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Déconstruire la biopolitique gestion, métropole, dividucommunisation, Wednesday, November 22, 2006 - 18:17
anonyme
Tout homme est le produit de son époque et de sa domination particulière, plus encore que le descendant de ceux qui ont peuplé le territoire où il vit. L'adoption d’un parti du négatif permet de dépasser un comparatisme stérile qui entretient quelques différences de surface pour mieux occulter notre joug commun. «(...) Par le moyen de méthodes toujours plus efficaces de manipulation mentale, les démocraties changeront de nature. Les vieilles formes pittoresques - élections, parlements, hautes cours de justice- demeureront mais la substance sous-jacente sera une nouvelle forme de totalitarisme non violent. Toutes les appellations traditionnelles, tous les slogans consacrés resteront exactement ce qu'ils étaient aux bon vieux temps. La démocratie et la liberté seront les thèmes de toutes les émissions (...) et de tous les éditoriaux mais (...) l'oligarchie au pouvoir et son élite hautement qualifiée de soldats, de policiers, de fabricants de pensée, de manipulateurs mentaux mènera tout et tout le monde comme bon lui semblera.» Les dérisoires moyens et techniques d’évitements, de refuser de faire face à l’évidence de notre autodestruction qui sont mis en place sont admirablement et promptement reproduits. On ne peut s’en étonner : leur inadéquation à répondre au désastre sont proportionnées à l’économie d’effort qu’ils exigent. Les droits de l’homme, le développement durable, la préoccupation pour les inégalités sociales, le désarroi médiatique face à la violence dite gratuite, autant de discours lénifiants qui font désormais partie intégrante de la production discursive et répressive de l'Empire[1]. DEMARCHE Nous avons donc ressenti la nécessité d'autres démarches. Notre épistémologie, si ce mot a un sens, sera archéologique parce que la carte à dresser de ce monde est couverte de ruines, des strates des époques précédentes qui sont autant de forces encore en germes. A la description intrinsèque du monument historique, vouée à glorifier l’édifice national, commercial ou religieux se substitue la constitution de séries, de fouilles dans les strates de formation de ces édifices. Il s’agit de retourner leurs fondations, pour qu’il n’en reste que des ruines. La démarche ne sera donc pas herméneutique parce qu’on n’interprète pas des strates d’énoncés qui sont autant de procès historiques, de devenirs juxtaposés. Nous ne prétendrons rien révéler, ni expliquer, aucune origine ne fonde notre démarche, aucun horizon de positivité n’oriente notre devenir. Archéologique donc plutôt qu’historique puisque nous avons abandonné toute prétention à la scientificité, nous n’entendons pas masquer notre position de sujet. Archéologique parce que c’est un champ de ruines que nous traverserons même si elles sont peuplées et prospères. Elles sont bâties sur les décombres de tout ce qui a pu être libre ou commun, provisoirement et parcellairement. Généalogique parce qu’il s’agit de (ra)conter l’accumulation primitive dans la violence et son maintien par les armes, dans leur terrible et grotesque diversité. Une généalogie qui ne serait pas recherche de l’origine, qui briserait l’arborescence hiérarchique des ancêtres et des descendants directs mais qui serait promenade, déambulation dans un jardin, celui du temps, où l’histoire serait affranchie d’une chronologie linéaire, pour explorer les déserts impériaux et leurs interstices, des cartes et repères pris par quelques tribus perdues. Il n’y a que des tribus pour peupler un désert. Archéologique et généalogique parce que « l’opposition structure-devenir n’est pertinente ni pour la définition du champ historique, ni sans doute pour la définition d’une méthode structurale. [2]» Un tableau exposant la structure du pouvoir offre autant d'angles d'attaques qu'un haïku de guerrier en devenir. Nous ne voyons aucune contradiction entre la pratique d'une langue mineure qui appelle un peuple en devenir, d'un langage constitutif de communauté et la manipulation d'un panoptique renversé, la fouille dans la matérialité documentaire, archivistique du pouvoir. DE LA DISCPLlNE AU CONTROLE, DE LA POLICE A LA GESTION Dans les sociétés de contrôle, la gestion – appellation postmoderne de la police classique, économique et répressive - a intégré l'ensemble des modes de vie nécessairement étiquetés comme déviants dans les sociétés disciplinaires. Lorsque l’école, le lieu de travail, les espaces de consommation, l'espace « public » se conforment à l’archipel carcéral, l’exception pénitentiaire est la règle : « le carcéral ‘naturalise’ le pouvoir légal de punir, comme il ‘légalise’ le pouvoir technique de discipliner. [3]» Comportements, consommations, rapports sexuels, évasions chimiques, agitations politiques, spectre des opinions, ces modes de vie (qui occupent le temps) sont capturés et modelés ; domestiqués par chaque dividu, chaque isolat d'une population, devenu son propre gouverneur, flic, prof, agence d'intérim : son propre contrôleur. « Le prince ne peut suffire à lui seul à dominer la multitude de ses sujets. C’est pourquoi il s’appuie sur des hommes pour connaître des hommes et ainsi, sans fatiguer son corps, dirige le gouvernement et réprime le crime sans avoir à user de son intelligence.