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Youssef Mouammar et l'affaire Salman RushdieAnonyme, Thursday, September 6, 2007 - 18:21
Alexandre Popovic
Dans ce deuxième article d'une série de cinq, nous examinons le rôle de Youssef Mouammar, qui sera plus tard démasqué en tant qu'informateur des services secrets canadiens, dans l'affaire Salman Rushdie, l'auteur des "Versets sataniques", une controverse à dimension internationale qui n'est pas sans rappeler l'affaire des caricatures, qui éclata environ quinze ans plus tard. Le SCRS et l'art de la Youssef Mouammar et Alexandre Popovic (Pour lire le premier article de cette série de cinq: http://www.cmaq.net/fr/node/28060) MONTRÉAL, le 6 septembre 2007. En février 1989, la tempête internationale qui accompagne la publication du roman «Les Versets sataniques» de l'écrivain britannique d'origine indienne Salman Rushdie sert de véritable tremplin médiatique à Youssef Mouammar, aussi connut sous le nom de Joseph Gilles Breault. En effet, ce même Mouammar, qui sera plus tard démasqué en tant qu'informateur du Service Canadien de Renseignement de Sécurité (SCRS), est cité dans pas moins de quinze articles de grands journaux canadiens traitant de l'affaire Rushdie. Curieusement, Mouammar, qui pouvait à la limite se faire passer pour un musulman modéré lors des ses premières interventions publiques dans l'affaire Rushdie, semble radicaliser ses prises de position au fur et à mesure que se développe la controverse, finissant par incarner le stéréotype du fanatique religieux qu'il prétendait lui-même combattre. À tel point que plusieurs organismes musulmans sentiront même le besoin de se dissocier publiquement de lui suite à certaines déclarations médiatiques plutôt déplacées de sa part... Cela étant, avant d'examiner plus en détail le rôle évolutif de Mouammar dans cette affaire, une mise en contexte substantielle s'avère nécessaire pour bien saisir la nature de même que l'ampleur de l'affaire Rushdie qui, après tout, remonte à il y a plus de dix-huit ans (bien qu'elle ait opérée un retour en force dans l'actualité récente à l'occasion de l'anoblissement de l'auteur des «Versets sataniques» par la reine du Royaume-Uni, Elizabeth II, le 16 juin dernier). *** C'est le 22 septembre 1988 que l'écrivain britannique d'origine indienne Salman Rushdie publie son quatrième roman, «Les Versets sataniques.» L'oeuvre se veut à la fois une variante du conte des milles et une nuits, une comédie loufoque doublée d'une satire sociale et religieuse dans laquelle sont abordés les problèmes de dislocation culturelle et identitaire découlant du phénomène migratoire, le tout dans un style surréaliste où le rêve s'entre-mêle aux décors hallucinatoires et aux anecdotes fantaisistes. Voilà qui donne un léger aperçu de la complexité de cette oeuvre, qui compte 547 pages. Là où le bât blesse, c'est que Rushdie n'y va pas de main morte dans sa dérision de l'islam. La plupart des passages jugés blasphématoires et insultants à l'égard de cette religion se trouvent dans divers rêves que fait l'un des principaux personnages du roman, Gibreel Farishta, une ancienne vedette de cinéma indien qui tente sa chance au Royaume-Uni. En langue ourdou, le nom de Gibreel se rapporte à celui de l'archange Gabriel, qui joue un rôle de premier plan dans la religion islamique puisqu'il sert d'intermédiaire entre Dieu (Allah, en arabe) et Mohamed (Mahomet (1)), le prophète de l'islam. Durant l'un de ces rêves, le prophète Mohamed est ridiculisé sous les traits d'un personnage appelé Mahound, un homme d'affaires se métamorphosant en un agitateur religieux cynique. Plusieurs musulmans voient dans cette appellation une insulte délibérée de la part de Rushdie en raison du fait que le nom «Mahound» était synonyme de démon et de faux prophète dans l'imaginaire collectif de l'Europe chrétienne, à l'époque médiévale. Le Coran, le livre saint de l'islam, est aussi dénigré puisqu'il est présenté comme une oeuvre librement rédigée par un poète perse mégalomane, portant le nom de Salman (le même prénom que l'auteur), au lieu d'être une retranscription fidèle de la parole divine, comme le croit chaque fidèle musulman. Certains versets (sourates) du Coran sont même dictés par Satan à Mahound, d'où le titre du livre (2), au point où celui-ci n'arrive plus à distinguer les paroles proférées par le démon de celles du messager de Dieu. Enfin, dans un autre rêve, il est question d'une maison close appelée «Le Voile» (hijab, en arabe), terme déjà insultant puisqu'il fait référence au foulard islamique que porte la femme musulmane par pudeur. Rushdie pousse l'audace jusqu'à raconter que les prostituées de ce bordel font exploser leur chiffre d'affaires en prenant l'identité des épouses du prophète. Même une épouse décédée du prophète n'est pas épargnée: l'une des prostituées joue en effet la morte pour se faire passer pour elle afin de satisfaire la clientèle nécrophile... Maintenant, il est clair que pour celui qui n'a jamais ouvert un exemplaire du Coran ou qui ne connaît rien à l'islam, c'est-à-dire l'écrasante majorité des occidentaux, les allusions irrévérencieuses à cette religion que contient le roman de Rushdie lui sembleront difficiles à cerner, pour ne pas dire indéchiffrables. D'où l'incompréhension de l'occident face à cette profonde colère qui gagne peu à peu le monde musulman, pour qui «Les Versets sataniques» représente le comble du blasphème anti-islamique. L'attitude initiale qu'adopte Rushdie face à la polémique vient elle-même brouiller les cartes. Ainsi, lorsqu'il est confronté aux premières réactions de colère des musulmans, Rushdie s'emploie à nier le caractère religieux de son oeuvre, et ce, malgré l'abondance des références à l'islam qu'elle contient. Une chose reste toutefois sûre: Rushdie, qui a déjà connut la censure au Pakistan (3) et qui n'en est pas à sa première controverse littéraire, savait très bien ce qu'il faisait. En effet, cet écrivain à scandale qui a grandit dans une famille musulmane avant d'aller étudier l'histoire de l'islam à l'Université de Cambridge, au Royaume-Uni, connaît trop bien cette religion pour ne pas savoir à quelle genre de réaction il s'exposait dans le monde musulman en publiant de tels écrits. D'ailleurs, peu de temps après la publication des «Versets sataniques», le roman de Rushdie est interdit dans divers pays. Notons toutefois que les deux premiers états à avoir banni ce livre, soit Singapour et l'Inde, ne sont pas des pays musulmans. Passons pour ce qui est de Singapour, une cité-État à caractère totalitaire où le recours à censure est courant. La décision surprend davantage dans le cas de l'Inde, qui est alors gouvernée par un parti politique laïque, le Congrès-I. Bien que la minorité musulmane, qui représente 12 pour cent d'une population s'élevant alors à 800 millions de personnes, vote traditionnellement pour le Congrès-I, le gouvernement de Rajiv Gandhi, alors ébranlé par les scandales, préfère ne rien prendre pour acquis, d'où cette décision