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Les événements se bousculent en Afrique du Sud

PCQ, Tuesday, September 23, 2008 - 05:14

André Parizeau

Ceux et celles qui pensait que l'Afrique du Sud avait depuis belle lurette basculé à droite feraient bien d'y regarder d'un peu plus près. Dans une décision qui n'a pas fini de faire du bruit, la direction de l'ANC (au pouvoir) vient d'obliger le président actuel, Thabo Mbeki, à démissionner. Celui-ci vient, de fait, de remettre sa démission. Celle-ci sera effective dès qu'un nouveau président par intérim pourra être trouvé. Des élections n'étaient en effet prévues que plus tard, dans quelques mois.

Selon différentes informations, c'est le député Kgalema Motlanthe, qui pourrait agir pour les prochains mois comme président par intérim. En Afrique du Sud, c'est le Parlement qui choisit le président de la République. Une réunion d'urgence du Parlement est prévu pour demain, 23 septembre. Le prochain round d'élections législatives est d'autre part prévu pour 2009.

Le fait que tout ce soit finalement mis à débouler aussi vite est en même temps assez indicatif de la gravité des bouleversements qui sont en train de frapper ce pays, en arrière plan. Ces événements nous rappellent également à quel point il faut faire attention aux apparences et combien les choses, qui ont pu sembler à un moment donné comme gelées dans le ciment, peut aussi évoluer très rapidement.

Cette démission arrive alors que plusieurs rumeurs répétées laissaient entendre que le président de la République démissionnaire aurait été mêlé à divers pressions visant à forcer un juge de la plus haute cour du pays à maintenir, contre toutes attentes, toutes une série d'accusations de corruption pesant actuellement contre l'actuel président de l'ANC, Joseph Zuma. Celui-ci est en même temps celui qui est justement le candidat pressenti pour devenir le prochain président du pays. L'actuel président démissionnaire était sur une fin de mandat et ne pouvait plus se représenter; bien des commentateurs s'accordaient cependant à dire que Thabo Mbeki aurait voulu que son successeur ne soit pas justement Joseph Zuma. Le juge en question, l'honorable Nicholson, a finalement refusé de céder à ces pressions, décidant plutôt de lever toutes ces accusations. Maintenant que celles-ci n'existent plus et que Thabo Mbeki vient en plus de démissionner, les derniers obstacles qui pouvaient encore se dresser et empêcher le principal intéressé, en la personne de Joseph Zuma, d'atteindre les plus hautes fonctions du pays, viennent du même coup de disparaître.

Tout cela semble indiquer une forte remontée de l'influence des forces de gauche dans ce pays.

Il faut en effet savoir que Joseph Zuma et Mbeki Thabo sont de vieux adversaires, représentant deux visions assez diamétralement opposées au sein de l'ANC. Quand Nelson Mandela avait quitté en 1999 la présidence du pays, le dirigeant du parti communiste Chris Hani avait été assez largement pressenti pour prendre la relève. Le Parti communiste est en effet une des trois composantes à l'origine de la formation de l'ANC et sa présence est inscrite formellement dans les statuts de l'ANC. Malheureusement, et assez rapidement après l'annonce du départ de Nelson Mandela, Chris Hani avait été assassiné dans des conditions assez mystérieuses (et toujours pas élucidées). Joseph Zuma était alors devenu l'autre candidat des forces de gauche, mais avait à son tour dû céder sa place à cause de toutes une série d'allégations soit disant reliées à une affaire de viol. Toute cette histoire avait fini s'estomper (une fois encore), faute de preuves véritables, mais le mal avait alors été fait et c'est finalement ... Thabo Mbeki qui était alors devenu le nouveau président de l'Afrique du Sud.

Le Parti communiste sud africain avait en en même temps commencé à entrer dans de nombreuses turbulences politiques et idéologiques, découlant entre autres choses du fait, qu'ailleurs, soit en Russie, le régime soviétique commençait aussi à s'écrouler.

Pendant 10 ans, Mbeki Thabo a su imposer une orientation qui s'assimilait carrément, et à bien des égards, au discours néolibéral. Mais voilà. Qui sème le vent, finit bien souvent par récolter la tempête et c'est finalement ce qui est en train de se passer avec Thabo Mbeki ... avec comme conséquence que l'Afrique du Sud pourrait bien, dans un très proche avenir basculer vers des positions beaucoup plus à gauche que ce à quoi ce pays avait pu nous habitué jusqu'ici. Joseph Zuma n'est pas communiste, mais est une personnalité non moins respectée, aussi bien par le Parti communiste (qui est de nouveau en remontée au niveau de son influence), que par les syndicats (qui font aussi partie de l'ANC) et qui sont très puissants, ainsi que par de larges sections des autres forces de gauche dans le pays.

