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Au delà de FidelAnonyme, Monday, January 22, 2007 - 10:03
Mertxe Aizpurua
par divers, vendredi 19 janvier 2007 Nombreux étaient ceux qui prévoyaient un véritable chaos, à Cuba, le jour où Fidel Castro disparaîtrait de la scène politique. La vérité oblige à dire que ces derniers mois durant lesquels le leader de la Révolution a délégué ses fonctions démontrent que la vie quotidienne dans l’île poursuit son cours habituel. L’avenir d’une Révolution qui demain fêtera son 48 ième anniversaire s’annonce sans crise. Les couleurs de La Havane n’ont pas changé, ce sont toujours cette palette d’ocres orangers changeants qui dégringolent en direction du malecón et la brise chaude qui monte de la mer se mêle au tourbillon de la foule des cochers, des boleros nostalgiques, des vendeurs et des rois de la combine qui descendent des quartiers historiques du centre ville. Et c’est baignés dans cette lumière que coulent leurs jours les Havanais lesquels, comme tous les Cubains, ont à leur crédit le mérite collectif d’avoir su résister au géant nord-américain. Depuis que Fidel Castro, fin de juillet 2006, a délégué provisoirement ses fonctions à Raúl Castro Ruz, second plus haut responsable du Conseil d’Etat de Cuba et frère du premier, la tranquillité avec laquelle on a vécu ce changement dans les rues de La Havane est un fait indéniable. Certains croient encore à un rétablissement de Fidel Castro, très peu craignent d’éventuels troubles après sa disparition et presque tout le monde, aussi bien parmi ses admirateurs que parmi ses détracteurs, pense que la succession politique est assurée et que la Révolution continuera d’aller de l’avant sans Fidel Castro. La Cuba d’aujourd’hui a survécu à toutes les attaques que l’empire nord-américain a lancées sans relâche depuis que Castro et ses combattants ont renversé le régime de Fulgencio Batista. Elle a triomphé et pas seulement des tentatives d’invasion directe. Dans l’histoire des 40 dernières années, le système a supporté l’embargo commercial appliqué par le gouvernement de Washington et, lorsqu’elle survint, la chute du bloc soviétique. Mais pas seulement. Fidel Castro est l’homme d’Etat qui détient le record du plus grand nombre de tentatives d’attentat contre sa personne ; il est le dirigeant le plus ancien du monde, celui qui a vu défiler neuf présidents des Etats-Unis. Demain, 1º janvier, ça fera 48 ans que Fidel Castro est entré dans La Havane. 48 ans d’une Révolution qui focalise les regards du monde entier. Un pays organisé. Ricardo Alarcon, Président de l’Assemblée Nationale, le Parlement cubain, est un des hommes clés de la politique cubaine. Diplomate expert, très bon connaisseur des relations internationales, il nous expose sa vision de l’avenir : « Notre pays est un pays civilisé, organisé, avec des institutions qui prévoient précisément ceci : le remplacement, si la nécessité se présente, de tout fonctionnaire élu. Pour le sujet qui nous occupe, il ne s’agit pas d’une absence permanente ni définitive, mais d’une situation très précise, celle d’une personne qui a dû subir une opération chirurgicale délicate et qui, en plus, est âgée de 80 ans et a travaillé dur toute sa vie ». La vie politique de Alarcón a été entièrement consacrée à des charges de haute responsabilité au service du Gouvernement de l’île. Aujourd’hui, suite à la maladie de Castro, son nom, avec celui de Carlos Lage ou de Pérez Roque, est un de ceux qui reviennent le plus souvent sous la plume des médias occidentaux parlant du trio de successeurs aux côtés de Raúl Castro. « Fidel doit être discipliné et faire son devoir qui est, pour l’instant, de se soigner et de se rétablir. Cependant, bien que le remplacement dans ses fonctions ait un caractère provisoire, cette situation présente est en train de prouver que le jour où il disparaîtra définitivement ce pays continuera à fonctionner. Il