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Interdire l’usage du tabac dans les logements : Restreindre les droits ou protéger la santé ?

Anonyme, Thursday, March 29, 2007 - 14:43

RCLALQ

A. Peu de plaintes de locataires concernant leurs voisins fumeurs

Les comités logement du Québec reçoivent un faible nombre de demandes d’information concernant le trouble de voisinage engendré par l’usage du tabac dans les logements privés et les demandes de recours sont marginales. Par contre, les comités logement reçoivent de nombreuses demandes d’information et de recours sur les sujets suivants :
- Les hausses de loyer et le renouvellement du bail;
- La capacité de payer le loyer;
- Le logement social;
- La présence de vermine (rongeurs, coquerelles, insectes, etc.);
- La déficience ou l’absence de chauffage et les infiltrations d’air;
- Les infiltrations d’eau et la présence de moisissure;
- L’absence de réparations ou d’entretien;
- La recherche de logement;
- Les reprises de logement et les demandes d’évictions
- Troubles de voisinage (bruit, comportement du concierge, présence d’animaux, etc.)
- Cession ou sous-location de bail;
- Harcèlement.

B. Un enjeu pour l’accès au logement

La recherche de logement comporte déjà un grand nombre d’obstacles : le coût élevé des loyers, la pénurie de logements (pénurie générale et/ou de logements abordables, selon les localités), la discrimination directe (ex. : refus de louer à des personnes assistées sociales, à des personnes immigrantes ou à des ménages avec enfants), les formulaires de demande de renseignements personnels, les frais pour recherche de crédit, les visites de groupes, le dossier de crédit, les enchères de logements à louer, l’inefficacité des recours à la Commission d’accès à l’information, les délais à la Commission des droits de la personne, l’absence d’encadrement de la recherche de logement et la pauvreté.

L’interdiction de fumer dans les logements privés s’ajouterait à ces obstacles. Depuis 2001, les municipalités, aidées par la Société d’habitation du Québec, ont dû aider des milliers de locataires incapables de se trouver un logement.

Lors de la conclusion d’un bail, le ou la locataire n’est pas dans une situation égale face au locateur. La nécessité de se loger «force» souvent le consentement des locataires à des clauses abusives ou à des conditions abusives. La liberté contractuelle est dans ce domaine limitée pour les locataires, particulièrement pour ceux et celles à faible revenu ou plus vulnérables.

Le refus de louer à cause de la «condition» de fumeur peut entraîner le dépôt d’une demande d’enquête à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ), en vertu de l’article de 10 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec :
Toute personne a droit à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l’orientation sexuelle, l’état civil, l’âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l’origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l’utilisation d’un moyen pour pallier ce handicap. Il y a discrimination lorsqu’une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit.

Si ce sujet n’a pas encore été traité par les tribunaux, des jugements ont reconnu que la dépendance à l’alcool ou à des drogues est assimilable à un handicap couvert par l’article 10 de la Charte. Ainsi, la dépendance au tabac est du même coup assimilable à un handicap.

On peut aussi invoquer l’article 5 de la Charte qui stipule que : Toute personne a droit au respect de sa vie privée. Pour l’invoquer à la CDPDJ, il faut absolument invoquer l’article 10. Si le ou la plaignant-e ne souhaite invoquer que l’article 5, il ou elle devra s’adresser à la Cour du Québec.

Également, même si logement est loué (et non pas possédé), il est le domicile du ménage locataire. L’article 7 de la Charte dit que «la demeure est inviolable». Par exemple, à moins d’une urgence (ex. : un tuyau qui coule), un propriétaire ne peut pénétrer dans le logement qu’il loue, sans aviser son ou sa locataire.

C. La Régie du logement, les clauses au bail (ou dans les règlements d’immeubles) et le renouvellement du bail

La Régie du logement a déjà traité des demandes où, lors du renouvellement du bail, le locateur souhaitait modifier le bail pour ajouter une interdiction de fumer dans le logement. Généralement, ces demandes ont été rejetées. À titre d’exemple, on peut lire un jugement disponible à [2005] J.L. 283 et 284.

Toutefois, aucune jurisprudence n’existe quant à la validité de clauses interdisant de fumer dans les logements.

