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Terreur, terrorisme et violence de classe

Anonyme, Monday, January 21, 2008 - 15:52

Un sympathisant du CCI

La classe ouvrière en France (et notamment les travailleurs de la SNCF et de la RATP, de même que les jeunes générations scolarisés dans les universités et les lycées), vient d'être confrontée à une gigantesque campagne de criminalisation des grévistes justifiant l'utilisation de la répression pour faire passer les "réformes" du capital (notamment l'envoi des CRS et des Gardes mobiles dans les universités [1]). L'un des thèmes majeurs de cette campagne de type maccarthyste [2] et hypermédiatisée, consistait à assimiler les étudiants et les cheminots en grève à des "terroristes" et à des "preneurs d'otages". Et cela au moment même où s'étalaient sur les écrans de télévision les images épouvantables des attentats terroristes d'Alger (qui ont pulvérisé, entre autres, un autocar rempli d'étudiants) de même que tout le battage de Monsieur Sarkozy à propos d'Ingrid Betancourt, prise en otage par les FARC présentés comme une guérilla "marxiste". Évidemment, les médias aux ordres ne disaient pas ouvertement "étudiants en lutte=Al Qaïda" ou "cheminots grévistes=FARC" ou encore "marxisme=prise d'otages et terrorisme". C'est de façon plus subtile et efficace qu'est faite une telle identification : les spécialistes de la propagande bourgeoise connaissent depuis longtemps les techniques de manipulation des esprits à travers l'association apparemment innocente et fortuite des images et des mots.

Les véritables communistes se doivent d'apporter toute leur solidarité aux travailleurs et étudiants victimes des campagnes de criminalisation et de la répression. Une telle solidarité passe en premier lieu par la dénonciation de la terreur de l'État bourgeois dont les formes "démocratiques"ne sont pas moins efficaces que les formes "totalitaires" pour faire régner "l'ordre", c'est-à-dire l'ordre de l'exploitation et de la misère. Des formes "démocratiques" qui sont toujours disposées à dévoiler leur véritable nature, celle de la terreur, de la répression policière, avec les applaudissements des médias aux ordres, lorsque les exploités engagent la lutte contre la classe exploiteuse. Cette solidarité envers les victimes de la répression passe aussi, en conséquence, par un appel à une prise de conscience de la nature profonde de l'État capitaliste présenté comme le défenseur du "bien commun" de tous les citoyens (en fait du bien commun à l'ensemble de la classe bourgeoise) et de la nature de la violence qu'il emploie dans cette défense. Cette prise de conscience doit également porter, plus généralement, sur la question de la violence de classe, celle mise en œuvre par la bourgeoisie mais aussi sur celle que la classe ouvrière est amenée à lui opposer, violence que les politiciens bourgeois de même que les "grands" médias n'hésitent pas à qualifier de "terroriste". Il importe donc que ceux qui se tournent aujourd'hui vers une perspective révolutionnaire, comprennent de façon claire la différence fondamentale qui existe entre la violence de la classe exploiteuse et celle que lui oppose le prolétariat. Et cela est d'autant plus nécessaire qu'il existe aujourd'hui des courants politiques se réclamant de la Gauche communiste qui théorisent la nécessité, face à la terreur bourgeoise, d'une "terreur rouge" (notion qui est aux antipodes des méthodes du mouvement ouvrier comme le montre le texte), voire d'un "terrorisme ouvrier".

Le CCI a déjà été conduit, par le passé, à traiter dans sa presse de ces questions. En particulier, face aux campagnes "anti-terroristes" qui s'étaient développées à la fin des années 1970 à propos de la "bande à Baader" en Allemagne et des"Brigades rouges" en Italie, notre Revue Internationale avait publié dans ses numéros 14 et 15 deux textes sur la question du terrorisme, de la terreur et de la violence de classe. Nous publions ci-dessous le 2ede ces textes [3] avec des adaptations prenant en compte l'évolution de la situation historique. Nous invitons tous nos lecteurs à participer au débat sur cette question et à nous faire parvenir leurs contributions critiques afin de pouvoir alimenter et enrichir la réflexion collective au sein de la classe ouvrière.

