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Les compagnies minières, la corruption et la bourse [Noir Canada, Écosociété]CMAQ via Mic, Wednesday, July 30, 2008 - 18:07 Compte rendu du livre Noir Canada, d’Alain Deneault, Delphine Abadie et William Sacher, publié chez Ecosociété, 2008. Il s’agit de cet excellent ouvrage qui fait l’objet de la poursuite-baillon de Barrick Gold. Étant donné l’ampleur de l’acte d’accusation contre un ensemble de compagnies minières canadiennes, y compris Barrick, on peut comprendre que cette entreprise, plus soucieuse de son achalandage que de la liberté d’expression, ait choisi de poursuivre les auteurs de ce livre et la maison d’édition, afin d’intimider les critiques. On ne peut qu’espérer que ce SLAPP(1) sera éventuellement rejeté. - Raymond Favreau, coordonnateur du Conseil scientifique d’Attac-Québec source: bulletin d'ATTAC-Québec de juillet 2008 [en ligne] Le texte est très complet, bien documenté et hautement intéressant. S’il y a plusieurs années Bonnie Campbell avait sommairement évoqué les mauvais comportements de sociétés minières canadiennes à l’étranger, Noir Canada traite du sujet en grands détails et surtout en ce qui a trait à l’Afrique subsaharienne et à la Bourse de Vancouver et de Toronto. Des passages importants portent sur la complicité du gouvernement canadien, de ses agences — l’ACDI (Agence canadienne de développement international) et la EDC (Exportation et développement Canada) — ainsi que de chefs d’États africains et leur corruption par des compagnies minières et pétrolières canadiennes faisant affaire en Afrique. Les auteurs décrivent les tractations et ententes entre nos rapaces entreprises d’extraction minière, pétrolières, et pharmaceutiques, comme IamGold, Barrick, Heritage Oil, Millenia Hope Biopharma, et autres, d’une part, de nombreux chefs d’États de pays comme le Zaïre (Congo), l’Angola, la République centrafricaine, la Côte d’ivoire, le Gabon, le Mali, le Togo, et la Sierra Leone. Les méfaits incluent : le crime tout court – l’usage de la violence contre les populations aux abord des sites miniers ; la destruction de villages et de l’environnement – pollution de l’air et de cours d’eau par le rejet de produits toxiques émanant des infrastructures minières; le crime économique et financier commis au moyen d’opérations boursières; la corruption d’agents étrangers, la mise en marché de produits pharmaceutiques dangereux; le défaut de paiement aux pays africains en question de droits de douane, d’impôts et de redevance, de sorte que la population locale ne retire aucun bénéfice du pillage des ressources premières de leur pays, seuls les hauts placés gouvernementaux et quelques affairistes nationaux en retirant des revenus. Le phénomène n’est pas étranger à la globalisation orchestrée par les FMI et la Banque mondiale. Cette dernière finance depuis les années 1990 la refonte du code minier et la privatisation des mines de nombreux pays du Sud, initiées par des études de faisabilité aussi financées par la Banque Mondiale et effectuées par la Banque nationale de Paris, des sociétés d’ingénierie transnationales et des grands cabinets d’avocats d’affaires. L’ACDI et l’EDC financent aussi les activités de nos compagnies minières. Si on compare le rôle que jouaient des compagnies canadiennes (Cominco, Noranda et autres) dans les années 1980, alors qu’elles effectuaient la réhabilitation de mines appartenant à des sociétés d’États africains, le tout financé par la Banque mondiale, on ne peut qu’être frappé par la triste détérioration du fonctionnement des sociétés minières canadiennes et de la Banque mondiale (alors que le comportement de cette dernière était tempéré par les membres provenant du bloc de l’Est). Comme le mentionnent les auteurs de Noir Canada, suite au scandale de Bre-X, la Bourse de Toronto avait resserré les exigences pour les firmes minières voulant s’y inscrire, en obligeant celles-ci à inclure dans leur prospectus le rapport d’un consultant indépendant et compétent. La faille, dont les auteurs ne traitent pas, est que ni les laboratoires ni les consultants ne sont appelés à être témoins du prélèvement des échantillons ni de leur envoi aux laboratoires. Or, c’est à ce stade que se commet la fraude, en expédiant aux laboratoires des échantillons provenant d’autres sources que du site identifié dans le prospectus, faussant ainsi les données et permettant la fraude boursière. C’est ce qui semble s’être produit dans le cas de Bre-X et autres cas semblables. Noir Canada traite de la corruption de chefs d’États et d’agents publics africains par des sociétés canadiennes. Denault et autres mentionnent que la loi canadienne à ce sujet n’a pas de portée extraterritoriale. Ajoutons le détail qu’à l’occasion d’un congrès du Barreau canadien peu après l’adoption de cette loi (axée sur le modèle de celle de l’OCDE), un haut placé du Ministère de la justice confirmait cette lacune. Le résultat est que, pour qu’une société canadienne soit reconnue coupable d’avoir corrompu un agent public étranger, il faut que ce dernier soit venu toucher son pot-de-vin au Canada. Il va sans dire que les poursuites sont rarissimes. Acres International, qu’évoque cet ouvrage, reconnue coupable de corruption au Lesotho, avait été poursuivie et trouvée coupable non pas en vertu du droit canadien, mais plutôt selon le droit du Lesotho, les autorités judiciaires de ce pays ayant porté plainte au pénal. Un autre aspect important de Noir Canada porte sur le rôle des Bourses de Vancouver et de Toronto, qui d’après les auteurs financent les activités des entreprises minières canadiennes et étrangères inscrites à ces Bourses. Une nuance s’impose. Le produit d’une offre publique boursière ne finance que 5% du coût de production des biens et des services, le reste ne servant qu’à la spéculation et parfois au financement d’opérations de fusions/acquisitions, quand il n’est pas simplement empoché par les dirigeants de l’entreprise. La cote des actions en Bourse permet aussi aux PDG et autres cadres supérieurs d’exercer leurs stock-options. Quoi qu’il en soit, Noir Canada est une source importante de données sur le crime économique et financier commis en Afrique par des sociétés canadiennes choyées par le gouvernement fédéral et ses agences. Ottawa n’exerce aucun contrôle sur ce qu’elles font outre-mer, comptant sur les codes d’éthique et la bonne gouvernance. Façon de laisser-faire et de ne pas nuire aux impératifs du profit et de la rentabilité, aux dépens des populations pauvres et fragiles ayant le malheur de se trouver à proximité des sites miniers. Notes[1] SLAPP: Strategic Lawsuit Against Public Participation. __ [ Mic du CMAQ: autovalidation et mise en manchettes le 4 août 2008.]
Lien vers l'original en ligne
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