À l'occasion de la journée d'action contre la guerre d'occupation en Irak et en Afghanistan, nous publions cette courte entrevue réalisée avec le camarade Saydal, un militant de l'Association des étudiantEs afghanEs (anti-impérialistes).

Arsenal-express: Peux-tu nous parler de la situation du peuple afghan, cinq ans après le début de l'occupation impérialiste? S'est-elle améliorée?

Saydal: Non seulement la situation ne s'est pas améliorée, mais elle s'est même détériorée. Nous savions dès le départ, dans le mouvement progressiste, que l'occupation impérialiste ne ferait rien pour améliorer la vie des gens. L'histoire de l'Afghanistan nous l'a prouvé à maintes reprises. Pour les masses populaires, les interventions impérialistes ont toujours entraîné l'accroissement de la misère. Les sociaux-impérialistes ont d'abord envahi l'Afghanistan en nous promettant une vie meilleure. Mais l'occupation soviétique a fait plus d'un million de victimes, des millions de blesséEs et six millions de réfugiéEs. À cet égard, l'occupation actuelle n'est pas différente. Des dizaines de milliers de gens ont déjà perdu la vie depuis le début de l'occupation. Des centaines de milliers de personnes ont été déplacées de force. Et en dépit de tous les beaux discours à propos de la "libération des femmes", celles-ci font toujours face à l'oppression la plus abjecte. De fait, l'insécurité n'a jamais été aussi grande.

Arsenal-express: Quel est le sentiment populaire face à l'occupation? Parmi les courants qui soutiennent la résistance, y a-t-il d'autres forces que les Talibans?

Saydal: Le peuple afghan s'oppose de plus en plus fortement, et massivement, à l'occupation. Il est vrai que la menace d'un retour au pouvoir des Talibans a pu avoir un certain effet démobilisant, spécialement parmi les populations de nationalité autre que pachtoune. Mais la situation se transforme rapidement. Il y a d'ailleurs eu plusieurs incidents majeurs où les masses se sont mobilisées dans la rue, autour de mots d'ordre anti-impérialistes. Ce fut le cas l'an dernier avec les grandes révoltes anti-impérialistes et contre le régime qui ont ébranlé la capitale. Ce sont là quelques exemples d'actions de résistance qui ne furent pas dirigées par les Talibans. Les gens qui y ont participé s'opposaient même très clairement aux politiques réactionnaires des Talibans. Il y a aussi des forces de gauche, démocratiques et progressistes, qui s'impliquent de plus en plus activement dans la lutte contre l'occupation. Ces forces ont notamment organisé une vaste campagne de boycott des élections présidentielles et parlementaires qui ont été orchestrées par l'impérialisme. Le Parti communiste (maoïste) d'Afghanistan a alors distribué des dizaines de milliers de copies d'une déclaration appelant la population à boycotter les élections. Cette campagne a réellement ébranlé les forces réactionnaires au sein du régime.

Arsenal-express: L'armée canadienne dirige actuellement les troupes de l'OTAN en Afghanistan. Le gouvernement canadien tente de justifier cette intervention en invoquant des motifs humanitaires et la cause des femmes aux prises avec les fondamentalistes réactionnaires. Que penses-tu de cet argument?

Saydal: Ce ne sont là que des faux prétextes! Premièrement, les troupes de l'OTAN sont loin d'accomplir du travail humanitaire en Afghanistan. Par leurs actions, elles détruisent les moyens d'existence de la population. Elles tuent des gens et forcent des milliers d'autres à abandonner leurs maisons et leurs villages. Le peuple afghan fait face à une véritable crise humanitaire, qui résulte directement des actions menées par les forces de l'OTAN dirigées par le Canada. Deuxièmement, l'impérialisme canadien et ses partenaires se trouvent à venir en aide à un régime pantin qui s'avère tout réactionnaire que l'ancien régime des Talibans. Au fond, ce régime fondamentaliste n'est pas vraiment différent de l'ancien. La seule différence entre les deux, c'est que les réactionnaires menés par Karzai acceptent servilement de servir leurs maîtres impérialistes.

Arsenal-express: Le gouvernement canadien, de même que le Parti libéral et le Bloc québécois qui l'appuient sur cet aspect, affirme que la présence de l'armée canadienne est nécessaire pour que les organisations non-gouvernementales puissent mener efficacement leur travail. Peux-tu nous dire quelques mots sur le rôle joué par les ONGs?

Saydal: Je pense que les ONGs sont simplement un pilier supplémentaire sur lequel s'appuie l'occupation impérialiste. Autour des ONGs gravite toute une cohorte d'opportunistes, afghans et étrangers, qui souhaitent piger dans l'assiette au beurre. On peut vraiment dire que ces individus profitent de la misère populaire. Les éléments les plus corrompus au sein des ONGs ont déjà détourné plusieurs millions de dollars, qu'ils ont carrément mis dans leurs poches. Les gens à la base sont littéralement furieux contre les ONGs! Le ministre de la Planification du régime pantin a lui-même été contraint d'admettre que l'activité des ONGs s'apparente à ce qu'il a qualifié de "terrorisme économique". Évidemment, ce ministre a perdu son job après avoir dit ça.

Arsenal-express: À ton avis, que devrions-nous faire, ici au Canada, si nous voulons vraiment aider le peuple afghan?

Saydal: Le peuple canadien peut faire deux choses. Premièrement, vous devez lutter contre votre propre gouvernement et contre la classe dominante et les forcer à rappeler les troupes canadiennes. La présence des forces de l'OTAN et des autres pays impérialistes est la principale source de l'instabilité et de l'insécurité qui s'accentuent. Pour épargner les gens ordinaires et les masses travailleuses en Afghanistan, les forces de l'OTAN devraient se retirer sans plus tarder.

Deuxièmement, les forces progressistes au Canada devraient aider les groupes et les organisations démocratiques et progressistes en Afghanistan. Ce pays n'a jamais cessé d'être victime des interventions impérialistes les plus brutales. La gauche a besoin de la plus grande aide possible de la part de la gauche canadienne. Je pense même que nous devrions envisager faire une levée de fonds pour une organisation comme le Parti communiste (maoïste) d'Afghanistan. Cela aiderait les militantes et militants de ce parti, sur le terrain, à intensifier leur travail visant à construire une alternative révolutionnaire aux impérialistes et aux Talibans. C'est le genre de soutien qui pourrait réellement contribuer à changer les choses en Afghanistan.

Arsenal-express: Merci camarade!

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Article paru dans Arsenal-express, nº 133, le 17 mars 2007.

Arsenal-express est une liste de nouvelles du Parti communiste révolutionnaire.

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