"Terreur ou pacifisme : un faux dilemme"

Il est absolument faux de présenter ce problème dans les termes d'un dilemme : terreur ou pacifisme [4]. Le pacifisme n'a jamais existé dans la réalité d'une société divisée en classes, aux intérêts antagoniques. Dans une telle société, ce qui régit les rapports entre les classes ne peut être que la lutte, notamment entre les classes exploiteuses et les classes exploitées. Aussi, le pacifisme n'a jamais été autre chose qu'une idéologie incapable de mettre fin à l'exploitation, à l'oppression et à la barbarie guerrière du capitalisme. Dans le meilleur des cas, c'est un mirage des couches impuissantes d'une petite bourgeoisie sans devenir, dans le pire des cas, une mystification, un mensonge éhonté des classes dominantes pour détourner les classes exploitées de la lutte contre le capitalisme et leur faire accepter le joug de l'oppression. Raisonner en termes de "terreur ou pacifisme", opposer l'un comme une alternative de l'autre, c'est se laisser prendre soi-même dans les filets d'un piège et finalement accréditer ce faux dilemme (tout comme c'est le cas d'un autre piège construit également sur un faux dilemme : "guerre ou paix", lequel ne sert qu'a mieux justifier et préparer la guerre) Il est indispensable pour le prolétariat de rejeter ce faux dilemme car en opposant la fantaisie à une réalité, on ne fait que tourner le dos et escamoter le vrai problème qui se pose : celui de la nature de classe de la terreur, du terrorisme et de la violence de classe du prolétariat.

En substituant le vrai problème de la terreur et de la violence de classe par le faux dilemme "terreur ou pacifisme", on escamote complètement ce problème en établissant une identification entre ces termes (terreur et violence de classe). Dans le premier cas, on l'escamote en lui substituant un faux dilemme, dans le deuxième cas, le problème lui-même s'évanouit et, nié, disparaît complètement. Or, il est inconcevable d'imaginer que des classes aussi différentes de nature que sont la bourgeoisie et le prolétariat (l'une porteuse de l'exploitation, l'autre de l'émancipation; l'une porteuse de la répression, l'autre de la libération; l'une porteuse du maintien et de la perpétuation de la division de l'humanité, l'autre de son unification dans une communauté humaine, l'une représentant le règne de la nécessité, de la pénurie et de la misère, l'autre le règne de la liberté, de l'abondance et de l'épanouissement de l'homme), puissent avoir comme expression les mêmes moeurs, le même comportement, les mêmes moyens et modes d'action.

En établissant cette identification, on escamote tout ce qui distingue et oppose ces deux classes, non pas dans les nuées de la spéculation, dans l'abstrait, mais dans la réalité de leur pratique. Si l'on considère que leurs pratiques puissent être les mêmes, on finit par établir une identité entre les sujets eux-mêmes, entre la bourgeoisie et le prolétariat, car il est aberrant d'affirmer d'une part que nous sommes en présence de deux classes d'essence diamétralement opposée et de soutenir d'autre part que ces deux classes ont, dans la réalité, une pratique identique.

Pour cerner le fond du problème concernant la terreur, il nous faut mettre de côté ce qui n'apparaît que comme une querelle de mots, pour mettre a nu ce que les mots recouvrent. Autrement dit, le contenu et la pratique de la terreur et sa signification. Il faut commencer par rejeter la vision d'une séparation possible entre le contenu et la pratique. Le marxisme renvoie dos à dos la vision idéaliste d'un contenu éthéré existant hors de la réalité matérielle qu'est sa pratique et la vision pragmatique d'une pratique vide de contenu. Contenu et pratique, but et moyens, sans être des identités, constituent néanmoins des moments d'une unité indissoluble. Il ne saurait y avoir une pratique distincte et opposée à son contenu et on ne saurait mettre en question un contenu sans mettre en question ipso facto sa pratique. La pratique révèle nécessairement son contenu, tout comme ce dernier ne peut s'affirmer que dans sa pratique. Ceci est particulièrement évident au niveau de la vie sociale.

