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Sept bonnes raisons d'appuyer les revendications de la famille Villanueva

lacrap, Thursday, March 12, 2009 - 02:42

lacrap

La Coalition contre la répression et les abus policiers (CRAP) vient de lancer une campagne d'appui auprès de près de 200 organismes afin de demander au premier ministre du Québec, Jean Charest, de se prononcer au sujet des revendications justes et légitimes de la famille Villanueva. Les familles des victimes ne demandent pas la lune mais simplement de disposer de moyens légaux équivalents à ceux dont bénéficieront les policiers lors de l'enquête publique portant sur les circonstances entourant la mort du jeune Fredy Villanueva lors d'une intervention policière à Montréal-Nord, le 9 août dernier.

Voici sept bonnes raisons d'appuyer les revendications de la famille Villanueva au sujet de l'enquête publique sur la mort de Fredy :

1. Parce que le premier ministre Jean Charest a lui-même reconnut l'importance de cette enquête publique

Le 2 décembre 2008, le premier ministre Jean Charest commenta l'annonce de la tenue d'une enquête publique présidée par le coroner ad hoc Robert Sansfaçon sur les circonstances entourant la mort du jeune Fredy Villanueva à la suite d'une intervention policière à Montréal-Nord, le 9 août 2008.

« Je pense que nous avons besoin, nous, comme tous les Québécois, et en particulier ceux qui ont été touchés par les événements, de savoir ce qui s'est passé et pourquoi on a perdu la vie d'un jeune homme et dans quelles circonstances », déclara M. Charest. « C'est dans l'intérêt de tout le monde, d'aller au fond des choses. Alors, pour cette raison, il y aura une enquête. »

« Il y a des enjeux qui débordent les circonstances tragiques. Il y a les questions sociales autour de Montréal-Nord, la question de ce que nous devons faire pour nous assurer qu'il y ait une paix sociale et que les gens puissent vivre en sécurité », ajouta le chef du gouvernement québécois.

Cela étant, encore faut-il que les personnes les plus intéressées par l'enquête publique, plus particulièrement les membres de la famille Villanueva, puissent disposer de moyens légaux adéquats qui leur permettront d'aller au fond des choses et de connaître la vérité sur ce qui s'est réellement passé lors de cette intervention policière fatidique, à Montréal-Nord, l'été dernier.

2. Parce que l'État québécois a donné sa parole aux familles des victimes

Lorsque la tenue d'une enquête publique fut annoncée par le gouvernement québécois, le directeur des poursuites criminelles et pénales, Me Louis Dionne, assura aux familles des victimes que l'État était prêt à assumer leurs frais légaux à l'occasion de cette procédure.

Non seulement la famille Villanueva était-elle visée par cette offre, mais également celle de Denis Méas et de Jeffrey Sagor-Métellus, qui ont tous deux été blessés par balles lors de l'intervention policière qui coûta la vie à Fredy.

Or, un mois plus tard, le ministère de la Sécurité publique prétendait désormais que cette offre se limitait seulement à la famille Villanueva et niait que le gouvernement avait promis quoi que ce soit aux familles de MM. Méas et Sagor-Métellus.

La controverse connu un nouveau rebondissement à l'occasion d'une conférence de presse tenue le 4 février 2009. Ce jour-là, l'avocat Alain Arsenault dévoila le contenu d'un enregistrement audio confirmant l'existence d'un engagement à l'effet que les frais légaux des familles des victimes seront assumés par l'État québécois.

Cet enregistrement consistait en un message laissé sur le répondeur de l'avocat de la famille Villanueva, Me Günar Dubé. On y entendait la voix d'un sergent-détective de la Sûreté du Québec qui avait participé à l'enquête sur l'intervention policière du 9 août 2008.

Sur ce message, le policier déclara sans équivoque que Me Louis Dionne avait déjà indiqué aux familles des victimes que le gouvernement était prêt à assumer leurs frais légaux lors de l'enquête publique.

« Me Louis Dionne lors de la conférence avait réitéré l'offre que je vous avais faite à l'effet que l'État paierait pour les services des avocats pour les familles impliquées dans l'enquête publique », pouvait-on entendre sur l'enregistrement.