Tout cela pourrait en même temps accélérer les rapprochements entre ce pays et les autres gouvernements de gauche en Amérique Latine. N'oublions pas qu'Hugo Chavez était lui-même en Afrique du Sud, il n'y a pas si longtemps encore. Tout cela pourrait donc contribuer à développer encore plus le front uni qui avait déjà commencé à se développer sur la scène internationale de manière à développer un nouveau pôle face à la domination encore très forte des États-Unis.

Tout cela indique aussi à quel point le jeu des alliances en politique n'est pas toujours chose aisée à suivre et peut parfois prendre bien des méandres.

Le communiqué officiel de l'ANC, publié tout de suite après l'annonce de la décision de la direction de l'ANC, et qui est signé par Joseph Zuma lui-même, (voir notre raccourci dans le coin gauche de cette page) demeure élogieux face à l'ex-président. Politesse et diplomatie oblige; le message n'en est pas moins clair. La direction de l'ANC en profite en même temps pour remercier tous ceux qui, comme les communistes et les syndicats, n'avaient pas hésité à descendre dans la rue pour dénoncer les pressions qui se seraient produites pour essayer d'influencer le cours de la Justice et bloquer une fois de plus l'accession de Zuma à la prochaine présidence. Ce dernier est le candidat désigné de l'ANC pour la présidence depuis déjà un bon bout de temps et ce choix fut le résultat de consultations très larges au sein de l'ANC, s'échelonnant sur une longue période temps. Il est particulièrement populaires auprès des jeunes et des masses ouvrières.

Presque immédiatement, la plupart des grandes agences de presses et journaux dans le monde titraient sur ces événements en parlant de la nouvelle instabilité qui allait s'installer dans ce qui est de loin le plus important pays d'Afrique. L'Afrique du Sud est également un membre non-permanent du Conseil de sécurité de l'ONU.

Certains disent que la démission de Mbeki pourrait entraîner, au cours des prochains jours ou semaines, la démission de plusieurs ministres du gouvernement, également associé au courant plus à droite, au sein de l'ANC. Mais les dirigeants de l'ANC affirment, de leur côté, que la transition se fera dans le calme, quoiqu'il arrive. L'ANC contrôle la grande majorité des postes de députés au sein du Parlement. Soit dit en passant, même le Parti communiste ne présente pas de candidats ou de candidates sous sa propre étiquette; il le fait plutôt sous le drapeau de l'ANC.

Entre temps, et du côté de Thabo Mbeki, il semble que celui-ci cherche maintenant à contester tout ce processus, même si sa démission est d'ores et déjà officielle et ne pourra pas être remise en cause. Il aurait déjà entamé à cette effet certaines procédures juridiques. C'est du moins ce que certaines agences de presse prétendent maintenant. Il chercherait, entre autres choses, à relancer certaines accusations contre Joseph Zuma. L'ironie dans tout cela est qu'il est lui-même de plus en plus suspecté d'avoir trempé dans différentes histoires de corruption. L'opposition de droite, en Afrique du Sud, d'habitude toujours contre l'ANC, s'est rapidement liguée derrière Mbeki et a immédiatement condamné le geste de la direction de l'ANC. Toute l'affaire n'est donc pas finie.

Pour ceux et celles que cela peut intéresser, Mbeki fut pendant des années un membre du Parti communiste d'Afrique du Sud. C'était au début, alors que l'ANC n'avait pas encore le pouvoir; il quitta ensuite le parti communiste (alors qu'il était déjà une personnalité en vue du gouvernement) pour épouser, en lieu et place, un point de vue complètement à l'autre extrême de l'échiquier politique ; il prône depuis un discours beaucoup plus ouvertement pro-entreprise privée. Nombreux sont ceux et celles qui critiquaient également la manière non-collégiale avec laquelle il menait les destinées du pays. Il était aussi pointé du doigt par les forces de gauche pour sa gestion des grandes émeutes survenues dans les bidonvilles, ainsi que pour ses liens jugés "trop proches " avec le dictature du Zimbabwe, Robert Mugabe.

Pour sûr, il y en aura pour dire qu'il s'agit cette fin de semaine d'une sorte de révolution de palais. Ou pire encore d'un terrible complot ourdi par les "méchants communistes". Le fait est que ces plus récents développements ne sont en fait que la continuation d'une lutte qui faisait déjà rage depuis des années au sein de l'ANC pour savoir qui, de la gauche ou de la droite, devait diriger le pays et avec quelle vision. Il est particulièrement intéressant de lire à cet égard le sommaire des positions votées par le Parti communiste lors de son congrès de 2007; cela résume assez bien l'analyse qu'il faisait déjà à cette époque de la situation dans leur pays, ainsi que des priorités à mettre de l'avant (et qui demeurent pour l'essentiel encore à faire).

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