"La terreur de la bourgeoisie"

Le capitalisme est la dernière société divisée en classes de l'histoire. La classe capitaliste fonde sa domination sur l'exploitation économique de la classe ouvrière. Pour assurer cette exploitation et l'accentuer au maximum, la classe capitaliste, comme toutes les classes exploiteuses dans l'histoire recourt à tous les moyens de coercition, d'oppression et de répression dont elle peut disposer. Aucun des moyens les plus inhumains, les plus sauvages, les plus sanglants ne saurait être exclu par elle pour assurer et perpétuer l'exploitation. Plus se manifestent des difficultés internes à la bourgeoisie, plus se manifeste la résistance des prolétaires à la loi du capital et plus féroce est l'exercice de la répression contre les exploités. A cette fin, la classe dominante a développé tout un arsenal de moyens de répression : les prisons, les déportations, les assassinats, les camps de concentration, les génocides, la torture la plus raffinée (qu'il a accompagné depuis l'entrée du capitalisme dans sa période de décadence au début du 20e siècle par des moyens de propagande, d'intoxication idéologique à travers ses mass médias et la publicité cinématographique) et nécessairement aussi tout un corps social spécialisé dans leur mise en oeuvre (non seulement les corps de fonctionnaires spécialisés dans la répression des luttes ouvrières tels que les CRS en France, mais également les tortionnaires qualifiés, les commandos et les bandes para militaires recrutés en grande partie dans le milieu du banditisme et du lumpenprolétariat, comme on l'a vu avec les Cent Noirs en Russie et les Corps Francs en Allemagne au début du 20e siècle). La classe capitaliste dépense une part de plus en plus grande de la plus-value extraite de l'exploitation de la classe ouvrière à l'entretien de cet appareil de répression, au point que ce secteur est devenu aujourd'hui le plus important et le plus florissant champ de l'activité sociale. Dans le but de maintenir sa domination, la classe capitaliste est entrain de mener la société à la pire des ruines et vouer toute l'humanité aux pires souffrances et à la mort.

Ce n'est pas là une description émotive de la barbarie capitaliste que nous entendons faire ici mais, plus prosaïquement, la description de ce qui constitue sa pratique.

Cette pratique qui imprègne toute la vie sociale, toutes les relations entre les êtres humains et qui pénètre dans tous les pores de la société, cette pratique, ce système de domination, nous l'appelons la terreur. La terreur n'est pas tel ou tel acte de violence épisodique et circonstanciel. La terreur est un mode particulier de la violence, inhérent aux classes exploiteuses. C'est une violence concentrée, organisée, spécialisée, entretenue et en constant développement et perfectionnement, en vue de perpétuer l'exploitation.

Ses caractéristiques principales sont :

- d'être la violence d'une classe minoritaire contre la grande majorité de la société;
- de se perpétuer et de se perfectionner au point de trouver sa raison d'être en elle-même;
- de nécessiter un corps toujours plus spécialisé, toujours plus détaché de la société, fermé sur lui-même, tendant à échapper à tout contrôle, à imposer avec la dernière brutalité sa férule sur l'ensemble de la population et à étouffer dans un silence de mort toute velléité de critique et de contestation.

"Le terrorisme n'est pas une méthode de lutte du prolétariat"

Le prolétariat n'est plus la seule classe à subir les rigueurs de la terreur de l'État capitaliste sur la société. La terreur capitaliste s'exerce également sur toutes les classes et couches non exploiteuses (paysans, artisans, petits producteurs et commerçants, intellectuels et professions libérales, scientifiques, etc. ), et se prolonge jusque dans les rangs mêmes de la classe bourgeoise et de ses forces de répression. Ces couches et classes sociales n'offrant aucune alternative historique au capitalisme, excédées et exaspérées par la barbarie du système et de sa terreur, ne peuvent lui opposer que des actes de désespoir dans des actions minoritaires et isolées. La seule alternative qui puisse leur ouvrir les portes de l'avenir est celle de se rattacher au combat de la classe ouvrière.

