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Les redevances hydrauliques et la contribution citoyenneAnonyme, Thursday, May 17, 2007 - 13:06 (Analyses | Eau / Water)
Eric Lachance Ligue des Droits et Libertés section Estrie
17/05/2007 Le 23 mars 2006, le ministre des finances du Québec, M. Michel Audet, prononçait à l’Assemblée nationale le budget 2006-2007 du gouvernement du Québec. La lecture du budget nous apprenait qu’un système de redevance sur l’eau serait établi sous peu au Québec et que les sommes amassées via ce processus seraient versées au Fonds des générations. Rappelons que l’objectif unique du Fonds des générations est de contribuer à réduire la dette du Québec, dette qui s’élève actuellement à 118 milliards de dollars. Selon les perspectives du ministre Audet, le Fonds des générations devrait contribuer à diminuer l’endettement du Québec de 30 milliards d’ici 2025. Il est important de mentionner qu’à l’heure actuelle, seul Hydro-Québec Production et les entreprises privées seront appelées à verser des redevances hydrauliques au Fonds des générations. Source : Le Devoir 24/03/2006 M. Claude Béchard, ministre du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs, énonçait, en Commission des transports et de l’environnement le 1er mai 2006 : « En ce qui a trait à toute la question du Fonds des générations, il faut faire attention, la partie dont, nous, on parle, c'est-à-dire les redevances sur l'eau, ce sont les redevances qui sont, comme je vous le mentionnais tantôt, selon différents secteurs, selon les utilisateurs qu'on a, que ce soit agricole, résidentiel, commercial, industriel, brassicole, etc., ce que je vous mentionnais tantôt ». Nous comprenons ici que c’est l’ensemble des contribuables québécois qui seront éventuellement appelés à contribuer au Fonds des générations, via le paiement de redevances hydrauliques sur les biens de consommations qu’ils se procureront. L’idée de facturer la consommation d’eau des familles au moyen de compteurs d’eau résidentiels ayant été écartée pour l’instant, les consommateurs résidentiels ne devraient pas, du moins à court terme, faire l’objet de redevances hydrauliques. Pouvons-nous croire pour autant que les familles québécoises ne paieront pas de redevances sur l’eau de façon indirecte ? La hausse des coûts de production des biens de consommation est une conséquence logique de l’imposition de redevances hydrauliques aux utilisateurs commerciaux. Cette logique peut s’appliquer à tous les biens de consommation dont le prix n’est pas réglementé, et advenant le cas où il n’y a pas de réglementation du prix de ventes des produits, les consommateurs pourraient noter une hausse beaucoup plus rapide des prix. Pour ce qui est des domaines de production dont le prix de vente est réglementé, le temps d’analyse de la demande pourrait possiblement laisser un répit temporaire au consommateur. L’industrie agroalimentaire est la plus grande consommatrice d’eau au Canada avec 3 089 000 m3 d’eau par année (3 089 000 000 litres d’eau par année). Cette industrie n’est pas la plus grande utilisatrice d’eau, mais elle est de loin la plus grande consommatrice d’eau du pays. L’eau utilisée pour produire les produits agricoles et industriels est l’eau virtuelle des produits. Entre 1995 et 1999, le Canada arrivait au 2ième rang des pays exportateurs d’eau avec 272,5 billions de m3 d’eau, derrière les Etats-Unis au premier rang avec 758,3 billions de m3 d’exportation d’eau et devant le Brésil au 10ième rang avec un volume d’exportation d’eau de 45 billions de m3 d’eau. Source : www.wateryear2003.org / UNESCO. Ces statistiques nous permettent de comprendre que même si le Canada n’autorise pas l’exportation massive d’eau par dérivation ou par la voie de contenant, nous exportons notre eau sous forme virtuelle. Rappelons que le concept d’eau virtuelle est apparu pour la première fois au début des années 1990 et a été défini par M. J.A Allan, professeur à l’École des études orientales et africaines de l’Université de Londres. Ce concept nous permet de calculer l’utilisation réelle des eaux d’un pays, ou son « empreinte sur l’eau ». Elle est égale au total de la consommation domestique du pays, complétée par ses importations d’eau virtuelle et diminuée de ses exportations d’eau virtuelle. L’empreinte sur l’eau d’un pays est un indicateur utile de la demande qu’il exerce sur les ressources en eau de la planète. La quantité d’eau contenue dans les produits agroalimentaires du Québec constitue un volume d’eau virtuelle important, principalement dans certaines catégories de production comme la production laitière et la production de bétail. La production d’un bovin de boucherie nécessite 4000 m3 d’eau, et une vache laitière consomme en moyenne 160 litres d’eau par jour. Le secteur agricole québécois est particulièrement présent dans la production du bétail, laquelle génère près de 73% des 5,5 G$ de recettes agricoles de marché en 2005. Or, dans les secteurs liés étroitement à la