Multimedia
Audio
Video
Photo

À propos des violences et abus faits aux femmes et aux enfants Autochtones

Débroussailleuse, Friday, November 21, 2008 - 10:47

Warrior Publications

article provenant de www.warriorpublications.com
traduit de l'anglais sous le titre original de Violence & Abuse Against Indigenous Women & Children

« Les abus sexuels commis sur les enfants Autochtones atteignent des proportions tragiques. Cette forme de violence est un héritage du colonialisme » (Jackie Lynn, Colonialism and the Sexual Exploitation of Canada's First Nation Women)

« Les discriminations et violences que subissent les femmes Autochtones du Canada sont un problème humain inavoué et dissimulé. » (Alex Neve, Amnesty International Canada)

À l'image de la société européenne, grattez la surface de violence que subissent les femmes et enfants Autochtones, et vous découvrirez un triste monde de corruption, d'exploitation, de perversion et de dépravation. Un monde qui se manifeste dans les sphères sociales familiales et domestiques.
Les violences et abus sexuels commis envers les enfants et femmes Autochtones ont atteint des proportions que certains qualifient d'épidémiques. La plupart de ces abus sévissent en famille, à la maison; la plupart de ces abus sont dissimulés. Ce problème est particulièrement répandu dans les communautés autochtones et tout droit hérité du colonialisme.
Ces violences sexuelles font partie d'une industrie mondiale rapportant plusieurs milliards de dollars. Cette industrie implique les groupes du crime organisé, la prostitution, le tourisme sexuel, les réseaux de pédophilie, les salons de massage, les services d'escortes, la pornographie, le trafic et l'esclavage.
À cause de l'appauvrissement, des disfonctionnements familiaux ou communautaires et des traumas ou conséquences de la toxicomanie, beaucoup de femmes et enfants Autochtones sont des cibles vulnérables pour l'exploitation sexuelle (en un mot, la prostitution).
Les actes les plus barbares se déroulent derrière des portes closes, loin des regards, loin des consciences. Il est facile de les ignorer ou de rationaliser en rétorquant que ces trucs « n'apparaissent » pas de façon très répandue. Lorsque le sujet est abordé, les gens ne veulent rien entendre. Certains ne veulent même pas y penser. Mais aussi dérangeant que soit ce problème, il faut s'y confronter.
Il ne fait aucun doute que la violence et les abus envers les femmes et enfants Autochtones forment un des principaux facteurs du disfonctionnement social qui empoisonne nos communautés ; rurales et urbaines. Par disfonctionnement, j'entends: l'alcool, les drogues, les suicides, les gangs, la prostitution, les peines d'incarcération, les problèmes de santé mentale et physique, ...
Tout ceci se répercute de façon négative sur notre mouvement de résistance et endommage sérieusement notre capacité à nous organiser et à lutter.
Si notre combat doit avancer, que ce soit d'abord par l'élimination des violences et abus commis sur les femmes et enfants dans nos familles et nos communautés.

L'autoroute de larmes

Depuis 1980, trente-deux femmes ont disparu le long de l'Autoroute 16, au nord de la Colombie-Britannique. La plupart sont Autochtones.
Seules neuf de ces femmes disparues, toutes âgées de 14 à 25 ans, font l’objet d’une enquête officielle. Huit d'entre elles sont Autochtones.
En 2005, une marche « Réclame ton Autoroute » est organisée afin de pointer du doigt ce problème.
En 2006, les meurtres et disparitions le long de l'Autoroute 16 – surnommée L'autoroute de larmes – furent davantage couverts par les médias nationaux et internationaux. Ces derniers traitèrent surtout le « cas » le plus récent: celui de Aielah Saric-Auger, âgée de 14 ans. La jeune femme Autochtone fut portée disparue le 2 février 2006; son corps fut retrouvé dix jours plus tard. Les membres de la communauté commencèrent alors à s'organiser. Il y eu d'abord cette marche. Elle fut suivie d'appels à l'action. Cela poussa le gouvernement, en collaboration avec la Gendarmerie Royale du Canada (GRC), les municipalités locales et les conseils de bandes, à organiser un symposium à Prince George, en mars 2006.
L'Autoroute 16 est longue de 724 kilomètres et relie Prince Rupert, sur la côte du Pacifique, à Prince George, dans le centre intérieur de la province. Il y a environ une douzaine de communautés/réserves autochtones entre ces deux points, dont les Tsimshian, les Nisga'a, les Cheslatta, les Gitxsan, les Wetsuwet'en, les Carrier-Sekani, ...
En juin 2006, un rapport fut publié: on y trouvait des recommandations basées sur le symposium public qui s'était tenu en mars. Ce rapport mentionnait la pauvreté et le manque d'activités sociales dans les réserves isolées comme les causes des disparitions et meurtres. Il y était noté que beaucoup de réserves ne possèdent pas d'entreprises importantes ou de centre récréatif. Ces réserves sont également à plusieurs kilomètres de la ville la plus proche. À cause de la pauvreté et du manque de moyen de transport, beaucoup de jeunes femmes se déplacent en faisant de l'auto-stop.
Le rapport montrait que ces facteurs rendent les jeunes femmes Autochtones vulnérables aux prédateurs sexuels. Il recommandait la mise en place d'un réseau de navettes d'autobus entre les communautés, la construction de maisons de sûreté le long de l'autoroute pour accueillir des femmes et qu'elles puissent s'y arrêter, l'installation d'une série de cabines téléphoniques d'urgence, une augmentation des patrouilles de police ainsi que l'installation d'une ligne téléphonique 1-800 pour signaler les auto-stoppeurs. Les agents du gouvernement promirent des milliers de dollars et la GRC déploya davantage d'enquêteurs sur l'affaire.