Bien qu'il puisse être également utilisé par certains États et secteurs de la bourgeoisie, le terrorisme est essentiellement le mode d'action, la pratique des couches et classes désespérées et sans devenir. C'est pourquoi cette pratique qui se veut "héroïque et exemplaire" n'est en fait qu'une action de suicide. Elle n'offre aucune issue et n'a d'autre effet que de fournir des victimes à la terreur de l'État bourgeois. Elle n'a aucun effet positif sur la lutte de classe du prolétariat et ne sert souvent qu'à entraver cette lutte dans la mesure où elle fait naître des illusions parmi les ouvriers sur la possibilité d'une autre voie que celle de la lutte de classe. C'est pour cela aussi que le terrorisme, pratique de la petite bourgeoisie désespérée, peut être et est souvent judicieusement exploitée par la classe dominante comme moyen de détourner les ouvriers du terrain de la lutte de classe et sert également de prétexte pour renforcer la terreur de l'État capitaliste.

Ce qui caractérise les méthodes du terrorisme, c'est de rester une action de petites minorités ou d'individus isolés, de ne jamais s'élever à des actions de masses, d'être mené dans l'ombre de la petite conspiration, offrant ainsi un terrain de prédilection aux manigances des agents de la police et de l'État, et en général à toutes sortes de manipulations et d'intrigues les plus insolites. Si au départ le terrorisme est l'émanation de volontés individualistes et non de l'action généralisée d'une classe révolutionnaire, il reste également, dans son aboutissement, sur un plan individualiste. Son action n'est plus dirigée contre le système capitaliste mondial, mais seulement contre des individus ou des symboles représentatifs de ce système. Il prend donc inévitablement l'aspect d'un règlement de comptes, d'une vengeance, d'une vendetta, de personne à personne et non celui d'un affrontement révolutionnaire de classe contre classe. D'une façon générale, le terrorisme tourne le dos à la révolution communiste qui ne peut être que l'oeuvre d'une classe déterminée, engageant de larges masses dans une lutte internationale ouverte et frontale contre l'ordre existant et pour la construction d'une nouvelle société, une véritable communauté humaine mondiale unifiée. Il est en outre fondamentalement substitutionniste, ne plaçant sa confiance que dans l'action volontariste, impatiente et immédiatiste des petites "minorités agissantes".

En ce sens, il nous faut proscrire toute idée d'un "terrorisme ouvrier" qui se voudrait l'oeuvre de détachements du prolétariat, "spécialistes" de l'action armée, ou bien destinés à préparer militairement les futurs combats en donnant l'exemple de la lutte violente au reste de la classe, ou en "affaiblissant" l'État capitaliste par des"attaques préliminaires". Le prolétariat peut déléguer certains détachements pour telle ou telle action ponctuelle (piquets, patrouilles, etc.), mais sous son contrôle et dans le cadre de son mouvement d'ensemble et, si, dans ce cadre, l'action plus décidée des secteurs les plus avancés de la classe ouvrière peut servir de catalyseur à la lutte des larges masses, ce ne peut jamais être à travers les méthodes conspiratives et individualistes propres au terrorisme. Celui-ci, même s'il est pratiqué par des ouvriers ou des groupes d'ouvriers, ne peut acquérir un caractère prolétarien, de la même façon que la composition ouvrière des syndicats n'en fait pas des organes de la classe ouvrière. Cependant, il ne faut pas le confondre avec des actes de sabotage ou de violence individuelle perpétrés par des travailleurs sur des lieux de production. De tels actes sont fondamentalement des expressions du mécontentement et surtout du désespoir fréquents dans les périodes de reflux des luttes ouvrières pendant lesquelles ils ne peuvent en aucune façon servir de détonateur et qui tendent, dans un moment de reprise des luttes, à s'intégrer et à être dépassés dans un mouvement collectif et plus conscient.

