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A...Anti...Anticapitalista!Anonyme, Sunday, June 17, 2007 - 13:32
Deux companer@s de la Brigade Kâliße!
Plus de 200 rangées de bras qui se lient les uns aux autres, 200 rangées serrées de 8 à 12 personnes chacunes et une camarade berlinoise nous glissant à l’oreille qu’il s’agit d’empêcher les flics de venir en cueillir dans la foule. Il n’en fallait pas plus pour tirer du sommeil mes pensées laissées en banc sur le «le black bloc». Le Black bloc est bien vivant, bien présent en Europe. Pour avoir trouver les moyens de se retrouver et de se lier, la colère anticapitaliste fut la source de nombreux troubles à travers le ‘Vieux Continent’ ces deux dernières années. De nombreuses émeutes. La semaine dernière à Riddelich, pendant que le cénacle du G8 préparait sa reunion un peu plus loin, l’émotion était sur toutes les lèvres. L’émeute, un des sujets de l’heure. Des gens sont arrivés de partout pour vivre ensemble à Riddelich, qui de chaque pays, de leurs collectifs, de leurs fédérations, de leurs groupes partageaient les expériences, ramenaient leurs points de vue sur la question. Des “totos" français racontaient avec fierté leur participation au mouvement de résistance spontané contre Sarkozy où plus d’une centaine de voitures ont brûlé, ou bien encore revenaient sur les émeutes de banlieues et le mouvement anti-CPE; Une bande de Grecs parlaient des combats féroces et de divers blocages organisés pour porter des coups à l’État. Une horde de combattants danois directement de Copenhague nous rappellaient que les combats de rues se poursuivent toujours depuis l’expulsion d’Ungdomshuset il y a deux mois. Que dire ensuite de toute l’effervescence qu’a produit, sur place, l’émeute du 2 juin à Rostock qui a donné aux Allemands une belle experience de plus1,, sans parler du fameux Plan B(erlin) du vendredi 8 juin qui a failli, mais failli embraser le coeur de cette grosse métropole vermoulue. Au milieu de tout ça, tout le bataillon de nord-américain que nous étions avions bien du mal à trouver quelle experience nous aurions pu évoquer qui soit adéquate à la situation. A défaut d'avoir été l’occasion d’un sursaut insurrectionnel, le rassemblement de tous ces anars contre le G8 a certainement été, depuis le début des préparatifs, le prétexte d’une retour collectif sans précédent sur les expériences des dernières années. Tentatives d’esquisser collectivement des conclusions et d’en prendre acte, immédiatement. Les premières manifs – et les premiers ‘débordements’- ont été le lieu d’une constatation pratique des façons de faire propres aux flics allemands, mais surtout de celles des différentes bandes – françaises, italiennes, allemandes, anglaises, etc. Le débat ne se ferait plus sur des représentations abstraites de tel ou tel groupe, mais –à partir d’une mise en situation bien réelle. Pour certains, ce fut le mythe des autonomes allemands qui s’évaporait, exit les enragés casqués des années 80, tandis que pour d’autres, ce fut la cohésion impressionnante du bloc “à l’allemande" et son imposante configuration défensive qui manquait aux autres équipées sauvages prêtes à tout casser à la moindre brèche. En tous cas, nombreux étaient les camarades allemands qui n'avaient pas vu chez eux un tel contingent masqué depuis une bonne dizaine d’années. Pour sûr, il y a un changement de donne sur le front international qui oppose black blocs aux flics de toutes sortes et à leurs rapporteurs. Qu’est-ce qui a pu jouer autant? Si la répression (post-911) a pu causer de part et d’autre un reflux de l’offensive durant les dernières années, comment saisir ce resurgissement soudain de détermination, en Europe du moins, alors que les dispositifs de contrôle sont d’une acuité sans precedents? Il nous a semblé de mise de se demander pourquoi l’Amérique du nord échappe encore à ce regain d’enthousiasme