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Après quatre ans de régime libéral : les locataires de retour à la case départAnonyme, Wednesday, February 28, 2007 - 09:44
Mathieu Houle-Courcelles
Au cours des prochaines semaines, le Québec sera plongé dans une nouvelle campagne électorale. Différents partis se feront la lutte pour obtenir le plus de votes possibles, y compris ceux de centaines de milliers de locataires. Avec un tel poids démographique, tout particulièrement en milieu urbain, on pourrait s’attendre à voir les principales formations politiques faire des pieds et des mains afin d’obtenir l’appui des locataires. Mais il suffit de jeter un regard rapide sur les programmes des principaux partis en présence pour voir qu’il n’en est rien. Malgré la crise qui a frappé les grands centres urbains depuis 2002, la hausse vertigineuse du prix des loyers et le nombre croissant d’évictions, la question du logement n’est toujours pas un enjeu politique de premier plan. Plus que jamais, ce sont les rapports de force entre propriétaires et locataires qui déterminent les décisions prises par les politiciens et les politiciennes une fois leur arrivée au pouvoir. Un statu quo durement acquis Les politiques mises de l’avant par Jean Charest au cours de son mandat illustrent bien l’absence de perspective à long terme qui caractérise l’action gouvernementale sur la question du logement. Le moins qu’on puisse dire, c’est que le bilan des réalisations du Parti Libéral depuis 2003 est plutôt mince. Le droit au logement n’est toujours pas reconnu dans la Charte des droits et libertés, malgré l’engagement pris en ce sens il y a quatre ans. Quand à la fameuse « Politique de l’habitation » si souvent promise par le gouvernement libéral, elle n’a toujours pas été déposée. En matière de logement social, les libéraux ont tout simplement poursuivi sur le chemin tracé par les péquistes : quelques milliers de logements en coop et en OSBL ont été construits (principalement à Montréal), mais aucun nouveau programme de HLM n’a été annoncé. Quand à sa « gestion » de la crise du logement, le gouvernement de Jean Charest a privilégié l’octroi de suppléments au loyer pour les ménages en difficulté plutôt que d’investir davantage dans la réalisation de logements subventionnés. D’abord considérés comme une mesure temporaire, ces suppléments au loyer d’urgence ont été reconduits d’année en année, en attendant que se résorbe la pénurie de logements abordables. Plus de 3500 ménages sont toujours soutenus de cette façon pendant que le gouvernement cherche une façon de se débarrasser d’eux. D’ici un an ou deux, ils viendront grossir les rangs des milliers de requérant-e-s de HLM qui poireautent actuellement sur les listes d’attente, faute de logement disponible. Tout au long de son mandat, le PLQ a tenté de satisfaire les attentes des associations de propriétaires d’immeubles locatifs, dont les dirigeants avaient généreusement contribué à sa caisse électorale depuis 2003. Dans les mois qui ont suivi son entrée en fonction, le nouveau ministre responsable du dossier de l’habitation, Jean-Marc Fournier, a confié à la firme-conseil Roche (très proche du PLQ) le mandat de réviser la méthode de fixation des loyers utilisée par la Régie du logement. Cette initiative, applaudie par la CORPIQ (1) et l’APQ (2), a été vivement dénoncée par le RCLALQ (3) et le FRAPRU (4). En boycottant la consultation « privée » menée par la firme Roche, les deux regroupements de défense des droits des locataires sont parvenus à faire échouer le processus. Furieuse, la CORPIQ décidera de poursuivre devant les tribunaux la Régie du logement afin de l’obliger à modifier ses pratiques. Après avoir échoué en Cour du Québec en 2006, la CORPIQ est allée en appel de cette décision. Cette cause devrait être entendue au cours de la prochaine année. En 2004, le PLQ a poursuivi sur sa lancée en ramenant sur le tapis la question de la saisie des chèques d’aide sociale en cas de non-paiement de loyer. Cette mesure, déjà proposée par le Parti Québécois lorsqu’il était au pouvoir, créerait un dangereux précédent remettant en cause l’insaisissabilité des prestations gouvernementales. En Commission parlementaire, le RCLALQ et le FRAPRU ont vivement dénoncé cette atteinte aux droits des locataires en plus d’exiger que le gouvernement intervienne sur les causes du non-paiement au lieu de s’attaquer aux plus démuni-e-s. Suite à cette levée de bouclier, le Ministre de la solidarité sociale, M. Claude Béchard, décide de faire marche arrière : pas de saisie des chèques, mais pas non plus de mesures pour combattre efficacement l’appauvrissement des locataires. Les propriétaires, mécontents de cette décision, reprennent leurs pressions sur la nouvelle ministre responsable du dossier de l’habitation, Mme Nathalie Normandeau. Avec le soutien de la direction de la Régie du logement, celle-ci accouche au printemps 2006 d’une proposition visant à modifier la procédure d’éviction pour retard dans le paiement du loyer. S’inspirant de la loi ontarienne, la Ministre souhaite abolir les audiences à la Régie du logement en cas de non-paiement, à moins que les locataires ne s’opposent à leur éviction dans un délai très court. Rapidement, une coalition d’organismes sociaux et communautaires se forme pour dénoncer cette démarche visant à faciliter l’éviction des locataires en difficulté. Mme Normandeau a beau essayer de défendre sa proposition en insistant sur le fait qu’elle souhaite simplement améliorer le fonctionnement de la Régie du logement, le ver est dans la pomme. La Ministre fera marche arrière et choisira plutôt d’engager de nouveaux régisseurs afin de diminuer les délais d’attente devant le tribunal. Quatre ans après l’élection du PLQ, on peut dire que les locataires ont réussi à éviter le pire. Mais ce n’est que par leurs nombreuses mobilisations et interventions publiques que les groupes de défense des droits des locataires sont parvenus à maintenir le statu quo, au grand dam des associations de propriétaires qui misaient sur l’élection d’un gouvernement carburant à l’idéologie du libre-marché pour parvenir à leurs fins. Le seul gain majeur que le mouvement pour le droit au logement est parvenu à arracher au gouvernement est la modification de l’article 1974 du Code civil, permettant aux victimes de violence conjugale ou sexuelle de résilier leur bail avec un préavis de trois mois. Quand aux autres revendications des locataires, elles sont restées lettre morte. Le grand débat qui aurait pu permettre de les faire progresser, celui sur la politique de l’habitation, n’a jamais eu lieu. Mathieu Houle-Courcelles Notes :
Bureau d'animation et information logement (BAIL)
Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec
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