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Chavisme et anarchisme aujourd'hui au Venezuela

Anonyme, Monday, June 18, 2007 - 13:40

El Libertario' editorial staff

* Depuis les éditeurs "d'El Libertario", voici notre réponse aux habituels réquisitoires qui nous adressent souvent la droite rustique ou cette gauche pseudo-révolutionnaire du chavisme. Nous devrions/pourrions/aimerions dire plus sur ce thème, mais pour le moment nous condensons et actualisons ici l'essentiel de notre perspective, exprimée avant mais qu'y vaut la peine d'être répété.

- Hugo Chavez parle de socialisme, souveraineté populaire, participation. Pourquoi être en désaccords si ceci correspond a l'idéal anarchiste ?

º Les diatribes de Chavez sont très fournies. Mais lui-même a réitéré qu'il ne fallait pas ce fier à ce qu'il faisait ou disait. Ainsi, son "socialisme du XXIéme siècle" dans les faits n'a pas dépassé le simple paternalisme et capitalisme d'Etat, avec comme base l'abondance de la rente pétrolière. La souveraineté populaire est la souveraineté d'une élite de militaires, d'entreprises transnationales et de la "bourgeoisie populaire" naissante. Il suffit de voir la récente concession de pouvoirs extraordinaires à la Présidence, ou la façon dont on raille les alliés qui ont exprimé des réserves face à la décision de construire un parti officiel unique, pour avoir une idée de ce que le "Comandante " entend par participation. Dans l'anarchisme, on n'accepte pas de leadership permanent et omnipotent, sinon uniquement ceux qui sont constamment authentifiés par ceux à qui, dans une circonstance particulière, ils représentent et ceci est l'expression de la souveraineté et de la participation, et ce processus ne montre ni d'une manière ou d'une autre que l'on s'éloigne du pouvoir hiérarchique et de l'Etat.

- L'intention proclamée du gouvernement est de faire une révolution pacifique et démocratique. Pourquoi ne pas attendre que la révolution s'approfondisse pour émettre des jugements sur le processus ?

º Chavez parle de révolution, mais sa parole n'est pas suffisante pour croire qu'il la fasse et qu'il doive être soutenu. Trop de tyrans et de démagogues sur ce continent ont dit la même chose, sans qu'il y ait des raisons de les soutenir. Dans notre cas, il y a une "révolution" dans le sens que notre mode de vie a été désarticulé dans beaucoup de sens, mais ce que nous voyons de construction ne nous incline pas à le soutenir. Permettre sa consolidation c'est rendre les choses plus difficiles à changer, parce que les changements que les anarchistes proposent vont dans une direction très différente de celle prise par le "processus", qui avec plus de 8 ans à la barre se montre plein d'autoritarisme, bureaucratiquement inefficace, infecté par la corruption de manière structurale, avec des orientations, des personnes, des attitudes que nous ne pouvons pas soutenir.

- Même si son projet n'est pas libertaire, le chavisme appelle à se confronter à l'oligarchie et à l'impérialisme. Pourquoi ne pas établir des relations stratégiques avec eux et plus tard, une fois détrôné l'oligarchie et l'agression impérialiste, essayer de faire la révolution anarchiste ?

º Les alliances stratégiques sont un mode d'action politique pour gagner le contrôle de l'Etat par un groupe d'alliés, alors que nous, les anarchistes, cherchons à dissoudre l'Etat grâce à la participation de toutes-tous. L'échec de ce qui s'appelle réaction et oligarchie (sobriquets avec des vues clairement propagandistes) servira uniquement à consolider à l'intérieur du pouvoir ceux qui gagnent, ceux qui nécessairement formeront la nouvelle oligarchie parce que ainsi l'impose la logique étatique, comme il s'est produit en URSS, Chine ou Cuba. Ceci rendra la révolution anarchiste plus difficile et l'Espagne de 1936 fut un bon exemple. Il est aussi inexact d'identifier le projet chaviste comme étant en opposition au coup d'Etat, alors que son but original était de faire un coup d'Etat militaire, et qu'il se targue constamment dans son identification avec le langage et les pratiques de caserne. La lutte contre le gouvernement de la minorité (oligarchie) à l'intérieur des régimes étatiques se réduit à remplacer à quelques-uns par quelques autres. En ce qui concerne le combat contre l'impérialisme, si nous prêtons attention à ce qu'ils proposent et appliquent en matière de pétrole, de minerai, d'agriculture, d'industrie, de plan de travail etc. ils semblent rester les valets de l'Empire et non ses ennemis (Pour plus de détails sur les axes stratégiques face au capital transnational et aux intérêts impérialistes, voir les publications du "El libertario" www.nodo50.org/ellibertario- en espagnol).

