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Les usines à chiots du QuébecAnonyme, Thursday, June 4, 2009 - 17:38 (Analyses | Speciesism)
David Ruffieux
Les Français qui se pressent aux réunions d’information, ici et là, pour tenter l’aventure québécoise, l’immigration, les études ou le travail dans cette grande province du Canada, seraient loin de se douter, tout comme moi il y a seulement quelques années, que le Québec est un enfer sur terre pour un grand nombre d’animaux Ceux qui ont déjà lu mes analyses savent de quoi je parle. Mais pour ceux d’entre vous qui seraient tentés par l’expérience de venir essayer les raquettes et la tire de sirop d’érable, il est des aspects inconnus du Québec beaucoup moins bucoliques et certainement moins charmeurs. S’il y avait une bonne raison de venir voir le Québec, je pense que ce serait pour se rendre compte, par soi-même, de l’état déplorable du bien-être des animaux. Nous ne sommes pourtant pas dans un pays du tiers-monde, au sens commun du terme, ce n’est pas la Chine et sa multitude de cruautés envers les chiens et les chats, ni la France et son industrie du foie gras ou sa corrida. La brutalité du Québec envers les animaux défie tout entendement et pour ma part, il est bien certain qu’on peut juger du caractère d’une nation par le traitement qu’elle reserve aux plus faibles. Je vis au Québec depuis 7 années, dès lors, je peux humblement me permettre d’emettre un jugement sur une question qui me trouble. En effet, il me paraît maintenant évident que le respect des animaux peut améliorer grandement la nature des individus et renforcer le respect des uns pour les autres. Quoi qu’en disent certaines personnes qui s’étonnent qu’on veuille bien s’occuper du bien-être des animaux, il n’y a pas antinomie, ni contradiction. Je trouve personnellement assez surprenant d’entendre à l’occasion des personnes pour nous expliquer qu’il ne faut pas s’occuper des animaux car il y a trop de misère humaine. Selon moi, les souffrances qui sont nombreuses en ce bas monde s’ajoutent et ne sont pas exclusives; toutes valent la peine qu’on essaie de les corriger. Que dire alors des souffrances qui sont perpétrées de manière quotidienne, mais passées sous silence, de celles qui sont cachées aux yeux du public, toutes ces maltraitances entretenues par l’inaction du pouvoir politique, de la corruption du système légal et du mercantilisme le plus bas et le plus sous-developpé. S’il est une bonne raison de venir au Québec, ce serait pour faire entendre la cause animale. Mais soyons conscient qu’il n’est pas une seule démocratie au monde qui traite les animaux avec moins de respect et de justice que le Canada. L’actualité nous le prouve encore à la lumière de la réaction quasi unamine de tous les partis politiques pour défendre la chasse au phoque, condamnant la décision de l’Union européenne de bannir les dérivés des produits du phoque. Il fallait voir ces honorables députés du Canada prenant la parole, le 05 mai 2009, dans une chambre des communes (presque vide) à Ottawa, pour critiquer sévèrement l’hypocrisie de leurs “homologues” européens. Il n’est pas étonnant que la législation canadienne concernant la cruauté envers les animaux soit à l’image de ces députés, l’une des plus arrièrées au monde. Au Québec, les problèmes sont multiples; les élevages clandestins de chiens abondent, les vols d’animaux avec la complicité des fourrières sont communs, l’industrie porcine est considérable, les tests sur les animaux recoivent des exemptions fiscales, la chasse et la trappe représentent un pilier de l’économie du Québec. Tout semble bon pour faire de l’argent de la manière la plus sordide et la plus inhumaine possible. Voici une image du Québec que peu d’Européens soupçonneraient alors qu’ils préparent fébrilement leur prochain vol vers Montréal. Le Québec est devenu une terre d’accueil pour tous ces gens d’affaires de moindre envergure, ayant bien compris néanmoins le néant juridique, le