d'interdire «Les Versets sataniques» en Inde pour s'attirer les faveurs de cette communauté. Au-delà de l'électoralisme, il existe également un risque bien réel que des groupes communautaristes se servent du livre de Rushdie pour attiser les tensions entre les différentes communautés religieuses indiennes. Le roman est ensuite prohibé à travers le monde musulman, de l'Égypte jusqu'à l'Indonésie, en passant par le Bangladesh et la Somalie. Le sentiment d'indignation à l'égard des «Versets sataniques» dépasse largement les rangs des islamistes radicaux et se propage chez l'ensemble des musulmans, incluant chez les plus modérés d'entre eux. Les pays occidentaux où vivent d'importantes communautés musulmanes ne sont pas épargnés non plus par la controverse grandissante. Au Royaume-Uni, des exemplaires du livre sont brûlés lors de marches de protestation qui attirent des milliers de musulmans dans les villes de Bradford et de Bolton. Aux États-Unis, Viking Penguin, l'éditeur new-yorkais de Rushdie, reçoit non seulement des lettres de protestation par milliers mais aussi des menaces d'attentat à la bombe. Toutefois, certains leaders musulmans préfèrent lancer des appels au calme et demandent aux membres de leur communauté de ne pas accorder une attention démesurée au bouquin décrié. Après tout, les musulmans vivant en occident ne sont pas sans savoir que plus une oeuvre fait parler d'elle dans les médias, plus grande sera alors la curiosité du grand public à son égard. Le risque est donc bien réel qu'un mouvement de dénonciation des «Versets sataniques» pourrait avoir pour effet de mousser les ventes du roman blasphémateur et ainsi augmenter l'ampleur de l'injure faite à l'égard de l'islam. C'est d'ailleurs pour ces raisons que les dirigeants de la communauté musulmane canadienne conviennent qu'il vaut mieux ne pas imiter les musulmans britanniques qui, en multipliant les autodafés publics, ne font qu'assurer un immense battage publicitaire au bouquin de Rushdie, contribuant ainsi à son succès commercial en librairie. Pour ces musulmans canadiens, la meilleure stratégie consiste donc à ignorer tout simplement l'oeuvre offensante. Mais les musulmans canadiens n'ont cependant aucun contrôle sur les mouvements de protestation contre «Les Versets satanique» qui continuent à s'agiter ailleurs dans le monde. Ainsi, le 12 février 1989, la controverse est ramenée à la Une des grands journaux du monde entier lorsqu'une manifestation anti-Rushdie se tenant à Islamabad, capitale nationale du Pakistan, vire à l'émeute, faisant 6 morts et 83 blessés. Le lendemain, une autre manifestation, cette fois-ci à Srinagar, capitale de l'état Jammu-et-Cachemire (Inde), déborde et se termine dans la violence : au moins 3 morts et une centaine de blessés. Dans les deux cas, les pertes en vie humaine sont causées par des policiers tirant à balles réelles sur la foule. Puis, l'affaire Rushdie prend la forme d'une véritable crise politique internationale à partir du 14 février. Ce jour-là, l'ayatollah Rouhollah Khomeiny, le guide spirituel de la République islamique d'Iran et du monde chiite, diffuse un décret religieux dans lequel il annonce «au grand peuple musulman du monde que l'auteur des Versets sataniques - ouvrage contraire à l'islam, contraire au prophète et contraire au Coran - et tous ceux qui sont associés à sa publication, qui savaient quel était son contenu, sont condamnés à mort.» Puis, cherchant à déguiser cet appel au meurtre en un devoir religieux, l'ayatollah ajoute: «Quiconque meurt en ayant cherché à débarrasser le monde de Rushdie sera considéré comme un martyr et accédera directement au ciel.» Bien que les médias occidentaux ont toujours été unanimes à décrire la proclamation de Khomeiny comme étant une fatwa, pour le clergé chiite iranien il s'agit plutôt d'un hukm, un autre type de décret religieux. La distinction ici n'a pas qu'une valeur académique: la validité d'une fatwa disparaît en effet avec la mort de celui qui l'a prononcé, tandis qu'un hukm reste en place même après le décès de celui qui en est l'auteur. Cela étant, il n'en demeure pas moins que le décret de l'ayatollah ne peut être pris à la légère. Après tout, l'autorité religieuse de Khomeiny s'étend à pas moins de 90 millions fidèles chiites, lesquels représentent environ 10 pour cent de la population musulmane globale, qui est majoritairement sunnite. (4) Et, comme si cela n'était pas suffisant, le lendemain, la fondation iranienne Qiyam-e Khordad (Fondation du 15 juin) (5), une oeuvre de charité semi-officielle (6), met à prix la tête de Rushdie en offrant à celui qui lui enlèvera la vie une somme équivalent à 3.1 ou 1 million de dollars, selon que l'assassin de l'écrivain soit iranien ou étranger. Cette offre inusité, digne d'un film de gangsters, semble davantage taillé sur mesure pour un tueur à gages motivé par l'appât du gain plutôt qu'à un fidèle pieux adepte d'abnégation, tandis que la variation dans le «tarif», fondée la nationalité du candidat-meurtrier, laisse soupçonner un certain penchant pour le chauvinisme. De son côté, Rushdie réagit d'abord en affirmant regretter de ne pas avoir été suffisamment loin dans sa critique du fanatisme, lors d'une entrevue à la télévision de CBS (7). Il s'agira en fait de sa dernière bravade avant un bon petit moment puisque l'écrivain traqué doit ensuite se cacher sous protection policière britannique. Dans l'ensemble du monde occidental, l'appel au meurtre de Rushdie sème évidemment la consternation générale. Chez beaucoup d'occidentaux, l'affaire provoque une soudaine prise de conscience des dangers que font peser le phénomène intégriste musulman, que certains assimilent volontiers à une nouvelle forme de nazisme. Mais l'explication du délire fanatique religieux semble plutôt courte pour vraiment cerner les motivations profondes qui poussèrent Khomeiny à poser un geste aussi extrême. Car l'ayatollah est moins gâteux qu'on ne le pense puisque son «décret religieux» est nettement inspirée par des considérations bien terre-à-terre, c'est-à-dire d'ordre politiques. En effet, l'Iran chiite, qui sort alors d'une longue guerre l'opposant à son voisin irakien, conflit qui causa la mort d'un million de personnes, est à ce moment-là à la croisée des chemins. Ainsi, au niveau international, l'Iran entame un processus de normalisation de ses relations avec le monde occidental, tandis que sur le plan intérieur, la république islamique est en proie à une intense lutte de factions rivales. Avec son appel au meurtre, Khomeiny cherche à s'imposer à nouveau comme le maître incontesté du régime iranien, de façon à couper l'herbe sous le pied aux factions plus modérées, qui sont favorables aux ouvertures avec l'occident. Dans le monde musulman, la condamnation à mort de Rushdie permet au régime iranien de se positionner à l'avant-garde de la défense d'une communauté islamique outragée par «Les Versets Sataniques». En essayant de se démarquer des autres régimes arabo-musulmans, l'Iran chiite aspire ainsi à