- Maintenant, le gouvernement vénézuélien annonce une explosion du pouvoir communal, avec l'implantation massive et sécession de pouvoir aux Conseils Communaux, organisations communautaires et horizontales de participation populaire. Les anarchistes soutiennent ces structures de base ?

º Ce que nous commençons à voir de l'instauration et du fonctionnement des conseils communaux indiquent que son existence et sa capacité d'action dépendront de sa loyauté à l'appareil gouvernementale, lequel s'assure laissant aux mains du Président la faculté juridique d'approuver ou non les dites organisations, comme le décrit la loi correspondante. Dans ce cadre, il y a des expériences au Venezuela, ou tant de groupements de base (comme les syndicats sans aller plus loin) ressemblent aux tramways, qui reçoivent le courant depuis le haut. Certainement, il y a des tentatives pour un réel groupement du bas vers le haut, et ceci a lieu dans le cadre du voisinage, ouvriers, paysans, indigènes, écologistes, étudiants, culturels, etc. malgré qu'ils ne comptent pas sur la sympathie officielle. Il nous semble que la soumission légale, fonctionnelle et financière des conseils communaux devant le pouvoir étatique sera un sévère obstacle pour servir de base à un mouvement autonome. Ceci vaut aussi pour les annoncés conseils de travailleurs pour les entreprises, dans lesquels on entrevoit un moyen d'annuler un syndicat indépendant.

- Pourquoi les anarchistes critiquent la Force Armée Vénézuélienne- d'origine clairement populaire et nationaliste- et sa capacité à soutenir un projet révolutionnaire ?

º Dans tout armée moderne, depuis l'Europe du XVII et XVIIIéme siècle jusqu'à l'Amérique Latine d'aujourd'hui, le gros des troupes sont recrutée dans les secteurs populaires. Mais à part l'origine sociale de la majorité des intégrés, la raison d'être de l'armée est la défense d'une structure de pouvoir et de ses détenteurs, c'est pour ça qu'elle ne pourra jamais soutenir une révolution en faveur des opprimés. Au mieux, on changera une personne par une autre et quelques règles de la structure du pouvoir, mais on ne l'éliminera pas parce que le commandement et l'obéissance sont son essence. C'est pourquoi nous ne soutenons aucune armée, police ou privilégiés qui peuvent utiliser à leur avantage la force ou les armes contre d'autres gens. Le nationalisme n'est pas une position que l'anarchisme approuve, parce qu'il implique circonscrire les intérêts de certaines personnes, enfermées artificiellement par un Etat dans un certain territoire-nation, lesquelles se considèrent différents et même supérieur aux autres. Nous sommes ennemis de tous type de privilèges pour cause de naissance, de race, de culture, de religion ou de lieu d'origine. De plus, l'histoire néfaste de la structure militaire vénézuélienne parle d'elle même : institutionnalisée par le tyran Gomez pour liquider les aspirations fédérales régionales ; consolidée dans sa vocation répressive durant la lutte contre l'insurrection de gauche durant les années 60 ; et exécutante du massacre de février 1986.

- Au cas où, les anarchistes vénézuéliens seraient "décharnés" (surnom par lequel le chavisme fait allusion à ses opposants) et, pour cela, supportent l'opposition social-démocrate et de droite ?

