félicite que les activités reliées à la faune et à la nature attirent chaque année 3,4 millions de citoyens soit environ la moitié de tous les habitants de la province. Cela correspond à des dépenses de 3 milliards de dollars et 32 000 emplois. Le Québec peut se targuer de 400 ans de chasse, pêche et autres dépiautages d’animaux à fourrure, de préparation des peaux, de techniques de piégeage. Tout cela peut se faire en famille. C’est pour le citadin un possible retour vers le paléolithique à juste quelques heures de route des grands centres urbains ; c’est pour une province relativement pauvre, il faut l’avouer, une poule aux œufs d’or qu’il faut protéger. La chasse est une industrie, avec ses magazines, ses salons, ses cabanes de chasse luxueuse où de riches américains et d’européens viennent se ‘soulager’ à l’abri du regard de la civilisation. Il est évident que cette pression cynégétique, sans parler du braconnage organisé, voit ses effets augmentés dès lors que les autochtones y participent sans retenue. Cette année, des chasseurs Innus des bandes québécoises de la Romaine, de Natashquan et de Saint-Augustin ont décimé une quarantaine de caribous au sud du lac Minipi au Labrador, qui correspondait à la moitié d’une harde déjà en déclin. Les protestations ne se sont pas faites attendre, ni l’intervention des agents de la Faune qui ont constaté des tirs de fusil depuis des motoneiges en marche, en violation des règles de sécurité et des codes d’éthiques de chasse, puisque les animaux sont souvent blessés inutilement. Cependant les agents ont dû rebrousser chemin pour éviter une altercation violente avec les Innus, qui comme chacun le sait, vivent depuis des millénaires en harmonie avec la Nature et veulent maintenant faire valoir leurs droits ancestraux. Aucune crainte de voir intervenir la Gendarmerie royale du Canada pour réprimander et confisquer les armes, les motos neige et les trophées des chasseurs. Qui penserait qu’en mettant en danger la viabilité d’une espèce, les Innus pourrait recevoir des millions de dollars en compensation, pour des projets d’aménagement de leur territoire par de grandes compagnies, pour promouvoir « les valeurs et les activités ancestrales des autochtones. » Assurément, les autochtones ont repris du ‘poil de la bête’ face aux colons, et ne veulent pas en démordre. De toute évidence, les querelles du temps des pionniers laissent la place aux tensions et aux ressentiments entre Blancs et autochtones concernant la chasse : il n’y a plus coopération, il y a compétition. Un autre domaine de chasse où l’on pourrait s’étonner de voir de sympathiques autochtones, c’est la chasse commerciale au phoque. J’ai déjà écris sur le sujet, mais au risque de me répéter, il me semble très peu recommandable d’envoyer des délégations d’autochtones pour aller défendre la plus grand massacre de mammifères marins au monde : question d’image. Le gouvernement fédéral, à court d’arguments valides, n’a cesse d’utiliser les Premières nations pour suggérer que la pêche au phoque est vitale pour certaines communautés constituées en majorité de non autochtones. Ceux-ci opèrent une chasse commerciale, contrairement aux Inuits, qui en font davantage une chasse ancestrale et culturelle. Il est assez surprenant de voir les autochtones venir en aide aux Blancs qui les ont tant spoliés et avilis au fil des siècles. Peut-être que la corruption et l’immoralité ne sont plus l’apanage des langues fourchues qui jadis, offraient aux braves guerriers insouciants l’eau de feu qui fait tourner la tête. Malgré toutes les déprédations dont sont responsables les autochtones, au temps passé comme au temps présent, l’Europe a l’audace, dans sa détermination d’interdire l’importation des dérivés du phoque, d’exempter les autochtones de cette interdiction qui vise la chasse commerciale. Autant dire qu’on fait un cadeau inestimable aux responsables des Inuits qui doivent se frotter les bouts du nez de bonheur en pensant aux juteuses affaires à venir. Pourtant, si la logique et la raison l’emportaient, si l’on interdisait le commerce des dérivés du phoque sous prétexte que cette chasse est inhumaine, en quoi l’exercice d’une chasse autochtone la rendrait plus humaine? Est-ce que le hakapik, ou Dieu sait quel autre instrument de mort, chez le gentil Inuit a des vertus éthiques que ne posséderait pas le hakapik du méchant Blanc, qui fracasse le crâne d’un bébé phoque de 13 semaines, qui ne sait ni nager, ni fuir ? Telle est la question que je pose aux députés européens. Aux dernières nouvelles, j’apprends que des autochtones se trouvent impliqués dans la contrebande de cigarettes entre le Québec et les Etats-Unis, et agissent en véritables groupes criminels organisés. Mais n’ayons pas de soucis à nous faire, suivons l’exemple des Européens pour se persuader, et pourquoi pas sur un air de gigue, qu’ils sont tellement gentils ces Indiens. Plus d'info: Leur chasse peut contribuer au déclin du caribou, admettent les autochtones Pêche et chasse: puissants moteurs économiques: Québec inquiet des affrontements entre Innus et agents de la faune: Des caribous et des hommes:
Cet article est aussi publié sur mon blog.
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