vide légal, permettant à chacun et chacune de monter son élevage de chiens, à la maison, au fond d’une cour, dans une ferme, un hangar, si possible à l’abri des regards et des curieux. On les appelle les usines à chiots. Il s’agit de centre de production de chiots qu’on retrouve ensuite dans les animaleries à travers le Québec. Il est difficile d’imaginer l’état d’insalubrité des ces usines à chiots, qui sont disséminées à travers la province, et dans lesquelles on trouve des chiens enfermés toute leur vie dans des cages minuscules, où on les laissera mourrir, le plus souvent après plusieurs années de mauvais soins. Ces chiens sont souvent couverts d’excréments, de parasites, sont malades et les propriétaires de ces établissements éliminent les plus faibles et réduisent les coûts au minimum. Seul le profit compte. En particulier, les femelles peuvent avoir jusqu’à 3 portées par année lorsqu’elles ne sont plus fertiles, elles sont tuées, vendues ou abandonnées. Il est difficile d’imaginer qu’il existe entre 1500 et 1800 usines à chiots au Québec! Personne ne sait précisément le nombre et quelque 400 000 chiots naissent chaque année dans ces établissements. Beaucoup mourront, faute de soins, à cause des maladies, du froid ou de la chaleur durant les transports vers les marchés et les animaleries. Des centaines de personnes opèrent ces usines à chiots et il est clair qu’elles ne veulent pas de publicité sur leurs activités. La loi du Code criminel (S-213), concernant la cruauté animale existe, mais son application reste très problèmatique, parce qu’il faut prouver l’intention de causer un acte cruel. La Société protectrice des animaux (SPCA) n'a qu’un pouvoir limité pour poursuivre les éleveurs. Dans les faits et d’après la Section 466 du Code criminel du Canada, seuls les cas les plus extrêmes de cruauté et de négligence sont considérés. Et pour ceux-là, il faut obtenir un mandat de perquisition émis par un juge. Les inspecteurs doivent avoir des preuves solides, des témoignages et des plaintes signées. A cet égard, la Fédération canadienne des sociétés humaines rapporte que seulement un quart des 1% des cas de cruauté animale portés en justice aboutissent à des amendes, souvent dérisoires. Pour bien comprendre la situation au Canada, personne n’a jamais été en prison pour des cas extrêmes de cruauté, comme traîner un chien derrière son véhicule, le battre à mort, ou encore laisser mourrir un animal de faim ou de froid. Ces usines à chiots ne sont pas répertoriées et opèrent en toute légalité avec la complicité de certains vétérinaires peu scrupuleux et de notables locaux. C’est une économie qui fait intervenir une chaîne de partenaires, d’éleveurs, de vendeurs, d’intermédaires et les animaleries en aval. Inutile de préciser qu’il ne faut jamais acheter un animal de compagnie dans une animalerie. Dernièrement, plusieurs actions ont été intentées contre ces types d’établissements et leurs propriétaires. Par exemple, le 12 décembre 2008, la Humane Society International du Canada (HSI) et la SPCA ont procédé à leur troisième démantèlement d'une usine à chiots en moins de trois mois. Une centaine de chiens vivaient dans des conditions effroyables et beaucoup étaient dans un état pitoyable, affaiblis et sales. Toujours en 2008, ce sont deux propriétaires de chenils qui après avoir fait l'objet de perquisitions dans la région de Lanaudière au Québec, comparaissent au Palais de justice de Joliette. Ils devaient répondre de deux chefs d'accusation, l’un de cruauté envers les animaux et l’autre de négligence criminelle. Dans le premier cas, 109 chiens vivaient dans des conditions exécrables. Dans le deuxième, la SPCA avait saisi un autre groupe de 160 chiens. D’autre part, Nicole Joncas, la directrice du refuge pour animal Teja, a intenté un procès au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec. Cette militante courageuse et déterminée veut que le gouvernement applique la Loi sur la protection