º Décharnés est une qualification nettement médiatique, déprécié dans son usage politique officiel et avec des aires de consigne, que personne ne dit sur qui l'on nomme ainsi. Mais, si dans tous les cas avec lui on veut signaler a ceux qui n'admettent pas de faillir à notre liberté et notre autonomie pour nous soumettre à l'imposition autoritaire d'une personne, d'un parti, d'une idéologie, nous le sommes. Et si avec ceci, on veut dire que nous appuyons des courants identifiés comme le libéralisme économique, la dévaluation quasi-raciste des élites jusqu'aux majorités, l'escroquerie de la démocratie représentative ou le retour à des formes d'organisation socio-politiques dépassées par l'histoire, nous ne le sommes donc pas. De fait, nous n'appuyons pas le régime de Chavez ni ses contre-attaquants électoraux ; nous pouvons être d'accord avec quelques actions des uns et des autres, avec quelques déclarations des uns et des autres, mais fondamentalement, nous critiquons la majorité des faits et des discours des uns et des autres. Nous répudions la frustration répétée des espérances des gens qui ont soutenu Chavez, mais nous refusons de confirmer les manoeuvres politiciennes du troupeau d'opportunistes qui se prétendent opposition institutionnelle. Et surtout, nous ne pouvons pas, pour des raisons de principe, soutenir ceux qui fondent la recherche d'une vie meilleure dans un quelconque type de subordination des gens à la hiérarchie étatique, comme le prétendent les deux camps.

- Les anarchistes sermonnent uniquement sans rien apporter. Quelle est votre proposition pour transformer positivement la réalité vénézuélienne actuelle ?

º Notre lutte n'est pas conjoncturelle ou de circonstance, c'est pour une nouvelle société que nous devons opter pour la vie collective et individuelle. C'est la lutte pour l'existence d'une société sans classe, laquelle est indubitablement véhiculée, pour l'anarchisme, par l'abolition de l'Etat. Pour cette raison, selon notre critère, l'authenticité de n'importe quelle révolution doit être faite par la réelle et effective liquidation-depuis l'instant même où il se produit- de l'appareil étatique et de tout pouvoir hiérarchique. Nous ne cessons d'insister sur l'exigence de commencer la liquidation de l'Etat avec, et non après, la démolition de la structure classique de la société. La révolution nous l'entendons non comme conquête de l'Etat mais comme la suppression de celui-ci. Dans ce sens, nous croyons en la prise de possession de la terre et des moyens de production, directement par les travailleurs, en incluant la nécessité de défendre par n'importe quelle voie, comme l'expropriation, ou plutôt, la restitution de toute la richesse a ceux qui en sont les légitimes propriétaires, ceux qui l'ont créé. Nous soutenons donc qu'une proposition positive pour l'actuelle réalité vénézuélienne, viens par la promotion de l'autonomie des mouvements sociaux du pays, puisqu'en eux se trouve l'espace de tension nécessaire pour le déroulement et l'influence des principes de base de l'idéal anarchiste : action directe, autogestion, liberté et égalité dans la solidarité.

El Libertario ( english & español )
www.nodo50.org/ellibertario


Subject: 
Point de vue gauchiste pour justifier une pratique conservatrice
Author: 
Richard
Date: 
Tue, 2007-06-19 11:37

Les événements qui ont lieu au Venezuela actuellement bouleversent manifestement une petite-bourgeoisie qui avait pris l'habitude de critiquer sans trop rien faire ou qui, dans le temps, ont fait de quoi mais ont décidé de se reposer. Il y a une effervescence que certainEs n'acceptent pas. Que cela soit des gens de la droite ou de la social-démocratie, ça se comprend: il y a des privilèges à conserver. Mais quand c'est des gens d'extrême-gauche, là ça devient plus inquiétant.

TouTEs les révolutionnaires devraient être contents quand les choses brassent au niveau politique et qu'une bourgeoisie sclérosée se sent menacée. Au Venezuela, il n'y a pas que des petitEs bourgeoiSEs qui sortent dans les rues; il y a aussi des centaines de milliers de pauvres. Ça devrait être indicatif qu'il y a quelque chose qui bouge.

Bien sûr, tout mouvement de masse n'est pas toujours bon. Depuis les années 80 l'effervescence nationaliste québécoise ne mobilise que la petite-bourgeoisie et l'aristocratie ouvrière dans ses manifs et les demandes n'ont rien de progressistes. N'empêche que ça peut être un bon moment pour faire de la politique.

Selon les critiques de nos anarchistes de salon, Chavez va remettre en selle une nouvelle élite. En admettant que cela soit vrai, ne vaut-il pas mieux accompagner les masses populaires qui bougent actuellement plutôt que de les critiquer? C'est peut-être cette présence de révolutionnaires davantage consolidées qui va retarder, voire même empêcher que se crée une nouvelle élite complètement réactionnaire.

