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Lettre ouverte en réponse à l'éditorial «Chapeau pour le Plan Nord» de Carole Beaulieu dans l'Actualitéchapulin magonista, Saturday, October 18, 2008 - 19:02 En tant qu'habitant du Québec et amant de la nature, je suis loin de partager l'enthousiasme que démontre Carole Beaulieu dans son éditorial d'octobre: Chapeau pour le Plan Nord! Un plan qui ne serait «rien de moins qu'inspiré», un «beau rêve que celui d'éveiller les forces énergétiques minières, maritimes et hydroélectriques qui sommeillent au delà du 49e». «Sans compter qu'il faudra construire des routes, des voies ferrées, peut-être même des ports». Votre rêve est pour moi un cauchemar. Il semble que l'idéologie néolibéraliste dominante ait fait son chemin dans votre esprit pour que vous prôniez un tel désastre écologique et en chantiez les louanges. Comme beaucoup en cette époque, il semble que vous n'ayiez pas compris que vous faite partie intégrante de la création, que vous êtes une cellule dans un écosystème et que la terre est un être vivant. En vous percevant comme séparée de la création, vous pensez pouvoir la dominer et l'exploiter. Exploiter votre propre mère: pomper son sang, briser ses os, bloquer ses fluides vitaux, couper ses poumons, etc... Et vous mentionnez nos frères amérindiens qui «n'accepteraient rien de moins» que de collaborer au viol de leur mère!? Certains peut-être, ceux qui ont oublié leurs racines, ceux qui négocient avec le gouvernement, ceux qui ont oublié d'où ils viennent, mais les traditionalistes et les plus conscientisés ne l'accepteraient jamais. Vous évoquez aussi «la possibilité qu'ils deviennent des citoyens à part entière du Québec». Dans cette optique, et après le drame des écoles résidentielles (où 30 000 enfants trouvèrent la mort), des viols, des stérilisations forcées, de l'abandon obligatoire de leurs langues et de leurs cultures, il semble que vous parliez bien de l'assimilation finale de ces peuples. Qui a décidé que ces gens voulaient devenir des citoyens? Il n'y a pas de «citoyen» sans «société civile», or les deux concepts sont des constructions mentales servant à délimiter ce qui est possible de faire ou non au sein d'un groupe. Or dans notre société civile, un banquier comme Henry Paulson peut voler les petits épargnants, alors qu'un amérindien comme Wolverine, qui décide de défendre les terres ancestrales de ses ancêtres suite aux séries de traités brisés par cette «société», se fait mettre en prison. (*voit Crise de Gustafson lake.) Hier, avec le mercantilisme, on nous amenait la «civilisation», alors qu'aujourd'hui avec le néolibéralisme on nous parle de «développement» et de «progrès». Or les Premières Nations qui n'ont pas encore été assimilées ou massacrées, résistent depuis maintenant plus de 500 ans à ce «progrès» dont vous vous faites l'avocate et ils continuent à en payer chèrement le prix. Ayant vécu et lutté au côté de ces peuples pendant les 5 dernières années, j'ai vu de première main les ravages du néocolonialisme tel que pratiqué par les corporations et leurs vassaux gouvernementaux. J'ai aussi vu ce qu'était la dignité humaine, l'esprit, l'humilité, et surtout, l'amour que ces gens ont pour la terre. Pour ceux qui doutent que vous êtes une chantre du néolibéralisme et que vos écrits sont pour le moins irresponsables, continuons. Vous écrivez «Surtout, si on garde en tête que vendre des matières premières ne suffit pas, qu'il faut aussi investir dans des secteurs économiques à forte valeur ajoutée.» Jusqu'à ce point on peut encore penser que vous parlez d'une base manufacturière forte, de la transformation des ressources etc. Mais malheureusement vous continuez un peu plus loin en nous disant «qu'il fallait bien remplacer le programme moribond de libre échange des Amériques...» le Québec étant «condamné à exporter pour s'enrichir.» Dans ces deux citations vous écrivez «il faut» et «il fallait», pourquoi tant de fatalisme? Avez-vous étudié avec les "Chicago Boys" pour prendre pour acquis de tels mensonges ou avez vous juste succombé au vent de folie dominant? On comprend du coup que vous ne faites pas référence à l'économie réelle quand vous parlez