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Le silence banditAnonyme, Sunday, September 17, 2006 - 22:03
Leila Benhadjoudja
Je suis à la Havane, au centre de presse international, il est un peu plus de 21h. On vient de m'annoncer que le projet du document final de la XIV ieme conférence du Mouvement des pays non-alignés vient d'être mis en ligne. Aussi tôt, je le télécharge, j'en prends connaissance rapidement et déjà l'émotion m'emporte. Je ressens comme une joie intense de pouvoir lire, de savoir, de comprendre, du moins, d´essayer de comprendre. Samedi 16 septembre 2006 Le silence bandit C'est ce qui m'a amené à Cuba, le grand intérêt que je porte pour le mouvement des non-alignés. Mais au tour de moi il y a beaucoup de journalistes, et ils ne sont pas tous là pour la réflexion et l'analyse, mais pour l'image, le scoop, et les coups bas ne manquent pas. Je me suis fondue dans le décor journalistique, dans le chic palais des conventions, j'ai pu discuter avec des délégués, des ministres, des journalistes, les employés de la restauration, et l'excitation y était palpable dans chaque recoin. D'abord, de se retrouver dans une Cuba en transition a quelque chose d'exceptionnel. L'exceptionnel n'est pas le fait que Fidel soit en convalescence, ou que Raul prenne la relève, mais c'est plutôt de voir comment rien n'a changé. Fidel est toujours présent, il ne passe pas un jour sans qu'on ne parle de lui. L'exceptionnel, c'est l'obsession des journalistes, et la fixation qu'ils font sur le commandant, s'en était exaspérant. A chaque conférence de presse, tant du ministre des affaires étrangères Felipe Pérez que celle d'Evo Morales, la question revenait sur toutes les lèvres: et Fidel? Lorsque j'ai eu mon accréditation pour être journaliste au Sommet, je craignais de ne pas avoir les habilités pour faire une analyse efficiente de l'information. Après avoir discuté avec plusieurs journalistes, et lu les articles qu'ils écrivaient sur le Sommet, j'ai vite compris que les journalistes n'analysaient pas l'information, ils la mastiquent, lui donnent la forme qu'ils veulent, et nous la digérons sans pouvoir en connaître la saveur. Durant le Sommet, j'ai pris conscience que les journalistes qui ont la tâche de nous informer, ne s'informent eux-mêmes que très peu sur le sujet qu'ils vont couvrir. La plupart ont une vision très étroite, et très peu de connaissance sur le Mouvement, ses objectifs, et son évolution. De ce fait, ils posent des questions impertinentes, et ils font des pieds et des mains pour interviewer un ministre ou un chef d'état pour faire du sensationnel, en laissant de coté les questions de fond. D'ailleurs, comment peuvent-ils poser des questions réfléchies s'ils ne prennent pas le temps de maîtriser le thème qu'ils abordent. Les journalistes des grandes agences de presse sont à mon avis les pires. Ils forment des clans, ils se surveillent, se guettent entre eux comme des loups prêts à dévorer. Ils considèrent l'information comme un appât pour mieux attraper la proie. Mais qui est la proie? Nous, les auditeurs, les lecteurs, les citoyens. Nous mêmes qui allons ensuite absorber cette information, l'analyser peut-être, pour finalement la juger. Le jugement que nous porterons sera décisif sur nos opinions politiques et sociales. Mais voila, l'information que nous recevons est filtrée, remodelée, et nous arrive comme un prêt à « voter », un prêt à « manipuler », un prêt à « corrompre ». Il me semble scandaleux que 56 présidents et des délégués de 140 pays se réunissent à la Havane, et qu'on en parle à peine dans le « premier » monde. Dire qu'il y a quelques semaines à peine, les articles sur la maladie de Fidel, la « dictature » castriste, et l'avenir de l'île semblait préoccuper tout le Canada. Par contre, que 118 pays se réunissent pour trouver des solutions à leurs problèmes, pour condamner les violations du droit international, et exiger un commerce équitable, ne semble pas être assez important pour nos médias. Durant le Sommet, les mots qui revenaient le plus dans les discours des chefs d'état étaient solidarité, coopération, cœxistence, respect mutuel, lutte contre la pauvreté, commerce équitable, amitié entre les peuples. Nos journalistes ne trouvent-ils pas que ces mots sont porteurs d'espoir? Combien de fois dans l'histoire de l'humanité une centaine de pays est arrivée si vite à autant de consensus, comme celui sur le règlement pacifique des différends et le non-recours à la force, le droit à l'autodétermination et à la décolonisation, la culture de paix et de dialogue entre les civilisations, etc. Mais ces sujets n'ont pas l'air d'être pertinents pour nos chers rapporteurs d'informations. Je me demande où est l'éthique journalistique? Qu'est ce que le métier journalistique? Les journalistes ne devraient-ils pas avoir des qualités de sociologue, de politologue, d'historien et j'en passe? La responsabilité morale du journaliste est grande, car ses écrits, ses reportages et ses images influencent grandement l'opinion publique. Plus encore, les journalistes sont nos yeux, nos oreilles, nos témoins sur le terrain. Une relation de confiance est essentielle, et l'information ne doit pas être traitée comme un produit commercial, car la filtration de l'information est aussi de la censure et une atteinte à notre liberté.
site du journal cubain
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