marquer des points dans sa lutte d'influence qui l'oppose à l'islam sunnite, avec à sa tête l'Arabie saoudite, gardienne des lieux saints de l'islam. Au cours des jours et des semaines qui suivent, les pays occidentaux vont mettre une pression énorme pour que la République islamique d'Iran retire publiquement cet appel au meurtre de Rushdie. Après tout, cet écrivain jouit de la citoyenneté britannique, ne l'oublions pas, il a donc droit à la protection du gouvernement du Royaume-Uni, lequel ne peut tolérer que les autorités d'un pays étranger menacent ainsi l'un de ses illustres sujets. Mais Londres doit aussi faire preuve de modération dans sa gestion de crise car le sort des otages britanniques détenus par des groupes libanais d'allégeance pro-iranienne pèse aussi dans la balance. Mais malgré les «regrets» exprimés par Rushdie auprès des «vrais fidèles de l'Islam» et malgré les menaces de blocus économiques, l'Iran de Khomeiny refuse de céder. En fait, ces pressions semblent plutôt avoir l'effet inverse puisque l'appel à l'assassinat de Rushdie est répété avec davantage de véhémence et la prime offerte pour la liquidation de l'auteur indo-britannique voit même sa valeur doubler, passant à une somme équivalent à 6.2 millions de dollars. Si le roman de Rushdie fait l'unanimité contre lui dans le monde musulman, la réponse à lui donner continue cependant à diviser plus que jamais les adeptes de l'islam. D'ailleurs, certaines autorités religieuses d'obédience sunnites n'hésitent pas à questionner la légitimité du décret de Khomeiny. C'est ainsi qu'en Égypte, un théologien réputé affirme que l'ayatollah a erré en condamnant Rushdie sans avoir donné une chance à celui-ci de se repentir. Et en Arabie saoudite, des théologiens proposent une alternative à la condamnation iranienne en suggérant que le romancier soit plutôt jugé pour ses écrits par un tribunal islamique. Au Canada, où le roman de Rushdie est disponible depuis octobre 1988, l'oeuvre controversé n'avait pas encore fait beaucoup de vagues et se vendait d'ailleurs plutôt mal en librairie. Ainsi, la chaîne de librairies W.H. Smith, qui a reçu 1000 exemplaires des «Versets sataniques» à l'automne précédent n'a réussit qu'à écouler moins de la moitié de son stock (8). Mais la situation change du tout au tout à partir du jour où Khomeiny décide de se mettre de la partie. Dès ce moment-là, l'affaire prend une telle ampleur que même le Canada est aspiré dans la tourmente. Les libraires canadiens sont alors à leur tour confronté au même dilemme qui déchire leurs confrères américains et britanniques: faut-il vendre ou ne pas vendre «Les Versets sataniques» ? Certains décident d'opter pour la prudence, comme la chaîne Coles Book Stores, propriété de Southam, qui retire le livre de Rushdie de ses 198 magasins par souci pour la sécurité de ses 1850 employés. Et pendant ce temps, dans les librairies d'un bout à l'autre du pays, «Les Versets sataniques» passe de mauvais vendeur à «best-seller» en un temps record. (Ce qui explique peut-être pourquoi Coles se remet à vendre le roman maudit une semaine plus tard...) Puis, coup de théâtre: on apprends que l'importation des «Versets sataniques» au Canada est suspendu jusqu'à nouvel ordre par Douanes et Accise Canada, qui relève du ministère du Revenu national ! «Ottawa interdit les "Versets sataniques"», clame alors le quotidien La Presse à la Une de son édition du 18 février (9). Selon The Globe and Mail, c'est le bureau du premier ministre fédéral de l'époque, soit Brian Mulroney, qui aurait acheminé à Revenu Canada une plainte d'un organisme musulman contre le roman de Rushdie. Cette version des faits n'a cependant jamais été confirmée, ni démentie, de source officielle (10). «Les livres ne seront ni saisis, ni confisqués, mais momentanément stoppés à la frontière en attendant que le texte ait pu être étudié», précise un porte-parole de Revenu Canada. L'exercice, qui doit être terminé dans un délai de 48 heures, vise à déterminer si le roman contrevient aux dispositions du Code criminel canadien portant sur la propagande haineuse. C'est ici que Youssef Mouammar et sa Fondation Internationale des Musulmans du Canada (FIMC) apparaissent dans l'histoire. Car selon le quotidien Le Devoir, c'est nulle autre que la FIMC de Mouammar qui aurait été à l'origine de ladite plainte. Mais est-ce bien la FIMC ou n'est-ce pas plutôt «une organisation islamique établie à Calgary», comme l'écrit le journal La Presse, ou encore un groupe musulman non-identifié basé à Ottawa, comme l'affirme The Gazette et plusieurs autres journaux du Canada anglais ? Chose certaine, la décision de Revenu Canada provoque une véritable levée de bouclier chez les défenseurs de la liberté de parole comme la Ligue des droits et liberté, l'Association des éditeurs canadiens et l'Union des écrivains québécois. Le moment est d'autant plus mal choisi que la décision tombe à la première journée de la «Semaine de la liberté d’expression» («Freedom to read», en anglais) qui est organisée par l'industrie canadienne de l'édition depuis alors cinq ans. Pour Penny Dickens, directrice exécutive de l'Union des écrivains du Canada, cette décision «signale le succès des efforts destinés à réduire Rushdie au silence». Certains, comme le poète Irving Layton, vont jusqu'à accuser Ottawa d'avoir capitulé au chantage au terrorisme de Khomeiny. (11) Cela étant, la décision de Revenu Canada fait évidemment de nombreux heureux chez plusieurs groupes musulmans. Youssef Mouammar est d'ailleurs l'une des rares personnalités à se porter à la défense de l'action du gouvernement et à le remercier «d'avoir pris temporairement des mesures pour empêcher l'importation et la diffusion du livre.» (12) Par la même occasion, Mouammar se dissocie également publiquement de ce qu'il qualifie de «procédés non islamiques employés par Khomeiny, qui fait passer son ambition personnelle du pouvoir avant la religion islamique pour se faire du capital politique.» Et puisque le gouvernement canadien condamne également l'appel au meurtre lancé par l'ayatollah iranien, il est alors à peine exagéré d'aller jusqu'à dire qu'Ottawa et Mouammar donnent l'impression à ce moment-là de s'entendre comme des larrons en foire. Par contre, alors que le gouvernement Mulroney se voit reproché par l'opposition officielle son manque de fermeté à l'égard de Khomeiny, Mouammar, lui, n'hésite pas à se montrer de plus en plus lapidaire, non seulement à l'égard du leader chiite, mais aussi contre le régime iranien dans son ensemble, lors d'entrevues qu'il accorde aux médias écrits au cours des jours suivant. «Avec son appel au meurtre, ce fou vient une fois de plus de ternir l'image de notre religion», affirme sans détour Mouammar au Journal de Montréal. (13) «Il est bien évident», ajoute-t-il, «que la pseudo-révolution islamique entreprise par le chef d'État iranien est essoufflée et que ce dernier se cherche des causes pour unifier ses fidèles.» Dans une autre entrevue, cette fois-ci auprès de La Presse, Mouammar