a été absent de Cuba durant de longues périodes. Quand il partait, il ne fermait pas le pays à double tour en emportant les clés ; le pays continuait de fonctionner. C’est exactement ce qui se passe aujourd’hui et ça se passera ainsi demain ». C’est ainsi qu’on voit les choses à Cuba et aussi parmi les intellectuels latino-américains qui ont exprimé à plusieurs reprises leur soutien à Fidel Castro, comme l’écrivain argentin Miguel Bonasso, pour qui « ce pays possède un grand nombre de cadres qui ont été formés durant toutes ces années passées et qui ont donné de la profondeur, de la continuité et de l’étendue au processus révolutionnaire. Cela a été rendu évident lorsqu’on a pu organiser de façon impeccable la réunion du Mouvement des Non-Alignés et le Comandante était déjà hospitalisé. Je me réjouis de ce qu’il ait pu voir, de son vivant, que son œuvre, la Révolution Cubaine, est structurée et qu’elle ne dépend pas exclusivement, comme certains se l’imaginent, des aléas de sa santé ou de sa présence ». Le réalisateur de cinéma argentin, Fernando Pino, voit le futur de Cuba sans Fidel Castro sans la moindre inquiétude même s’il admet que « Fidel est aussi le produit de son peuple. Il n’y a pas de Fidel sans le peuple cubain et il n’y a pas de patrie cubaine socialiste sans Fidel » Le risque, pense-t-il, peut venir de l’extérieur, des Etats-Unis, « mais ce peuple possède des anticorps puissants, un très grand sens de l’organisation et il est préparé à tout ». Pour quiconque approche ce pays, ce qui est clair c’est que Fidel – tous les Cubains l’appellent ainsi, par son prénom – est une personnalité d’une extraordinaire dimension. Son ascendant est aussi indiscutable que l’affection qu’on sent chez les gens quand ils vous parlent de lui. « Vous revenez de la soirée donnée au Théâtre Karl Marx… ? interroge un employé de l’hôtel – on m’a dit qu’on y a lu un message de Fidel. Est-ce que vous pourriez me dire ce qu’il a dit ? » Notre interlocuteur cherchait à savoir, avec intérêt, ce qui s’était dit à la soirée inaugurale des cérémonies prévues pour le 80 ième anniversaire de Castro et à laquelle celui-ci avait adressé un message sur la nécessité de préserver l’environnement. « Oui… - conclut-il – c’est réellement important ce qu’il a dit. Nous, les humains, nous pouvons conduire la planète à sa perte ». Ce n’est pas que les Cubains vous parlent sans arrêt de Castro, mais la référence peut surgir à tout instant, au cours d’un match de base-ball disputé entre les équipes de La Havane et de Santiago ou au milieu d’un concert de « Todas las voces » (toutes les voix) auquel assistent des milliers de jeunes, dans la Tribune Anti-impérialiste : « Oh !, regarde, c’est Fidel… Comme ça serait bien si Fidel pouvait être ici et voir tout ça… ». Celle qui parle ainsi est une jeune fille d’une vingtaine d’années qui vient de voir apparaître, sur l’écran de la scène, un portrait du comandante ; elle dit cela à son copain à qui elle exprime son émotion tendrement suspendue à son cou. La Révolution et ses vicissitudes ne sont pas non plus le sujet quotidien des conversations entre Cubains. D’un caractère affable, ils sont communicatifs avec le nouveau venu, volontiers polémistes entre eux et beaucoup sont d’excellents discoureurs. Leur quotidien est plutôt centré sur la routine du travail et occupé à essayer de déjouer la chaleur et l’ennui assis sur un banc ou avec une partie de dominos sur les tables installées en pleine rue. Pendant leurs loisirs, les jeunes descendent au malecón – ce melecón dont chaque pierre a une histoire – et, les week-end, ils se réunissent au rez-de-chaussée des habitations avec des appareils de musique à la puissance maximum, pour danser dans le rue, s’amuser et soutenir la cause d’un coup de rhum. Dans les logements, les problèmes domestiques tournent autour de l’économie familiale restreinte, des horaires scolaires ou, aussi, ces