Je l’ai connu dans les années 1990, venant fraîchement de France, le sourire éclatant, la démarche alerte, l’homme qui a égayé ma jeunesse à travers son roman Ville Cruelle, n’avait rien perdu de sa vivacité, il a su garder une forme physique d’athlète, sans oublier son zeste de bon humeur. Il était tout simplement charmant.
Le Nouveau Chantre
De taille moyenne, avec sa coupe afro, il est resté un homme qui avait sa tête sur les épaules. Le temps ne lui a rien fait perdre de sa générosité, encore moins de l’envie de se battre contre l’establishment. Son style simple, malgré tous les honneurs que lui conféraient la vie, le rendait plus familier aux hommes et à leurs misères quotidiennes, qu’au pinacle sur lequel ses écrits le montaient. Sa passion pour la démocratie, lui enjoignait une mission pour les causes désespérées, ceux qu’on appelle les exilés de la pauvreté. Dans ses livres le style humaniste, bien que généreux, n’empêchait pas que sa tonalité soit vive, parfois irrévérencieuse. Il a rejoint le gotha des grands humanistes qui ont marqué notre civilisation moderne, Zola, Sartre. La particularité de ses romans, était une forme de transfusion de ses passions vers son peuple, la vie, la communauté. Il a donc communiquer à tous les combattants africains de la liberté, une forme de jeunesse qui vous pousse à aller toujours plus loin, plus haut et plus fort.
Dans la galerie de portraits qu’il définissait dans Ville Cruelle, Le Rebelle, on y voit une forme de dualisme qui caractérise notre univers. Ce dualisme débouche sur un duel entre les illustres et les réchappés, Les établis et les marginaux. Il devient comme Stendhal, l’animateur et le reflet des causes. Il est la victime des causes qu’il défend, ce qui l’a conduit pendant plusieurs décennies à l’excommunication civile et politique. Mongo Béti se bat donc aux côtés de ceux dont l’honneur a été galvaudé. Il a donc voulu accorder à cette espèce humaine jetée en pâture par les pouvoirs politiques sans foi ni loi, une filiation, une légitimité et une audience.
Un Combattant De Renom
Mongo Béti, avait ce côté féerique qui me fascinait, il était passionné de Jazz et de Blues . Il m’a expliqué comment cette musique a contribué à l’éveil et à la prise de conscience des noirs aux Etats-Unis. C’est cette facette de mélomane engagé, que j’imagine, aurait pu inspirer son côté polémiste dont la doucereuse philippique anticolonialiste- Ville Cruelle- en est le reflet. Son exégèse poussée, lui a imposé un regard sur la religion comme Marx, il trouve que celle-ci est la voie d’hibernation des peuples noirs, il l’a bien démontré dans son roman Pauvre Christ De Bomba. La plume enflammée de Mongo Béti, a servi plusieurs causes, à travers ses chroniques dans Le Messager, La Nouvelle Expression, Génération…Ces faits d’armes Ô combien glorieux, ne peuvent qu’imposer respect et admiration. L’univers de Mongo Béti était celui d’un moraliste et pacificiste, parce qu’il combattait les concepts établis. Il incarnait malgré son instruction, sa popularité, la tradition africaine moderne, le partage. Comme Aragon qui disait : « la mort n’éblouit pas les yeux des partisans », il est resté partisan même face à l’adversité. Son dégoût du protocole lui interdisait les apparats et parades. Cette normalité rarement vue chez des hommes de sa trempe, s’apparente à celle qu’on a retrouvé chez des grands philosophes comme Confucius. Lire Mongo Béti, c’est prendre fait et cause pour les souffrances des autres, leurs idéaux, leurs destins. Comme tous les avatars, dont la vie a été brève sur terre, à l’instar de Bouddha, Jésus,Horu, la classe et le vécu de Mongo Béti, ne peuvent pas se départir de ceux-là.
Le Testament
Les valeurs humanistes, et celles de simplicités sont des qualités qui ont été partagées durant sa vie. C’est aussi vrai qu’à la fin, nos rapports ont été embués d’incompréhensions, mais j’ai compris aussi que, c’est dans le doute que naît une véritable dynamique. Souvent en rupture avec son milieu intellectuel, il avait un comportement qui était en décalage avec celui des grands de son pays, ou des lobbies qu’il fréquentait. Malgré les embûches qui ont jalonné son parcours, Mongo Béti est resté ferme sur les principes et les causes qu’il a défendus, pendant un demi-siècle. Ses œuvres sont aujourd’hui didactiques et pédagogiques, car elles laissent à la postérité une ouverture sur le monde, une voie à suivre pour vivre dans l’authenticité. Ce que veut nous faire savoir Aragon à travers des personnages comme Mongo Béti , c’est que bien que morts physiologiquement, ils vivent métaphysiquement !
Comme il aimait si bien le dire et le faire, sa vie se résumait en ceci :Vitam inpendere vero (consacrer toute sa vie à la vérité). C’est cette audace qui a fini par manquer aux acteurs politiques : partis, syndicats. Ces pôles supposés être démocratiques, ont installé un dirigisme dans lequel la Cité perd en valeur et en notoriété. Nous comprenons aussi pourquoi, Mongo Béti n’a jamais été un homme de partis, mais plutôt un homme d’action. Il invite tous les citoyens du monde à vivre au-delà des limites régionales, démographiques et matérielles. Cette quête, qui devrait définir l’Absolu de tout un chacun, marque l’esprit dans lequel la vie de Mongo Béti a été sur terre.
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