Chavez, ça se peut, est criticable. Mais il ne fait pas partie du camp de l'ennemi principale ni même celui de l'ennemi. Des tâches démocratiques essentielles comme l'intégration des métis et des indiens dans le personnel politique et administratif, une certaine redistribution agraire, la mise sur pied d'organisations populaires dynamiques (qui n'ont rien à voir avec les organismes communautaires d'ici) etc. sont en marche. Pour avancer rapidement vers le socialisme et le communisme, il manque certes une direction politique consciente et ferme idéologiquement mais des conditions pour l'apparition d'une telle direction sont en marche. Est-il possible que les forces de Chavez, dans le processus, se transforment suffisamment pour devenir cette direction? Peut-être que oui peut-être que non. Dans chaque phénomène, un se divise en deux. Ce qui est sûr c'est que les forces de Chavez n'empêchent pas l'émergence des conditions qui favorisent la mise en oeuvre de cette direction consciente.

Pour un point de vue critique mais nuancé, on peut aller voir les textes suivants:
http://vp-partisan.org/index.php?option=com_content&task=view&id=273&Ite...
http://vp-partisan.org/index.php?option=com_content&task=view&id=286&Ite...

Dans le texte anarchiste, on voit très bien que les auteurs refusent en pratique de se battre. Ils préfèrent même le pouvoir bourgeois au socialisme. Ils remettent en question la participation des anarchistes dans les mouvements révolutionnaires en Russie de 1917 et en Espagne en 1936-1939 "Ceci [une prise de pouvoir par les communistes] rendra la révolution anarchiste plus difficile et l'Espagne de 1936 fut un bon exemple." Voilà un exemple de conservatisme réactionnaire habillé d'un propos gauchiste.


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Subject: 
Ben oui toé!
Author: 
blackcat
Date: 
Wed, 2007-06-20 16:02

Si on n’est pas avec les communistes réformistes, on est obligatoirement des conservateurs réactionnaires, belle mentalité à la con, qui est totalement de mauvaise foi. Tu va tu m’envoyer au goulag pour avoir dit ça?


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Subject: 
Vénézuela et constitution d'une bourgeoisie locale
Author: 
Durrutti
Date: 
Thu, 2007-06-21 11:22

Historiquement, l'Amérique du Sud est dotée d'une espèce de sous-bourgeoisie, une bourgeoisie plus rentière que proprement capitaliste, d'ou la soumission de cette même bourgeoisie à l'impérialisme des États occidentaux « avancés ». C'est à cette bourgeoisie-là que Chavez se heurte, et au-travers elle il heurte l'impérialisme américain.

Mais il semble malheureusement que ce processus conflictuel, dans lequel les masses populaires ont choisi le camps de Chavez (il faut bien l'admettre), ne soit qu'une façon de ratrapper le retard relatif de l'économie Vénézuellienne par rapport aux États capitalistes avancés. Il vise à la construction d'une véritable bourgeoisie capitaliste, et il doit donc évincer les représentants de la sous-bourgeoisie rentière qui domine l'Amérique du Sud grâce au soutient des États-Unis.

C'est pour cette raison que le Chavezisme est indissociable de l'idéologie nationaliste bolivarienne: Pour la bourgeoisie productive locale relativement faible, la lutte politique contre l'élite rentière est impossible à mener sans le soutien des classes populaires. Et le soutien des classes populaires ne s'obtient, au niveau superstructurel, qu'en développant une idéologie liant les intérêts de la bourgeoisie productive avec les intérêts prolétariens. Cette idéologie est évidemment le nationalisme.

Notre rôle en tant que communiste, donc en tant que révolutionnaire reconnaissant dans l'opposition bourgeoisie/prolétariat le clivage fondamental de la société, est d'aider le camp prolétarien à développer une politique indépendante de celle de toute bourgeoisie, fût-elle productive et fût-elle opposée à l'impérialisme. C'est la raison pour laquelle les critiques du Chavezisme comme moyen de constituer un capital national sont fondamentales.

