Sans en avoir le mandat, le gouvernement Harper minoritaire transforme en profondeur le Canada selon sa doctrine et son idéologie, qu'il incruste dans des lois et dans des ententes qu'il signe en silence, sans discussion aux Communes, sous le nez de l'opposition. Que se passe-t-il?
Mario Dufour

God bless Canada!
Stephen Harper

Grâce à ce qui s'apparente tantôt à de la naïveté, à de l'amateurisme et souvent à de l'opportunisme myope de la part de l'opposition, un lobby d'extrême-droite réussit à avancer son agenda vers l'implantation d'un État policier, religieux et puritain et ce, malgré le statut minoritaire du gouvernement conservateur. Harper fait se concentrer sur le sujet de son choix ses adversaires, les journalistes et la population, et aucun n'arrive à sucer des bonbons et à se gratter le cul simultanément.

Et oups! On se réveille un matin en apprenant avoir donné aux douaniers américains le droit de faire des arrestations au Canada. Eux, dont la Constitution est le fruit de leur victoire face à la Couronne britannique, viennent faire la pute et trahir l'indépendance de leur nation en jurant allégeance à la Reine, afin d'obtenir le statut d'agents de la paix sur notre territoire pour y faire respecter une loi canadienne qu'ils ignorent.

Encore oups! En février, le "U.S. Northern Command" clame avoir signé une entente bilatérale avec le "Canada Command" pour un coopération mutuelle en cas de désordre public. On y roucoule le support en cas de tremblements de terre, on endort. Quand on se souvient que suite à l'ouragan Katrina, le gouvernement Bush a refusé notre aide et a déployé en Nouvelle-Orléans des mercenaires armés jusqu'aux dents de l'agence de triste réputation Blackwater, pour assurer la "sécurité" des citoyens et protéger les édifices du Homeland Security... On peut se questionner sur les motivations humanitaires de cette entente. On n'en fait pas grande mention dans les médias et aux Communes, on suce consciencieusement le bonbon amer de la "sécurité" en Afghanistan.

Et encore oups! Voilà que la semaine dernière on découvre une fois de plus après le fait, que l'opposition aux Communes, occupée à se gratter vertueusement le cul sur les modifications apportées au code criminel apportées par le projet de loi C10. Très concentrée sur son irritation, elle a laissé passer un cheval de Troie transportant enfoui dans ses poisseuses entrailles un article fécal et fatal à l'expression libre des auteurs, qui ajoute un pouvoir de censure à Patrimoine canadien en coupant les fonds aux productions dont le contenu serait considéré comme allant à l'encontre de l'ordre public.

À petits pas, subtils dons de carottes fiscales et autres bonbons soporifiques, tel que la reconnaissance mielleuse et factice d'une nation, le gouvernement Harper s'assure du sommeil des électeurs, des journalistes et de l'opposition, sinon de leur complaisance et met en place le contexte légal pour servir l'idéologie de sa base. Que nous tardions encore un peu à réaliser la toxicité des douceurs qu'il nous sert et Harper aura à sa disposition l'arsenal nécessaire de bâtons pour frapper. Et même minoritaire, il aura le loisir de nous les enfoncer où bon lui semble au nom de l'ordre public. Avec l'appui de l'armée américaine si ça lui chante.