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La dégringolade financière

mihelich, Thursday, October 9, 2008 - 13:51

BIPR

Une déclaration sur la tourmente financière en cours.

La dégringolade financière

Après plus d’une année d’agitation croissante sur les marchés financiers mondiaux et les systèmes bancaires, les États-Unis – ce champion du libre marché – ont été obligés d’avoir recours à l’intervention de l’État pour éviter la dégringolade financière, c’est-à-dire l’effondrement total des banques, des institutions financières, des marchés boursiers et éventuellement, la ruée pour se débarrasser du dollar. La prise de contrôle formel des deux plus grandes sociétés hypothécaires américaine, Fannie Mae et Freddie Mac (dont les dettes étaient déjà garanties par l’État) n’a pas suffit à compenser la perte de confiance dans les marchés; ce qui cause des cauchemars aux Banques centrales du monde entier. La même semaine qu’une des plus importantes banques d’affaires américaines a fait faillite, le secrétaire au Trésor, Hank Paulson s’est senti obligé d’intervenir avec ce qui a été caractérisé comme étant «la plus importante intervention gouvernementale depuis les années 30», dans le but d’éviter l’effondrement d’une compagnie d’assurance, par crainte de ses répercussions aux États-Unis et ailleurs dans le monde. En coulisse, les Banques centrales de toute la planète ont accepté d’emprunter des milliards de dollars pour tenter de stimuler leurs propres marchés de crédit. Les marchés boursiers ont connu des hausses, mais il semble que personne ne croit que le pire soit passé. Au contraire, au moment d’écrire ces lignes, Paulson a annoncé qu’il souhaite que le Congrès ratifie un plan de secours d’urgence sans précédent de 700 milliards de dollars pour «stabiliser les marchés».

Les politiciens bourgeois et les experts financiers n’offrent comme seule explication de la crise – qui sans l’intervention coordonnée des États aurait déjà éclipsé le Krach de Wall Street en 1929 – que l’existence de «pratiques corrompues» et de «spéculateurs avides». Leur solution est maintenant «une réglementation plus stricte». Mais tout le monde sait – ce qu’on applaudit aux États-Unis – que l’histoire du capitalisme est marquée par les spéculateurs et par les rapaces intéressés que par leurs propres poches. La vraie question est pourquoi la spéculation financière sous une forme ou sous une autre en est arrivée à dominer l’ensemble de l’économie mondiale. Pourquoi les capitalistes croient-ils qu’il y a plus d’argent à gagner dans la spéculation que dans l’investissement productif? On ne trouvera pas la réponse dans la pratique de la vente à découvert d’actions (même si des spéculateurs alertes ont pu encaisser 190 millions de livres sterling en deux minutes en vendant des actions de HBOS à la Bourse de Londres), ni dans la prolifération d’hypothèques subprimes, ni même dans les primes obscènes que s’accordent les dirigeants et qui ont contribué à gonfler les rangs des super riches, mais dans la crise d’accumulation du capital persistante qui a suscité une pénurie relative de possibilités d’investissements rentables dans les industries productives, c’est-à-dire dans des industries qui créent des valeurs nouvelles, dont la source se trouve uniquement dans le travail salarié. Depuis les dernières décennies, une proportion croissante de l’énorme richesse générée par le travail de la classe ouvrière et qui est expropriée par les capitalistes sous la forme de profits et d’impôts, a été canalisée vers la sphère financière où l’argent semble miraculeusement faire de l’argent (mais où aucune valeur réelle n’est créée) et où les profits financiers se sont avérés véritablement non-viables.

