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Chantier naval des Méchins : La déferlante néolibérale sur les ouvriers et ouvrières

PCQ, Monday, April 2, 2007 - 10:21

Guy Roy

Au moment où une bonne partie de l'attention médiatique est dirigée vers l'ADQ, son discours de droite et sa récente percée dans bon nombre de régions du Québec, dans un petit village du Bas du fleuve, non loin de Québec, des travailleurs tiennent un autre discours. Ce sont les travailleurs du petit chantier naval des Méchins. Réagissant à ce qui se passe là-bas, Guy Roy en profite pour faire un commentaire plus global sur le rôle toujours crucial des travailleurs et des travailleuses dans notre société.

Voici le cas d’ouvriers et d’ouvrières d’un petit chantier naval sous perfusion parce que touché par la déferlante néolibérale. C’est l’histoire, pleine de leçons, d’ouvriers et ouvrières confrontés à l’application de politiques de droite, au nom de " l’équité " envers une propriétaire locale par rapport à un plus grand qu’elle, que l’État aminci a trouvé le moyen de soutenir. Cela se passe en Gaspésie, dans un petit village, les Méchins, d’une région périphérique de la Ville de Québec, capitale nationale du Québec au Canada.
Dès les années 70, une restructuration de l’industrie de la construction navale mondiale a touché plusieurs entreprises du Nord. Ce secteur d’une économie en crise a été secoué dans le contexte plus général du libre-échange et des institutions économiques mondiales encore embryonnaires sur ces enjeux. Reconnues comme solides et productives par les marchés, les entreprises du Tiers-monde sont entrées dans le paysage et n’en sont pas ressorties. C’était une situation favorable à une offensive généralisée des propriétaires. Le nivellement par le bas et le chantage à la fermeture ont été les nouvelles armes des patrons. Même l’État propriétaire, en France notamment, s’est adonné à la promotion d’une stratégie du moindre coût pour une main-d’œuvre hautement qualifiée dans ce secteur pointu. Au Canada, tout un pan de l’industrie a été laissé à la merci des marchés qui ont vite compris l’intérêt des bas salaires des pays émergents et délaissé leurs modernes installations dans nos pays.

Voici présentée la situation d’un chantier régional de réparation et d’entretien qui vivait jusqu’à maintenant en périphérie d’un autre chantier plus grand de construction maritime et de plate-forme de forage. Le chantier maritime Davie, le plus grand, a été menacé, lui, de fermeture pendant cinq longues années de disettes pour les ouvriers et ouvrières. Sauvé in extremis par un investisseur finlandais étranger, ce chantier a été laissé carrément à lui-même par l’État québécois ou canadien qui ont démissionné devant la tâche de sauvetage. Le syndicat et les créanciers ont été seuls à lutter contre sa disparition. Rien n’est encore vraiment stabilisé, mais il y a plus d’espoir qu’au début des cinq ans de stagnation.

Ce contexte expliqué, résumons les enjeux pour les ouvriers et ouvrières du petit chantier des Méchins, mis devant les politiques néolibérales de l’État québécois et de la propriétaire.

La déferlante néolibérale sur un petit village de résistants et résistantes
L’implication des travailleurs et travailleuses des Méchins dans une grève serait un acte de courage dans le contexte économique actuel des régions du Québec. Elle enverrait le message d’un refus de la part de la main-d’œuvre de s’appauvrir, ou d’une tentative de mieux répartir la richesse en Gaspésie.

La menace de fermeture, elle, semble venir d’une volonté d’endiguer un mouvement qui demande un retour plus équitable sur la vente de sa force de travail. Cet instrument de chantage, maintenant couramment invoqué dans les économies mal développées, est rarement accompagné d’une ouverture des livres, de transparence ou d’une volonté des propriétaires de négocier ouvertement sur la place publique. On reprend vite dans les médias les déclarations sur les dangers pour l’entreprise. Et les ouvriers et ouvrières en sont encore fortement ébranlés-es. Leur univers semble s’effondrer et la menace est grande qu’ils et elles perdent confiance dans leur volonté d’une riposte unitaire. Le recours à l’État, par les propriétaires, pour un sauvetage à coup d’investissements publics, contredit tous les appels des néolibéraux pour un régime minceur de cet État. Chez nos entrepreneurs-es, on n’en est pas à une contradiction près.