derniers jours, autour du remplissage des formulaires qui vont permettre de percevoir la moderne cocotte-minute que les Comités de Défense de la Révolution distribuent de maison en maison. Outre les manifestations et marches de soutien programmées auxquelles participent des milliers de jeunes en groupe différenciés – les pionniers, les travailleurs sociaux, les étudiants, etc…- et qui donnent une idée de l’immense capacité d’organisation de l’Etat, outre aussi le système de santé et d’enseignement qui assurent la santé et l’accès aux études à toute la population, c’est ce genre de détails quotidiens qui rendent visible la philosophie que le socialisme cubain fait vivre depuis le triomphe de la Révolution de 1959. Ceux qui critiquent le système cubain censurent ces mécanismes au nom de ce qu’ils estiment être une excessive tutelle de l’Etat et un contrôle policier de la population excessif. La présence policière, à La Havane, est certes visible ; mais il est indiscutable, aussi, que l’organisation par zones, quartiers, rues, permet, sur le plan pratique, de louables résultats. Exemple de ces avantages, le système de prévention des ouragans grâce auquel on a pu minimiser au maximum les risques pour la population et qui a valu à Cuba une reconnaissance explicite de l’ONU ou, aussi, des initiatives prises sur des sujets plus triviaux, mais d’une très grande importance stratégique. Exemple : 2006 a été baptisée Année de la Révolution Energétique et, depuis les premiers jours, le gouvernement de Fidel Castro a mis en mouvement des bataillons de volontaires pour que les Cubains se mettent à utiliser des ampoules basse consommation importées de Chine pour réaliser un plan d’économies d’énergie. Maison après maison, agglomération après agglomération, le gouvernement s’est assuré qu’on changeait effectivement les ampoules anciennes et qu’on mettait les nouvelles. L’histoire s’est répétée, tout récemment, avec la distribution à la population de cocottes-minutes sophistiquées qui cuisent séparément les aliments de base de l’alimentation des Cubains – le pot au feu, le riz et la viande de porc – en une seule opération sur le foyer. Des données positives La population de Cuba est aujourd’hui de 11 millions d’habitants. Si au début de la Révolution, en 1959, l’analphabétisme concernait plus de 24% des habitants, le plan éducatif entrepris a réussi à l’éradiquer totalement. 800 000 étudiants et une grande masse de diplômés dans diverses spécialités prennent place aujourd’hui sur la photo d’une société de haut niveau culturel et d’instruction qui n’a pas sa pareille parmi toutes les autres nations latino-américaines. La solidarité avec les peuples, un autre des principes sur lesquels repose le modèle cubain, représente aussi un autre de ses bastions : durant cette année passée 2006, 27000 jeunes étrangers des pays sous-développés ont étudié à La Havane ; on pratique des centaines d’opérations médicales à des indigènes sans ressources venus des pays du cône sud et de l’Amérique Centrale et le nombre des médecins et des personnels de santé cubains qui se déplacent hors du pays, dans le cadre de programmes de solidarité, s’élève à plusieurs milliers. La moyenne de l’espérance de vie à Cuba se situe autour de 77,3 ans totalement comparable à celle des pays développés. Il en est de même en ce qui concerne le taux de mortalité infantile. La situation économique du pays semble être entrée dans une certaine phase de redressement par rapport aux époques antérieures. Le parc automobile dans lequel, à côté des vieux modèles nord-américains, des sidecars, et autres « Ladas » soviétiques, on trouve aujourd’hui beaucoup de modèles des marques occidentales, prouve ce progrès. Le président de la Commission Economique du Parlement cubain, Oswaldo Martínez, admet la fragilité de l’économie, mais se montre optimiste quant à l’avenir. Dans un pays qui reçoit l’essentiel de ses entrées