Dans toute cette discussion sur la «tourmente», peu de mots ont été consacrés à ceux et à celles qui ont perdu le seul avoir qui possède une valeur réelle dans l’affaire des subprimes : le nombre croissant de sans-abri qui vivent sous la tente ou dans les rues des villes américaines, et pas seulement à Los Angeles. En vérité cependant, on s’attend à ce que l’ensemble de la classe ouvrière mondiale paie pour cette récente embardée dans la crise générale du capitalisme. Malgré la variation de leurs conditions de travail, de leurs modes et niveaux de vie, partout ce sont les travailleurs et les travailleuses qui subissent les vraies souffrances. Que ce soit le coût de la vie plus élevé ou des pertes d’emplois, des conditions de travail intensifiées (d’un caractère intolérable pour la plupart) ou des baisses de salaires et de pensions jusqu’à l’anéantissement des économies de toute une vie, ou encore la réduction des programmes sociaux (le salaire social) dans les centres historiques du capitalisme. Que ce soit la misère absolue avec des conditions de vie intolérables pour un nombre de plus en plus élevé de travailleurs et de travailleuses à travers le monde. La souffrance se multiplie pour tous. Peu importe jusqu’à quel point les réformistes et les «bons» capitalistes possédant une conscience morale peuvent se lamenter de la situation, un fait demeure pour le système capitaliste dans son ensemble, le bien-être de la classe ouvrière est une question qui ne se pose pas. Tandis qu’une classe ouvrière relativement bien payée et aujourd’hui exceptionnellement endettée a fourni un bon marché pour la consommation et pour le capital depuis la Seconde Guerre mondiale, il demeure que cela entre toujours en contradiction avec la nécessité fondamentale pour le capital de s’approprier de plus en plus de valeur créée par l’effort des travailleurs et des travailleuses. En temps de crise, cette nécessité ne peut que vouloir dire des coupures dans les salaires réels et un niveau plus élevé d’exploitation. Aujourd’hui, le capitalisme est beaucoup plus préoccupé à bénéficier d’une classe ouvrière affaiblie plutôt qu’une classe ouvrière prospère. Ainsi une chose est certaine, non seulement cette crise particulière est loin d’être terminée, mais la crise profonde et durable d’accumulation du capital de l’après-guerre dont elle fait partie, a atteint un niveau plus grave.

Si ce système d’expansion ou de faillite de la spéculation financière rappelle l’époque capitaliste antérieure de la tulipomanie ou de la bulle des mers du Sud, la situation d’aujourd’hui est fort différente. En dépit de la mondialisation, le contexte de la présente crise est celui d’un monde impérialiste où la compétition capitaliste se joue au niveau des États et est par conséquent soumis à des rivalités politiques et militaires. Alors qu’il fut un temps où le capitalisme pouvait se remettre de ses problèmes d’accumulation suite à une période de faillites ou de rachats, l’histoire a démontré que, dans la présente époque impérialiste, la seule façon pour le capital de relancer un nouveau cycle d’accumulation est de se tourner vers la guerre. La crise actuelle n’est pas une exception.

Les enjeux sont élevés pour la classe ouvrière. Dans les luttes à venir, les travailleurs et les travailleuses seront sonner d’abandonner le combat pour la satisfaction de leurs besoins à cause de la situation économique et politique plus importante de la «nation» (ou d’autres euphémismes propres à les enchaîner au capital) et qu’elle est trop grave pour permettre des «perturbations». Au cœur du capitalisme, des deux côtés de l’Atlantique, l’heure est venue pour la classe ouvrière d’émerger de sa léthargie politique et de son indifférentisme. L’heure est aussi venue pour ceux et celles qui reconnaissent la gravité de la situation présente de faire les premiers pas vers la formation d’un parti de type nouveau. Un tel parti n’aura rien à faire avec les compromis et les petites combines qui tentent ouvertement de réconcilier les intérêts des salariés avec les intérêts de ceux qui profitent de l’exploitation du travail salarié. Pour la classe ouvrière internationale, la seule solution à cette crise globale de dimension historique est de prendre la voie révolutionnaire menant au renversement du capitalisme. Pour y arriver, nous avons besoin d’un parti qui traverse les frontières nationales; un parti unifié autour d’un programme révolutionnaire et capable de diriger la lutte jusqu’à et au-delà du renversement des États capitalistes. C’est certes un objectif ambitieux, mais le niveau d’ambition n’est égal qu’à la gravité de la situation.

Déclaration du Bureau International pour le Parti Révolutionnaire, fin septembre 2008. Au Canada, le BIPR est représenté par le Groupe Internationaliste Ouvrier.

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