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«Pirates Des Caraïbes : le secret du coffre maudit» - Une lecture située

..., Wednesday, April 9, 2008 - 01:35

Les traits physiques et psychologiques de certains personnages dans les films peuvent encourager, sinon contribuer à consolider implicitement les minorités visibles comme « outsider » à la société Occidentale et à sa « norme » de l’individu hétérosexuel féminine. En tant que femme minorité visible, c’est une lecture située du film « Pirates des Caraïbes : le secret du coffre maudit », que propose en investissement sur les traits du personnage Tia Dalma joué par Naomie Harris.

Sorti dans les salles de cinéma officiellement le 02 Août 2006, le film Pirate des Caraïbes : le secret du coffre maudit, réalisation de Gore Verbinski, a attiré une foule de cinéphiles amoureux des films fantastiques pour le dernier de la saga "Pirates des caraïbes". Comme de nombreux spectateurs fascinés par les acteurs Johnny Depp et Keira Knightley, j'ai choisie de me divertir cette semaine-là en préférant particulièrement ce film parmi d’autres. Toutefois, bien que j’ai pris plaisir à le regarder, au sortir de la séance de cinéma je n’ai pas pu m’empêcher d’être troublée par une scène singulière. En effet, je n’arrêtais pas de me demander pourquoi le rôle de la "sorcière" n'a pas été attribué à l’actrice Keira Knightley ? D'autant plus qu'à un moment donné dans le film, elle a été soupçonnée de détenir « le secret du coffre maudit ». En outre, la scène où les doutes qui pèsent sur elle se lèvent est celle qui m’aura particulièrement interpellé vers une investigation des raisons possible du choix du réalisateur de l’« infiltrée » comme étant Tia Dalma. En effet, en quoi la crédibilité de la mise en scène générale du film est-elle confortée par le jeu des acteurs et le moment où l’on découvre que la sorcière est Tia Dalma jouée par Naomie Harris au lieu de Keira Knightley ?

Nous ne pensons pas que le choix de Harris comme « sorcière » dans le film à la place de Knightley soit une sélection anodine, au regard de sa structure narrative basée sur l’« outsider ». En effet, cette dernière rappelle certainement combien « Tous les groupes sociaux instituent des normes et s’efforcent de les faire appliquer, au moins à certains moments et dans certaines circonstances. (…) » Et que de ce fait : « Quand un individu est supposé avoir transgressé une norme en vigueur, il peut se faire qu’il soit perçu comme un type particulier d’individu, auquel on ne peut faire confiance pour vivre selon les normes sur lesquelles s’accorde le groupe. Cet individu est considéré comme étranger au groupe [outsider]. » (1). Les pirates sont en vérité représentés sous ces caractéristiques dans le film, où un certains nombres d’entre eux sont par ailleurs « maudits » (tel que l’équipage du Black Pearl). Mais si les pirates sont présentés sous les traits de l’« outsider » qu’en est-il réellement de Tia Dalma ? Pour répondre à cette question, je commencerai par souligner un fait essentiel à ce propos, à savoir que le film passe non seulement sous silence le fait que certains groupes sociaux construisent des types d’individus comme « outsider » en dehors de toute transgression de « norme ». Ils confinent ainsi les uns dans des structures préjudiciables encouragées par les préjugés raciaux, tandis que les autres jouissent d’un système de privilèges de « normalité » humaine implicite. (2) Mais en plus, il l’intègre dans son discours.

Effectivement, lorsque le film incorpore dans l’écriture de son spectacle un discours articulé sur les idées reçues sur les personnes dites de « descendance Africaine » - idées qui les situent comme « outsider » à la « normalité » Occidentale -, à l’intérieur de son discours sur les pirates « outlaws » ; il exclut doublement le personnage d’« Harris ». Puisqu’en investiguant sérieusement la mise en scène il est notable comme l’articulation du côté « mystique » de ses pouvoirs, avec son aventure amoureuse avec Devey Jones - le chef du Black Pearl maudit - la place définitivement comme en « dehors » de ses compagnons de voyage : c’est une outsider-double. Egalement, sa présentation physique la renforce dans le double rôle de paria des deux groupes (de la société et des outlaws) plus qu'elle ne la "normalise", à l’opposé de la présentation de Keira (pirate oui ! Mais pas tout à fait outsider ? Ni sorcière). Le maquillage des cheveux en désordre et à la dread, les dents pourris et une hygiène peu recommandable suggérée sont plus les caractéristiques de Tia Dalma futur "sorcière", compagne mystérieuse de Devey que Keira Knightley. En vérité, quels objectifs pour réaliser tous ces efforts, si ce n'est pour conforter la scène qui suit et minimiser son aspect irréel et raciste ? Dans le déroulement du film, Naomie Harris se développe en une gigantesque femme massive et domine le bateau entier. Des paroles incompréhensibles et une voie caverneuse fusent de sa bouche où un flot d'ombre découle, avant de disparaître. Nous sommes à ce moment précis devant une caricature de la sorcellerie attribuée aux Noirs, qui est loin d'être à l'honneur des personnes perçus comme "originaire d'Afrique". C'est pourquoi cette scène nous apparaît comme racialisante voire "raciste" lorsque nous sommes l'objet d’une caricature excluante.

Par ailleurs, si Naomie Harris a semblé le personnage idéale pour jouer le rôle de l’ « infiltré » du groupe et surtout de la « sorcière », au regard de sa couleur noire de peau il est possible d’imaginer les multiples raisons qui y ont concourues. D'abord, prenons l’hypothèse selon laquelle le réalisateur aura joué la réussite de la scène sur la persistance ou la latence d’un préjugé raciste pendant la colonisation. Celle qui entendait la pratique du vaudou comme étant l'apanage des « Africains » et des Noirs des îles en général. Au regard de ceci, de dernier ne pouvait choisir qu'Harris pour le rôle de « sorcière » à la place de l’actrice Knightely qui est blanche de peau. Ensuite, sachant que la crédibilité d’une scène - bien que le spectateur n’ignore pas qu'il est face à un film fantastique - n'est renforcée que s'il existe une reconnaissance possible, du point de vue du spectateur, entre ce qui se passe dans son quotidien (propos entendus, anecdotes, « convictions » qui peuvent relever de préjugés raciaux) et le discours filmique qui est offert ; la représentation de Harris n’a pas troublé grand monde parce que justement elle se situait dans l’« habitude » de ce qui se dit, de ce qui est cru.

Le personnage de Jack Sparrow peut également susciter un même type d’analyse, en prêtant attention à ses traits dans le film.

(1): BECKER, Howard. 1963. Outsiers. Paris : Métaillé. Page 25.
(2): L’ouvrage Black Sexual Politics de Patricia Hill Collins explique ce qu’il en est dans le contexte des Etats-Unis d’Amérique : Hill Collins, Patricia. 2005. Black Sexual Politics.African Americans, Gender, And New Racism. New York & Londres: Routledge, Taylor & Francis Group.

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