« Vous avez assisté à la conférence et vous avez entendu la même affaire que moi. Me Louis Dionne a confirmé qu'ils paieraient et si vous voulez communiquer avec votre confrère Me Salvant, Me Salvant va faire également contact avec moi, j'y ai confirmé la même chose que je vous ai confirmé hier », ajouta l'enquêteur de la SQ.

Précisons que Me Salvant est l'avocat qui représentera M. Méas à l'enquête publique.

Par ailleurs, notons que l'authenticité de cet enregistrement n'a jamais été remis en question par quiconque. Invitée à réagir par la Presse Canadienne, la responsable au service des communications de la SQ, l'agente Mélanie Paul, préféra s'abstenir de faire tout commentaire à ce sujet.

3. Parce que le gouvernement n'a offert qu'une représentation légale extrêmement limitée à la famille Villanueva

Au lieu de veiller à ce que l'État québécois honore sa parole, le ministre responsable du dossier, le ministre de la Sécurité publique Jacques Dupuis, n'a fait que s'enfoncer toujours plus profondément dans un entêtement frisant l'absurde.

Ainsi, le ministre Dupuis clame à qui veut bien l'entendre que l'offre d'assumer les frais de représentation légale de la famille Villanueva lors de l'enquête publique serait fondée sur la « compassion ». Or, quand on y regarde de plus près on se rend vite compte que la générosité, et encore moins la « compassion », ne sont pas au rendez-vous.

D'abord, il faut savoir que le gouvernement se dit seulement prêt à payer les services d'un avocat qui relèveront davantage de l'« accompagnement » plutôt que de la représentation légale en bonne et due forme, comme l'indiquait un porte-parole du ministère de la Sécurité publique au quotidien The Gazette.

De plus, le ministère ne s'est engagé qu'à assumer les coûts de cet « avocat accompagnateur » lors de seulement quatre journées d'audition durant l'enquête. Bénéficier d'une représentation légale durant quatre journées d'audition lors d'une enquête qui durera deux fois plus de temps, sinon plus, est une décision nettement déraisonnable.

Comment la famille Villanueva pourra-t-elle déterminer quelles seront les journées d'audition où elle aura besoin d'un avocat et quelles seront les journées où elle pourra s'en passer ? N'est-ce pas là mettre la famille Villanueva devant un choix aussi déchirant que pénible ?

De plus, en limitant son offre « d'accompagnement légal » à seulement quatre journées d'audition, le ministère se trouve ainsi à refuser d'assumer le coût des heures de travail nécessaires à la préparation préalable l'enquête. Quand on tient compte du fait que la preuve écrite s'élève à 1060 pages, il s'agit-là d'un volume de travail considérable, pour ne pas dire une tâche herculéenne.

Pourquoi le gouvernement choisit-il de faire les choses à moitié quand il peut très bien se permettre d'offrir une représentation légale adéquate et complète aux familles des victimes pour l'entièreté de l'enquête publique ?

4. Parce que les moyens légaux des policiers seront démesurés en comparaison de ceux qui seront à la disposition des familles des victimes

De son côté, la police n'a aucune inquiétude à avoir puisque ses intérêts seront farouchement bien défendus par six avocats, soit un avocat pour représenter chacun des deux agents impliqués dans l'intervention policière du 9 août 2008, plus un avocat pour représenter leur syndicat, soit la Fraternité des policiers, et enfin trois avocats pour représenter leur employeur, soit la Ville de Montréal.

Le déséquilibre des moyens légaux entre les familles des victimes et les policiers est d'autant plus flagrant qu'on peut facilement prédire que les six avocats qui représenteront les intérêts des policiers seront archi-préparés lorsqu'ils débarqueront à l'enquête publique.

« La préparation d'un seul témoin nécessitait de quatre à six semaines », confiait Me Daniel Rochefort à La Presse en faisant référence au travail de préparation des officiers supérieurs de la SQ lors de la commission Poitras. (1) Précisons que la commission d'enquête présidée par le juge Lawrence Poitras portait exclusivement sur les méthodes d'enquête de la SQ. On ose à peine s'imaginer le travail qui est entrepris par les avocat des policiers lorsqu'il s'agit de préparer le témoignage d'un agent directement impliqué dans une mort d'homme !