Dire qu'il est essentiel d'accompagner les masses populaires dans leurs luttes est tout à fait exact: c'est la condition de toute praxis. Toutefois, cet accompagnement ne peut se résumer à un suivisme plus ou moins trostkiste. Encore faut-il poser les bases d'une politique prolétarienne réellement autonome. Par ailleurs, pour mener à une praxis révolutionnaire de la part des masses populaires, le mouvement révolutionnaire doit nécessairement poser pratiquement les conditions de réalisation du communisme.

Or ces conditions ne se réalisent pas, comme Marx lui-même nous l'enseigne dans Guerre civile en France, sans une abolition pure et simple de la machine de l'État bourgeois. Il semble que le Chavezisme soit plutôt en train de centraliser aux mains de l'État et de la bureaucratie le pouvoir économique et social.

La mise en place d'organismes d'État visant à l'instauration d'une espèce de démocratie participative n'annonce en fait que la lutte des classes à venir entre la bourgeoisie étatisée sous forme de bureaucratie - qui aura au terme du processus de décolonisation le contrôle effectif de l'économie - et le prolétariat vénézuélien toujours aussi dépossédé du contrôle et des fruits de son travail. Une fois la décolonisation plus ou moins terminée, la lutte se transposera peut-être dans ces organisme, et la bourgeoisie nouvellement née aura une aussi bonne position dans ces organismes que celle de la bourgeoisie des pays avancés à l'intérieur du parlementarisme.


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Subject: 
Réflexion intelligente
Author: 
Richard
Date: 
Thu, 2007-06-21 13:26

La réflexion de Durruti m'apparaît de beaucoup supérieure à celle du petit minet plein de suie et celle de la publication vénézuellienne. Ceci dit, quelques nuances. Le clivage n'est pas tant entre une bourgeoisie rentière pro-impérialiste et une bourgeoisie productive anti-impérialisme US. Il y avait des secteurs bourgeois liés à la production du pétrole qui étaient pro-impérialistes. Habituellement, le clivage se fait entre une bourgeoisie compradore dont son marché est principalement extérieur (les pays impérialistes) et une bourgeoisie nationale dont le marché est surtout interne. La bourgeoisie contribue tout de même à une socialisation des forces productives, un préalable à la construction d'une société socialiste. L'autre question est celle de l'accompagnement des masses populaires pro-chavez. C'est vrai que les trots font du suivisme. Dans le fond, les trots sont pour une modernisation à l' «occidental» des pays du tiers-monde et, quand ça leur convient, peuvent appeler cela du socialisme. Mais, il est aussi possible d'accompagner pour viser à dépasser le mouvement. Là on ne parle plus de suivisme.

D'emblée, la position amenée par Durruti peut paraître convenable. C'est important de demeurer lucide et voir les limites d'un mouvement. En même temps, Chavez n'a pas encore commis trop de gestes hostiles à un dépassement subséquent du mouvement actuel. Il est possible que Chavez choke. A posteriori, on pourra dire que ça s'annonçait. Par contre, il faut rester prudent avec des dénonciations et des démarcations à l'emporte pièce d'autant plus qu'on n'a pas suffisamment de preuves pour dire que Chavez est un filou réactionnaire hypocrite.

Par ailleurs, je crois vraiment qu'il y a une petite-bourgeoisie anarchiste de Caracas qui est habituée de chiâler pour chiâler et se refuse de construire quelque chose de vraiment révolutionnaire. Le texte de Libertario me donne cette idée. Je me trompe peut-être. Il se peut que ces anars aient une pratique révolutionnaire. Si c,est vrai, il me semble qu'il devrait faire un portrait un peu plus nuancé du mouvement chaviste et expliquer pourquoi, preuve à l'appui, il va choker et montrer comment organiser quelque chose d'autre maintenement alors que c'est possible. Le texte soumis ne dit rien de ça.


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Subject: 
analyse libertaire du «chavisme»
Author: 
rudo
Date: 
Thu, 2007-06-21 18:58

Voici un long texte intéressant qui donne une analyse libertaire et révolutionnaire de la situation au Vénézuela. Très loin des platitudes socio-maoisantes de la réponse de R.