Si pour toutes ces raisons, le terrorisme, ne saurait jamais être le mode d'action du prolétariat, toutes les composantes de ce dernier ne peuvent cependant être mises sur le même plan que la terreur capitaliste. Avec l'entrée du capitalisme dans sa période de décomposition au début des années 1980, le terrorisme est devenu une arme de guerre de la bourgeoisie utilisée dans les conflits impérialistes ou pour justifier les interventions militaires des grandes puissances (notamment le réseau Al Qaïda). De même, la plupart des groupuscules terroristes qui ont fleuri à la fin des années 1960 ont été récupérés, manipulés et armés par des États ou leurs services secrets. Néanmoins, les individus qui se sont engagés dans l'impasse mortelle du terrorisme (tels que les enfants kamikazes de Palestine embrigadés dans l'idéologie nationaliste du Hamas ou les éléments de la petite bourgeoisie décomposée qui s'attaquent stupidement à des symboles du capitalisme) sont une conséquence provoquée par la terreur et la barbarie capitalistes, et ils en sont également des victimes.

"Les armes du prolétariat ne sont pas celles de la terreur du capital"

Dernière classe exploitée dans l'histoire, le prolétariat porte avec lui la solution à tous les déchirements, à toutes les contradictions et impasses dans lesquelles la société s'est embourbée. Cette solution n'est pas seulement une réponse à son exploitation mais se rapporte à toute la société, car le prolétariat ne peut se libérer sans libérer l'humanité toute entière de la division de la société en classes et de l'exploitation de l'homme par l'homme. Cette solution, d'une communauté humaine librement associée et unifiée, c'est le communisme. Dès sa naissance, le prolétariat porte en lui les germes et certains caractères de cette humanité renaissante : classe démunie de toute propriété privée, classe la plus exploitée la société, elle s'oppose à toute exploitation; classe unifiée par le capital dans le travail productif associé, elle est la classe la plus homogène, la plus unitaire de la société ; la solidarité est une de ses qualités premières et est ressentie comme le plus profond de ses besoins; classe la plus opprimée, elle combat toutes les oppressions ; classe la plus aliénée, elle porte avec elle le mouvement de la désaliénation car sa conscience de la réalité n'est plus sujette à l'automystification dictée par les intérêts des classes exploiteuses; les autres classes sont soumises aux lois aveugles de l'économie. Le prolétariat, pour sa part, en agissant consciemment, se rend maître de la production, supprime l'échange marchand et organise consciemment la vie sociale.

Portant encore les stigmates de l'ancienne société d'où il émerge, le prolétariat est appelé néanmoins à agir en fonction de son devenir et du devenir de l'ensemble de l'humanité dont il est destiné à briser les chaînes. Pour mener à bien son action libératrice, il ne prend pas pour modèle les agissements des anciennes classes dominantes car, dans sa pratique comme dans son être, il est en tous points leur antithèse catégorique. Les anciennes classes exploiteuses dominaient motivées qu'elles étaient pour la défense de leurs privilèges. Le prolétariat n'a, lui, aucun privilège à défendre et sa domination a pour objectif final la suppression de tout privilège. Pour les mêmes raisons, les anciennes classes dominantes s'enfermaient dans des barrières sociales infranchissables de caste. Le prolétariat, lui, est ouvert à l'incorporation en son sein de tous les autres membres de la société afin de créer une seule communauté humaine.

