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La discrimination envers les auteurs se poursuit au ministère des la Culture et des Communications du Québec

Anonyme, Thursday, October 4, 2007 - 15:12

Serge-André Guay

Non seulement le ministère de la Culture et des Communications du Québec contrevient aux droits de l'Homme en discriminant les auteurs dans le cadre de son programme d'aide à l'édition, mais il en va de même avec son programme «La culture à l'école» dont il partage la gestion avec le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport du Québec.

Le ministère de la Culture et des Communications soutient sur son site Internet que «ce programme encourage la mise sur pied d’activités à caractère culturel par des enseignants, des artistes, des écrivains et des organismes culturels professionnels dans l’esprit du renouveau pédagogique et de l’ouverture de l’école sur le monde.» Or, le ministère se croit en droit de discriminer les auteurs en formant la porte à certains d'entre eux :

«Ne sont pas admissibles les auteurs d’études et de thèses universitaires, de guides touristiques, de catalogues d’expositions, de livres de recettes, de manuels d’instruction, d’ouvrages de croissance personnelle, de textes publiés dans des journaux communautaires et des bulletins d’associations ou d’organismes. Les publications à compte d’auteur ne sont pas reconnues aux fins du programme.»

Cette disposition du programme contrevient l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme adoptée par l'organisation des Nation Unies et qui se lit comme suit:

Déclaration universelle des droits de l'homme

Article 19

«Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit.»

Dans le cadre du programme «La culture à l'école», tout auteur n'a pas droit à une aide financière pour exercer sa liberté d'expression auprès des étudiants, et ce, en raison du moyen d'expression utilisé, ici lié au type d'édition de son livre. Si l'auteur a été publié à compte d'auteur, il est exclu du programme. Il faut que l'auteur ait été édité par un éditeur agréé par le gouvernement pour être admissible au programme:

«Les candidats doivent par ailleurs satisfaire aux conditions suivantes :

- avoir la citoyenneté canadienne ou le statut d’immigrant reçu et résider au Québec depuis au moins un an ;
- avoir au moins deux livres publiés (une réédition pourra être considérée comme une nouvelle publication) chez un éditeur agréé, dont un au cours des sept dernières années dans les catégories mentionnées plus haut ;
- ou avoir au moins cinq textes de création publiés au cours des sept dernières années chez un éditeur professionnel de livres ou de revues ;
- ou avoir au moins un scénario pour le cinéma ou la télévision produit par un producteur reconnu par le Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) ou la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC), dont un au cours des sept dernières années ;
- ou avoir au moins une œuvre dramatique publiée chez un éditeur professionnel ou produite par une compagnie de théâtre professionnelle, dont une au cours des sept dernières années.»

Le ministère applique aussi sa discrimination aux éditeurs en regard à ce qu'il nomme comme étant «un éditeur professionnel de livres». Cette distinction laisse entendre que les auteurs publiés par des éditeurs professionnels, non agréés par le ministère, ont droit à l'aide du programme. Mais cette interprétation n'ouvre pas la voie à une autre exception; l'exclusion des éditeurs à compte d'auteur est enchâssée dans le programme, d'où la discrimination de tous les auteurs publiés par ces derniers.

Notons aussi que la condition d'admissibilité est moins élevée si l'auteur a été publié par un éditeur agrée qui s'il l'a été par un éditeur professionnel. Dans le cas de l'éditeur agrée, l'auteur doit «avoir au moins deux livres publiés» alors que dans le cas de l'éditeur professionnel, l'auteur doit «avoir au moins cinq textes de création publiés».

Que laisse donc entendre cette discrimination?

Que tous les auteurs édités à compte d'auteur ne sont pas des professionnels.

Que les écrivains professionnels sont ceux qui ont été publié à au moins deux reprises par un ou des éditeurs agréés par le gouvernement ou à au moins cinq reprises par un ou des éditeurs professionnels de livres.

Que les auteurs édités à compte d'auteur sont des écrivains de seconde classe.

Que les écoles ont une aide financière du ministère que si elles invitent des écrivains professionnels tel que définit par le ministère.

Si cela n'est pas de la discrimination d'auteurs fondés sur le moyen d'expression, je me demande ce que c'est.

Enfin, on peut aussi parler de la gestion de ce programme comme relevant du corporatisme.

«Le corporatisme est un terme faisant référence à deux concepts. Il s'agit d'abord d'une doctrine économique et sociale basée sur le regroupement de différents corps de métier au sein d'institutions défendant leurs intérêts. Par extension, ce terme qualifie aussi l'utilisation de pouvoirs économiques, sociaux et politiques par certains groupes puissants ne cherchant qu'à défendre leurs intérêts ou l'intérêt de leurs membres au détriment de l'intérêt général. On peut alors le considérer comme un système économique.»

Le corporatisme du programme «La culture à l'école» saute aux yeux lorsqu'on se réfère à la sélection des candidatures :

«Les candidats et leurs projets d’activités sont évalués par des comités de sélection composés de personnes compétentes, extérieures à la fonction publique, et choisies par l’UNEQ pour le comité francophone, et par la Quebec Writers’ Federation pour le comité anglophone, ainsi que par le ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine.»

Il faut souligner la similitude entre les critères du programme «La culture à l'école» et les critères d'adhésion à l'UNEQ (Union des écrivaines et des Écrivains Québécois) :

«Membre titulaire : Si vous êtes le seul auteur d'au moins deux livres – d'un minimum de 48 pages – publiés par une maison d'édition reconnue et que ces deux livres appartiennent à l'un ou l'autre des genres suivants : le roman, le récit, la nouvelle, le conte, la poésie, le théâtre, l'essai. On entend par maison d'édition reconnue une maison d'édition subventionnée ou qui fait partie d'une association d'éditeurs.»