L'évolution de la situation politique et sociale au Venezuela suscite de nombreuses discussions, y compris au sein du milieu libertaire, où les positions vont du soutien plus ou moins critique au régime Chavez à un rejet net de ses principes et son fonctionnement. Le récent film de Ressler et Azzellini, Cinq usines. Contrôle ouvrier au Venezuela, réalisé en 2006, met l'accent sur un aspect mal connu de la situation vénézuélienne actuelle, les changements introduits par le nouveau pouvoir sur le terrain de la production. À l'aide d'interviews et témoignages de « gestionnaires » et de travailleurs, le film montre les conditions de travail dans cinq entreprises où fut installée une forme de gestion que certains - dont les auteurs - ont appelé « contrôle ouvrier ».

Le passage à Paris de deux camarades vénézuéliens, fut l'occasion d'engager un débat public (à la Passerelle à Paris, fin septembre 2006) sur un document qui permet de sortir de l'affrontement strictement idéologique et d'aborder la situation actuelle à partir des conditions concrètes de la reproduction de la vie sociale.
A., métallurgiste licencié vivant aujourd'hui de « l'économie informelle » et C., instituteur dans une petite ville de province sont d'anciens militants des mouvements de « libération nationale », dont ils ont fait la critique. A contrario de la plupart des membres de ces groupes, qui ont rejoint le « projet chaviste » pour constituer aujourd'hui ses cadres locaux et nationaux, A. et C. font partie des quelques uns qui optèrent pour un engagement à la base dans les luttes. Ils revendiquent des positions socialistes antiautoritaires et mettent l'activité autonome des travailleurs au centre de leurs préoccupations.
Le texte d'invitation au débat situait les récents développements au Venezuela dans une perspective historique et dans un cadre plus large.
Les « 30 années glorieuses » ne le furent pas seulement pour les capitalistes dans les « pays développés » mais également en Amérique latine. À la suite de politiques keynésiennes d'intervention de l'État, on assista à une forte industrialisation et une importante modernisation économique et sociale. Si l'exode rural dépassait la demande de force de travail dans le milieu urbain, la perspective de l'ascension sociale n'était pourtant pas une simple illusion, et les couches moyennes se développèrent de façon rapide. Les « mouvements de libération nationale » anti-impérialistes représentaient, en quelque sorte, les courants qui voulaient profiter de cette évolution - et éventuellement l'accélérer -, sans pour autant avoir à se soumettre aux conditions d'un marché mondial dominé par les États-Unis. L'épuisement du modèle keynésien, qui se manifesta mondialement mais étalé dans le temps, s'exprima dans les années 1980 en Amérique latine par la crise de la dette extérieure. Les politiques néolibérales qui s'ensuivirent marquèrent le blocage social pour les habitants des bidonvilles, et une dégradation de la situation matérielle des salariés et de la classe moyenne. L'effondrement du bloc soviétique et la conséquente unification du marché capitaliste à l'échelle de la planète, accentuèrent encore cette tendance. Les mesures populistes disparurent et la misère s'est massivement étendue chez les classes exploitées. Dans un premier temps, les forces politiques qui s'étaient appuyées sur la stratégie soviétique contre la domination nordaméricaine, se trouvèrent affaiblies, s'effondrèrent les unes après les autres. Les terribles conséquences sociales des « expériences » de capitalisme libéral ouvrirent une nouvelle phase de soulèvements et d'explosions sociales, dont la révolte du Chiapas et celle des prolétaires argentins furent deux moments marquants. Conséquence de cette évolution, la montée en puissance d'une nouvelle génération de forces politiques, mélangeant populisme et revendiquant un retour à l'intervention de l'État dans le champ social.
Dans un court exposé, C. revint sur cette analyse pour en venir plus concrètement au sens du projet « chaviste ».
« Au Venezuela, les dernières décennies du xxe siècle se sont caractérisées par une perte progressive de confiance de la population dans les institutions. Le système parlementaire ne répondait plus aux demandes et aux aspirations de la société. La richesse se concentrait de plus en plus dans les mains d'un cercle restreint d'exploiteurs, lequel monopolisait également le pouvoir politique, du gouvernement au parlement. La rente pétrolière rognée par une baisse des prix du pétrole était d'autant plus l'objet d'un pillage en règle de la part de la bourgeoisie. Ainsi, l'augmentation de la corruption est devenue l'un des traits dominants des deux derniers gouvernements de la IVe république vénézuélienne.