production animale, les dépenses en matières premières et fournitures (essentiellement composées de biens alimentaires) représentent une part très importante des dépenses. Au Québec, cela se traduit par une très forte proportion des ventes qui doivent servir uniquement à payer les dépenses reliées aux matières premières. Ainsi, dans l’industrie de la fabrication de produit de la viande, 73% des ventes y sont consacrées, comparativement à 74% dans celle de la fabrication de produits laitiers et 78% dans celle de la fabrication d’aliments pour animaux. Nous comprenons ici que le volume d’eau présent dans ces productions agricoles est très important et pourrait devenir déterminant pour évaluer la valeur de cette production. Le paiement de redevances hydrauliques par les producteurs laisse présager plusieurs scénarios, lesquels se révèlent plutôt négatifs à la fois pour les producteurs agricoles et les consommateurs québécois. Illustré sous forme de chaîne allant de la fabrication d’aliments pour les animaux jusqu’à la production agroalimentaire pour se terminer par le consommateur, tout le monde pourrait être amené à contribuer. Il est présentement hasardeux de s’aventurer dans la détermination des hausses de prix que le consommateur pourrait assumer. Toutefois, sachant que le coût moyen d’un m3 d’eau au Québec est de 0,53$ et que la production d’un bovin de boucherie nécessite 4000 m3 d’eau, nous pourrions évaluer que cette production coûterait en eau à son producteur 2120,00$. La même équation pourrait se faire dans différents domaines de production alimentaire, comme la production laitière ou la production serricole. À titre d’exemple, le 25 novembre 2001, l’émission hebdomadaire agricole La semaine verte, présentait un reportage faisant état d’un producteur laitier de Louiseville, qui a vu sa facture d’eau annuelle multipliée par six à l’intérieur d’une période d’un an, suite à l’installation d’un compteur d’eau sur ses bâtiments. Sans compteur d’eau, sa facturation annuelle pour ce service s’établissait à 295,00$ par année. L’installation d’un compteur d’eau sur cette ferme a fait passer la facturation pour ce service à un montant évalué entre 1700,00$ et 1900,00$ par année, soit une majoration de 600% du coût de service. Le paiement de redevances hydrauliques pourrait amener les producteurs agricoles et les transformateurs à réduire leurs productions en fonction de leurs capacités de revente, sans quoi ils pourraient faire face à d’importantes pertes. Les produits agricoles qui ont été produits mais non vendus contiennent de l’eau virtuelle sur laquelle des redevances hydrauliques ont été payées. Le coût payé pour cette eau ne pouvant être récupéré par la vente des produits se trouve donc perdu. L’attribution de subventions aux producteurs agricoles pour compenser la perte des sommes déboursées pour les redevances hydrauliques devrait être très importante. L’hypothèse de la réduction de la production alimentaire québécoise pourrait, à notre avis, causer des dommages collatéraux au fonctionnement des banques alimentaires vu la réduction probable des stocks. Cela, toujours dans l’optique d’une diminution de la production à la ferme et dans les entreprises de transformations alimentaires. Notons que les banques alimentaires québécoises s’approvisionnent principalement auprès des transformateurs et des détaillants en alimentation. Par la suite, les banques alimentaires redistribuent les denrées recueillies à plusieurs milliers de familles québécoises dans le besoin. Déjà, depuis quelques années, les entreprises de transformations alimentaires ont modifié leurs mode de production de façon à réduire les pertes relatives aux surplus. Ce changement dans le mode de production a eu une incidence importante sur le volume de nourriture disponible pour la redistribution dans les banques alimentaires. L’eau étant utilisée comme intrant « gratuit » de base dans la fabrication agroalimentaire, il est fondé de croire que c’est l’ensemble des produits offerts aux consommateurs qui pourraient voir leurs prix majorés, ce qui ne serait pas sans conséquences pour les familles à faibles revenus de l’Estrie. À l’heure où nous militons pour le respect des droits économiques et sociaux, la Ligue des Droits et Libertés section Estrie, ne peut que craindre l’impact des redevances hydrauliques sur les familles estriennes. Étant déjà fortement affectées par la pauvreté et les pertes d’emplois, les familles de l’Estrie encaisseraient très difficilement une augmentation du coût de la vie suite à une hausse des coûts de production de l’industrie agroalimentaire. Ces familles doivent recevoir l’assurance que leur pouvoir d’achat, déjà très restreint, ne sera pas réduit de nouveau par le paiement indirect de redevances hydrauliques. Le tout, en respect des normes internationales en matière de droit de la personne. Informations Eric Lachance
Eric Lachance Ligue des Droits et Libertés section Estrie
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