Dans tous les cas, un locateur doit garantir la jouissance paisible des lieux et les locataires doivent se comporter de manière à ne pas troubler la jouissance paisible des lieux du voisinage (ex. : bruit dérangeant, va-et-vient, troubles de comportement, etc). En cas de troubles de voisinage, on doit établir la preuve du trouble et que ce trouble porte atteinte à la jouissance paisible des lieux («porte préjudice»). Avant d’entamer un recours pour trouble de voisinage, il est généralement préférable de débuter par une démarche à l’amiable.

Dans le cas d’une personne qui se plaint de la fumée secondaire d’un-e voisin-e, la solution pourrait davantage être du côté du cadre bâti que de l’usage du tabac par un-e voisin-e (ventilation, isolation, infiltration d’air, etc.).

D. La loi du tabac ne dit rien

La loi du tabac interdit de fumer dans les aires communes des immeubles de six logements et plus. Elle ne prévoit rien pour l’intérieur des logements

E. Le Règlement sur la salubrité et l’entretien des logements à Montréal

Le Règlement sur la salubrité et l’entretien des logements à Montréal ne proscrit pas l’usage du tabac dans les logements, mais prévoit des dispositions sur la ventilation et l’aération des logements (articles 53 à 59)

F. Pourquoi parle-t-on uniquement des logements locatifs ?

Dans le domaine de l’habitation, on retrouve des maisons unifamiliales occupées par son propriétaire ou louées, des multiplex occupés par des propriétaires, des co-propriétaires et des locataires, des immeubles à logements en location ou en co-propriété (où peuvent également résider des concierges ou des employé-e-s du locateur).

Pourrait-on interdire de fumer dans les taudis ? Un propriétaire occupant qui fume dans son logement pourrait-il l’interdire à son locataire voisin ?

G. Absence d’étude scientifique sur l’impact de la fumée secondaire chez les voisins

La nocivité du tabagisme et de l’exposition à la fumée secondaire a été prouvée par des études scientifiques. Des études existent également pour prouver la nocivité de la fumée secondaire pour les non-fumeurs vivant dans la même unité d’habitation. Cependant, aucune étude n’a été publiée sur la nocivité de la fumée secondaire chez les logements voisins. En outre, l’impact de la cigarette dépend du comportement du fumeur, de la qualité du cadre bâti et du degré d’exposition à la fumée secondaire.

Aucun seuil sans danger ou niveau de risque n’existent pour mesurer la nocivité de la fumée secondaire chez les logements voisins (à l’image du seuil sécuritaire de consommation du poisson contaminée au mercure). Avant que le législateur ou un tribunal tranche en faveur de l’interdiction de fumer dans les logements privés, une autorité compétente, telle une Direction de la santé publique, devrait établir un seuil sans danger.

Pour en savoir plus sur la qualité de l’air dans les logements, on invite à lire les pages 3 à 18 du Guide d’intervention intersectorielle sur la qualité de l’air intérieur et la salubrité dans l’habitation québécoise, disponible à : http://msssa4.msss.gouv.qc.ca/fr/document/publication.nsf/961885cb24e4e9... .

H. Le logement, un déterminant de la santé

Selon le recensement de 2001, près de 8% des logements au Québec nécessitaient des réparations majeures. L’état de plusieurs des logements a un impact direct sur la santé, la sécurité et le confort des locataires : présence de moisissure, vermine, chauffage déficient, mauvaise isolation, réparations diverses, etc.

Il n’existe pas de Code provincial du logement, de nombreuses villes n’ont pas de règlement ou l’appliquent mal.

En outre, le coût élevé des loyers et la pauvreté ont également un impact sur la santé («faire le choix de manger ou payer le loyer»).

Le droit à un logement en bon état, au loyer accessible, n’est pas une réalité pour des milliers de Québécois-e-s.

I. Dépenser pour remettre en bon état le logement d’un fumeur ?

Fréquemment, les propriétaires ne paient pas la peinture aux nouveaux ménages locataires et les laissent peindre eux-mêmes, même si le logement a besoin d’être peint. Il est souvent de même pour d’autres travaux de remise en état des logements.

J. Des corporations de propriétaires immobiliers préoccupées par le marché et non la santé

Les préoccupations de certaines corporations de propriétaires immobiliers portent sur la volonté de grands propriétaires de dicter les règles du marché de l’habitation. Les membres d’une d’entre elles contrôle de 20 à 25% du parc de logements locatifs de la province (qui compte environ 1 300 000 logements locatifs).

Site du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec
www.rclalq.qc.ca


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