émeutier. La dernière fois où nous avons du participé à un black bloc au Canada remonte à loin, si on pense à l’appel qui avait été lancé en vue d’une manif à Ottawa pendant les journées ‘take the Capital’ en 2002, ou peut-être encore, plus implicitement, celui de la marche sur Westmount organisé par CLAC-logement en 2004. Bien sûr qu’il y a eu quelque moments d’"émotion", si l’on peut dire, ces 6 dernières années – cette année encore une gang de punks a fait sauter une couple de fenêtres après la marche annuelle de la journée internationale contre la brutalité policière, le 15 mars (organisée par COBP). Malgré tout on ne peut dire qu’il y ait eu ne serait-ce qu’une entente implicite, dans la tête des anarchistes, qui aurait suggéré que nous nous retrouvions pour laisser aller notre rage et y aller d’une tactique visant à “frapper le capital au coeur et lui faire vraiment peur" comme l’évoquait avec toute sa passion un de ces italiens qui parlait au milieu d’une centaine de personnes, il y a quelque jours, pendant l’une des assemblées de groupes d’affinités autonomes. Ces temps-là nous semble révolus, mais nous ne sommes plus certains de savoir pourquoi. Je suppose que parmi les raisons de cet état de chose, il doit y avoir un blocage du fait que le discours ait été depuis un moment tranché, et qu’on n’en discute même plus parce qu’on croit sincèrement que rien n’est possible. Même de la grève étudiante de 2005, des nuits de barricades au CEGEP du Vieux-Montréal ou des divers blocages et occupations, on ne saurait se rappeler d’une prémeditation de l’émeute. Mettre le feu aux voitures et tabasser des flics au Canada? Il y a bien eu Queens Park et le sommet de Québec (dont nous avions jamais songé à y complotter un Plan Q) mais la mémoire de ces événements semble déjà fuyante, comme si l’on ne saurait quoi en faire. Comment montrer, collectivement ou individuellement que le capitalisme et tout le système qui le supporte nous bouffe la tête et tue des millions de gens dans le monde entier? Le mythe national des gentils canadiens, au bon sens moral et surtout paisibles, pacifiques, laisse bien peu de place à une quelconque possibilité d'articuler la rage et la colère. Après Gênes également, la perspective émeutière paraissait avoir du plomb dans l’aile. Mais voilà qu’après quelques années, dans une situation encore plus fliquée que jamais, le mouvement semble retrouver ses moyens. La difference de disposition face à la situation actuelle, entre l’Europe et l’Amérique du Nord, doit certainement beaucoup à la réponse qui fut donnée à la repression en terme de formes d’organisation. Il y a un rapport direct à établir entre les modes d’organisations, les types de liens que nous habitons et notre disposition à l’émeute. La situation émeutière révèle certains types de liens qui sont au coeur de son mode opératoire. Ce mode d’organisation spontané par petites bandes affinitaires -dont les black blocs ne sont qu’une des manifestations possibles- nous le retrouvons au coeur de chaque soulèvement des dernières années, que ce soit en Algérie ou dans les banlieues françaises. Bien que les formes affinitaires (comme la bande d'amis) n’aient jamais cessé d’être le lieu d’une certaine dimension du quotidien de la plupart des anars nord-américains, elles semblent avoir été vidées de leur contenu en terme de forme d’organisation à partir d’où élaborer une stratégie révolutionnaire. Ainsi qu'íl en va dans la société libérale, la coquille vide de la forme affinitaire subsiste pour n’être plus qu’une forme propre à la vie collective, au divertissement, au support affectif pour les plus chanceux. S’il est possible que ces formes aient été dépeuplées suite aux contrecoups de la repression, favorisant un repli vers certaines formes moins disposées à la confrontation directe, les modes d’organisation plus formalistes et plus ‘ouverts’ qui se sont construits depuis lors – structure militantes etc.