Vancouver: Downtown Eastside - est du centre-ville

Sans la montée de la critique envers les flics concernant leurs efforts pour résoudre les disparitions et meurtres de femmes dans l'est du centre-ville de Vancouver, on se demande si les autorités se seraient vraiment bougées pour résoudre l'affaire de l'Autoroute de Larmes.
En effet, depuis le début des années 1990, soixante-huit femmes, dont beaucoup d'Autochtones, ont disparues ou/et ont été retrouvées assassinées à Vancouver.
En 1991, des groupes de femmes Autochtones de Vancouver lancèrent une marche, qui à présent se fait chaque année (le 14 février), à la mémoire des femmes portées disparues et/ou assassinées. La marche est menée à travers l'est du centre-ville, s'arrêtant là où des corps de femmes ont été retrouvés, ou alors là où les disparues ont été vues pour la dernière fois. Au cours de cette marche, chants et cérémonies sont à l'honneur. La marche se termine toujours devant l'édifice du Département de Police de Vancouver (DPV), situé au coeur du quartier est.
Pendant des années, plus le nombre de disparues augmentait, plus le public critiquait le DPV. Il était montré du doigt pour son manque apparent d'efforts sérieux dans l'enquête des disparitions et meurtres. On accusait la police d'être raciste et de ne pas se bouger à cause de la classe sociale des victimes (beaucoup d'entre elles étant Autochtones, avec des problèmes de toxicomanie et/ou pratiquant la prostitution).
En septembre 2001, la GRC fut envoyée pour aider le DPV; ils mirent leurs efforts en commun pour le travail d'enquête.
« America's Most Wanted », un show télévisé populaire aux États-Unis, diffusa à cette époque un reportage sur ces femmes disparues. La pression du public sur les flics augmenta.
En février 2002, Robert Pickton fut arrêté grâce à des traces d'ADN retrouvées dans son élevage de porcs, à Port Coquitlam (une banlieue rurale de Vancouver): il était accusé de plus de 24 meurtres.
Suite à l'arrestation de Pickton, l'incompétence de la police de Vancouver et de la GRC furent à nouveau montrées du doigt.
En effet, avant cela courait le bruit qu'un tueur en série se promenait dans Vancouver; chose que la police et les officiels de la ville niaient véhément. En 1998, Kim Rosso, un enquêteur respecté et décoré de la police de Vancouver, déclara qu'il était effectivement possible qu'un tueur en série soit en liberté. Il fut immédiatement exclu de l'affaire et son travail fut sappé.
En 1999, le maire suggéra qu'on offre une récompense de 5 000$ pour toute information susceptible de faire avancer l'enquête sur les femmes disparues (plus tard, la récompense s'éleva à 100 000$).
En 2004, un rapport sur la violence faite aux femmes Autochtones en milieu urbain, publié par Amnesty International, révélait que « la police et les officiels de la ville ont longtemps nié que les disparitions faisaient partie d'un problème global et que les femmes était exposées à un danger particulier ».
Pickton lui-même fut accusé de tentative de meurtre, en 1997, après qu'il ait poignardé à répétition une prostituée. Parmi les chefs d'inculpation: séquestration et attaque à main armée. Ces accusations furent cependant abandonnées car la victime ne voulu pas témoigner.
Puis, en juillet 1998, la police reçut une information: quelqu'un aurait vu une femme se rendre dans la propriété de Pickton. Le témoin aurait ensuite vu des sacs contenant des vêtements imbibés de sang; ce sang révéla la présence de l'ADN de nombreuses femmes.
Un autre tuyau fut donnée par Bill Hiscox, qui était alors un employé de Pickton.
À l'époque, Pickton était considéré comme une « personne d'intérêt » dans cette affaire. Il fut placé sous surveillance pendant un bref moment.
Des membres de la communauté autochtones donnèrent également des informations à la police: des fêtes se dérouleraient à la ferme de Pickton – surnommée Piggy's Palace- avec des prostituées. Fêtes pendant lesquelles il y aurait des attaques et des meurtres.
Malgré tout cela, l'arrestation de Pickton ne se fit pas avant de nombreuses années.
En août 2006, les avocats chargés d'attaquer Pickton réduisirent le nombre de chefs d'inculpation à six; sous prétexte que le nombre de preuves contre lui représentaient un « poids déraisonnable » pour le jury. La police déclara que les vingt autres accusations étaient toujours « actives », et qu'il y aurait éventuellement des procès séparés.
Le procès de Pickton(1) débuta en janvier 2007.
Malgré son arrestation et le fait qu'il soit coupable de trente-et-un meurtres (trente-et-une femmes dont les ADN auraient été trouvés sur sa ferme), il reste trente-sept disparitions non-résolues dans l'est du centre-ville de Vancouver.

Violence envers les femmes Autochtones

En 1996, un rapport publié par le Ministère des Affaires Indiennes du Nord du Canada dévoila que l’éventualité pour les femmes Autochtones âgées de 25 à 44 ans de succomber à une mort violente étaient quatre fois plus forte que pour les femmes non-Autochtones.
En 1989, une étude menée par l'Association des Femmes Autochtones d'Ontario révélait ceci: une femme canadienne sur dix subit des formes d'abus, tandis que chez les femmes Autochtones, la proportion est de huit sur dix (Speaking of Abuse, BC Legal Services Society, janvier 2004).
Depuis les années 1990 et à travers le Canada, il y a eu environ 500 disparitions et meurtres de femmes Autochtones. Certains affirment que ce chiffre s'élève en réalité à des milliers.
À Edmonton, depuis 1990, une vingtaine de cadavres de femmes ont été retrouvés. La plupart de ces femmes étaient travailleuses du sexe.
Pour l'ensemble de la province d'Alberta, on rapporte quarante cas de meurtres non résolus et trente-neuf disparitions non-résolues.
En 2003, la GRC lança le projet KARE (2), dont le but était d'enquêter sur ces cas. La GRC a alors conclu que huit des meurtres semblaient être l'oeuvre d'un tueur en série. La majorité des femmes assassinées étaient Autochtones.
La situation est similaire dans les villes de Regina, de Saskatoon et de Winnipeg. Ces villes abritent une grande population d'Autochtones appauvris et impliqués dans des activités criminelles (drogues, gangs et commerce sexuel).
A rajouter à l'imcompétence policière et gouvernementale, les racines de ce phénomène de violence envers les femmes Autochtones sont profondes et historiques. Malgré le fait qu'il soit en apparence concentré dans les zones urbaines, ce phénomène est en réalité aussi courant dans les communautés rurales; et n'est jamais montré du doigt.