de «secteur économique à forte valeur ajoutée». Tout semble indiquer que vous parlez donc des fausses bulles économiques spéculatives qui permettent aux élites de faire des «coups» d'argent ponctuels tout en défraudant le peuple à long terme. L'ALÉNA a permis la destruction de la base manufacturière de l'Amérique du Nord, base qui a été relocalisée d'abord au Mexique, puis en Asie du Sud Est et finalement en Chine avec des conditions de travail se rapprochant de plus en plus de l'esclavage. GM par exemple, a fermé plus d'une trentaine d'usines en Amérique du Nord depuis la signature de l'accord de libre-échange. Dans d'autre cas comme celui d'Alcan, des grosses compagnies comme Rio Tinto Zinc (qui représente les intérêts de la couronne britannique) viennent profiter de notre énergie hydroélectrique offerte à rabais en la revendant à profit. Ils profitent aussi du laxisme environnemental qu'offre le dit accord pour atteindre de nouvelles marges de profit. Vous encensez Nicolas Sarkozy qui vient «pour donner le coup d'envoi des négociations de ce qui pourrait devenir un nouvel accord transatlantique de libre-échange entre l'Europe et le Canada». Ça semble presque une bonne nouvelle, surtout quand vous nous dites que dans cet «espace économique élargi, il y aurait des investissements et des emplois». C'est pourtant ce qu'on nous répète depuis 1994 et ça fait maintenant 14 ans qu'on assiste à la dégradation accélérée de nos sociétés et à la destruction de notre environnement. Il semble que les zapatistes avaient déjà compris ce que vous ne semblez pas comprendre encore. Collectivement nous sommes de plus en plus pauvres et notre société devient de plus en plus autoritaire. Or dans cette optique la présence de Sarko en sol canadien n'a rien de rassurant. Rappellons-nous que l'Union Européenne a commencé comme un accord économique de libre échange, celui de la Communauté Économique Européenne (CEE) il y a une cinquantaine d'années. Depuis peu on essaie d'imposer une «Constitution Européenne» pour transformer l'Europe en Super État. Or, la Constitution a été largement rejetée par les Français et les Néerlandais, le problème c'est qu'on essaie depuis de la reformater pour l'imposer avec une énorme propagande à de moins en moins de voteurs. La dernière tentative en date à été l'imposition du Traité de Lisbonne aux voteurs irlandais, un traité illisible constitué seulement d'amendements aux traités précédents et qui une fois déchiffré révèlent une structure autoritaire et absolument antidémocratique. Les élus n'ont qu'un pouvoir de suggestion et sont écrasés sous trois autres niveaux de hiérarchie dominés par un Président non élu pour 5 ans. Un document qui donne froid dans le dos et dont Sarko à été un des principaux promoteurs. Sa suggestion pour la Présidence? Tony Blair. Et tout indique qu'on reviendra à la charge jusqu'à ce que la structure ait été imposée pour de bon. (*voir End of Nation, We Are Change Ireland) Revenons maintenant sur le «programme moribond de libre-échange des Amériques», la même ZLÉA qui en 2001 avait mobilisé plus de 60 000 personnes à Québec en opposition au dit accord. Opposition qui a effectivement trouvé un écho de plus en plus fort en Amérique latine et dont vous semblez quelque peu déçue. Or ne vous préoccupez pas trop, les serviteurs de David Rockefeller et de ses consorts qui n'ont pas pu établir la zone de libre échange des Amériques, sont présentement occupés à en créer des sous zones avec la même finalité. Sans la nommer ainsi cette fois, une série d'accords ont déjà été signés pour créer ce qui s'apparente vraisemblablement à une Union Nord Américaine. Parmis ces accords, le «Partenariat pour la Sécurité et la Prospérité». Partenariat autour duquel les médias ont fait un certain «spectacle de manifestants» à Montebello en août dernier sans pour autant parler des enjeux réels: Soit l'intégration profonde des trois nations au sein de la région économique et militaire nord américaine telle que désirée par la direction du Council on Foreign Relation qui est depuis sa fondation (1921) dédiée à la création d'un gouvernement mondial. À l'image des États Mexicains et Américains de la Région Économique