- ne peuvent se permettre d’être “grillés". L'idéalisation parallèlement de la forme Assemblée crée un dispositif rendant peu propice l'élaboration de tactiques émeutieres. Ce repli sur le ‘militantisme’ ne semble pas avoir eu la même ampleur à l’est de l’Atlantique. Peut-être est-ce dû à une plus grande tradition des mouvances autonomes, de la critique du démocratisme radical et des formes autogestionnaires (ultra gauche, situationnisme, etc.). Le regain de vigueur des black blocs lors du dernier G8 est plutôt la résultante d’une tentative de redonner de la consistance au type de liens qui lui est propre, de le repeupler. Il s’agit bien sûr d’un point de vue sur l’émeute, sur la guerre en cours et la façon de la mener. Cette position considère qu’il faut dès maintenant s’organiser pour porter une offensive dans la rue qui ne soit plus symbolique, qui ne soit plus de l’ordre de la “démonstration" spectaculaire. Comme il en va avec l’amour, l’émeute peut parfois nous prendre sans qu’on s’y soit preparé, parcontre, il y a une disposition à l’amour comme à l’émeute qui nous rends plus ou moins aptes à saisir les ouvertures, les situations. S’il serait abusif de prétendre qu’on peut préparer une émeute, on peut au moins s'y preparer: faire de la moindre occasion un prétexte pour l’explosion. Tandis que les pic-nics de l’élite mondiale servent encore de prétexte à la rencontre et à l’affrontement, il semble bien qu’il n’y ait plus d’équivoque possible; il ne s’agit pas d’activisme altermondialiste. Il ne s'agit plus d'espérer un autre monde possible, mais bien d'élaborer un monde antagoniste qui n´attends rien de l'"establishment". Plus de revendications ni d'indignation bêtement gauchiste, mais une véritable affirmation. Au Québec aussi, nous sentons cette ambigüité propre au mouvement anarchiste de la dernière décénie s’estomper. La dissolution de la CLAC en est un indicateur. Nous touchons à la fin d’un cycle, et il nous faut trouver de nouvelles formes, établir de nouveaux liens. Nous ne pouvons plus éviter la question de l’offensive. Récemment,il y a eu des blocages à Six Nations, à Tandenagah et à Grassy Narrows, portant des exigences dont quiquonque aurait la moindre analyse du colonialisme sur la grande Île de la Tortue trouverait légitime. Nous avons vu évidemment les médias en faire un portrait aussi raciste qu'insensé, se foutant de l'histoire de façon grotesque, sans parler de la gauche officielle qui continue de faire l'ignorante et qui ne veut surtout rien entendre de cette critique en acte du capitalisme. Les efforts se sont multipliés du côté des anticapitalistes et des anarchistes pour tisser des liens avec ces communautés en lutte, mais nous n'avons pas vu une seule action de solidarité où il aurait été question de se donner concrètement les moyens de faire trembler l'establishment. Le Plan B(erlin) fut la décision de déserter le terrain neutralisant des champs et boisés qui entourent Heiligendamm et porter l'assaut dans la métropole. Durant tout la durée du G8, ce furent 9 helicos qui nous épiaient en permanence du ciel, un avion de chasse pour la frime et des centaines de camions de polices, bulldozers blindés et canons à eau, des chiens, des chevaux et des milliers de cochons après nous dont des tonnes en civil. Sans mentionner la belle paire de clôtures, dont une véritables palissade à côté de laquelle le mur de Québec pour le sommet des Amériques aurait passé pour une clôture de jardin. Au final, il n'y a pas eu d'émeute sur Hackescher Markt, au rendez-vous des “casseurs". Mais les touristes pleins de cash, les marchands et les yuppies de la place n'étaient pas gros dans leur culottes ce soir-là dans ce nouveau quartier chic du jadis Berlin Est. C'était là-même où après la chute du mur les gens sortaient les sofas sur les trottoirs le longs de rues pleines de squats où il