La lutte du prolétariat, comme toute lutte sociale, est nécessairement violence mais la pratique de sa violence est aussi distincte de la violence des autres classes comme sont distincts leurs projets et leurs buts. Dès que le prolétariat engage la lutte contre l'exploitation, dans les grèves, les manifestations, les assemblées générales, il exprime sa violence de classe en combattant la loi de l'exploitation et de la misère capitalistes. Lorsque les prolétaires en uniforme refusent la poursuite de la boucherie impérialiste (comme ce fut le cas dans les mutineries pendant la première guerre mondiale) et fraternisent avec leurs frères de classe des armées ennemies en se retournant contre leurs propres exploiteurs et en criant "A bas la guerre !", ils exercent cette violence de classe. Lorsqu'il parvient, par la massivité de son combat, en développant son unité et sa solidarité, à construire un rapport de forces capable d'obliger la bourgeoisie à retirer ses attaques économiques, il exprime encore sa violence de classe. Sa pratique, y compris sa violence de classe, c'est l'action d'immenses masses et non de minorités ; elle est libératrice ; elle est l'acte d'accouchement d'une société nouvelle harmonieuse, et non la perpétuation d'un état de guerre permanent, chacun contre tous et tous contre chacun. Sa pratique ne vise pas à perfectionner et perpétuer la violence mais à bannir de la société les criminels agissements de la classe capitaliste et à l'immobiliser. C'est pourquoi la violence révolutionnaire du prolétariat ne pourra jamais prendre la forme monstrueuse de la terreur propre à la domination capitaliste, ou la forme du terrorisme impuissant de la petite bourgeoisie. Sa force invincible ne réside pas tant dans sa force physique et militaire et encore moins dans la répression, que dans sa capacité de mobiliser ses larges masses, d'associer la majorité des couches et classes non exploiteuses et non prolétariennes à la lutte contre la barbarie capitaliste. Elle réside dans le développement de sa conscience et dans sa capacité à s'organiser de façon unitaire en tant que classe autonome, dans la défense intransigeante de ses principes et dans la justesse de ses décisions prises collectivement à travers le débat le plus large et "démocratique" possible (notamment dans ses organes de prise du pouvoir appelés "soviets" en Russie dès 1905 ou "Conseils Ouvriers" en Allemagne en 1918). Telles sont les armes fondamentales de la pratique et de la violence de classe du prolétariat.

La littérature marxiste emploie parfois le terme de "terreur" à la place de "violence de classe". Mais il suffit de se référer à l'ensemble de l'oeuvre de Marx, pour comprendre qu'il s'agit plutôt d'une imprécision de formulation que d'une véritable identification dans la pensée. Cette imprécision lui vient en outre de la profonde impression qu'a laissée sur elle l'exemple de la révolution bourgeoise française de 1789 (avec sa vision jacobiniste de la Terreur). Quoi qu'il en soit, il est largement temps de lever ces ambiguïtés qui ont amené certains groupes de la Gauche communiste, comme ceux du courant bordiguiste [5], à pousser à l'extrême caricature l'exaltation de la terreur et à faire de cette monstruosité un nouvel idéal du prolétariat. De même, les erreurs fatales commises par le parti Bolchevik en 1921 (soutenues par l'ensemble du mouvement ouvrier international, à l'exception de certains anarchistes russes de l'époque) lors de la répression sanglante de la révolte des marins de Kronstadt, ont permis à la bourgeoisie occidentale de déchaîner une gigantesque campagne anti-bolchévique pour faire croire que toute révolution prolétarienne ne peut mener qu'à la "terreur rouge" et à une guerre civile sanguinaire. [6]

La plus grande fermeté et la plus stricte vigilance ne veulent pas dire l'instauration d'un régime de terreur. Dans la future période révolutionnaire où le prolétariat sera amené à renverser le pouvoir de la bourgeoisie à l'échelle mondiale, la répression physique (et notamment les arrestations et emprisonnements) contre les menées contre-révolutionnaires de la bourgeoisie aux abois pourra s'avérer indispensable (même si le danger existe d'une trop grande mansuétude ou faiblesse à l'égard des forces contre-révolutionnaires qui veulent maintenir ou rétablir l'exploitation et la barbarie capitalistes). Néanmoins, le prolétariat veillera, comme ce fut la préoccupation des bolcheviks dans les premières années de la révolution russe, à lutter contre tout excès et abus de cette répression qui risqueraient de défigurer et dénaturer sa propre lutte en lui faisant perdre la vision de son but : la construction de la société communiste mondiale. En particulier, le prolétariat devra se garder d'utiliser les méthodes barbares de la dictature de la bourgeoisie (rétablissement de la peine de mort, pelotons d'exécution, extermination, torture, etc. ). C'est avant tout sur la participation de plus en plus active de larges masses à l'activité de transformation révolutionnaire de la société, sur leur initiative créatrice qu'il fonde son pouvoir et la garantie du triomphe final du socialisme. Parce que la démarche de la classe porteuse du communisme se situe aux antipodes de l'immoralité et de la bestialité de la bourgeoisie, la violence du prolétariat révolutionnairene peut être conçue que comme un "mal nécessaire". Contrairement à la vision du terrorisme, de l'anarchisme et autre idéologie "guérilleriste", de même que de celle des groupes du courant bordiguiste, le prolétariat ne fait pas de cette nécessité une vertu. Cette vision consistant à sacraliser et fétichiser la lutte armée comme étant l'alpha et l'oméga de la révolution prolétarienne est en réalité un "principe" réactionnaire, conservateur, d'essence purement religieuse.