Forts de cette préparation des plus méticuleuses, les avocats qui défendront les intérêts des policiers auront beau jeu de faire tout ce qui est en leur possible pour miner au maximum la crédibilité des témoignages qui ne seront pas favorables à leurs clients.

Chose certaine, ce n'est pas en utilisant une ampoule de couleur bleue police que l'enquête publique pourra faire toute la lumière sur la mort de Fredy !

5. Parce que les témoins qui ont été blessés lors de l'intervention policière courent le risque de s'auto-incriminer

Il est important de savoir que les personnes témoignant lors d'une enquête du coroner ne sont nullement à l'abri d'accusations criminelles. Tous les jeunes qui se trouvaient aux côtés de Fredy lors de l'intervention policière du 9 août 2008 sont d'ailleurs potentiellement à risque d'avoir à répondre de leurs gestes devant une cour criminelle après l'enquête publique. Voici pourquoi.

Rappelons que l'agent Jean-Loup Lapointe a prétendu aux enquêteurs de la SQ qu'il avait été agressé par un groupe de jeunes, une version qui est d'ailleurs contredite par certains des jeunes présents sur les lieux de l'intervention policière. Or, c'est précisément à cause que la couronne décida d'adopter la thèse de la soi-disante « légitime défense » du policier Lapointe que celui-ci a réussit à échapper à des accusations criminelles pour avoir ouvert le feu sur une poignée de jeunes désarmés, tuant ainsi Fredy et blessant deux autres jeunes hommes.

MM. Méas et Sagor-Métellus, de même que le frère de Fredy, Dany Villanueva, faisaient tous parti de ce même groupe de jeunes et seront tous contraints d'aller témoigner à l'enquête du coroner. Selon un des avocats au dossier, ceux-ci sont tous encore sous enquête à l'heure actuelle.

En dépit de la protection contre l'auto-incrimination prévue à l'article 13 de la Charte canadienne des droits et libertés, il n'y a rien dans la loi qui empêche la police de tirer profit de la preuve entendue à une enquête du coroner pour orienter une enquête en cours.

Il n'y a rien non plus dans la loi qui interdit à la couronne de porter des accusations criminelles contre des témoins à la suite d'une enquête du coroner, comme cela s'est déjà vu par le passé. En fait, il existe même des précédents où la preuve entendue lors d'une enquête du coroner influença la décision de la couronne de porter des accusations contre des personnes qui y participèrent à titre de témoins. En voici trois exemples :

- En mars 1986, l'enquête du coroner Pierre Trahan sur l'assassinat de l'étudiante France Alain révéla plusieurs éléments de preuve qui incriminaient le journaliste Benoît Proulx. La couronne réévalua notamment la preuve entendue à l'enquête du coroner lorsqu'elle décida de porter des accusations de meurtre au premier degré contre M. Proulx, en mars 1991. Lorsque M. Proulx fut trouvé coupable, le coroner Trahan déclara qu'il était « content de voir que notre travail à l'enquête du coroner en 1986 n'aura pas été inutile. » (2) Le verdict fut toutefois renversé en appel. En 2001, la Cour suprême du Canada ordonna au Procureur général du Québec de verser à M. Proulx une compensation s'élevant à plus de 2 millions$.

- En février 1991, l'enquête du coroner Trahan sur la mort du champion olympique Victor Davis en vint à la conclusion que ce dernier avait « été heurté par une automobile qui ne s'est pas arrêtée après l'accident. » Le coroner a également écrit qu'il ne croyait pas à la version du conducteur de l'automobile, Glen Crossley. Fait particulier, l'État avait alors décidé d'assumer les frais juridiques de M. Crossley à l'enquête du coroner. Notons que la décision de porter des accusations de délit de fuite contre M. Crossley fut prise la journée même de la publication du rapport du coroner. (3) En 1992, M. Crossley fut trouvé coupable et condamné à une peine de dix mois d'emprisonnement.