Le cas de Helen Betty Osborne est souvent cité comme exemple.
En 1971, cette femme Autochtone âgée de 19 ans fut kidnappée, violée puis brutalement assassinée par quatre hommes blancs à The Pas (ville de 6 000 habitants, province du Manitoba). Beaucoup de gens étaient au courant de cette histoire et connaissaient les coupables, mais tous gardèrent un silence complice autour de ce drame dont voici les faits.
Les quatre hommes rôdaient dans les rues à la recherche d'une jeune femme Autochtone avec qui coucher. Osborne, qui n'était pas prostituée, refusa leur demande. Elle fut alors violée et battue; son visage fut fracassé.
Malgré de solides témoignages, la police ne fit aucune investigation sérieuse jusqu'en 1987. Un des quatre hommes responsables, Dwayne Archie Johnston, fut alors condamné à la prison à perpétuité. Le second coupable fut aquitté. Au troisième, on accorda l'immunité de toute poursuite judiciaire en échange de services (...). Le dernier homme ne fut jamais poursuivi.
Une étude menée sur cette histoire révéla que, dans la ville de The Pas, le racisme et les abus commis envers les Autochtones font partie d'un comportement systématique.Ainsi que le harcèlement sexuel des jeunes femmes.
Le cas d'Helen Osborne est bien connu. Pourtant, il fait partie d'un pattern modèle généralisé à travers le Canada: l'oppression et l'exploitation subies par les femmes Autochtones dans les réserves et les ghettos urbains. On parle aussi de violence raciale et sexuelle (et plus particulièrement, de suprématie des blancs et de violence patriarcale, que subissent également les femmes Africaines et Asiatiques).
Trente ans plus tard, en mars 2003, une cousine de Helen Osborne, Felicia Solomon, âgée de 16 ans, a elle aussi disparu.
Son corps, retrouvé en morceaux, fut identifié trois mois plus tard.

Le meurtre de Felicia Solomon révèle la violence et la haine dirigées contre les femmes Indigènes.
Il s'agit d'une continuité longue de plusieurs décennies.
La violence sexuelle envers les femmes et enfants Indigènes est un facteur constant de la colonisation. Pour les Prairies canadiennes, il faut remonter au 19e siècle, à l'époque de ce qu'on appelle les « Guerres Indiennes »: massacres, viols et mutilations sexuelles envers les peuples Indigènes étaient des pratiques communes perpétrées durant les campagnes militaires européennes.
La réalité est la même en Amérique Centrale et en Amérique du Sud: depuis l'époque des conquérants Espagnols, jusqu'aux récents massacres, tortures et viols exécutés par les forces policières, militaires et paramilitaires. Dans ces régions, il y a également des milliers de disparitions de femmes Indigènes ; des centaines de corps ont été retrouvés, beaucoup d'entre eux marqués par la torture et la mutilation (Juarez, Mexico, Guatemala, Colombie, Brésil...).

Un problème social systémique

En 2004, Amnesty International sortait un rapport nommé Soeurs volées (Stolen Sisters) ; ce document relatait des violences faites aux femmes Autochtones dans les zones urbaines de l'ouest du Canada. Il citait de nombreux facteurs responsables de ces violences: l'héritage des abus perpétrés à l'époque des Pensionnats Indiens (3), les enfants Autochtones enlevés et éduqués par les blancs, le racisme et le sexisme, ainsi que la marginalisation économique.
Le résultat : beaucoup de femmes Autochtones vivant en ville sont pauvres, SDF et forcées de travailler dans le commerce du sexe. Beaucoup d'entre elles ont vécu la dépossessoin de leur culture et de leur identité, et des disfonctionnements familiaux et communautaires. Beaucoup d'entre elles souffrent du Désordre de Stress Post-Traumatique. Tous ces facteurs rendent les jeunes femmes Autochtones particulièrement vulnérables à l'exploitation sexuelle et à la violence.
Une seconde étude rédigea sa conclusion de façon similaire.
« Nous avons interviewé cent femmes prostituées à Vancouver. L'étude a révélé que ces femmes vivent majoritairement une situation de violence quotidienne; beaucoup souffrent du Désordre du Stress Post-Traumatique.
52% de ces femmes sont issues des Premières Nations; ce pourcentage est en décalage avec la proportion d'Autochtones à Vancouver (1,7 à 7% de la pop. de Vancouver est Autochtone).
82% des femmes ont vécu une histoire d'abus sexuel pendant leur enfance, avec une moyenne de quatre abus subis pendant l'enfance.
72% rapportent des abus physiques pendant l'enfance.
90% ont été agressées physiquement pendant qu'elles pratiquaient la prostitution.
78% d'entre elles ont été violées pendant le travail.
72% de ces femmes présentent les symptomes du Désordre du Stress Post-Traumatique.
95% disent vouloir arrêter la prostitution.
86% d'entre elles disent vivre ou avoir vécu dans la rue.
86% expriment le besoin d'être traitées pour un problème de drogue ou d'alcool. »
(Tiré de Prostitution in Vancouver: Violence and the Colonization of First Nations Women).

En 2004, le rapport annuel d'Amnesty International révélait que les agents policiers restent indifférents lorsque des Autochtones les contactent pour déclarer l'absence ou la disparition d'un membre de la famille.
Aussi, les disparitions sont rarement signalées ; il y a un manque de confiance envers les flics, car eux aussi commettent des abus sexuels envers la population Autochtone.
Cette méfiance est également créée par le fait que les plaignant-e-s craignent d'être criminalisé-e-s par la police, que celle-ci n'assurera aucune protection en cas de problème et/ou que le système juridique est défaillant, soit parce qu'il n’aboutit pas à des procédures de poursuites et/ou parce qu'il ne condamne pas les coupables.
Amnesty recommanda que soient menées davantage de recherches, que les flics reçoivent une formation de sensibilisation culturelle, que davantage d'Autochtones soient engagés parmi les flics et que le gouvernement assure des services sociaux et de santé adéquats pour les Autochtones, et plus spécialement pour les femmes.
En 2004, l'Association des Femmes Autochtones du Canada lança la campagne « Sisters in Spirit » afin de sensibiliser les consciences au sujet du haut taux de violence commis envers les femmes Autochtones du Canada. Le groupe reçut 5 millions de dollars par le gouvernement fédéral afin de mener ce travail à bien.
Dans l'ensemble, les recommandations principales pour traiter le phénomène furent d'encourager le gouvernement à verser davantage de fonds dans des services et programmes destinés aux femmes Autochtones (incluant la création de refuges et de lignes téléphoniques en cas de crise), d'augmenter la surveillance policière et de prévenir le public afin qu'il soit vigilant.
Aucune de ces recommandations ne sonde le problème à la racine.
C'est un problème systémique et social, profondément ancré dans la culture et l'histoire européennes. C'est un problème également ancré dans nos communautés. Afin de comprendre l'institutionnalisation de ce problème, lisez plutôt ceci :

En 2005, un ancien agent de la GRC, Gary Stevens, plaida coupable pour agression sexuelle sur une fille mineure. Les premiers soupçons auraient été formés en avril 2004, alors que Stevens était membre de la GRC, à Kitimat, en Colombie-Britannique.