[4] » Le principe régulateur de ces modes de vie est le rendement utile[5] : la carotte et le bâton, l'effort investi et le return anticipé. De plus, l'utilitarisme de l'économie politique libérale classique a intégré une sphère d'épanouissement du dividu- illusoire parce délimitée, encadrée, colonisée, gérée. Cette sphère privée est le monde auquel se réduit l'expérience de la liberté dividuelle. Aucune sphère ne doit se heurter, ne peut s'interpénétrer. Elles suivent des rails invisibles de sorte que les modes de vie restent informes, ne peuvent déboucher sur aucune forme de vie. Cette intégration de tous les modes de vie, caractéristique de la démocratie biopolitique, se fonde sur la prévisibilité des comportements, leur prédictibilité. L'imaginaire est ainsi canalisé, mis au travail, au service de la machine de production de signes marchands. Cette négativité de la liberté est une aliénation librement consentie qui repose sur une débauche de choix entre marques, entre subcultures, entre modes de vies. Le pouvoir ne s’exerce pas à partir du centre mais en chacun de ses points D es territoires sont administrés, fonctionnalisés Des dividus s'autogèrent, se conforment. Nous reproduisons consciemment et collectivement les fantasmes, loisirs et pathologies de la haute bourgeoisie du 19 ème tandis que notre travail, nos milieux de vie et notre mode de survie s’apparente dans leur déqualification à ceux des prolétaires. Schizophrènes sociaux, nous sommes des inadaptés politiques. On ne conteste pas l’Empire sur sa gestion. On ne critique pas l’Empire. On s’oppose à ses forces. Là où l’on est. Dire son avis sur telle ou telle alternative, aller là où ON nous appelle, cela n’a plus de sens. Il n’y a pas de projet global alternatif au projet global de l’Empire. Car il n’y a pas de projet global de l’Empire. Il y a une gestion impériale. Toute gestion est mauvaise. Ceux qui réclament une autre société feraient bien de commencer par voir qu’il n’y en a plus. Et peut-être cesseraient-ils alors d’être des apprentis gestionnaires. Des experts citoyens. Des citoyens activement indignés. La nouveauté politique qui vient ne sera plus une lutte pour la conquête ou le contrôle de l’Etat, mais une lutte entre l’Etat et le non-Etat (l’humanité), disjonction irrémédiable des singularités quelconques et de l’organisation étatique.[6] METROPOLE : LE CAMP BIOPOLITIQUE - PARC HUMAIN AUTOGERE Le territoire que peuplent les dividus sont balisés. Les villes sont désormais des métropoles, des camps biopolitiques. Le camp est l’occupation permanente qui concentre des dividus éphémères, des passants indifférents qui ne peuvent jamais habiter un lieu, réduits à survivre dans un milieu, hostile. Leur présence même est superflue, l’histoire se passe de leurs identités, leur masse de travail et de consommation, aveugle, suffit. « Le camp est un hybride de droit et de fait, dans lequel ces deux termes sont devenus indiscernables.[7]» La ville-marché est devenue le modèle de l’intervention sur la vie des hommes. le capital à un degré d’accumulation et de concentration foncière telle qu’il se matérialise en désert urbain, en décor spectaculaire, en représentation monumentale de l’Empire. Derrière ces façades de verre et de béton, il n’y a toujours déjà plus rien. [1] De l'analyse de Foucault. Kant dans Was ist Aufklarung (Qu’est-ce que les Lumières ?), article paru en 1784 dans une gazette berlinoise, définit les Lumières comme l’âge du passage de l’humanité d’un stade de minorité à la majorité. Caractérisée par l’usage de la raison, celle-ci circonscrit cependant strictement les limites de son exercice : la raison est libre dans son usage public mais doit être soumise dans son usage privé. Voilà qui fonde une posture de l’intellectuel, de l’écrivain engagé qui lui autorise la lucidité dans la sphère publique pourvu qu’il n’en poursuive pas les conséquences lorsqu’il est - dans les termes de Kant - une « pièce d’une machine », lorsqu’il remplit donc une fonction sociale. Cette posture caractérise singulièrement la position du médiologue libéral comme de l’universitaire altermondialiste. Du coup, l’usage de la raison ne peut être qu’instrumental et toujours déjà récupéré. La critique ne peut être que moment dialectique qui conduit infailliblement au renforcement de la synthèse impériale. [2] Michel Foucault, Philosophie , p.327 [3] Michel Foucault, Philosophie, Surveiller et punir, p.554 [4] Hanfeizi, Nansan, chap.16, p.861 cité par Jean Lévi, Les fonctionnaires divins, politique, despotisme et mystique en Chine ancienne, Seuil, 1989, p.57 [5] « Le principe de réalité spécifique qui a commandé les progrès de la civilisation occidentale est le principe de rendement, la domination et l'aliénation qui découlent de l'organisation sociale du travail prédominante, déterminent dans une large mesure les exigences que le principe de réalité impose aux instincts. » Herbet Marcuse, Eros et Civilisation, éd. De Minuit, 1963, p.105 [6] Giorgio Agamben, La communauté qui vient. Théorie sur la singularité quelconque, p. 88 [7] Giorgio Agamben, le pouvoir souverain et la vie nue, p. 183
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