qualifie Khomeiny de «révolutionnaire sanguinaire qui fait passer son ambition du pouvoir avant les bases mêmes de l'Islam.» Le dirigeant de la FIMC va même jusqu'à prétendre que «Khomeiny fera plus de tort à l'islam que le livre de Rushdie n'en fera jamais.» Enfin, au journal The Gazette, Mouammar dit craindre que l'attitude de Khomeiny amène les gens à «penser que tous les musulmans sont des terroristes.» Le 19 février, La Presse se risque à publier certains passages de l'oeuvre de Rushdie. «Les pages qui ont choqué Khomeiny», annonce en grande pompe le quotidien sur sa Une (14). Dans le but évident de parer aux coups que La Presse pourrait s'attirer, ces extraits sont précédé d'une sorte de mise en garde à caractère auto justificative que voici: «Notre rôle étant d'informer, nous avons jugé utile de publier aujourd'hui certains extraits du livre de Salman Rushdie qui ont provoqué la colère de Khomeiny. En publiant ces extraits, traduits pour le journal français Le Figaro, nous ne voulons pas porter atteinte à une religion qui, comme toutes les autres, a droit à notre respect mais contribuer à la liberté d'expression de leur auteur, au moment où le gouvernement a décidé de stopper les livres à la frontière, geste que le Washington Post a aussitôt qualifié de «grotesque».» On doit donc comprendre que cette initiative de La Presse constitue aussi un geste militant dans la mesure où il est destiné à envoyer un message politique clair à Ottawa. Pour Mouammar, l'initiative du quotidien devient un nouveau prétexte pour ruer dans les brancards. Dans un communiqué envoyé aux médias, Mouammar affirme que le geste de La Presse, qu'il qualifie de «provocation» et d'«insulte aux musulmans», «vient jeter de l'huile sur le feu au moment où la tension commençait à s'estomper». Toujours selon Mouammar, La Presse aurait ainsi fait preuve de «prostitution intellectuelle, dans le seul but de vendre des copies.» Au journaliste Yves Chartrand du Journal de Montréal, Mouammar parle du mécontentement qui gronderait chez les musulmans montréalais. «J'ai vu aujourd'hui des gens très, très en colère par la publication de passages irrespectueux pour notre religion dans La Presse,» insiste-t-il. Dans son article, M. Chartrand écrit que ce geste paraît «suffisamment grave» pour que Mouammar «prenne la peine de souligner qu'il ne répond pas des gestes qui pourraient être posés par certains fanatiques de Montréal, alignés sur la pensée khomeiniste.» Comme Mouammar le dit lui-même: «Je le répète, nous somme des pacifistes et je n'ai pas de contrôle sur les éléments radicaux.» Ces affirmations tombent cependant un peu à plat lorsque le chef de pupitre de La Presse, Yves Bellefleur, confie au Journal de Montréal qu'aucun appel de menace ou autre n'avait été reçu au quotidien en réaction avec la publication d'extraits du livre de Rushdie. «La seule personne qui a communiqué avec nous là-dessus est M. Mouammar lui-même», a d'ailleurs indiqué M. Bellefleur. Ce ne sera d'ailleurs pas la seule occasion où Mouammar agitera la menace du fanatisme devant les médias de masse. Dans une entrevue subséquente à La Presse (15), Mouammar soutient qu'il existe des musulmans montréalais capables d'aller jusqu'au meurtre pour venger des insultes proférées contre leur religion. «Même si je suis incapable de dire leur nom, je sais qu'il y en a», soutient-il, avant d'ajouter: «Je sais aussi qu'il y en a qui ont menacé de me tuer, moi, parce que je me suis attaqué publiquement à Khomeiny.» Mais Mouammar n'est pas au bout de ses peines. Car la même journée où La Presse publie des extraits du roman de Rushdie, le ministre du Revenu national, Otto Jelinek, annonce que l'examen entrepris par les Douanes en est arrivé à la conclusion que «Les Versets sataniques» «n'ont rien de haineux», faisant en sorte que l'importation du livre est à nouveau autorisée. (16) Cette décision est évidemment accueilli avec déception par certains organismes musulmans, ainsi que par Mouammar lui-même. «Les gens qui ont examiné le livre n'ont aucun expertise culturelle sur l'islam», déplore-t-il. Certains groupes, comme le Muslim Students Association, du chapitre de l'Université de Carleton, invitent d'ailleurs le ministre Jelinek à revoir sa décision. Trois jours plus tard, les médias rapportent que le ministre Jelinek a reçu des menaces de mort et que des agents de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) montent désormais la garde en permanence devant sa maison, à Toronto. On apprend ensuite que son collègue, le ministre aux Affaires étrangères Joe Clark, a lui aussi été la cible de menaces de mort, dans ce cas-ci pour avoir rappelé au pays le chargé d'affaires canadien en Iran, Scott Mullin, en guise de protestation contre la condamnation à mort de Rushdie. (D'ailleurs, si Ottawa n'a pas rappelé son ambassadeur d'Iran, c'est tout simplement parce que le Canada n'en a pas). C'est ainsi qu'un climat de peur et de paranoïa s'intalle peu à peu dans les esprits, lequel est alimenté par une couverture médiatique intense jusqu'à saturation. Les menaces d'atteintes à l'intégrité physique ne se limitent d'ailleurs pas qu'aux politiciens, mais sont aussi lancées contre de simples libraires, dont certains demandent à être placés à leur tour sous protection policière. De son côté, le Canadian Booksellers' Association recommande aux librairies de prendre certaines précautions élémentaires, comme d'éviter de mettre «Les Versets sataniques» en évidence dans leurs vitrines. (17) Certains lobbys des gens de lettre commencent eux-mêmes à hausser le ton à l'égard d'Ottawa, qu'ils jugent insensible à leur sort. Ainsi, le 24 février, l'Union des écrivains québécois tient une conférence de presse réunissant des représentants de la Société des écrivains, du Centre des auteurs dramatiques et des sections québécoises du Pen Club et de la Writers Union. Insécurisés par le silence et le détachement manifesté par les autorités politiques québécoises et canadiennes, les divers intervenants se disent prêts à aller jusqu'à marcher sur la colline parlementaire fédérale pour se faire entendre. Et pendant tout ce temps, la tension n'a jamais cessé de grimper, jour après jour, sur la scène internationale. Pratiquement pas une seule journée ne passe sans que les médias de masse ne rapporte qu'une personnalité des milieux islamistes ne manifeste son appui à la condamnation à mort de Rushdie ou encore qu'un groupe de lutte armé du Proche-orient se porte volontaire pour exécuter la sentence. D'abord, il y a eu le Jihad Islamique pour la libération de la Palestine, qui détient alors trois otages américains au Liban, suivi ensuite du Front populaire de libération de la Palestine - Commandement général puis de l'Organisation de la justice révolutionnaire. Au Royaume-Uni, Yusuf Islam, l'ex-chanteur pop Cat Stevens converti à l'islam, affirme que Rushdie doit mourir, tout en entrouvrant une porte de sortie en affirmant que l'écrivain «doit demander à ses éditeurs la restitution de ses livres et, si