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AGCS : Maintenant ou jamais plus (Partie I/III)laiguillon, Friday, June 23, 2006 - 04:45
Laiguillon
Monsieur Raoul Marc Jennar en est certainement la personne physique la plus représentative et ses articles d’une maîtrise et d’une compétence hallucinante a aussi du mal à éviter l’écueil de la complexité. Vous avez d’ailleurs tenté, éventuellement, si vous êtes courageux, de lire ces articles pour en soutirer la substantifique moelle… et puis vous avez peut-être abandonné, lâchement, devant la complexité du sujet. Oui le sujet est complexe, certes, et avec le camouflage, c’est justement la seconde arme maléfique de ce sujet qui pourrait bien …R E V O L U T I O N N E R vos vies à tous, qui que vous soyez !! Et pourtant vous devez savoir. Plus, vous devez comprendre…et lorsque l’AGCS sera plus clair pour vous, vous déciderez si vous devez lutter. Non, pas une lutte qui demande de participer à des manifestations, signer des pétitions ou s’engager dans un syndicat ou une association. Bien que ces formes d’engagement soient entièrement respectables et efficaces, j’ai peur que dans le cadre de l’AGCS, elles ne soient plus suffisantes. La seule alternative est une réaction citoyenne ! Je n’ai aucune prétention et ne suis pas un expert, pourtant, dans ces trois articles que je promets les plus condensés possibles, je vous propose de : Agissez ! Quelque soit votre tendance politique, votre situation, votre âge, vous êtes concernés, alors je vous en conjure : A G I S S E Z !!D’où vient l’AGCS ? Actuellement ces accords gèrent l’ensemble de l’activité humaine et non plus uniquement l’échange de biens et de marchandises. L’OMC est au-dessus de TOUTES les autres institutions, internationales ou pas !! (Montesquieu serait ravi d’apprendre qu’une organisation tient les trois pouvoirs …). Pourquoi l’AGCS existe ? Qu’est-ce que c’est en termes simples ? Qu’est qu’un service ? Quelle est le rayon d’action de ces accords ? Quand la mise en place de l’AGCS est-elle prévue ? Novembre 1947 à la conférence de La Havane où une charte visant la création d’une organisation internationale du commerce (OIC) au sein de l’Organisation des Nations Unies (ONU) est signée. Elle n’entrera jamais en vigueur (non-ratification des USA notamment) contrairement à son article IV qui deviendra l’accord douanier et commerce (GATT) ratifié par 33 pays sur l’initiative des USA. De 1947 à 1986, le GATT va travailler à l’abaissement des barrières douanières sur les produits manufacturés entre les pays membres et 7 “ rounds ? de négociations bilatérales sur le sujet auront lieu pour faire passer les droits de douane moyens de 45% à 5 %. En 1986, à l’initiative de Ronald REAGAN, un 8ème “ round ? est lancé à Punta Del Este (Uruguay round). Les négociations sur le commerce des services sont remises à l’ordre du jour par de puissants lobbies adossés aux firmes multinationales américaines et européennes. La manœuvre consiste à transformer un accord contractuel provisoire en une organisation permanente aux pouvoirs étendus, autonome par rapport à l’ONU et toute entière acquise aux dogmes de l’économie libérale. Les accords initiaux sont réécrits et quatre nouveaux secteurs sont engagés dans les négociations : l’agriculture, les services, l’investissement et la propriété intellectuelle. La phase de l’Uruguay Round où fut négocié l’AGCS, entre 1988 et 1991 (négociation validée par le gouvernement Rocard pour la France). L’effondrement du communisme en 1991 ne fait que renforcer l’idée d’un modèle unique de développement fondé sur le libre échange. Les négociations reprennent “ officiellement ? en mars 1993 avec la signature de l’accord de Blair-House qui entérine un compromis agricole entre USA et UE. Le 15 décembre, les USA et l’UE signent la fin du 8ème round par un accord global qui est entériné le 15 avril 1994 à Marrakech par quelques 117 pays avec une entrée en vigueur au 1er janvier 1995. Les députés français adoptent en urgence en décembre 1994 sous pression de BALLADUR et JUPPE. Des conférences ministérielles sont programmées au minimum tous les deux ans (Genève en 1998, Seattle en 1999, Doha en 2001). Avril 1998 à Paris : réunion des ministres de l’OCDE (Organisation pour la Coopération et le Développement) pour faire aboutir l’AMI (Accord Multilatéral sur l’Investissement). Mais les manifestations du mouvement citoyen aboutissent au retrait de la France pour six mois des négociations et, plus tard, à l’abandon de l’AMI. Décembre 1999 à Seattle : « blocage citoyen ». Novembre 2001 à Doha (Qatar) : cent quarante quatre pays -dont la France- signent le calendrier de la libéralisation des Services Publics. Avant le 30 juin 2002 : chaque pays formule à chacun des autres pays la liste des services dont il demande la libéralisation. Avant le 31 mars 2003 : chaque pays fournit la liste des services qu’il offre de libéraliser. Avril 2003 : lancement d’un cycle de négociations généralisées. 