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Trop de réalité à Québec (à propos de «Québec ville dépressionniste»)Anonyme, Thursday, August 28, 2008 - 14:46 À propos de « Québec ville dépressionniste », La somme d’articles de ce livre est une excellente expérimentation critique (même si parfois inégale) et présente une non moins intéressante résonance radicale de l’expression écrite et de l’expérience pratique contraintes, pour une fois au Québec, de sortir de leur absence habituelle de sens et de la méconnaissance de l’expérience vécue. Une volée de bois vert mérité, attendue depuis longtemps, et argumentée avec talent, un signe nécessaire devant l’adversité de la bêtise et la résignation, devant le Kitsch urbain de la ville de Québec, l’exclusion sociale qui en découle, la tristesse et la soumission ambiantes. Une question - amicale - se pose avec cette publication : comment transformer durablement ou positivement la réussite d’un tel essai ? Car La Conspiration Dépressionniste pose la barre critique assez haut ; arrivé à la fin du livre, le lecteur se dit ok, parfait mais après ? Que veulent-ils, où vont-ils ? Car si le livre s’inscrit dans une nécessité, sa vérité pratique réduite à son existence formelle, contraint à demeurer lucide et prudent quant à son impact réel sur la culture, la ville de Québec, la sociale en général. La joyeuse insolence assez rigoureusement étayée (ce qui semble le cas selon ma lecture bien que je sois totalement néophyte en matière d’architectures mais observateur critique de l’évolution la ville et de l’urbanisme nord-américain), dévoile subversivement un état de fait accepté par - presque - tous et auquel les mêmes se sont résignés à survivre en regardant la TV soir après soir les pensées nouées par l’actualité. Dépressionniste alors, synonyme de cette résignation sociale souffletée avec raison à longueur de page de ce livre. Livre qui rappelle par la simple existence de sa dimension critique que le Québec n’est pas entièrement éteint ni inévitablement condamné à se décomposer dans l’ennui sans s’en rendre compte, que l’aliénation n’est pas irréversible et que le paysage urbain actuel n’est plus un art de la construction mais celui du fonctionnalisme d’une prison où la liberté se réduit à zéro. Ce livre est donc le signe concret d’une lutte effective et d’une conscience active et d’une critique qui veut se faire entendre, c’est beaucoup. Restent donc quelques questions cruciales que le livre pose en creux et qui n’ont pas été résolues dans l’autre publication du groupe, la revue de La Conspiration Dépressionniste : Ce baptême dépressionniste de l’absurde ville de Québec s’abrite sous des parapluies historiques. Comment en effet ne pas penser aux surréalistes et aux situationnistes à la lecture des différents articles ? Ils sont d’ailleurs mentionnés un peu rapidement comme s’il s’agissait d’une sorte de nostalgie romantisée, d’un positionnement objectif précaire, alors que les surréalistes et les situationnistes invoqués à cette occasion se détachent par un rapport net à l’histoire qui est celui de faire l’histoire et non plus de la subir. La volonté pratique y est subversive dans le sens de hâter la subversion partout où cela est possible en élaborant un projet unitaire compatibles avec d’autres avec des interventions dont la radicalité témoignait ou cherchait à éclairer cette compréhension. Comme toujours, c’est la subversion qui à des degrés divers ouvre et soutient les regards actuels les plus lucides dont, au moins par quelques articles de ce livre, La Conspiration Dépressionniste entame de grimper quelques marches prometteuses. La critique urbaine du désert social qui est formulée serait impossible sans les acquits et le territoire ouvert de la radicalisation permanente que les situs et les surréalistes ont défriché selon leurs spécificités. Cela implique aussi de considérer les critères et l’inspiration générale et particulière de l’agitation qu’ils ont engendrés. La critique de l’urbanisme théorisée par l’I.S. est suffisamment connue, leur pratique de la dérive expérimentale aussi. C’est donc le long voyage de la subversion qui continue jusqu’à La Conspiration Dépressionniste et se déploie aux endroits les plus inattendus. Il peut naître comme une fleur vénéneuse sur l’affreux campus de l’Université Laval ou surgir des fissures du décor kitsch destiné à tous ces touristes cachés derrière les fenêtres opaques des autobus dans la vieille ville reconstituée de Québec. Ainsi il n’est pas vain de rappeler que les recherches critiques et les volontés d’alliances de Breton avec les communistes, les trotskistes et les anarchistes avaient aussi pour but de hâter le renversement du cours du temps. Plus tard, les démarches subversives des situationnistes envers leur monde et les exigences posées aux groupes rencontrés par eux ont démontré la nécessité de ne pas seulement être contre mais aussi d’affirmer un projet de subversion et de réalisations individuelles et collectives. Il convient alors, en tenant compte de leurs acquits, de savoir appréhender les fondamentaux d’une lutte commune et de créer un suivi d’effets comme préalables, de poser la question de l’incitation pour tant d’autres camarades, inconnus, isolés, même au Québec. Or, les différents articles de ce livre ou même ceux des numéros de la revue semblent hésiter à mettre en jeu une capacité de radicalisation qui inclurait la maîtrise d’un tel projet d’extension. La veine de l’intelligence caustique qui est celle de La Conspiration Dépressionniste risque de se piéger, retirée dans sa logique d’insolence étudiante (ce qui n’est déjà pas si mal dans le contexte de la Belle Province), une sorte d’élitisme étudiant qui, s’il n’est pas a priori désagréable, risque d’être lassant à la longue et surtout de finir comme l’autoroute de Québec droit dans un mur dépourvu de toutes aspérités. Je ne sais pas ce qu’il peut advenir d’un effort aussi pertinent qui, même avec les faiblesses que je mentionne, met en relief le retard accumulé par la critique révolutionnaire d’ici. Cela pose toutefois la question de son degré de cohérence subversive par rapport à la prostitution intellectuelle généralisée au Québec : est-ce un acte fondateur neuf, plus pensé à mon sens que la revue de La Conspiration Dépressionniste, porteur de souffle véritable et non de l’éphémère pittoresque de quelques amis à l’intelligence vive ? Il y a une force insatisfaite dans l’ensemble du livre qui pourrait à terme retomber dans la culture, parce qu’éloignée progressivement d’une volonté pratique durable, d’une volonté qualitative de désaliénation, d’une créativité véritablement subversive. Bien entendu, pointer ce qui manque est aisé et j’ignore comment combler les vides à partir d’une expérience qui n’est pas la mienne, et surtout en dehors d’une réelle pratique organisationnelle, avec des revendications et l’usage de valeurs humaines partageables dans un projet commun. Toutefois il faut toujours identifier les vides et les ruptures de tons susceptibles de scléroser toute aventure et particulièrement l’aventure de la Consdep pour laquelle j’ai une sympathie réelle. Il est certain que la radicalité est dans une position difficile au Québec, mais c’est un moment transitoire qui a l’avantage de dissoudre les mauvaises habitudes et génère les circonstances d’apparitions et la grande force de libertés nouvelles, à condition de rencontrer des moyens entièrement neufs, aussi bien théoriques que pratiques issus d’expériences cohérentes de radicalisation. En d’autres termes si La Conspiration Dépressionniste persiste dans un tel projet de critique sociale, ses participants sont de toute évidence contraints d’aller plus loin dans la radicalité, d’engager un processus de dépassement dialectique (sortir du poids mort du passé, supprimer les séparations existantes) et la somme critique de ce livre devrait être aussi l’expression d’une minute de vérité quant au futur de La Conspiration Dépressionniste. titu...@yahoo.fr |
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