nécessaire, dépenser jusqu'à son dernier penny pour les récupérer tous.» (19) Ces propos provoquent une controverse monstre. Aux États-Unis, des stations de radio réagissent en s'abstenant de diffuser les vieux succès de Stevens. À New York, la station WNEW-FM offre des copies gratuites des «Versets sataniques» à ses 102 premiers auditeurs qui leur posteront leurs disques de l'ex-vedette britannique (20). À Los Angeles, la station KFI-AM, qui prévoyait faire un autodafé des disques de Stevens, se ravise et opte plutôt pour écrabouiller 200 vinyles à l'aide d'un bulldozer tandis qu'un micro placé à proximité enregistre le son de la résine broyée. (21) En Inde, le 24 février est proclamée journée d'action contre «Les Versets sataniques», où les musulmans sont appelés à respecter un mot d'ordre de grève générale dans les grands centres urbains tels que New Delhi et Calcutta. À la mosquée de Jama Masjid, dans le vieux Delhi, celui que l'on présente comme le plus puissant leader des quelques 100 millions de musulmans indiens, le maulana (22) Syed Abdullah Bukhari, livre un discours dans lequel il déclare «louer la décision de l'imam Khomeiny», ajoutant qu'«aucune pitié ne doit être exprimée à l'endroit de Rushdie». C'est ce jour-là que surviennent à Bombay, ville natale de Rushdie, les incidents les plus violents et les plus meurtriers depuis le tout début de la controverse. Tout commence par une tentative de la part de la police de bloquer une marche de protestation, ce qui dégénère en affrontements alors qu'une foule émeutière se répand dans les rues de la ville, brûlant voitures, autobus, motocyclettes et une petite station de police. La répression est sévère: au moins douze personnes perdent la vie lorsque la police ouvre le feu sur la foule, 500 personnes sont détenues en vue d'empêcher la marche et 800 autres sont arrêtées durant l'émeute. (23) Dans le monde occidental, le climat intimidation qui plane sur le monde de l'édition depuis l'appel au meurtre de Rushdie commence à faire sentir ses effets sur la capacité de diffusion des «Versets sataniques.» Des maisons d'édition de France, d'Allemagne de l'ouest, de l'Italie, de Grèce et de Turquie prennent la décision d'annuler ou de repousser l'impression d'exemplaires du roman, tandis que sa distribution aux États-Unis et au Japon est suspendue dans l'espoir que la poussière retombe dans un avenir rapproché. En revanche, des écrivains de partout à travers le monde, incluant de plusieurs pays musulmans, se solidarisent de Rushdie en se mobilisant et en affichant leur opposition au décret de Khomeiny. (24) Pendant ce temps à Ottawa, le gouvernement fédéral n'en finit plus d'essuyer les critiques des éditorialistes et des milieux culturels. Non seulement les conservateurs de Mulroney sont-ils fustigés sans vergogne d'un océan à l'autre, mais l'image du Canada en prend également pour son rhume à l'extérieur du pays. Perdre complètement la face devant le peuple canadien, voilà qui n'avait rien de très nouveau pour Mulroney et sa bande, mais en plus devant l'étranger, voilà qui était particulièrement peu brillant de leur part. Il fallait donc qu'Ottawa trouve une façon de reprendre l'initiative et vite. C'est ainsi que le ministre Clark eut l'idée de convoquer les ambassadeurs de 25 pays membres de l'Organisation de la Conférence islamique (OCI) à une rencontre, le 1er mars, en vue de discuter de la «recherche d'une solution pragmatique» à l'affaire Rushdie. Question de s'offrir un peu de visibilité, Mouammar décide de profiter des retombées médiatiques prévisibles que généreront cet événement. La veille de la rencontre, la FIMC adresse une lettre signée par Mouammar à M. Clark ainsi qu'à certains des ambassadeurs qui sont invités à prendre part à cette réunion. Dans sa lettre, Mouammar exige à nouveau l'interdiction des «Versets sataniques» au Canada et exprime le souhait que les diplomates musulmans «condamnent énergiquement la publication de ce livre, qui attaque d'une façon vulgaire et hypocrite les bases mêmes de l'islam.» Mais Mouammar pousse l'audace jusqu'à dicter la ligne politique que devrait suivre les ambassadeurs face à l'affaire Rushdie. Ainsi, il demande à ce qu'«une majorité des ambassadeurs» imite la FIMC en se positionnant contre le décret de Khomeiny, lequel ne «vise qu'à s'approprier l'hégémonie idéologique au sein de la nation musulmane,» écrit Mouammar. (25) Mais ce n'est pas là la seule demande que formule Mouammar à l'attention des ambassadeurs. Il leur demande aussi de proposer à Ottawa la création d'un comité conjoint permanent sur lequel siégerait des représentants anglophones, arabophones et francophones de la communauté musulmane canadienne aux côté de représentants du gouvernement. Selon Mouammar, le mandat dudit comité consisterait à «trouver des solutions pour mieux renseigner la population canadienne sur la religion et la culture islamiques,» de même que de «proposer une politique d'accueil islamique pour les musulmans qui choisissent le Canada pour étudier ou pour émigrer.» (Il y a d'ailleurs fort à parier que Mouammar se voyait déjà lui-même aux commandes dudit comité...) La rencontre, qui réunit 24 ambassadeurs de pays membres de l'OCI, ne dure que quinze minutes et ne produit aucun résultat tangible puisque les participants ne font que camper sur leurs positions respectives. Joe Clark a ainsi demandé aux diplomates musulmans de faire pression sur l'Iran afin que l'appel au meurtre de Rushdie soit retiré. Pour sa part, l'ambassadeur du Pakistan, Najmuddin Shaikh, qui agissait comme porte-parole pour le groupe de diplomates musulmans anglophones, a déclaré à la presse que les pays membres de l'OCI avaient demandés au Canada de revoir sa décision permettant l'importation des «Versets sataniques» au pays. (26) De toute évidence, le projet de comité conjoint mis de l'avant par Mouammar ne semble pas avoir trouvé preneur... Peut-être est-ce justement parce qu'il digère mal cet échec que l'on observe dès le lendemain de cette réunion chez Mouammar les premiers signes d'un glissement vers le radicalisme verbal. Ainsi, le 2 mars, Mouammar signe un communiqué dans lequel il réitère sa condamnation du roman, «dicté par Satan et financé par les représentants du Mal sur terre,» tout en s'en prenant au gouvernement Mulroney, qu'il accuse de «vouloir continuer à bafouer les droits religieux des musulmans du Canada». (27) Or, il s'agit pourtant du même gouvernement que Mouammar félicitait, une semaine plus tôt, pour avoir bloqué l'entrée des «Versets sataniques» au pays ! Le 5 mars, des organisations issues de la communauté musulmane canadienne organisent pour la première fois des manifestations publiques de protestation contre «Les Versets sataniques». À Toronto, la métropole canadienne abritant la plus importante population islamique au pays, une foule d'environ 1500 musulmans provenant du sud de l'Ontario se rassemble devant l'assemblée législative provinciale, où sont prononcées des prières et des discours demandant