En 2005, deux agents de la GRC furent suspendus de leurs fonctions; on les accusait d'avoir engagé les services d'une jeune prostituée pendant une enquête, à Prince George (Colombie-Britannique). Lee Lakeman, un porte-parole du Canadian Association of Sexual Assault Centers déclara que cela n'était que la pointe de l'iceberg. Il faisait référence, entre autres, au cas du juge David Ramsey.

En mai 2004, David William Ramsey, un juge de la Cour Provinciale de la Colombie-Britannique, à Prince George, plaida coupable pour avoir acheté des services sexuels à quatre jeunes Autochtones. Ils les auraient ensuite agressées. Ces attaques eurent lieu entre 1992 et 2001. Elle étaient âgées de 12, 14, 15 et 16 ans. Ces jeunes filles avaient auparavent comparu devant lui. Ramsey fut condamné à sept ans de prison, puis relâché en liberé conditionnelle en 2006 (après deux ans de prison). Malgré la première plainte déposée en 1999 et l'enquête alors menée par la GRC, Ramsey ne fut démit de ses fonctions qu'en 2002.

Le 17 février 2000, deux soeurs Autochtones, Doreen LeClair et Corrine McKeowen, appelèrent à plusieurs reprises le 911, à Winnipeg, afin que la police les protègent d'un ancien petit copain. Malgré les cinq appels effectués au courant de la même journée, les deux filles furent tuées.

En 1996 eut lieu un procès contre deux hommes blancs accusés d'avoir battu à mort Pamela Jean George, une femme Salteaux et mère de deux enfants de la Première Nation Sakimay. Le juge du procès suggéra avec force au jury de garder à l'esprit que Pamela était « de toute évidence une prostituée ». Les hommes furent reconnus coupables d'homicide involontaire et reçurent une peine de six ans et demi de prison. Ils furent relâchés en 2000.

En 1994, John Martin Crawford fut condamné à une peine d'emprisonnement de dix ans pour avoir brutalement tué une femme de trente-cinq ans, Mary Jane Serloin, à Lethbridge (province d'Alberta). Il fut remis en liberté après cinq ans de prison; il tua alors trois autres femmes Autochtones.

Gilbert Paul Jordan, surnommé « le coiffeur bourré » était accompagné d'au moins dix femmes – la plupart Autochtones – qui furent toutes retrouvées mortes, apparemment à cause d'un empoisonnement à l'alcool. En 1988, Jordan fut condamné pour l'homicide involontaire de Vanessa Lee Buckner, vingt-sept ans, retrouvée nue dans une chambre d'hôtel de Vancouver, avec un taux d'alcool dans le sang onze fois plus élevé que la limite permise pour conduire. Jordan fut également accusé de viol, attentat à la pudeur, séquestration, délit de fuite, conduite en état d’ivresse et vol de voiture. En juin 2000, Jordan fut accusé d'agression sexuelle, de négligence causant des blessures, et d'avoir administré une substance toxique – alcool – lors d’une beuverie avec une femme (la victime des dites accusations), dans un hôtel de Victoria. Tous les chefs d'inculapation furent abandonnés en octobre, la même année, sous prétexte de manque de preuves. Puis, en novembre, la police trouva Jordan en train de boire avec une femme dans une chambre d'un autre hôtel de Victoria: il avait brisé l'une des conditions de sa liberté. En mai 2001 il fut condamné à quinze mois de prison; il fut relâché sous probation en 2002.

En 1992, Hubert O'Connor, un évêque de l'Église Catholique, à Prince George, fut accusé d'agressions sexuelles. Il fut dénoncé par des anciens étudiants du Pensionnat de Saint Joseph, qui l'accusaient de les avoir molestés/agressés sexuellement dans les années 1960. Les chefs d'inculpation furent abandonnés car les procureurs de la Couronne échouèrent à révéler entièrement toutes les preuves à la défense. Les plaignants déclarèrent que la Couronne ne les avait pas avisés de l’avancement de l’affaire et ne les avait pas fait témoigné lors des phases importantes du procès. La Couronne fut décriée pour sa négligence. O'Connor est l'agent de l'église catholique le plus haut gradé à avoir été accusé de crimes sexuels.

Ces cas, en plus de ceux de Vancouver, illustrent plusieurs points. Ils montrent les abus et l'exploitation ciblée que subissent les femmes Indigènes. Ils montrent aussi que ces abus sont perpétrés par toutes les classes de la société coloniale (du badaud du centre-ville jusqu'au flic/juge/prêtre).
Non seulement les agents du gouvernement et de la police sont incompétents pour enquêter et punir ces crimes, mais en plus ils en sont coupables.
Les cas du juge David Ramsey, de l'évêque O'Connor et des agents de la GRC de Kitimat et Prince George sont particulièrement gênants au regard des meurtres et disparitions de l'Autoroute 16. Les autorités vers lesquelles les gens se tournent pour être protégés sont moralement corrompus et directement impliqués dans l'exploitation sexuelle des jeunes femmes et enfants Indigènes.

Chefs de justice et chefs corrompus: complices de crimes?