Heureusement, l'UNEQ fait quelques exceptions pour les auteurs autoédités et les auteurs de livres pour enfants en leur offrant de devenir «membres associés».

«Membre associé

- Si vous êtes le seul auteur ou le coauteur d'un livre – d'un minimum de 48 pages – publié par une maison d'édition reconnue et que ce livre appartient à l'un ou l'autre des genres suivants : le roman, le récit, la nouvelle, le conte, la poésie, le théâtre, l'essai, l'étude (littéraire, artistique, psychologique, scientifique, historique, sociologique, politique) ; la thèse, le mémoire ; le pamphlet ; la biographie ; le recueil d'articles, d'entretiens ou d'entrevues ; le recueil de paroles de chansons ou de monologues.
- Si vous avez publié au moins un livre – d'un minimum de 48 pages – qui est : un livre autoédité ; un livre d'artiste, un livre-objet, une bande dessinée ; un cahier de paroles et musique de chansons, un recueil d'histoires drôles ; un catalogue d'exposition ; un dictionnaire, un atlas, une encyclopédie ; un guide ou un manuel (pédagogique, scolaire, religieux, de psychologie populaire, etc.) ; un livre pratique (recettes de toutes sortes), un cahier d'exercices ; un répertoire, un index, une compilation, une bibliographie, une chronologie, une généalogie ; un rapport, une enquête.
- Si vous êtes le seul auteur ou le coauteur de la traduction ou de l'adaptation d'un livre – d'un minimum de 48 pages – publié par une maison d'édition reconnue dans les genres précédemment nommés.
- Si vous êtes le directeur ou le codirecteur de publication des actes d'un colloque, d'un congrès ou d'un séminaire.
- Si vous avez publié un livre pour enfants d'au moins 24 pages.»

Par contre, pour le programme «La culture à l'école», l'UNEQ applique uniquement le critère pour les membres titulaires avec le critère «d'au moins deux livres» publiée par «une maison d'édition subventionnée ou qui fait partie d'une association d'éditeurs». Au Québec, une maison d'édition ne peut pas être subventionnée si elle n'est pas agréée par le gouvernement. Quant au critère inhérent au membreship d'une association d'éditeurs, il faut mentionner que la principale association québécoise d'éditeurs de livres, l'ANEL (Association nationale des éditeurs de livres) exclue les éditeurs à compte d'auteur :

«6.1 : Au sens des règlements de la corporation, un éditeur de livres est une personne physique ou morale qui exerce une activité de publication et de diffusion de livres, et qui en assume la responsabilité. Le terme « livres » s’applique ici à toute publication sur support imprimé, électronique, audiovidéonumérique, audiovisuel ou sur une combinaison de supports. N’est pas admissible comme membre un éditeur dont la majorité des titres sont publiés à compte d’auteur.»

Quel est le message du ministère de la Culture et des Communications du Québec, du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport du Québec, de l'Union des Écrivaines et des Écrivais Québécois et de l'Association nationale des éditeur de livres lorsqu'ils excluent les auteurs édités à compte d'auteur? Que l'auteur qui a payé un éditeur pour être édité n'est pas un professionnel digne d'une aide financière pour s'adresser aux élèves de nos écoles. Il faut souhaiter que cet auteur ne soit pas le parent d'un de ces élèves.

Curieusement, pour l'UNEQ, celui qui s'est lui-même édité en assumant lui-même toutes les dépenses est un auteur professionnel digne d'être membre de son organisation mais un auteur qui a payé un éditeur à compte d'auteur ne l'est pas. Pourtant, l'auteur qui s'adresse à éditeur à compte d'auteur a beaucoup plus de chances de profiter d'une édition de qualité professionnelle que l'auteur qui s'autoédite car rares sont les auteurs qui connaissent vraiment tous les tenants et les aboutissants de l'édition professionnelle. Autrement dit, l'autoédition est plus souvent qu'autrement très amateur tandis que l'édition à compte d'auteur est généralement professionnelle. La plupart du temps, on ne distingue que très difficilement le livre publié par un éditeur traditionnel et le livre publié à compte d'auteur. Il n'y a aucune raison de discriminer ainsi l'auteur qui a la sagesse de retenir les services professionnels d'un éditeur à compte d'auteur pour s'assurer d'offrir aux lecteurs un livre de qualité standard.

Et pour le Conseil des arts et des lettres du Québec, il faut discriminer à la fois l'autoédition et l'édition à compte d'auteur :

«Dans le domaine de la littérature, le contexte professionnel désigne des organismes ou des entreprises de diffusion reconnus tels que les maisons d'édition, les publications spécialisées, les diffuseurs spécialisés et les médias électroniques (radio et télévision). La participation à des événements où la sélection des participants est faite par des professionnels est également reconnue. La pratique du compte d'auteur ou de ses formes apparentées ainsi que l'auto-édition ne sont pas reconnues. Le contexte professionnel exclut le milieu de la recherche universitaire et de l'édition scolaire.»

Qu'est-ce qui motive réellement ces intervenants à faire une telle discrimination entre les auteurs selon le type d'édition ou, si vous préférez, selon le moyen d'expression?

Serge-André Guay, président
Fondation littéraire Fleur de Lys

Site Internet de la Fondation littéraire Fleur de Lys
manuscritdepot.com


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