l'interdiction des «Versets sataniques.» Certains des orateurs, comme Asral Madani, appellent ouvertement à l'assassinat de l'auteur maudit. «Rushdie est un chien blasphémateur de l'humanité et doit être tué le plus vite possible,» déclare notamment Madani. (28) À Montréal, une assemblée publique organisée par une coalition de vingt-et-une mosquées et organismes musulmans ou ethniques se tient dans l'auditorium de la polyvalente Saint-Henri. Durant les jours suivant cet événement va faire couler beaucoup d'encre dans les médias, particulièrement chez La Presse, comme nous le verrons ci-dessous. L'assemblée, qui est présidée par Izhar Mirza, de la Fédération nationale des Canadiens pakistanais, attire une foule dont l'estimation varie à entre 400 et 800 personnes, se rassemblant aux cris de «Mort à Rushdie, Rushdie est le diable.» (29) (Notons que Mouammar ne semble pas avoir été mêlé à l'événement puisque son nom n'est jamais cité dans les compte-rendus de journaux qui sont publiés à ce sujet.) Parmi les orateurs se partageant la tribune, on retrouve notamment le président du Centre islamique du Québec, Fayez Rifai, ainsi qu'un professeur du collège Dawson et de l'Université de Concordia, William Millward. Selon La Presse, le seul des six orateurs à avoir pris position contre l'appel au meurtre de Rushdie, Noaman Ahmed Khan, un étudiant de l'Université McGill, est aussi le seul qui est pris à partie par des membres de l'assistance. Débutant son allocution en déclarant que Rushdie ne devait pas être tué, M. Khan s'attire immédiatement les foudres des plus irréductibles, qui l'interrompt et crient à haute voix qu'il ferait mieux de s'asseoir et de se la boucler. L'article de La Presse décrit ainsi la scène : «Le président de l'assemblée a tenté, mais sans succès, de calmer la foule qui réclamait encore plus fort que Khan quitte la tribune. Finalement, M. Khan est parti les yeux en larmes, se rendant compte qu'il ne pouvait plus parler à la foule fanatisée.» Les autres orateurs se montrent quant à eux plutôt sévères à l'égard de Rushdie. «Il a voulu tuer notre religion, il doit en subir les conséquences et recevoir le châtiment qu'il mérite,» déclare M. Rifai. Ce type de rhétorique est évidemment fort mal reçu par les médias montréalais, donnant lieu à l'émergence d'un discours ouvertement condescendant et paternaliste à l'endroit des musulmans canadiens. Deux jours plus tard, La Presse revient sur cet événement avec deux textes. D'abord, un article signé du journaliste Roch Côté, dans lequel celui-ci laisse planer les menaces de poursuites judiciaires au-dessus de la tête de ceux qui scandèrent des slogans appelant à l'assassinat de Rushdie. (30) Rappelant que l'incitation au meurtre est une infraction passible d'une peine maximale de 14 années d'emprisonnement, M. Côté rapporte s'être informé auprès du bureau du Procureur général du Québec (PGQ)où il a appris qu'aucune plainte n'avait été portée à la police contre ceux qui avait crié «Mort à Rushdie». Puis, M. Côté envoie un message à peine voilé aux autorités, invitant celles-ci à sévir, en écrivant que le PGQ «a la possibilité d'agir de lui-même», et ce, «même en l'absence de plaintes.» Le deuxième texte est un éditorial intitulé «Hurler ou dialoguer» dans lequel Pierre Vennat condamne l'ensemble de la communauté musulmane, pas seulement montréalaise, mais bien à l'échelle nord-américaine. (31) L'éditorialiste s'en prend autant à «ceux qui crient au meurtre» qu'aux «soi-disants leaders de la communauté musulmane qui se sont exprimés sur le livre de Salman Rushdie», bien qu'ils «ne l'avaient même pas lu,» tout en écorchant au passage «les Musulmans modérés», à qui il reproche de s'être «retranchés dans le silence ou l'indifférence» parce qu'ils seraient apparemment «tellement intimidés par la force d'argumentation et le lobbying des fondamentalistes». Et puisqu'il ne voit apparemment rien de positif à écrire au sujet des musulmans nord-américains, M. Vennat ne voit donc absolument aucun intérêt à donner suite aux appels au dialogue lancés par les représentants montréalais de cette communauté. Car, selon l'éditorialiste, «un dialogue sera possible» uniquement à partir du moment où «les loups hurleurs se seront tus.» Et M. Vennat de conclure en écrivant que «le jour où la communauté musulmane d'ici se sera policée elle-même, sa crédibilité s'en trouvera accrue et son appel au dialogue s'en trouvera renforcé.» Le lendemain, La Presse publie à nouveau un article sur le même événement, celui-là intitulé «La menace intégriste» et signé par le journaliste Jooned Khan. (32) Dans son article, Khan nous parle évidemment de ces «intégristes fanatisés» qui «ponctuaient tous les discours avec des «Mort à Rushdie!»» et qui «dominaient l'assemblée par le hurlement et l'intimidation.» Ce que l'article de M. Khan amène toutefois de nouveau, c'est que, pour la première fois, La Presse daigne donner la parole à l'un des organisateurs de l'événement, en l'occurrence M. Mirza. Celui-ci est d'ailleurs loin d'être impressionné par le traitement médiatique de l'assemblée. «Je trouve que les médias ont été malhonnêtes en montant en épingle l'incident de l'étudiant», affirme Mirza, «alors que c'est lui qui provoqua les intégristes, en s'égarant de l'ordre du jour pour exprimer son opinion». Mirza revient d'ailleurs sur la raison d'être de cette assemblée. «Nous n'étions pas là pour condamner l'Iran, nous étions là pour condamner le livre de Rushdie, et c'est ce que nous avons fait», dit-il. Puis, rappelant que Mirza avait hérité de la tache de présider l'assemblée, le journaliste Khan écrit à son sujet que celui-ci «était visiblement débordé dans le climat passionnel entretenu par les khomeinistes» avant de réussir à lui faire admettre que les organisateurs n'étaient «pas équipés pour imposer la discipline». Pendant ce temps, le camp pro-Rushdie s'organise à Montréal. Au cours des jours suivant, des écrivains et artistes de confessions et d'origines diverses annoncent la création d'un «Comité de soutien à Salman Rushdie» et convoquent à leur tour une assemblée publique, cette fois-ci à l'université McGill, le 10 mars prochain. Reprenant, à sa façon, les appels à sévir contre ceux qui réclament publiquement l'exécution de Rushdie, ce Comité demande aux gouvernements québécois et canadiens de prendre des mesures légales contre toute personne ou organisation qui proférera publiquement des menaces à l'endroit de l'auteur des «Versets sataniques». Les membres du Comité souhaitent en outre que les pouvoirs publics s'inspirent de la fermeté exprimée par les autorités politiques de la France. En effet, le lendemain de la manifestation anti-Rushdie du 26 février, à Paris, le premier ministre français Michel Rocard avait noté dans un communiqué que «des participants, très minoritaires, ont, par slogans ou par pancartes, appelé à la violence et au meurtre», ce qui l'amena à proclamer que «tout nouvel appel à la violence ou au meurtre, sous quelque forme que ce soit, donnera lieu à la