En 1999, un journal indépendant de la province de la Colombie-Britannique, The Radical, rapporta l'existence d'un commerce du sexe organisé dans Prince George et impliquant des juges, des docteurs, des avocats, des flics et même des conseils de bandes. Ed John, une des personnes accusées par le journal, et qui fut longtemps chef du clan Tl-azt-en (près de Prince George) et à la tête du Sommet des Premières Nations, lança des poursuites judiciaires pour diffamation. Le journal fut obligé de fermer. Ironiquement, Ed John fut nommé ministre des Services aux Familles et à l'Enfance en novembre 2000, soit au moment où les accusations portées contre lui et les autres commençaient à devenir publiques.
Pour ceux qui ont dénoncé Ed John et les autres, la nomination de ce dernier comme ministre non-élu « dévoile au grand jour l'étendue de la protection officielle dont bénéficient les pédophiles qui font partie de la fonction publique, ainsi que la nature systémique de ce crime ».
Avec les années, ces accusations sont parvenues aux oreilles d'autres personnes, dont une Aînée Squamish, Harriet Nahanee, qui déclara qu'elle avait vu des jeunes filles Autochtones se faire enlever des réserves pour servir de prostituées à de puissants hommes d'affaires tous membres du Club de Vancouver.
James Craven, un avocat constitutionnel de la nation Blackfoot, corrobora cette histoire et déclara:
« Il a été avancé/soutenu par des témoignages importants, que les agents impliqués dans le trafic de jeunes filles et garçons Autochtones destinés à de riches et puissants pédophiles sont également impliqués dans les mécanismes de la BC Treaty Commission, ainsi que dans le fait d'utiliser les réserves comme endroit de débarquement et de distribution de drogues. »(James Craven, 3 août 1998).
En 1994, deux Aînés de la tribu Tseshaht, sur l'Ile de Vancouver, déclarèrent que « Edward John, Ron Hamilton et Charlie Thompson (les deux derniers étant membres du Conseil de Bande Nuu-Chah-Nulth) auraient détourné de l'argent de l'Union des Chefs Autochtones de la Colombie-Britannique et du département fédéral des Affaires Indiennes pour financer un vaste réseau de trafic de drogues et de pédophilie » ; un réseau qui distribue sa drogue dans les réserves Autochtones et fournit en jeunes Autochtones de riches clients de Vancouver, de Victoria, de Whistler et autres grandes villes.
De telles affirmations furent déclarées à Vancouver par des conférenciers durant un procès public sur les Pensionnats, tenu en 1998 et organisé par l'Association des Droits Humains des Minorités Américaines. Parmi les conférenciers: Franck Martin, Helen Michel, Harriet Nahanee ainsi que quatre autres personnes.
Selon Franck Martin: « Ed John sponsorise le trafic de drogue dans les réserves du nord, en détournant l'argent de la Treaty Commission et des Affaires Indiennes. Il est déjà puissant, et pour assurer son pouvoir, il manipule drogues et flics. »
Ce trafic de drogues et de commerce sexuel implique le gouvernement canadien, des entreprises et des chefs de bandes ; ces abus sont commis dans un contexte intergénérationnel et systémique. Beaucoup de chefs et de conseillers actuels sont des survivants des Pensionnats; quelques uns ont été reconnus coupables de crimes sexuels, mais ceux-ci sont encore au pouvoir. La plupart des abus sexuels commis dans les communautés Autochtones ne sont pas rapportés, et les coupables sont rarement accusés et condamnés.
En 1992, par exemple, des femmes Autochtones provenant de réserves établies aux environs la ville de Victoria exprimèrent leur inquiétude à propos des jugements faits en tribunal clanique, proposé comme alternative à l'emprisonnement et à la sélection d'Anciens pour remplir le rôle de chefs , conseillers,etc. Elles dirent de ce système alternatif qu'il était un moyen pour les conseils de bandes d'être complices avec les membres de famille mâles accusés de crime sexuel. Un moyen de les protéger.
« Les Autochtones Saanich redoutent de se frotter à la justice autochtone ; ils craignent qu'au final, les abus sexuels ne soient dissimulés et étouffés. Les travailleurs sociaux Autochtones, les Anciens, les femmes et ceux qui travaillent dans le domaine de la justice craignent que leurs chefs n'utilisent une stratégie du gouvernement de la Colombie-Britannique pour que toute accusation criminelle reste à l'intérieur de la communauté. »
« Des femmes Autochtones provenant des réserves de la péninsule Saalich ont déclaré qu'elles vivaient dans la peur des plus puissants membres du clan ; ceux-ci intimident et font pression sur les femmes pour qu'elles ne rapportent pas les histoires d'agression et d'abus sexuel. Les crimes comme le viol ou le fait de molester un gamin sont dissimulés par des gens qui ont la main longue dans la justice alternative. La plupart des victimes n'ont toujours pas parlé publiquement de ce qu'il leur était arrivé, car elle vivent dans la peur des menaces par téléphone, que leur porte soit défoncée ou que leurs gamins soient battus », dit Mavis Henry, membre du clan Pauquachin.
« Ces témoignages montrent l'étendue de la corruption. Je ne crois pas que ce système juridique vienne en aide à qui que ce soit. Tout ce qu'il fait, c'est protéger les coupables », selon Rhonda Bowie.
Rhonda Bowie, un Autochtone Tsawout, a porté plainte contre son oncle, un Aîné considéré et chef de l'église autochtone Shaker, pour agression sexuelle.

En réaction à la stratégie d'autonomie (4), SharonMcIvor, un porte-parole de l'Association des Femmes Autochtones du Canada, déclara : « Il est effrayant de savoir que ces gens {du domaine de la justice} contrôleront bientôt tout ; ils auront le pouvoir de faire ce qu'ils veulent. »
D'autres rapports concernant les abus et violences perpétrés dans les communautés autochtones parviennent aux mêmes conclusions :
« Aujourd'hui, il y a des communautés dans le nord où la totalité des femmes ont été agressées sexuellement par des hommes vivant dans la même communauté. Ces hommes sont leurs frères, leurs cousins, leurs oncles, leurs pères et leurs grand-pères. Certains de ces abuseurs détiennent une position de pouvoir dans les conseils de bandes; certains de ces hommes sont tenus pour non-responsables de leurs actes de violence... Souvent, les femmes se sentent impuissantes à changer les choses ; elles sont traitées avec davantage de violence si elles tentent de mettre fin aux abus » (Jackie Lynn, Colonialism and the Sexual Exploitation of First Nation's Women, août 1998).

« Un travailleur en santé mentale pour les Services de Santé aux Autochtones rapporta : « Suite à des entretiens avec de nombreux intervenants du domaines de la santé, il fut démontré que les viols, les agressions sexuelles et l'inceste se produisaient de façon beaucoup plus courante que les gens n'ont tendance à le croire. Les abus sexuels subis à un jeune âge sont fréquents et impliquent presque toujours un proche, comme un père, un frère, un cousin, un oncle, ou un grand-père. » (Phyllis Old Cross Dog, Sexual Assault in Indian Country).
En 1995, Arthur Plint, un surveillant de dortoir, fut condamné pour avoir abusé de nombreux enfants Autochtones du Pensionnat de Port Alberni. Pendant son procès à la Cour de Justice Suprême de la Colombie-Britannique, Douglas Hogarth utilisa le terme « pédophilie institutionnalisée » pour décrire l'ensemble du système des pensionnats et les abus sexuels systémiques commis par le personnel des écoles et des églises. Longtemps après que les derniers pensionnats aient été fermés, et que de nombreux survivants aient gagné une position de pouvoir et d'autorité dans leurs communautés, ces histoires se poursuivent.
Cela paraît logique étant donné l'étendue du modèle social des abus intergénérationnels.