- En avril 1997, l'enquête du coroner Luc Malouin sur la mort de Francis Fortin, un bambin âgé de 18 mois, concluait que celui-ci était « mort de façon violente, asphixié par un objet quelconque non identifié. » Le coroner Malouin a également ouvertement mis en doute la crédibilité des témoignages de la mère de l'enfant, Mélanie Fortin, et celle de son conjoint, Pascal Lortie. (4) En août 1998, M. Lortie fut accusé d'homicide involontaire relativement à la mort de Francis Fortin, qui se trouvait sous sa garde au moment où il fut en situation d'arrêt respiratoire. Puis, en décembre 2000, M. Lortie fut acquitté suite au rapport du spécialiste en oto-rhino-laryngologie qui soutenait la thèse d'une mort accidentelle.

Le fait que MM. Méas, Sagor-Métellus et Dany Villanueva soient tous confrontés à un risque bien réel d’auto-incrimination rend plus que jamais nécessaire l'obligation que l'État leur fournisse les services d'un avocat lors de l'enquête du coroner.

6. Parce que le Bureau du coroner reconnaît l'importance de la représentation légale à l'enquête

Le Bureau du coroner s'est déjà prononcé sur l'importance de la représentation légale pour certains témoins lors d'une enquête publique. Voici ce qu'on peut lire à ce sujet dans un ouvrage du Bureau du coroner intitulé « L'investigation - Loi sur la recherche des causes et des circonstances des décès » écrit sous la plume de Me Cathie Halpenny et du coroner en chef de l'époque, le Dr. Serge Turmel :

« Généralement, il n'est pas nécessaire qu'un témoin soit assisté d'un avocat lors de l'enquête. Toutefois, la représentation par avocat peut être importante lorsque le comportement du témoin sera questionné publiquement lors de l'enquête. » (5)

Bien entendu, Dany Villanueva ainsi que MM. Méas et Sagor-Métellus correspondent clairement à cette catégorie de témoin. Ils sont tous trois susceptibles de voir leurs faits et gestes scrutés à la loupe par les avocats représentant les intérêts des policiers à l'enquête. Il est évident que ces avocats risquent d'être tentés de se servir de l'enquête pour faire leur procès.

Conséquemment, ces témoins ne peuvent être livrés à eux-mêmes lors de l'enquête. Ce même gouvernement qui a ordonné la tenue d'une enquête se doit également de reconnaître le droit de ces témoins à une représentation légale. Ce n'est pas seulement une question d'équité ; c'en est aussi une de gros bon sens.

7. Parce que la paix sociale est en jeu

Le lendemain de la mort de Fredy, la population de Montréal-Nord poussa un profond cri du coeur qui a été entendu à travers l'Amérique du nord et eut des échos jusqu'en Europe.

D'ailleurs, si une émeute n'avait pas éclatée dans les rues de Montréal-Nord, il est plutôt douteux que le ministre Dupuis aurait prit l'initiative d'ordonner la tenue d'une enquête publique sur la mort de Fredy.

Cependant, si le gouvernement québécois aspire sincèrement à rétablir la paix sociale, alors il doit veiller à donner une apparence de crédibilité à cette enquête.

Il n'est jamais trop tard pour bien faire. Il n'en tient qu'au gouvernement de poser un geste de bonne volonté en fournissant des moyens légaux adéquats qui permettront aux familles des victimes d'obtenir des réponses satisfaisantes à leurs questions relativement aux événements tragiques du 9 août 2008.

Pour en savoir plus sur la campagne d'appuis en faveur des demandes de la famille Villanueva, veuillez contacter la CRAP à l'adresse courriel ci-dessous.

Sources :

(1) La Presse, « Enquêtes coûteuses, solution politique », André Cédilot, 8 octobre 1998, p. A13.

(2) La Presse, « Convaincu qu'il allait être acquitté, Benoît Proulx ne peut croire le verdict du jury », 12 novembre 1991, p. A3.

(3) La Presse, « Des accusations criminelles seraient portées contre le conducteur de la Honda qui a heurté Victor Davis », Yves Boisvert, 16 février 1991, p. A3.

(4) Le Droit, « Le coroner doute de la version des parents », Mathieu Turbide, 19 avril 1997, p. 3.

(5) « L'investigation – Loi sur la recherche des causes et des décès », Bureau du coroner (2001), p. 251.


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