Courant Communiste International - www.internationalism.org

[1] Ces interventions policières ont abouti à des blessures graves pour certains étudiants tabassés qui ont dû être hospitalisés de même qu'à des arrestations suivies de comparutions immédiates (à Brest) ou de mises en procès pour le début 2008 (à Tours).

[2] Le "maccarthysme" a été une campagne de "chasse aux sorcières" (appelée aussi "terreur rouge") aux relents antisémites que certains secteurs de droite de la bourgeoisie américaine, sous la conduite du sénateur McCarthy, avaient déchaînée au début des années 1950 (dans le cadre des tensions impérialistes de la "guerre froide" entre les deux blocs impérialistes rivaux, celui de l'URSS stalinienne et du bloc "démocratique" occidental). Sous l'accusation d'être des "communistes", des "ennemis de la nation", des "espions à la solde de l'URSS", de nombreux fonctionnaires ont été licenciés. La persécution s'est étendue à toute une série de personnalités du monde intellectuel ou artistique (comme Charlie Chaplin, Jules Dassin, Marlène Dietrich, Joseph Losey) qui ont été inscrites sur une "liste noire". Au cours de cette période, cette campagne hystérique relayée par les médias a permis au capital américain de bâillonner les droits "démocratiques" et la liberté d'expression aux États-Unis. Tous les films à coloration "sociale", notamment, ont été mis à l'index. En ce sens, c'était aussi une campagne de terreur contre les ouvriers qui voulaient se défendre contre l'exploitation capitaliste.

[3] Il s'agit de la résolution sur "Terreur, terrorisme et violence de classe" publiée dans le Revue Internationale n° 15, 4e trimestre 1978, et reprenant en les systématisant les points traités par l'article de notre camarade MC publié dans le numéro précédent.

[4] Cette mise au point fait référence à l'accusation que nous portait alors, et que continue de nous porter, le courant "bordiguiste" (notamment représenté en France par le journal Le Prolétaire et en Italie par Il Programma Comunista et Il Comunista) suivant laquelle le CCI serait "pacifiste" parce qu'il rejette la notion de "terreur rouge" ou "terreur prolétarienne".

[5] Dans le numéro 486 (octobre-novembre 2007) du journal Le Prolétaire, organe de presse d'un groupe du courant bordiguiste (PCI), ce dernier a publié un article de polémique avec le CCI intitulé "Venezuela : chronique d'une très bourgeoise 'révolution bolivarienne'". Dans cet article, le PCI critique notre analyse du mouvement des étudiants et réintroduit encore une fois une vision de la violence de classe du prolétariat, que nous ne partageons pas. Nous répondrons à cette polémique ultérieurement.

[6] Sur les événements de Kronstadt, voir nos articles dans la Revue Internationale : Les leçons de Kronstadt (n° 3), 1921 : comprendre Kronstadt (n° 104).


[ EDIT (Mic pour le CMAQ)
* le Sommaire était incroyablement long, soit 636 mots (une page et demi).
* coupé le doublon Sommaire/Texte (lire: le Sommaire/Intro et le Corps du texte forme un tout une fois ouvert).]

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