La décision des travailleurs et travailleuses du chantier d’améliorer ensemble leur sort est loin d’être aussi négatif qu’on le prétend de tous les côtés. Elle est plutôt le signe d’une saine démocratie où tous et toutes devraient être en mesure de mieux maîtriser leur destin et d’augmenter leur part de pouvoir sur leur propre vie. Il est déplorable qu’on fasse si peu de cas, non pas pour effrayer, mais pour éclairer le choix d’une stratégie collective, des craintes ou des difficultés qu’une grève pourrait entraîner pour les travailleurs, travailleuses et leurs familles dans le contexte de l’épidémie de fermetures d’usine. On ne se gêne pas pour les interpeller afin qu’ils et elles acceptent de travailler à rabais de peur d’être responsables de l’écroulement du monde autour d’eux et elles.

Pourtant, dans le libre commerce tant adulé, on ne fait aucun grief à des vendeurs qui retirent leurs billes (collectivement pour des grévistes) quand le prix octroyé ne convient pas. Il y a quelque chose de perverti dans ce monde, où le travail salarié occupe maintenant une telle importance, qui fait que les règles du jeu ne favorisent que l’un des protagonistes d’une transaction qui, somme toute, se fait sur la base légitime de l’offre et de la demande : pas d’offre sérieuse pour une marchandise (dans notre cas, le travail collectif), pas de livraison de celle-ci !

Que ceux et celles, capitalistes, qui ne peuvent pas vivre ainsi dans une société qu’ils et elles qualifient de " sommet de la civilisation ", de " fin de l’histoire ", se retirent dans leurs terres et apprennent, par les faits, qu’il n’y a de vraies richesses que celles crées par le travail collectif des salariés-es et non par la seule exclusive de la propriété.

La rareté du travail dans un village comme les Méchins, provoquée par un lock-out, par exemple, pourraient favoriser le chantage à la faim. Mais il s’agit d’une menace dont l’exercice remonte à l’esclavagisme dans les entreprises familiales du temps de Duplessis (dictateur historique sympathisant de Franco et de Mussolini) et qui semblait désormais complètement dépassé au Québec. Elle n’a plus aucune considération pour la contribution essentielle des ouvriers et ouvrières à la prospérité de tous et toutes ou au bien commun du village.

Quelque soit leur décision, il est maintenant de plus en plus évident que les ouvriers et ouvrières du monde, comme ceux et celles des Méchins, sont placés-es devant des stratégies patronales pour réduire les coûts et les appauvrir davantage. Le recul du néolibéralisme planétaire sera fortement influencé par les stratégies de riposte que choisiront les ouvriers et ouvrières. Confrontée à une telle situation, il n’est pas négligeable, pour une gauche éternellement renaissante de ses cendres comme le Phoenix, après des coups qui l’ont fait hésiter devant l’ampleur de la tâche au niveau mondial, il est même crucial pour sa crédibilité, que la gauche renoue avec les origines du mouvement ouvrier conscient qui lui ont donné l’impulsion initiale devant la conduire jusqu’à la révolution politique. Comment imaginer, sans la résistance ou le retour à l’offensive d’un mouvement ouvrier renouvelé et résolu, qui est allé jusqu’à remettre en cause la perversion d’un pouvoir qui s’en réclamait à l’Est, comment imaginer, donc, que le monde connaisse de nouveaux printemps des peuples sans la restauration de la confiance des forces de gauche dans le potentiel subversif des ouvriers et ouvrières et de leur mouvement conscient ?

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