en devises du tourisme et où la production de sucre et l’extraction du nickel sont en fin de cycle, la biotechnologie et la production de médicaments sont les secteurs sur lesquels on mise pour le développement économique. Et puis il y a la collaboration commencée avec des pays comme le Venezuela qui a aidé à relever les indices économiques. Oswaldo Martínez parle d’un taux de croissance de 11,8% en 2005, le plus élevé de toute l’Amérique Latine, et il calcule qu’en 2006 ce taux sera d’environ 12% aussi. Les politiques d’échange et de collaboration avec la Chine et la Bolivie sont également aussi des facteurs positifs qui lui permettent de dire que « le blocus par lequel les Etats-Unis rêvaient d’asphyxier l’économie cubaine a échoué même s’il ne faut pas oublier qu’il est toujours en application et que Cuba endure ses terribles conséquences. Le blocus est une cruelle réalité quotidienne qui, tous les ans, nous prive, pour ne parler que de finances, de trois ou quatre milliards de dollars ». Dans la rue, par une de ces journées de forte chaleur, il semble qu’il va pleuvoir, mais il ne pleut pas et la vie des gens s’écoule et se déroule tranquillement, sans grands soucis pour l’avenir de la Révolution et, la plupart du temps, avec des commentaires et des réponses fondés sur des codes naturels et quotidiens, très loin des phrases toute faites ou des schémas préétablis. « Moi, je vis bien, tranquille, je suis heureux avec ma femme et mes deux enfants ; Vous voulez voir leurs photos ? Ils sont beaux, vous ne trouvez pas ? » Celui qui nous parle est chauffeur d’un cocotaxi, une de ces petites voitures en forme d’œuf destinées à véhiculer les touristes dans la capitale. Le véhicule, comme c’est le cas pour l’immense majorité des bars et des commerces, est la propriété de l’Etat et les travailleurs perçoivent un salaire fixe. Il nous explique que sa femme, avant, était professeur d’anglais et que maintenant elle est aussi chauffeur de taxi. « Avec les pourboires, nous gagnons plus d’argent ; alors je lui ai appris à conduire et elle m’a appris l’anglais… et, bon, c’est plus ou moins difficile, mais nous arrivons à boucler les fins de mois. Moi, je suis content. Oui, il y a des gens qui se plaignent parce qu’il y a beaucoup de contrôles, mais le pays fonctionne ; ici nous avons tous une norme à remplir ; par exemple, moi, je dois faire un minimum de courses pour toucher mon salaire et ça, c’est contrôlé ; celui qui ne fait pas la norme… il est prévenu : les sanctions sont très dures ». Que le pays fonctionne, c’est évident ; même ceux qui ne voient pas d’un bon œil le régime de Fidel Castro en conviennent, même si c’est dit sur un ton sarcastique. « Oui, le système fonctionne ; c’est probablement la seule chose qui fonctionne ici ». La phrase : « passer la norme par dessous la jambe » est de l’argot de cette vie de débrouille à laquelle recourt une partie de la population pour compléter les bas salaires et disposer de plus de pouvoir d’achat. A Cuba, il n’y a pas de corruption instituée à grande échelle ; comparativement au reste du monde, on pourrait parler de polissonneries et de petite corruption ou, comme on peut l’entendre dire sur place, de « corrupcioncita » (petite corruption), celle-là qui pousse le chauffeur de taxi à vous suggérer de fixer vous-même le prix de la course, à l’employé du bar de l’hôtel à user de mille astuces pour vous servir les boissons avec du rhum acheté au supermarché et mettre le bénéfice dans sa poche ou bien, plus graves, celles qui ont conduit le gouvernement à introduire des travailleurs sociaux dans les stations services pour découvrir et neutraliser un mécanisme de fraude par lequel les employés de ces stations détournaient une grande quantité de carburant revendu ensuite au marché noir. Une Révolution éthique. Malgré tout, la corruption est un problème qui préoccupe, c’est peu de le dire, les responsables cubains : « Je crois que la Révolution est essentiellement une affaire de morale » Celui qui s’exprime ainsi c’est Abel Prieto, ministre de la culture depuis 1997 et membre du Bureau Politique. Grand et corpulent, d’un abord cordial, à 56 ans il conserve l’allure d’un jeune hippie qui correspond davantage à son métier d’écrivain reconnu et prestigieux qu’à l’image stéréotypée qu’on se fait d’un mandataire de la Révolution. Dans son bureau, débordant de livres, un tableau de John Lennon parmi les tableaux qui ornent les murs. Il laisse un temps à la plaisanterie - : « C’est que, moi, je suis marxiste-lénoniste » -et il revient à son argumentation : « Ces trafics illégaux, ces escroqueries… tout cela sape les bases de cette société. Ici, quelque chose s’est brisé en 1990 ». Il fait référence à se qui est désigné à Cuba sous l’appellation « Période spéciale », ces années de cette crise brutale qui fut ressentie dans toute l’île après l’effondrement du bloc socialiste européen. « Cette crise nous a coûté un prix réellement énorme, terrifiant. On manquait de médicaments, d’électricité, de vivres… de tout ce dont la population avait été assurée pendant des années, soudain, du jour au lendemain, tout cela a manqué. Aujourd’hui, -il poursuit – la situation est différente ; nous avons résolu bien des choses, mais nous ne sommes pas encore totalement sortis de cette crise et nous devons affronter des questions graves qui touchent le quotidien. Le logement, les transports publics ». Même s’il n’y a pas de misère à Cuba, les conséquences de cette situation se retrouvent dans des problèmes associés à la marginalité que connaissent encore des familles qui vivent entassées dans des logements précaires ou délabrés. « Après toutes ces années où les salaires ont été gelés, nous avons entamé un processus pour les relever, surtout les salaires les plus bas, ceux des instituteurs, des chauffeurs, les pensions des retraités… Cependant – précise Prieto – ce citoyen cubain à qui on assure l’éducation gratuite jusqu’à l’université, à qui on assure la santé depuis son premier vaccin jusqu’à ce qu’il ait besoin d’un régulateur cardiaque, qui jouit de cette condition et qui peut atteindre un haut niveau culturel et d’instruction, ce Cubain peut cependant vivre dans des conditions de logement très difficiles et, même si la culture est un antidote contre le consumérisme, un logement décent ce n’est pas du consumérisme. Un logement c’est ce à quoi doit aspirer tout être humain. Aussi, lors de la dernière réunion tenue à l’Assemblée Nationale, avons-nous approuvé un plan plus ambitieux, mis en route ces dernières années, qui consiste précisément à construire et à restaurer des dizaines de milliers de logements ». Plus de la moitié de Cubains sont nés après la Révolution. Ils n’ont pas connu la dictature de Batista et ils n’ont pas combattu pour abattre un régime qui condamnait à la pauvreté ses habitants et ils ont joui sans beaucoup d’efforts des garanties qu’offre le socialisme Cubain. En novembre 2005, Fidel Castro alertait d’un danger qui ne devait rien aux Etats-Unis : « Ce pays-ci peut s’autodétruire, cette Révolution peut mettre fin elle-même à ses jours ». Le comandante en Chef lança alors la « batalla de ideas », un programme dans lequel se sont impliqués toutes les structures, institutions, organismes et associations de l’Etat. Cette nouvelle bataille répond aux problèmes qui se sont posés au cours de l’évolution de cette société Cubaine. Abel Prieto souligne que, d’une part, elle s’efforce d’obtenir que « l’éthique de la Révolution » imprègne ceux qui n’ont pas eu à affronter ces défis historiques passés, d’autre part, elle « essaye d’élever le niveau culturel et pas seulement d’instruction, avec l’idée d’une culture porteuse de valeurs propres. La culture – il insiste – à aussi des rapports avec le sens de la vie, elle doit être un antidote contre le consumérisme et contre