31 décembre 2004 : premières conclusions des négociations et mise en application des décisions de libéralisation ; avant de nouvelles négociations... Suite à l’échec de Cancun, la relance, à Genève, fin juillet 2004, du processus de négociation est basée sur deux dates clés : mai 2005 pour la remise par chaque pays des « offres de libéralisation finalisées » et décembre 2005 pour clôturer les négociations proprement dite sur ces offres. Les cas concernant les services qui tombent sous la juridiction de l’AGCS sont définis par 4 modes d’applications différents : Mode 1 : FOURNITURE TRANSFRONTALIERE Mode 2 : CONSOMMATION A L’ETRANGER Mode 3 : PRESENCE COMMERCIALE Mode 4 : PRESENCE TEMPORAIRE DE PERSONNES PHYSIQUES
NEGOCIATIONS POUR LA FRANCE En fait , la France ne négocie rien du tout directement, elle fait confiance à l’Europe pour cela. Jusqu’à très récemment, c’était le français Pascal LAMY qui était chargé des négociations pour l’ensemble des membres de la communauté européenne (Il ne faut pas oublier d’abord que Pascal LAMY est socialiste et qu’il a été nommé à Bruxelles comme commissaire au commerce par Lionel JOSPIN) ! Pascal LAMY est maintenant directeur de l’OMC (tiens, c’est bizarre …). A sa place, l’anglais Peter Mandelson a été nommé… Il faut se référer à l’article 133 du traité européen actuel pour comprendre les organes de décision européens. Il faut noter enfin, que c’est l’Union européenne qui a demandé expressément que ces accords soient accélérés (pour permettre d’avancer à Doha en novembre 2001) !! LES EXEMPTIONS Au niveau des règles générales applicables à tous les secteurs engagés, chaque Etat doit transmettre une proposition de nouvelles listes d’exceptions pour les secteurs qu’il souhaite protéger avant le 30 juin 2002. Les listes d’exemptions proposées ne peuvent être moins favorables que celles annexées au traité suite aux précédents “ rounds ? de négociations. Un Etat peut demander le statu quo mais pas revenir en arrière ! PHASE DE REQUETE Jusqu’au 30 Juin 2002, chaque membre a demandé aux autres membres d’ouvrir à la concurrence des secteurs de services qui l’intéressaient. PHASE D’OFFRES Jusqu’au 31 Mars 2003, chaque membre propose des secteurs qu’il accepte de libéraliser. Chaque partie contractante prépare une liste d'engagements ceux des 12 secteurs, 155 sous-secteurs, et 4 modes de services pour lesquels elle envisage une libéralisation, et jusqu'à quel degré. PHASE DE NEGOCIATIONS Jusqu’au 31 Décembre 2004, une négociation intervient, sous l’égide de l’OMC, pour faire parvenir à chaque « pays fournisseur de secteur» la liste des « pays fournisseur de services pour ce secteur ». Les négociations sont alors multilatérales. Puis elles deviennent unilatérales. Par exemple, les États préparent également une liste de demandes pour chacune des autres parties, où les secteurs d'intérêts pour négociation sont évoqués (toujours sur le principe « je voudrais que mes entreprises puissent vendre librement des assurances par le biais de succursales sur ton territoire (mode 3, ainsi que vu plus haut), en compensation je laisse les tiennes accéder aux à mon marché de courtage ou de fret et y envoyer directement des représentants (modes 1 et 4) »). Alors que les premières offres d'engagement auraient du être déposées au plus tard en mars 2003, plus du tiers des 148 membres n'avaient toujours rien soumis à la mi-2005, renforçant la probabilité d'un échec du cycle. Si vous avez attentivement lu ces différents points, il est tout à fait possible que pour l’instant, vous ne distinguiez pas précisément en quoi ces accords sont considérés comme terriblement dommageables pour notre vie de citoyen ou plus généralement notre vie d’humain… Pour vous donner un aperçu et avant de nous lancer dans les détails (partie II), quelques points qui peuvent vous mettre sur la voie. Si cela est si dommageable, pourquoi avoir signé ? Pour expliquer ce manque de clairvoyance, un petit rappel historique. L’accord met en place l’Organisation Mondiale du Commerce qui est chargée d’appliquer 24 accords dont l’AGCS (services), les TRIPS (propriété intellectuelle), les TRIMS (investissement), les SPS (les mesures sanitaires et phytosanitaires), le TBT (les obstacles techniques au commerce), etc… et la création de l’Organe de règlement des différends (ORD = tribunal de l’OMC). Soit en tout plus de 600 pages et des milliers de pages d’annexes que les députés français adoptent en urgence en décembre 1994 sous pression de BALLADUR et JUPPE. Les députés auront simplement une semaine pour étudier le “ pavé ? instituant l’OMC. Pourquoi toujours partir du