y avait moyen de fêter toute la nuit. Grâce à la gentrification continue, ça devient de plus en plus dur de s'imaginer tout ce qui pouvait se passer il y a quelques années à cet endroit, entre l'actuelle terrasse Häagen Däaz, les Mercedes en vitrines et les magasins de linge qui coûte cher. Plutôt qu'une émeute, nous avons eu droit encore une fois au bourdonnement d'hélicoptère et aux centaines de flics qui vont avec. On pourrait dire que ç'aurait été suicidaire de commencer une émeute à ce moment-là où nous etions à peine plus d'un pour chaque flic.Et ils étaient du bon bord du gun. Tout de même, de 21h à 3h du matin, ce coin de ville-là ne pouvait plus poursuivre sont rythme habituel fait d'ambiance douce et de grosse dépense pareil à ce qu'on trouve dans toutes les métropoles du monde où le beau monde se fait pèter la panse sans se faire de mauvais sang. Non, pas cette fois-là, ça puait la résistance, ça sentait la machine qui a de la misère à tourner parce que les gens n'ont plus envie de fermer leur gueule. Peut-être bien que le plan B n'a pas été à la hauteur de la grande fête annoncée, où dans les rêves des uns les habitants et les travailleurs du quartier seraient descendus dans la rue pour tout pèter avec nous, mais hier soir, en interceptant deux secondes de télé où l'on voyait des compagnons italiens mettre le feu à leur ville pour y accueillir le gros Bush (Bravo!), un camarade polonais m'apprenait que 14 voitures avaient brulées vendredi passé et que finalement c'était mieux que rien. Il devrait y avoir à nouveau une grève étudiante au Québec, bientôt. Il y aura le G8 encore par chez nous en 2010, la même année que la Colombie-Britannique reçoit les jeux olympiques. Les anarchistes et autres radicaux parleront-il encore une fois de faire des émeutes? Serons-nous tous de noir vêtus, liés coudes-à-coudes pour empêcher les flics de nous en prendre un seul? Il est encore temps d'y réflechir, mais la situation n'attends jamais. De nouvelles pistes se dessinent dans les pratiques et dans les textes qui laissent entrevoir des fractures a venir. En France, ce qui se produit depuis quelques temps couvait depuis un moment, se sentait à travers des ecrits autant que des gestes de moindre envergure. Aujourd'hui,sans avoir fait le recensement de toutes les nouvelles publications, il n’est pas anodin de voir un intérêt subit pour des personnages comme Blanqui, agitateur du XIXe siècle et apologue de l’émeute qui semblait depuis longtemps oublié, réédité récemment avec une nouvelle préface qui parvient à lui redonner son actualité. Cela sans mentionner le succès en librairie d’un texte évocateur au titre aussi suggestif que ‘l’insurrection qui vient’. Au Québec, la dernière version augmentée du bouquin sur “Les Black Blocs" de F. Dupuis-Déri vient d'être publiée chez Lux éditeurs et A.K. Thompson nous réserve pour bientôt “Black Bloc, White riot", un livre qui parle de tactiques et des Black Blocs au Canada, ce qui je le souhaite favorisera les débats et les discussions sur les questions tactiques et stratégiques. Nous disons souvent que nous vivons au coeur de la bête. Nous devons encore nous demander ce qui nous manque pour que ca pète, pour mener notre rage jusqu'au combat. Si ce n'est pas de descendre dans la rue pour faire l'émeute alors ce sera quoi? Si l'heure est definitivement révolue pour les black blocs au Canada, alors qu'y aura-t-il pour les remplacer? Allons-nous laisser nos soeurs et nos frères d'Europe et d'ailleurs inquiéter les grands de ce monde sans nous? Sincèrement, Lectures suggérées: “L’insurrection qui vient", par Le Comité Invisible, “Les Black Blocs: La liberté et l'égalité se manifestent" par Francis Dupuis-Déri “Black Bloc, White riot: Anti Globalization and the genealogy of dissent", by AK Thompson, publication imminente, Toronto, September 2007
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