du Désert Pacifique, des accords régionaux, tels la région économique du Pacifique Nord Ouest (PNWER) ou encore celle d'Atlantica, se font en douce et intègrent tranquillement des États américains et des provinces canadiennes des zones frontalières. L'idée est d'en accroître la «compétitivité» régionale au sein de l'Amérique du Nord. Ajoutez à celà la fusion des structures de commande de NORAD (2006) et du poste de commandement USNORTHCOM à la base de Peterson au Colorado et le portrait commence à être un peu sombre pour la nation québécoise. L'accord de NORTHCOM signé en 2002 reconnaît effectivement son territoire comme allant des Caraïbes, en passant par le Mexique jusqu'à l'Arctique. Le Canada n'est donc plus souverain. En juin Harper s'est engagé à investir 490$ milliards sur vingt ans pour militariser le Canada. Sous l'initiative Mérida les Américains s'engagent à fournir 500$ milliards pour garantir la militarisation du Mexique et des Caraïbes. Tout ceux qui s'opposent au vol de leur ressources seront traités comme «criminels» et de plus en plus souvent comme «terroristes». La fin de semaine de l'action de grâce, les militaires ont été utilisés pour réprimer des professeurs de Morelos pour la première fois depuis plus de 40 ans. Et comme si ce n'était pas suffisant, certains financiers de Londres nous parle d'une monnaie commune à l'Amérique du Nord qui s'appellerait l'AMERO. (*Voir globalresearch.ca) Contrairement aux journalistes, pour quelqu'un qui suit de près ce qui se passe avec l'Union Nord Américaine (NAU), il semble plutôt que la visite de Sarkozy sera un miroir de la visite d'Angela Merkel aux États-Unis en avril 2007. Cette visite a créé un Conseil Économique Interatlantique qui à l'image du PSP vise une intégration économique transatlantique profonde. Le «Conseil» est formé d'une seule personne de chaque côté de l'océan. Avant même que les gens réalisent l'énormité de l'Union Nord Américaine, celle-ci aura vraisemblablement été intégrée à l'Union Européenne. En fait, il est probable que cette visite ne soit que pour maintenir l'illusion d'indépendance entre les pays puisque l'accord qu'a signé Bush a probablement déjà intégré l'Union Nord Américaine à cette structure. (*www.whitehouse.gov/news/releases/2007/04/20070430-2.html) Tout ça pour dire que je ne partage pas votre enthousiasme pour le futur du Québec ou pour le «développement» du Nord. Pourquoi irions nous développer ce qui reste de vierge au Nord, alors que de plus en plus de nos régions se meurent déjà? Pourquoi construire des routes et des chemins de fer avec des fonds publics, alors que ces derniers bénéficieront à des corporations privés qui demanderont toujours plus de nos gouvernements en échange de quelques emplois et qui à la moindre fluctuation boursière disparaîtront ? Rappellons-nous que dans les jours suivant l'élection de Charest, un de ses premiers actes en tant que premier ministre a été de partir pour New York afin de rencontrer certains financiers. On peut imaginer qu'il allait les rassurer qu'il travaillerait avec eux puisque peu après la côte de crédit du Québec s'est améliorée. 6 mois plus tard lors du Sommet Québec-NY, Charest annonçait que le "Québec is open for business", que les ressources naturelles sont sur la table et qu'il affectionne les partenariats publics privés. Non décidément nous ne partageons pas les mêmes visions du monde. Le système dans lequel nous vivons est corrompu et en est un de pénurie. L'efficacité, la durabilité et l'abondance sont des ennemis de la recherche de profit. Tant que nous vivrons dans un tel système nous ne serons rien de plus que des esclaves modernes des banquiers internationaux, avec pour seule différence que hier encore les esclaves devaient être logés et nourris pour travailler. (* voir le documentaire Zeitgeist: Addendum) Mon humble opinion est que tant qu'on essaiera de simuler la fierté identitaire à travers le développement économique, il n'y aura pas de paix sociale. Et à l'heure de vous envoyer mes réflexions, je tombe sur un article de Kurt Nimno intitulé: "EU Leaders Call for Global Currency"... Merci de votre attention.
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