mise en oeuvre immédiate de poursuites judiciaires.» Cette prise de position avait d'ailleurs reçu l'appui du président de la république, François Mitterrand. (33) C'est à ce moment-là que Youssef Mouammar décide de refaire surface. Dans un communiqué, la FIMC déclare que le Comité de soutien à Salman Rushdie «doit être tenu entièrement responsable pour tout événement qui pourrait se produire lors de cette manifestation provocatrice», ajoutant qu'«on ne peut provoquer et bafouer impunément les musulmans sans que cela crée des problèmes aux provocateurs». Le journaliste Bruno Bisson de La Presse ne cache pas sa surprise devant le ton pour le moins menaçant du communiqué de la FIMC, qu'il décrit comme étant «un groupe qui depuis le début de la controverse entourant le livre de Rushdie, avait encouragé la modération et dénoncé l'appel au meurtre de l'écrivain.» (34) Le jour venu, l'assemblée se déroule sans incident. Dans un bref compte-rendu de l'événement, Le Journal de Montréal prend d'ailleurs la peine de noter que c'est «en souriant» que les participants prirent connaissance du communiqué de la FIMC. (35)De son côté, Mouammar se dit heureux «que les musulmans aient répondu à son appel et n'aient pas réagi à la provocation de l'assemblée de soutien à Rushdie». (36) Le voilà maintenant qu'il s'imagine, à haute voix, qu'il possède le contrôle sur les musulmans montréalais en colère ! Mais l'affaire n'en reste pas là. Le 17 mars, des étudiants de la faculté de droit de l'Université de Montréal déposent une pétition de 121 noms dans laquelle ils demandent au PGQ d'intenter des poursuites contre les personnes qui auraient appelé à la mort de Rushdie à la polyvalente St-Henri. Les signataires souhaitent que ces individus répondent de trois accusations criminelles spécifiques: avoir proféré des menaces de mort, avoir conseillé à quelqu'un de commettre une infraction et avoir été accessoire à la perpétration d'un acte criminel. Le porte-parole des signataires, un certain Stéphane Gendron, indique également que des plaintes privées pourraient être déposées, de façon symbolique, dans l'éventualité où le PGQ ne donnerait pas suite à leurs demandes. Il semble cependant que l'affaire n'ira pas plus loin. Bien que l'affaire Rushdie ne soit pas terminée en tant que tel, on peut néanmoins affirmer à cette étape-ci que le gros de la tempête est désormais passé. Quel bilan provisoire peut-on alors tirer de cette affaire ? Tout d'abord, en Iran, où aucun membre de l'élite politico-religieuse n'a osé remettre en question l'appel au meurtre de Rushdie – ce qui ne devrait pas surprendre outre-mesure venant d'un régime qui n'est pas réputé pour sa tolérance envers la dissidence -- Khomeiny remporte haut la main la lutte de factions qui l'opposait aux tendances plus modérées du régime. La défaite des partisans de l'ouverture à l'occident est consacrée par la rupture complète des relations diplomatiques entre l'Iran et le Royaume-Uni, de la propre initiative du régime chiite, le 7 mars. Il faudra d'ailleurs attendre une décennie complète avant que Londres et Téhéran, capitale de l'Iran, ne rétablissent à nouveau formellement les ponts. Au Moyen-Orient, la plupart des leaders du monde arabo-musulmans affichent un silence plutôt embarrassé face à la controverse et rares sont ceux qui se risquent à se dissocier publiquement de l'appel au meurtre de Rushdie. Parmi les exceptions, on compte l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) de Yasser Arafat qui, bien que n'approuvant pas le roman de Rushdie, condamne néanmoins l'appel au meurtre lancé par l'ayatollah Khomeiny. C'est la réunion des ministres des Affaires étrangères de l'OCI, qui se tient à Riyad, capitale de l'Arabie saoudite, le 13 mars, qui vient confirmer sans équivoque l'isolement diplomatique de l'Iran au sein même du monde musulman. Ainsi, la veille de l'ouverture du sommet de l'OCI, la délégation iranienne claque la porte, plie bagages et retourne à Téhéran. À l'origine de ce départ impromptu se trouve bien entendu l'affaire Rushdie mais aussi le désaccord entre dirigeants iraniens et saoudiens sur la formation du nouveau gouvernement de la résistance moudjahidine afghan, à cause de la prédominance dont jouissent les organisations sunnites. (38) Bien que le texte de la résolution finale de l'OCI condamne «vigoureusement l'ouvrage blasphématoire» et déclare que son «auteur est considéré comme un apostat», il n'est aucunement question ici d'appeler à rayer Rushdie de la surface de la planète. En fait, l'OCI préconise plutôt l'utilisation de l'arme économique: les maisons d'édition se voient exigées d'elles qu'elles «retirent immédiatement de la circulation l'ouvrage», à défaut de quoi les États membres entendent «boycotter toutes celles qui ne se conformeraient pas à cette exigence». (39) Dans le reste du monde, le climat de crise internationale déclenchée par le décret de Khomeiny fait apparaître la nécessité de poser des gestes d'apaisement à l'égard du monde musulman, incitant certaines des plus hautes autorités religieuses judéo-chrétiennes à désapprouver publiquement «Les Versets sataniques», tout en se dissociant, bien évidemment, de l'appel au meurtre de son auteur. Ainsi, au Vatican, l'Osservatore Romano, quotidien officiel du Saint Siège, critique «la part d'irrévérence et de blasphème» contenue dans le livre de Rushdie et exprime sa «solidarité envers ceux qui se sont sentis blessés dans leur dignité de croyant». (40) À Jérusalem, le grand rabbin ashkénaze Abraham Shapiro va encore plus loin, appellant le gouvernement israélien à interdire «Les Versets sataniques, qu'il qualifie de «livre inhumain et immoral.» «La religion peut très bien être critiquée», précise le grand rabbin, «mais dans le cas présent l'auteur a porté atteinte à l'honneur même de la religion.» Ironie du sort, le roman de Rushdie est parvenu à provoquer un rare moment d'unanimité entre les représentants du judaïsme, du christianisme et de l'islam, les trois plus grandes religions monothéistes de l'humanité. En occident, l'affaire Rushdie se traduit notamment par de lucratives retombées commerciales pour «Les Versets sataniques». À la mi-mars, le New York Times révèle que le roman de Rushdie est devenu le meilleur vendeur aux État-Unis dans la catégorie fiction à couverture rigide. (42) Voilà une confirmation, s'il en fallait une, que le blasphème se vend plutôt bien au pays du «Grand Satan», comme Khomeiny se plaît à surnommer les États-Unis! En France, «Les Versets sataniques» devient le plus gros succès de l'année pour l'éditeur Christian Bourgois. Au total, 1,1 million d'exemplaires sont vendus à l'échelle mondiale. (43) Pour les communautés musulmanes vivant en occident, toute cette affaire laisse un goût plutôt amer. Au Canada, jamais sans doute n'a-t-on autant parlé des musulmans dans les grands médias. Or, dans l'ensemble, tant l'image de l'islam que celle des musulmans est sortie plutôt abîmée de l'affaire Rushdie. Ceux qui en savaient peu sur cette religion