principe que les décideurs ont de mauvaises intentions ? Je ne pars pas de ce principe, mais je constate. Bien sûr, je pourrais vous faire lire le genre de déclarations suivantes qui me font penser qu’il faut absolument mettre à jour mon article : « L’AGCS vise à réduire ou éliminer les mesures gouvernementales qui empêchent les services d’être librement fournis à travers les frontières nationales » - Bill Clinton « Aucun secteur ne doit être à priori exclu » - Pascal lamy « L’AGCS n’est pas seulement un accord entre les gouvernements, c’est avant tout un instrument au bénéfice des milieux d’affaires » – Lu sur le site de l’Union Européenne « Sans l’énorme pression exercée par le secteur financier américain,[..], il n’y aurait pas eu d’AGCS et peut-être pas d’Uruguay Round ni d’OMC » - David Hartridge, directeur de la division du commerce des services à l’OMC. « La libéralisation des services profitera essentiellement aux multinationales qui dominent le marché mondial » - Rapport de la CNUCED (Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement – 1985) « Je définirais la mondialisation comme la liberté pour mon groupe d’investir où il veut, le temps qu’il veut, pour produire ce qu’il veut, en s’approvisionnant où il veut et en ayant à supporter le moins de contrainte possible en matière de droit du travail et de conventions sociales » - Percy Barnevik (PDG d’Asean Brown Boveri). « L’eau est toujours gratuite : si vous voulez de l’eau, vous allez à la rivière ! » Gérard Mestrallet (PDG groupe Suez Lyonnaise des Eaux). Mais je dirais plutôt la chose suivante : A l’OMC comme dans d’autres « organisations humaines », le droit international relatif aux droits sociaux et à la préservation de l’environnement n’est pas pris en compte au profit de la “ loi du fric ? qui devient ainsi la valeur suprême de notre monde ! L’OMC est la seule organisation mondiale disposant d’un tribunal dont les jugements sont assortis de sanctions opposables, l’OMC ne peut rester en dehors du droit international mis en place au sein de l’Organisation des Nations Unies. L’OMC et l’AGCS sont des “ objets ? dogmatiques qui entravent le développement des pays du Sud et permettent un véritable pillage des richesses au profit de ceux qui peuvent payer ! Et bien , arrêtons tout et n’en parlons plus ! En théorie ce serait possible (la partie III vous donnera des clés) mais tel que prévu dans ces accords, un freinage, un arrêt ou un évitement est … quasiment IMPOSSIBLE La partie II traitera de l’ « Effet Cliquet » qui rend l’AGCS imparable et irréversible. Nous verrons en détail que l'ouverture des marchés nationaux se négocie au long de cycles de négociations qui sont prévus pour durer plusieurs années et sont basés sur le principe du « donnant-donnant ». Contrairement à ce que soutiennent certains, les accords de l’AGCS ne sont pas bouclés une fois pour toutes mais sont renégociés régulièrement. Pourquoi un sujet aussi ample est-il aussi méconnu ? C’est un des vices de l’AGCS et une des critiques les plus probantes. C’est aussi une des demandes forte provenant des opposants : « La transparence des négociations : Un processus d’évaluation intégrant la participation de la société civile nécessite d’assurer la pleine transparence des négociations et des mandats de négociation. Il appartient notamment à l’Union Européenne de modifier radicalement ses pratiques afin que les citoyens européens et leurs élus aient un accès réel à l’ensemble des documents relatifs aux négociations. ». Les négociations se tiennent à huis clos et leur contenu est strictement confidentiel, de même que la plupart des listes de demandes: la plupart des pays rendent publics des résumés d'ordre général, mais ne font que survoler les thématiques évoquées en quelques feuillets, alors que les listes exactes transmises aux pays représentent des documents techniques longs de plusieurs centaines de pages (le total des listes pour les négociations du GATT représente environ 30 000 pages). Une impulsion des Etats-Unis, relayée et accélérée aujourd’hui par l’Europe, tente discrètement d’ouvrir à la libéralisation les services sur l’ensemble des secteurs. Nos politiques ont avalisé dans l’opacité la plus totale, plusieurs fois déjà, la mise en place des pièces de l’échiquier. Le fonctionnement général de cette mécanique nommée AGCS montre parfaitement que rien ne semble pouvoir arrêter cette marche forcée. Par quels mécanismes précis, ces accords vont avoir des répercussions gigantesques sur notre vie de tous les jours ? Nous essayerons de le comprendre dans la seconde partie. Comment s’y opposer ? Une proposition précise sera abordée dans la dernière partie. PROCHAINE PARTIE (2/3) : COMPRENDRE POUR LUTTER Références pour cette partie
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