Tout problème social systémique exige des changements sociaux systémiques

Considérant la nature et l'étendue du problème, les solutions offertes par des groupes comme Amnesty International, l'Association des Femmes Autochtones du Canada et d’autres organisations sont-elles vraiment viables ? Est-ce que davantage d'argent ou d'effectifs policiers vont réussir à assurer une protection adéquate aux femmes et enfants Autochtones ?
Parce que le taux de violence et d'abus commis envers les femmes et enfants Indigènes continue d'augmenter, la réponse est NON.
Cette violence n'est pas un phénomène nouveau. Il serait naïf de dire qu'il était absent des sociétés pré-coloniales. Cependant, le fait que ce problème soit aujourd'hui systémique doit certainement prendre racine dans la colonisation violente des Amériques par les Européens, débutée en 1492.
La colonisation européenne était alimentée par une idéologie raciste et patriarcale soutenue légalement et moralement par l'Église chrétienne. Ces croyances servirent à déshumaniser les peuples Indigènes et à inculquer aux colons une peur et une haine profonde envers les Premières Nations. Les femmes Indigènes étaient vues comme des « squaws» et des putains sexuellement disponibles pour les Européens dépravés et éloignés de leurs foyers et familles.
Le résultat : une campagne de viols, tortures, meurtres et massacres. Les femmes et enfants étaient enlevés pour servir d'esclaves et d'objets sexuels.
Ces mêmes croyances qui alimentaient les campagnes militaires de génocide guidèrent également les politiques coloniales, comme l'Indian Act ou les Pensionnats, qui étaient des outils destinés à assimiler les Premières Nations en supprimant la culture de ces dernières et en imposant les règles européennes. Il n'est dès lors pas surprenant que les mêmes techniques de viols, tortures, meurtres, kidnapping et esclavagisme aient été utilisées dans les Pensionnats.
Avant la colonisation, la plupart des peuples Indigènes étaient matrilinéaires; les femmes avaient beaucoup plus de pouvoir et d'autonomie que leurs homologues européennes. Les femmes Indigènes détenaient souvent la position de chef de famille, de communauté, de commerce et de cérémonie (vie spirituelle).
Pendant la colonisation, tout ceci changea: la culture européenne fut imposée, en incluant l'organisation sociale patriarcale. Les missionnaires chrétiens jouèrent un rôle important dans ce processus.
Le patriarcat fut institutionnalisé grâce à des lois comme l'Indian Act, qui ne reconnaissait que les chefs mâles. Aux hommes Autochtones les plus assimilés, on donna des positions de pouvoir et d'autorité dans les conseils de bandes. Les femmes Autochtones n'étaient pas reconnues comme des personnes légales et n'avaient pas le droit de posséder de terres ou de participer aux conseils de bandes ni aux élections.
De plus, les femmes Autochtones qui se mariaient à un non-membre de leur clan (Autochtone ou non), perdaient leur statut ; cette mesure servit à saper la position et l'influence des femmes dans la société Indigène. Ensemble, ces mesures amoindrirent terriblement le pouvoir politique, social, culturel et économique des femmes, les rendant de plus en plus dépendantes des hommes et du système colonial.
À la fin du 19e siècle, les Pensionnats furent crées à la fois au Canada et aux États-Unis, afin d'assimiler de force les enfants Indigènes à la société européenne. Amplifié par le soutien des églises, dont le personnel détenait le contrôle absolu et n'avait de compte à rendre à personne, le résultat fut une déferlante d'abus sexuels, physiques et psychologiques sur les enfants Autochtones.
Beaucoup de survivants revinrent dans leurs communautés traumatisés ; communautés dans lesquelles ils perpétrèrent sur leur propre peuple les mêmes abus qu'ils avaient subi à l'école.
Résultat : un modèle intergénérationnel et très répandu d'abus physiques et sexuels se poursuit aujourd'hui dans les communautés autochtones.
Si nous sommes d'accord avec le fait que ce problème est systémique et social, cela signifie qu'il faut apporter des changements sociaux et systémiques. Non seulement nous devons nous éduquer et comprendre la situation afin de changer nos visions et pratiques individuelles, mais aussi parler haut et fort afin que des changements systémiques nécessaires soient apportés. Cela implique nos communautés, mais aussi le système colonial entier, lui qui maintient l'oppression et l'exploitation; ce sont dans ses racines que se trouvent les raisons des abus et violences dirigés contre les femmes et enfants Autochtones.
Davantage de fric, de programmes ou de flics n'aidera pas à apporter ces changements. Au lieu de cela, ces mesures de secours retardent et affaiblissent la capacité de notre peuple à prendre ce phénomène à bras le corps et y trouver des solutions. Même si, en attendant, ils sont capables d'attraper un violeur ou de construire un refuge pour quelques femmes. Finalement, ils augmenteront notre dépendance envers le régime colonial en continuant à créer la division dans nos communautés, en nous désarmant de notre capacité à nous auto-organiser et à agir. INCITE! (une organisation de femmes basée aux USA) déclara : « La façon dont la justice s'y prend pour régler la violence faite aux femmes décourage peut-être les actes de violence, mais à court terme seulement, car cette stratégie ne marche pas pour stopper l'ensemble des violences faites aux femmes.
« En prenant la charge de ces problèmes, l'État n'a fait qu'augmenter la professionnalisation des mouvements anti-violence et aliéner la capacité d'organisation des communautés à les régler, anihilant ainsi le sens de la justice social...
« La prise en charge des problèmes de violence par le système juridique criminel a retiré aux femmes le pouvoir et la capacité de s'organiser collectivement pour mettre fin aux violences. Ce pouvoir a été remis entre les main de l'État.
Résultat : les femmes qui se tournent vers le système juridique pour réclamer réparation se sentent impuissantes et aliénées. Cela a également favorisé une approche individualiste du problème... Pour les gens, la seule façon qu'ils ont d'intervenir pour arrêter la violence, c'est d'appeler les flics! Cette déresponsabilisation a détourné nos esprits de notre capacité à développer des solutions communautaires afin de répondre collectivement à cette violence. » (extrait de Sexual Violence & American Indian Genocide, pp. 171-72).
Dans le passé, avant la colonisation, nos peuples possédaient cette capacité de s'auto-protéger des menaces externes et internes. Les gens étaient responsables de leurs crimes et ne pouvaient pas trouver refuge derrière des portes fermées ou les institutions coloniales. Avec la colonisation, cette capacité de nous défendre a été démantibulée en même temps que la décomposition des familles et des structures communautaires.