En février 1989, une révolte populaire qui va durer plusieurs jours - a mis en évidence l'ampleur du mécontentement. La révolte fut réprimée dans le sang et on dénombra des centaines de victimes. Mais, si cet événement a obligé la bourgeoisie à céder aux demandes salariales et autres revendications, elle l'a aussi poussée à réfléchir sur une nécessaire modification du cadre démocratique. Quelques années plus tard, en 1996, le patronat et le gouvernement, avec le soutien actif des syndicats et du parti socialiste, vont porter un nouveau coup aux travailleurs, modifiant le Code du travail en ce qui concerne le calcul du montant des prestations sociales, lequel était perçu par les travailleurs vénézuéliens comme un important acquis social. Le rôle joué alors par le ministre socialiste Petkoff restera dans les mémoires.
Pendant ce temps, une conspiration grandissait au sein des forces armées, soudée par des thèmes nationalistes et bolivariens. Cette agitation avait pour thèmes la corruption et la répression, et nullement l'exploitation des travailleurs.
En 1992, deux tentatives (février et novembre) de coup d'État militaire contre le gouvernement font connaître H. Chavez. Et très rapidement, ce personnage va émerger comme celui capable d'apporter une réponse aux inquiétudes de différentes couches de la société: comment sauver le régime démocratique? Comment canaliser le grand mécontentement populaire envers les institutions?
Une fois au gouvernement, Chavez ne cachera pas ses intentions: "Je suis là afin d'éviter le pire!" Et les premières mesures de son gouvernement ont pour but de réorganiser les institutions démocratiques capitalistes. La Constituante de 1999 et, cerise sur le gâteau, la « Constitution bolivarienne », vont devenir les « nouvelles » références institutionnelles qui redonnent espoir à une partie de la bourgeoisie; permettant le contrôle des manifestations, rages, méfiances de la population. Mais pour que cela puisse devenir une réalité, il fallait encore mener une politique plus audacieuse, fondée sur la démagogie et le populisme, sur un langage radical et une irrévérence personnelle. Le sauveur devrait apparaître comme « Sauveur » aux yeux du peuple. Chavez était l'homme de la situation: d'origine populaire, métisse et militaire à la fois. Car il ne faut pas oublier combien le poids du « caudillisme » est fort dans l'histoire du Venezuela.
La mise en place d'un programme destiné à distribuer une petite fraction de la rente pétrolière exigeait deux conditions: les programmes devaient engendrer le sentiment qu'un changement social était en marche, l'État, désormais appelé « bolivarien », devait clairement apparaître comme le preneur de décisions. Et c'est ainsi qu'on a mis sur pied des programmes sociaux - les fameuses « missions » - dans le champ de l'éducation, de la santé, de l'emploi, de l'habitation et de la distribution d'aliments. Dans tous ces programmes, les décisions sont prises du haut vers le bas, le point de vue des individus concernés ne vaut rien, sauf s'il va dans le sens des décisions déjà prises. Ainsi, la « nouvelle » démocratie ressemble comme une goutte d'eau à l'ancienne démocratie représentative. Dans la fameuse « révolution bolivarienne », le chômage, les bas salaires et l'insécurité règlent la vie des individus. Le quotidien des travailleurs vénézuéliens se reproduit dans un cadre bien concret: un salaire mensuel de 170 euros dans le meilleur des cas, 50 % de la population occupée dans des « emplois informels » (ce qui veut dire précarité de l'emploi), sous la constante menace des gangs et de la police. En même temps, l'accroissement de la corruption se poursuit, les nouvelles couches de la bureaucratie socialiste « chaviste » s'enrichissent et changent de vie au vu et au su de la population. »
Pour ces camarades vénézuéliens, le film d'Azzellini et Ressler semble avoir été conçu, avant tout; à l'intention du public européen connaissant mal la situation. Il est peu ou pas du tout connu au Venezuela et eux-mêmes l'ont découvert en Europe. A. remarque qu'un de ses amis, travaillant dans une des usines décrites dans le film, ignorait même son existence. Détail cocasse et significatif, l'un des principaux personnages du film, nouveau patron d'une usine métallurgique en « cogestion », est un ancien dirigeant gauchiste, qui fut un de leurs compagnons de captivité dans le passé.