sanitaire des animaux (P-42) contre les dirigeants d'usines à chiots de la province. La cause implique Anima-Québec, un organisme à but non lucratif, mandaté par le gouvernement, dont le rôle est d'effectuer des inspections et de faire appliquer les règlements. Il est intéressant de s’arrêter un instant sur Anima-Québec dont la mission peut aller jusqu’à la “saisie des animaux, si la santé et le mieux-être des chiens ou des chats sont menacés ou s’il y persistance dans les infractions et début du processus judiciaire.” Nicole Joncas reproche à Anima-Québec sa lenteur d’exécution. En effet, dans son difficile procès contre les autorités du Québec, Nicole Joncas stipule que c’est seulement en juin 2006, soit 15 mois après une plainte enregistrée auprès d’Anima-Québec, que les inspecteurs de l’organisme sont intervenus dans l’usine à chiens concernée par l’action en justice. L’inaction d’Anima-Québec, qui jouit du soutien du gouvernement et peut agir avec la force de la loi, est assez troublante, voire suspecte, surtout au regard des conditions misérables des élevages et devant l’urgence d’intervenir rapidement pour épargner des souffrances inutiles. Ce qui expliquerait, à mon sens, la lenteur d’action d’Anima-Québec, c’est la présence des représentants des vétérinaires et de l'industrie des marchands d'animaux au sein de son conseil d'administration et parmi ses donateurs. On serait tenté de voir chez Anima-Québec une situation de conflits d'intérêts les condamnant à l'inaction, alors même que d’autres organismes, comme le refuge Teja, montrent un zèle toujours renouvelé pour le bien-être animal et cela, malgré très peu de moyens. Devant l’ampleur du phénomène des usines à chiots, le pouvoir politique doit prendre des mesures. En attendant, les quelques militants des droits des animaux, qui sont très rares au Québec et qui forment un public très hétéroclite, s’organisaient en cette fin de semaine. En effet, le 03 mai 2009, 300 d’autres eux, provenant de divers organismes de défense des animaux, ont manifesté à Québec devant l'Assemblée nationale, pour appuyer un groupe de travail sur le bien-être des animaux de compagnie. Celui-ci fut récemment mis en place par le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, Laurent Lessard. Dans le cadre de ce groupe de travail, le ministère en partenariat avec une trentaine d'organismes recherchent des améliorations potentielles à la Loi P-42. On souhaiterait, au passage, que comme en Ontario, les chiens ne relèvent plus du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et que l’animal soit considéré, dans la loi provinciale comme dans la législation fédérale, un être sensible et non pas un simple et vulgaire objet. Pour protester contre l’absence de législation et le manque de répression, l'organisatrice de la manifestation à Québec, Micheline Robitaille s’exprime: «Il n'y a qu'un organisme, soit Anima-Québec, qui a le droit de le faire et ils n'ont que quatre inspecteurs pour toute la province! En Ontario, les SPA ont été mises à contribution et il y 200 personnes pour faire appliquer la loi.» D’ailleurs, l’Ontario vient de faire mieux que le gouvernement fédéral en votant sa propre loi provincial qui est entrée en vigueur en mars 2009. La loi prévoit des peines de prisons de 2 ans, des amendes de 60 000 dollars et l’interdiction à vie de posséder des animaux de compagnies! De plus, la loi punit les actions visant à causer des injures à des animaux travaillant au sein des forces de l’ordre, tels que les chevaux et les chiens. Bravo l’Ontario! Le Québec, tout comme l'Ontario, ne peut que s’inspirer de ces initiatives quasi révolutionnaires. Ajoutons à cela, que le candidat libéral Geoff Kelley était venu encourager les manifestants et ramasser une pétition de 52 584 signatures pour faire bannir les usines à chiots au Québec. Les médias commencent à s’intéresser au sujet et il faut noter la contribution du reportage sur les usines à chiots à l’émission ‘Enquête’ à la télé de Radio-Canada. Dans cette émission, assez édifiante, Mme Piché et la journaliste Mme Dupuis s’étaient faites passer pour des éleveuses de chiens et allèrent visiter des usines à chiots avec une caméra cachée. Si la souffrance animale pouvait s’exprimer avec des mots (et il s’agit d’animaux de compagnie) on aurait sans doute beaucoup de mal à verbaliser l’obscène réalité des conditions de vie et de mort de ces milliers de chiens. Le reportage montrait des animaux gardés dans des conditions inimaginables ayant de multiples pathologies, des déformations, des problèmes de peaux, des infections aux yeux et aux oreilles et des fourrures sales. La vie entière des animaux de reproduction se passe dans des cages en grillages, dans des endroits imprégnés d’une odeur fétide d’ammoniac. La malpropreté, l’insalubrité et la cruauté des usines à chiots règne au Québec, mais peut-être plus pour longtemps grâce au courage de quelques personnes. Le Québec est un lieu unique en terre d’Amérique que certains Francais voient parfois comme un Eldorado. C’est un lieu pittoresque par sa géographie, l’histoire de sa nation et sa culture. Outre l’amabilité des Québécois, on aimerait qu’ils s’impliquent davantage dans la cause animale et exigent du gouvernement qu’il réglemente, inspecte et poursuive, si nécessaire, les établissements qui font la production d’animaux. Certains ont essayé de regrouper les ami(e)s des animaux du Québec, avec insuccès. Il faut regretter de ne trouver qu’une poignée d’activistes sur une population de 7 millions d’individus et ce n’est pas un 'maudit Francais' qui le dit, mais l’activiste Janine Larose une vraie Québécoise pure souche, qui dans son franc parler, explique le problème ainsi: “Les québécois, ce sont des voyeurs, pas des activistes. On est une petite poignée d'activistes et toutes dans la soixantaine. On n'a aucune idée s'il y aura de la relève. Quant aux gars, ils sont totalement absents. On aurait besoin de bras des fois pour certaines activités mais on les voit pas.” Peut-être trouverons nous quelques jeunes recrues, des rescapés d’une époque incertaine, qui ayant échappé à l’apathie sociale causée par les émissions de télé réalité, auront le coeur et l’intelligence de résister et d’être la voix de ceux qui n’en ont point. Bibliographie et informations complémentaires. 1) ‘Enquête’ à la télé de Radio-Canada au lien suivant: http://www.radio-canada.ca/emissions/enquete/2008-2009/Reportage.asp?idD... 2) Pour plus d’information consultez le site www.nopuppymillscanada.ca 3) Si vous voulez visionner le reportage de CBC, suivez ce lien : http://www.cbc.ca/video/popup_eurovision.html?http://www.cbc.ca/montreal... 4) Le groupe No To Cruelty (www.notocruelty.com) organisa une manifestation au Palais de justice de Montréal le 17 décembre prochain à 9h lors de la comparution de Carole Lapalme, propriétaire d’une usine à chiots située à St-Lin. Les autorités ont perquisitionné 157 chiens à cet endroit le 1er octobre dernier. Pour plus de détails sur la manifestation, suivez ce lien : http://www.notocruelty.com/protest.cfm 5)Humane Society International: https://community.hsus.org/humane/notice-description.tcl?newsletter_id=2... 6)The Gazette: http://www.montrealgazette.com/Dogs+suffering+from+neglect/1074170/story. 7) Plusieurs pays ont en place des lois strictes à l’égard des droits aux animaux ce qui empêche l’existence d’endroits tels les usines à chiots. Malheureusement, selon une étude récente du International Found for Animal Welfare (IFAW), ‘la législation canadienne régissant la cruauté envers les animaux est très en retard sur les lois de nombreux pays’ tel la Croatie, la Malaisie, la Pologne et l’Afrique du Sud: ‘Le Canada à la traîne’: 8) Dans cette province canadienne, n'importe qui peut se lancer dans l'élevage de chiots.http://protectionanimale.com/usines.htm
David Ruffieux
Cet article est aussi publié sur mon blog.
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