ADI: Abus Domestiques Internes

« La violence domestique et les abus sexuels commis envers les Autochtones Américains est un problème épidémique qui affecte autant les jeunes que les plus âgés... » (Charon Asetoyer, Seminole Tribune, 17 juin 1999)
« Il est connu, pour les Autochtones du pays, que 90% des femmes Autochtones qui sont sous la dépendance d'un traitement médical sont/ont été victimes de viol et d'abus sexuels à l'enfance. » Terri Henry (extrait de « Sexual Assault in indian country »)
Ce serait une grave erreur que de ne considérer la violence et les abus envers les femmes Autochtones que comme le fait de tueurs en série ou de prédateurs mâles inconnus à la recherche de travailleuses du sexe.
En 1989, l'Association des Femmes Autochtones d'Ontario fit son enquête annuelle : 80% des femmes Autochtones ont subi une forme de violence familiale et 53% ont été physiquement abusées. La plupart des données révèlent que la majeure partie des abus et violences envers les femmes et enfants Autochtones sont perpétrés par des partenaires masculins ou des membres de la familles (et la plupart des abus ne sont pas dénoncés).
La structure familiale européenne, dans laquelle l'homme est, par tradition, à la tête de la famille, permet par son fondement-même à la violence patriarcale et aux abus d'avoir cours, tandis que tout ceci se déroule derrière des portes closes.
Chaque ménage devient ainsi un royaume séparé des autres, à l'intérieur duquel le degré des abus dépend entièrement de la nature du chef mâle.
La division communautaire et l'isolation sociale permettent la perpétuation de ces abus, parce que tolérés, totalement déniés ou laissant indifférents les membres de la famille et de la communauté.
Au regard de ce phénomène, ce n'est que dans les structures familiales et communautaires que pourra être apporté un changement véritable, car c'est aussi là que se déroulent la plupart des abus. Beaucoup d'enfants et adolescents Autochtones fuient cette réalité à travers les gangs, la drogue, l'alcool et l'exode vers la ville. En plus de la pauvreté, la violence et les abus domestiques poussent énormément d'enfants et de femmes Autochtones dans les bras de la drogue et la prostitution.

Identifier les relations de pouvoir

Les abus et la violence domestiques sont basés sur le pouvoir et le contrôle ; habituellement, ils résultent des efforts du mâle pour contrôler et maintenir son pouvoir sur les femmes et/ou les enfants. L'alcool et les drogues sont souvent des facteurs qui jouent un rôle important, car ils contribuent à la perte de maîtrise de soi, et donc amplifient les actes de violence ainsi que les abus.
Ce pouvoir et ce contrôle se manifestent de différentes manières:
Abus psychologiques: intimidation, comportements/attitudes contrôlants, isoler la personne du reste de la famille ou de ses amis, possessivité et jalousie extrême, contrôle sur l'argent et autres ressources de la personne, abus verbaux (menaces, langage dégradant, critiques constantes)
Abus physiques: gifles, coups de poing, coups de pied, bousculade,... et tout ce qui peut conduire quelqu'un à la mort
Abus sexuels: atteinte à la pudeur, viol, sexe violent ou dégradant,... tout acte sexuel forcé

Plan de secours

Pour les femmes victimes d'une relation ou d'une situation violente et abusive, elles doivent se préparer un plan de sureté et d'évasion pour elles-mêmes et leurs enfants (si elles en ont), ce qui inclut:
Parler à des gens de confiance afin qu'ils soient avertis de la situation
Dire aux amis et voisins de confiance d'intervenir ou d'alerter les autres s'ils entendent ou voient que des agressions ont lieu
Choisir un endroit sûr où aller si elles décident de partir. Cet endroit peut être une maison locale de transition ou un refuge pour femmes, un parent ou un ami, là où le partenaire ne peut vous localiser ou approcher
Amasser du fric et des ressources pour les déplacements, la nourriture, etc.
Préparer un sac pour vous et les enfants et le laisser chez des amis
Mettre toute carte d'identité, papier ou document important dans un endroit sûr ; les vôtres et ceux de vos enfants

Agir contre les abuseurs!

Les hommes qui abusent des femmes et/ou des enfants doivent être dénoncés. Prenez ou trouvez des photos de ces individus, faites, anonymement, des affiches qui révèlent leurs actes.
Partagez l'information, les connaissances, à l'intérieur et entre les communautés. Ceci alertera les autres sur ce problème et les rendra capables de mieux se protéger, ainsi que leurs enfants s'il y en a. Cela doit mener à de sévères conséquences pour les abuseurs ; des efforts devront être faits pour appuyer toute accusation ou témoignage en cas de procès contre quelqu'un en particulier
Lorsque nécessaire, former un groupe d'amis de confiance pour agir directement (action directe)
Contester les attitudes et croyances patriarcales au sein de la famille, de l'école, du travail et de la communauté. Ceci inclut les croyances que les hommes sont naturellement plus intelligents, plus forts, meilleurs et que les femmes sont naturellement inférieures, stupides, faibles. Ceci inclut la vision de la femme comme objet sexuel exploité par les hommes (glorification de la prostitution et du personnage du maquereau dans la société du spectacle)
Peu importe que vous soyez homme ou femme: activez-vous afin que soient rendues aux femmes la direction et la participation au mouvement de résistance. Aux chiapas (Mexique), beaucoup de commandants dans l'AZLN sont des femmes Mayas

Conclusion

Il est de notre devoir en tant que guerrier-e-s de protéger et défendre notre peuple, notre territoire et notre mode de vie. Les abus et la violence faites aux femmes et enfants, qu'il s'agissent d'attitudes ou d'actes, doivent cesser. Le rôle et le statut traditionnel de la femme dans la société indigène doit être réaffirmé et renforcé. L'Église et l'État ont, tout au long de l'histoire, institutionnalisé la violence et les abus sexuels sur notre peuple, ce qui a mené à un pattern modèle intergénérationnel d'abus au sein même de nos communautés. Le système juridique criminel à prouvé son incompétence et son incapacité à protéger les femmes et enfants Autochtones. Cette lutte exige que soient confrontés les abuseurs dans les communautés et la source des abus systémiques. Sa source est le système colonial.