la « Miamisation » des valeurs, celle qui conduit à ces fêtes absurdes du genre : fêter les quinze ans d’une jeune fille ». Malgré tout, cette Révolution qui bien qu’elle ait tout eu contre elle a réussi à résister et à évoluer en même temps – les dénonciations des positions officielles contre l’homosexualité sont choses du passé et le haut niveau des discussions que l’on peut apprécier dans des revues littéraires comme « Révolution et Culture », « Thèmes » ou bien « La Maison des Lettres » sur les sujets les plus variés, que ce soit les bénéfices et les dangers des coproductions au cinéma, la question sociale ou l’acceptation du travestissement, dépassent de loin le niveau des débats qui règnent dans les pays occidentaux - laisse entrevoir un avenir sinon plus facile, du moins plus riant, tant avec Fidel Castro que sans Fidel Castro. Une scène nouvelle. C’est du moins ainsi que voit les choses le commandant sandiniste nicaraguayen Tomás Borge, en visite officielle à La Havane, lorsqu’on lui demande ses impressions : « Cuba s’est lancée sur une route que personne, désormais, ne peut lui barrer. Une marche assurée que même les Etats-Unis ne peuvent pas arrêter et, sans me bercer d’illusions, je crois que le temps de Bush touche à sa fin. Et puis nous avons l’Amérique Latine. Ça fait huit ou neuf pays qui ont tourné à gauche et il y en aura encore d’autres qui vont s’unir sur cette route ». Le Président de l’Institut Cubain du Livre, Iroel Sánchez, vous retourne la question comme une chaussette : « La question correcte c’est : que va-t-il se passer dans le monde, en Amérique Latine, après Fidel ? A Cuba, il y a une Révolution et en Amérique Latine, aussi. La réponse à la question : « que va-t-il se passer après Fidel Castro ? » se trouve au Venezuela, en Bolivie, en l’Equateur, au Nicaragua… Fidel a mis en marche une partie du monde. Ce n’est pas que Fidel soit entré dans l’Histoire, c’est qu’il a poussé l’Histoire vers où il croit qu’elle doit aller et, à la lumière de ce qui arrive, il semble bien qu’il ne soit pas le seul à penser qu’elle doit aller dans cette direction-là. » Le changement dans le paysage latino-américain est observé avec optimisme. Aussi, en quelque sorte, comme une certaine reconnaissance du fait que la résistance solitaire de Cuba n’a pas été vaine. « Il y a dix ans, quand on parlait de nous comme d’une espèce de dinosaure en voie de disparition – précise Oswaldo Ramírez – les candidats aux élections en Amérique Latine gagnaient avec un discours néolibéral et aujourd’hui ils gagnent avec un discours anti-néolibéral ». Fidel Castro l’a dit au Forum de Sao Paulo en 1990 : les idées révolutionnaires reviendront. « Et il n’a pas fallu attendre longtemps », déclare Iroel Sánchez. Pendant que lui, acteur de toutes les batailles, se trouve toujours en soins dans un hôpital de La Havane, la vie politique, sociale et économique suit son cours. Quelque chose changera, sans aucun doute, le jour où il ne sera plus là. Et ce sera beaucoup plus que le sentiment d’avoir perdu un père, de se sentir soudain orphelins. Mais que la Révolution continue après Fidel Castro, personne ne semble en avoir le moindre doute. De même, tout indique que sa succession préoccupe pour l’instant beaucoup plus à l’extérieur qu’à l’intérieur d’une île qui s’éveille tous les matins au galop des problèmes quotidiens lesquels génèrent chaque jour davantage de créativité dans tous les sens. Une île qui, effectivement, ne baisse pas la garde face à ces détails subtils qui, comme le disait le ministre de la culture, forgent une façon de voir la vie. En voici un exemple : la chanson que chantaient, un matin, à la télévision cubaine, les poupons du programme le plus regardé par les enfants : « La cour de ma maison n’est plus privée, dans la cour de ma maison tu viendras jouer… ».
Michael Walsh
source: rebelion.org
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