Pour C., « ce film fait la promotion d'un prétendu mouvement social qui a pour but la construction d'un nouveau type de socialisme. Mais, en réalité, ce que le film montre nie cette proposition. Curieusement, on établit un système de "cogestion" et "d'autogestion" en dehors de tout mouvement de lutte des travailleurs. Les intervenants semblent réciter un discours, et les décisions montrées ont pour but premier de discipliner la production, de l'améliorer. Où est donc le changement radical des conditions de travail? Il est évident que c'est l'État qui organise et soutient la survie des "expériences" dans des entreprises en faillite achetées par le gouvernement. »
On peut analyser le développement de ce qui se passe en Amérique du Sud de deux façons distinctes. La grille avant-gardiste classique, profondément ancrée dans la pensée politique, persiste à voir ces nouvelles forces populistes comme l'émergence d'une tendance politique anti-impérialiste au sens ancien (anticapitaliste nord-américain), capable de guider les masses croissantes de déshérités vers un avenir plus juste. À l'opposé, comme le font C. et A., on peut voir dans la montée des populismes, non pas l'expression directe des révoltes populaires, mais une réponse politique cherchant à canaliser ces révoltes vers le terrain de l'État. Ce qui voudrait dire que ces forces politiques nouvelles, de Chavez à Lula, de Morales à Correa, seraient moins l'expression directe d'un mouvement populaire, leur porte-parole, mais plutôt la dernière émanation en date de l'ancien système politique et de ses institutions. Une réponse aux révoltes engendrées par la paupérisation croissante des sociétés d'Amérique latine.
Au cours du débat qui eut lieu à Paris, la première position ne s'est pas exprimée, bien qu'une personne soit partie indignée que l'on puisse considérer le projet chaviste comme une forme de gouvernement capitaliste. Si la majorité des présents s'est accordée à reconnaître au régime une dimension populiste et démagogique, certains ont souligné néanmoins que la nouvelle situation entraîne une amélioration des conditions de vie des exploités et laissés-pour-compte. Amélioration qu'il faut soutenir. À l'encontre de cette vision, d'autres, dont les camarades vénézuéliens présents, ont défendu que c'est le contenu politique de ces mesures qui compte, qui détermine, dans le long terme, les chances d'une transformation sociale émancipatrice. Deux schémas de pensée différents. L'un centré sur une vision immédiate et tactique de la situation, l'autre, qui, sans nier cette amélioration, met l'accent sur les conséquences politiques de la méthode autoritaire et étatique à l' oeuvre. Comme l'a souligné une participante au débat, ces améliorations matérielles immédiates, dans la mesure où elles sont menées par une action de l'État, ne sont nullement garanties dans l'avenir, restent fragiles et totalement dépendantes de la stabilité du régime.
Les camarades vénézuéliens ont insisté sur le fait que l'agitation sociale reste très vive, les actions directes d'occupation de terres et de logements, les grèves, se succédant sans interruption ; que ces actions sont menées par des travailleurs qui se réclament pour la plupart du « chavisme » . Mais que, inévitablement, le régime intervient pour récupérer les mouvements et les ramener dans l'orbite de l'État. C. donne l'exemple d'une mobilisation menée dans son école contre le vandalisme des gangs. Les tentatives faites pour resserrer les liens sociaux et rétablir le contact avec les jeunes marginalisés n'ont pu se concrétiser et furent remplacées par des mesures sécuritaires imposées par les autorités chavistes. De son côté, A. explique comment l'incitation à la création de coopératives permet aux autorités de contrôler financièrement les activités informelles et induit les gens à se transformer en exploiteurs de la main-d'oeuvre d'autrui, souvent des membres de leur propre famille.
Dans les mots mêmes des camarades vénézuéliens, le résultat concret du « chavisme » est la revalorisation des institutions de l'État, celles mêmes que le régime démocratique corrompu précédent avait vidé de crédibilité.
L'étouffement ou le renforcement de l'action indépendante des exploités et des laissés-pour-compte reste le facteur déterminant dans la suite des événements.

Charles Reeve
Paris, novembre 2006


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