Note de fin: Juarez, Mexique

Juarez est une ville étalée de 1,3 millions d'habitants. Sa population a grossi pour former un nouveau maquiladora d'usines, faisant partie d'une des trois zones de libre-échange instaurées dans les années 1990. Juarez est situé le long de la frontière méxico-étasunienne.
Cette ville est réputée pour son nombre de disparitions et meurtres de femmes. Depuis 1990, l'estimation de nombre de jeunes femmes portées disparues est de 700. Trois-cent quatre-vingt corps ont été retrouvés, beaucoup marqués par la torture et la mutilation.
Comme pour les cas de Vancouver, les agents gouvernementaux et policiers ont longtemps nié qu'un quelconque tueur en série soit en cavale, ou que ces meurtres soient d'une quelconque façon reliés. Tandis que flics et politiciens semblent dépassés par ces massacres macabres, beaucoup d'organisations de femmes, de groupes pour les droits humains et de gens ont leur propre théorie: ce sont en réalité des agents du gouvernement, de la police et de puissants hommes d'affaires qui sont derrière beaucoup de ces disparitions et meurtres; c'est parce qu'ils sont impliqués qu'aucune enquête sérieuse n'a été menée.
En 2004, un ministre fédéral, Guadalupe Lopez Urbina, recommanda que soient poursuivis en justice une douzaine de flics (anciens ou encore en fonction) pour négligence dans l'affaire des meurtres. Cependant, les agents de l'État n'en accusèrent que deux (des enquêteurs), pour plus tard laisser tomber les chefs d'inculpation. Selon un porte-parole d'Amnesty International, « dans ce cas, il est évident que les autorités gouvernementales furent incapables ou ne voulurent pas que justice soit rendue. »

Sources

Colonialism and the Sexual Exploitation on First Nation's Women, Jackie Lynn
Voir: www.prostitutionresearch.com/how_prostitution_works/000017.html
Conquest; Sexual Violence and American Indian Genocide, Andrea Smith
Hidden from History, Rev. Kevin D. Annett (appendice VI: Evidence of crimes against aboriginal children, including pedophilia, Truth Commission into Genocide in Canada, 2001)
Prostitution in Vancouver: Violence and the Colonization of First Nation's Women, Melissa Farley, Jacqueline Lynne, Ann J. Cotton, Prostitution Research and Education, San Francisco, CA, 2005
Sexual Assault in Indian Country, rapport publié par National Sexual Violence ressource Center
Voir: www.nsvrc.rog
Speaking of Abuse, brochure publiée par BC Legal Services Society, janvier 2004
Stolen Sisters, Amnistie Internationale Canada, 2004

NDT

1. Affaire Pickton: il fut reconnu coupable le 9 décembre 2007 de six chefs de meurtres « non prémédités ». Plus que de l'ADN, ce sont des bouts de corps qui ont été retrouvés sur sa ferme: têtes, pieds, mains, mâchoires, etc.

2. Projet KARE: « Le projet sur les personnes disparues à risques élevés avait pour mandat de reconnaître, de recueillir, de rassembler, d'évaluer et d'analyser tous les cas des personnes disparues à risque élevé et les homicides non résolus en Alberta, en Saskatchewan, au Manitoba et dans les Territoires du Nord-Ouest afin de déterminer si tous les cas pouvaient être liés et, dans la mesure du possible, si l'on pouvait identifier les criminels. » Le projet KARE fut mené dans ce cadre.
Source: un site internet officiel de flics quelconques

3. Pensionnats Indiens: l'idée naît en 1857. En 1980, les élèves des pensionnats indiens commencèrent à dévoiler les sévices sexuels et autres formes d'abus qui étaient pratiques courantes dans ces établissements administrés par les religieux de l'Église unie. Le dernier pensionnat indien ferma ses portes en 1996, dans la province de Saskatchewan. Les jeunes Autochtones y étaient enfemés pour recevoir une éducation religieuse et scolaire blanche.
« Après une vie entière passée à être battue, à avoir faim, à me tenir debout sur une jambe dans un corridor et à marcher pieds nus dans la neige pour avoir parlé inuvialiktun, et à avoir eu le visage frotté avec une pâte piquante, ce qui nous empêchait de nous exprimer à la manière esquimaude qui consiste à lever les sourcils pour dire oui et à froncer le nez, pour dire non, j'ai vite perdu la capacité de parler ma langue maternelle. Quand une langue meurt, le monde qui l'a engendrée tombe aussi en morceaux. »
Mary Carpenter, 1991, à propos de son expérience dans des écoles anglicanes et catholiques

4. Autonomie: sous le prétexte de « l'autonomie », les bandes sont poussées à l'indépendance économique, à produire leurs propres revenus. Ce prétexte transforme les conseils de bandes en entités contrôlées par le gouvernement fédéral et provincial. Les terres sur lesquelles ont été établies les réserves ne sont que de simples terrains appartenant au gouvernement canadien. Ces terres et les ressources naturelles qui s'y trouvent sont vendues au gouvernement, aux industries/compagnies par les conseils de bandes et leurs organisations politiques (Assemblée des Premières Nations, Sommet des Premières Nations, etc.). Ces ventes sont facilitées par la capacité légale et économique qui est octroyée aux conseils de bandes de vendre ou louer les terres. Toute cette magouille se fait en partenariat avec des corporations du domaine de l'industrie du bois, pétrole, gaz, exploitation minière, etc. De plus en plus, de nouvelles lois favorisent le transfert de pouvoir entre les conseils de bandes et le gouvernement fédéral et provincial. En gros, l'hisoire de l'assimilation légale et politique des Premières Nations dans le reste du Canada se poursuit...
Référence: Resist the Assimilation of First Nation, disponible sur www.warriorpublications.com

www.warriorpublications.com


CMAQ: Vie associative


Quebec City collective: no longer exist.

Get involved !

 

Ceci est un média alternatif de publication ouverte. Le collectif CMAQ, qui gère la validation des contributions sur le Indymedia-Québec, n'endosse aucunement les propos et ne juge pas de la véracité des informations. Ce sont les commentaires des Internautes, comme vous, qui servent à évaluer la qualité de l'information. Nous avons néanmoins une Politique éditoriale , qui essentiellement demande que les contributions portent sur une question d'émancipation et ne proviennent pas de médias commerciaux.

This is an alternative media using open publishing. The CMAQ collective, who validates the posts submitted on the Indymedia-Quebec, does not endorse in any way the opinions and statements and does not judge if the information is correct or true. The quality of the information is evaluated by the comments from Internet surfers, like yourself. We nonetheless have an Editorial Policy , which essentially requires that posts be related to questions of emancipation and does not come from a commercial media.