et ses adeptes, soit la majorité des Canadiens, restent pris avec une image plutôt caricaturale et fort peu représentative de la diversité de la communauté islamique. L'intolérance intégriste incarnée par Khomeiny et ses partisans donne ainsi lieu à une autre forme d'intolérance, celle-là à la limite de la xénophobie, donnant libre cours à un discours tendancieux préconisant de remettre à leur place les immigrants musulmans. D'ailleurs, où se situe au juste la responsabilité des médias de masse dans ce dérapage ? La question mérite d'être posée puisque certains représentants de la communauté musulmane estiment que les grands organes d'information ont pour ainsi dire faillis à leur mission d'informer adéquatement le public. «C'est très grave de réduire 200 000 personnes au Canada au rang de fanatiques», dénonce Fatima Houda-Pépin, du Centre maghrebin de recherche et d'information (CMRI), lors d'une conférence de presse tenue à l'occasion de la Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale, le 21 mars. (44) Musulmane laïque, Mme Houda-Pépin avait aussi fait part de sa «profonde indignation» à l'égard des «Versets sataniques», qu'elle qualifia de «mise en scène vulgaire et volontairement préjudiciable» dans un texte paru dans Le Devoir. Elle n'hésita pas non plus à s'en prendre au phénomène intégriste, qu'elle qualifia elle-même d'«islam médiatique», reprochant aux médias occidentaux de lui avoir «donné la visibilité et l'ampleur disproportionné qui l'a rendu presque crédible». Notant l'obsession des médias de masse envers les extrémistes musulmans, elle déplore que «le seul «Islam» qui les excite est celui des bombes, des otages et de l'Ayatollah.» (45) Quant à Youssef Mouammar lui-même, la grande visibilité médiatique à laquelle il a eu droit ne semble pas lui avoir valu que des éloges. En effet, le 8 avril, neuf organismes musulmans québécois convoquent une conférence de presse au cours de laquelle ils déclarent que Mouammar n'est pas autorisé à parler en leur nom. (46) «Les déclarations, les informations et les entrevues qu'il donne aux médias sur l'Islam et sur les musulmans ne représentent que son opinion personnelle et celle de sa fondation dont on ne connaît pas les membres de l'exécutif». Bref, la confiance ne règne pas ! Parmi les groupes qui sont à l'origine de cette déclaration, on retrouve au moins deux organisme qui furent associés à la fameuse assemblée publique anti-Rushdie qui s'était tenue dans à la polyvalente de St-Henri, soit le Centre islamique du Québec et la Fédération nationale des Canadiens pakistanais. Quant aux autres organismes signataires, il s'agit de la Communauté musulmane du Québec, l'Association des Pakistanais du Québec, de même que les mosquées Makkah-Al-Moukarramah, An-Our, Fatima, Jamya Al-Islamya et Markaz El-Islam, sur la rive sud. Contacté par un journaliste de La Presse, Mouammar avance une seule hypothèse pour expliquer le désaveu public exprimés par ces organismes : «Je pense que c'est à la suite de mes déclarations contre Khomeiny». Comme si se dissocier de Mouammar équivalait automatiquement à appuyer Khomeiny ! Puis, d'ajouter Mouammar: «En tout cas, à titre de président d'une fondation qui a des membres et un exécutif, ce qui peut être vérifié dans notre charte, je peux certainement parler au nom de certains musulmans.» Bien entendu, Mouammar n'entend pas laisser ses détracteurs avoir le dernier mot. Vers la fin du mois d'avril, il lance sa propre contre-offensive médiatique. Cette fois-ci, Mouammar présente aux médias une longue liste d'organismes lui offrant son appui. Cependant, comme le notait judicieusement le journaliste Richard Hétu de La Presse, «l'ennui, c'est qu'une bonne partie» des organismes en question «lui doivent d'avoir vu le jour» ! (47) Mais que penser au juste du rôle de Mouammar dans l'affaire Rushdie ? Faut-il y voir le comportement typique d'un opportuniste médiatique pour qui l'important est avant tout de faire parler de soi, peu importe que cela soit en bien ou en mal ? Peut-être bien. Mais ses prises de positions, parfois contradictoires, pourraient tout aussi bien s'expliquer par le fait que Mouammar n'auraient fait qu'obéir docilement aux ordres de ses contrôleurs du SCRS (bien qu'il n'ait pas été établi avec certitude qu'il avait déjà commencé à travaillé pour eux à l'époque). Dans l'hypothèse où Mouammar n'agissait pas encore pour le compte du SCRS, il reste que l'affaire Rushdie permit aux secrets services canadiens de le voir amplement à l'oeuvre et ainsi d'évaluer son savoir-faire sur le plan des relations publiques. Dans cette optique, il se peut très bien que la performance médiatique de Mouammar lui ait permit de tomber dans l'oeil des recruteurs du SCRS et joua peut-être même un rôle dans la décision du service de renseignement de retenir ses services. Au cours des mois suivant, Youssef Mouammar et la FIMC réussissent à faire parler d'eux encore à deux reprises dans les médias québécois. D'abord, le 3 juin 1989, lorsque l'ayatollah Khomeiny rend l'âme, à l'âge de 89 ans. Encore une fois, Mouammar est cité dans les pages de La Presse. «Un homme est mort et il appartient à Dieu de le juger», dit-il. Mouammar semble toutefois éprouver certaines difficultés à réprimer sa joie devant la disparition du leader chiite qu'il avait si souvent critiqué de son vivant. «La vie va continuer et l'islam aussi... peut-être mieux!», lance-t-il. (Un petit peu plus, et Mouammar portait un toast!) (48) Ensuite, à l'occasion de l'arrivée de 4000 exemplaires de la version française des «Versets sataniques» à Montréal, le 19 juillet suivant. Il s'agit alors d'un événement faisant l'objet de «mesures de sécurité exceptionnelles». Ainsi, les colis transportant les livres ne sont ni identifiés par le titre de l'oeuvre, ni par le nom de l'éditeur. Dans certaines librairies, les exemplaires du roman Rushdie sont cachés derrière le comptoir, question d'attirer l'attention le moins possible. (49) Cela n'empêche évidemment pas «Les Versets sataniques» de se vendre «comme des petits pains chauds», comme le rapporte le journaliste André Pratte de La Presse (aujourd'hui éditorialiste). Deux jours plus tard, la FIMC de Mouammar réagit officiellement par voie de communiqué. Constatant l'échec de ses efforts en vue d'interdire l'entrée du livre au Canada, la FIMC estime que l'affaire est, à toutes fins pratiques, close. «Devant l'entêtement de l'éditeur à vouloir vendre ses livres, la Fondation s'en remet à Dieu pour résoudre ce problème», lit-on. Dans le troisième de cette série de cinq articles, nous verrons comment Youssef Mouammar s'est transformé en un fervent promoteur du terrorisme islamiste international. Notes et sources: (1) Bien que généralisée chez les non-musulmans, l'utilisation du nom «Mahomet», une déformation du mot turc «Mehmet», pour désigner le prophète de l'islam est rejetée par de nombreux musulmans francophones, qui lui préfèrent «Mohamed» ou encore «Muhammad.» |
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