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Vive le 5e anniversaire de la grande bataille de Québec!

Eric Smith, Thursday, April 20, 2006 - 14:17

Arsenal-express

Il y a exactement cinq ans, le 20 avril 2001, des milliers de manifestantEs ont fait fi du formidable dispositif policier mis en place à l'occasion de la tenue du Sommet des Amériques à Québec et attaqué la fameuse clôture qui ceinturait le périmètre où les chefs d'État de tous les pays d'Amérique (sauf Cuba) étaient réunis pour répondre aux ordres de George W. Bush. Cette victoire fut accueillie avec frénésie par les masses à Québec, au Canada et même ailleurs dans le monde. Afin de souligner l'événement, nous publions un extrait du compte rendu qu'en avait fait le mensuel maoïste Le Drapeau rouge.

- Arsenal-express

Les manifestantes et manifestants qui ont porté l'attaque contre le Sommet des Amériques à Québec le vendredi 20 avril en plein cœur de l'après-midi ont sans doute vaincu plus qu'une seule barrière lorsqu'ils et elles sont parvenus à faire tomber l'imposante clôture qui entravait le boulevard René-Lévesque près du Grand-Théâtre. Non seulement ont-ils jeté à terre, dans une explosion de joie et de fierté belle à voir, une section du long "périmètre de sécurité" qui servait d'enclos pour les chefs d'État des 34 pays du continent et leurs nombreux apparatchiks, mais de plus, ils ont brisé ou fait vaciller en quelques heures les nombreuses autres barrières dressées contre l'action révolutionnaire des pauvres et des exploitéEs: l'intimidation policière; les précautions archi-sécuritaires d'un sommet impopulaire; l'intoxication idéologique, les divisions; la passivité imposée par le légalisme et le pacifisme; et ce, sans compter cet autre "périmètre" fabuleusement serré que traînent autour d'eux les dirigeantEs des syndicats et des grandes organisations et qui a pour nom: la peur (la haine!) de l'action offensive contre la bourgeoisie et contre ses intérêts.

Cet après-midi-là du vendredi 20 avril, alors qu'on en était à quelques heures seulement de l'ouverture officielle du Sommet, était à l'évidence chargé d'un contenu offensif qui tranchait avec le lent déroulement du reste de la semaine, au cours de laquelle le sommet dit "des peuples" avait cherché à broder une énième fois sur le thème des alternatives à la mondialisation, avec en sous-main l'objectif assez douteux d'obtenir un "sommet des sommets", c'est-à-dire une rencontre officielle avec des représentants du Sommet des Amériques.

Pendant que se déroulait dans une relative indifférence le teach-in organisé en basse-ville par la coalition Common Frontiers, la foule des manifestantEs se rassemblait à l'Université Laval, à Sainte-Foy. C'est là que convergeaient les groupes et organisations anticapitalistes, dont une majorité répondait à l'appel de la CLAC (Convergence des luttes anticapitalistes) et du CASA de Québec. Se retrouvaient là également de nombreux contingents étudiants, des groupes des provinces maritimes, des États-Unis, de l'Ontario, des groupes libertaires et anarchistes, des associations de chômeurSEs et d'assistéEs sociaux, et beaucoup, beaucoup de travailleurs et de sans-emploi, jeunes et moins jeunes, bardés d'une ferme volonté de donner un caractère de classe à l'opposition au Sommet et à la ZLEA. Ce fut d'ailleurs un fait à signaler pendant toute cette fin de semaine. L'action des manifestantEs aux abords du périmètre était portée par cette opposition de classe entre pauvres et riches, entre prolétaires et bourgeois, entre la solidarité, même un peu confuse, des uns, et la complicité, celle-là tout à fait clairvoyante, des autres.

Les militantes, militants et sympathisantEs du Parti communiste révolutionnaire (comités d'organisation) étaient partie prenante de ce rassemblement. Ayant apporté avec eux et elles de très nombreux drapeaux rouges, des pancartes, dont certaines exigeaient la libération du militant noir américain Mumia Abu-Jamal, portant des foulards rouges marqués de la faucille et du marteau, le PCR(co) arborait une des plus fortes bannières révolutionnaires de cette marche; elle disait: Par la lutte révolutionnaire du prolétariat et des peuples opprimés, NOUS ABOLIRONS LA SOCIÉTÉ BOURGEOISE! Le PCR(co) était résolu à manifester dans l'unité avec les autres militantEs anti-capitalistes. Il ne s'agissait pas d'aplanir des divergences qui par ailleurs existent sur bon nombre de questions politiques, mais de développer une unité dans l'attaque contre le sommet, et de marcher au coude-à-coude avec les plus résoluEs des manifestantEs.

Comme le fit remarquer quelques heures plus tard un manifestant, le drapeau internationaliste par excellence, le drapeau rouge, était légitimement porté par les maoïstes du Canada au sein du groupe de tête qui, un peu avant 15h00, s'avança sur René-Lévesque en direction du périmètre de sécurité.

5 000, 6 000 manifestants-es marchèrent sur René-Lévesque en direction d'un des points d'accès principaux du périmètre, devant le Grand-Théâtre. Pendant la marche, des centaines de militants et de militantes se déplacèrent sur le flanc gauche de la manifestation de manière à s'assurer, pour eux-mêmes et pour leurs groupes, d'une position plus sécuritaire avant de parvenir aux abords du périmètre. Vers 15h00, les manifestantEs, déterminéEs, rapides et prompts à l'action, parvinrent au périmètre. Il s'agissait d'une haute clôture de plus de trois mètres derrière laquelle étaient stationnés les policiers anti-émeute de la Sûreté du Québec. Il ne fallut pas plus de dix minutes pour jeter à terre cette barrière devenue soudainement ridicule. Un câble accroché à son sommet et des dizaines de mains résolues permirent de rabattre vers le sol cette cloison fragile. Les manifestantEs pénétrèrent dans le périmètre. Les policiers se mirent à avancer, mais les militants les stoppèrent rapidement avec des projectiles de toutes sortes: pierres, rondelles de hockey, barrières métalliques, cocktails molotov, etc. Les policiers furent aussitôt renforcés par une seconde unité anti-émeute sur René-Lévesque même, en même temps que se déployaient progressivement dans toute la zone du Grand Théâtre plusieurs centaines d'autres flics.

Les organisateurs du Sommet ont été dans l'obligation de reporter d'une heure les cérémonies d'ouverture. Jamais par la suite, ils ne furent assurés des conditions "normales" auxquelles ils croyaient s'être donnés le droit en érigeant le fameux périmètre et en mobilisant entre 6 000 et 7 000 flics pour leur protection.

C'est peu de temps après la chute de ce premier pan de la clôture, que débuta du côté policier le festival des gaz et les tirs de balles de plastique. Jamais en Amérique du Nord, un centre-ville fut-il à ce point aspergé de gaz lacrymogènes comme le fut Québec les 20 et 21 avril. Les forces policières furent surprises et débordées par la ténacité, l'endurance et la persévérance des militantEs anticapitalistes. Comme leurs responsables durent eux-mêmes le reconnaître, ils furent contraints de s'approvisionner en gaz aux USA dans la nuit de vendredi à samedi. Ils durent également faire appel à des contingents de policiers supplémentaires non prévus aux plans d'effectifs initiaux.

Les dizaines de militantEs blessés par les balles de plastique, les 460 personnes arrêtées, les commandos de policiers déguisés en manifestants procédant au kidnapping de militantEs, le débordement et l'essoufflement des forces anti-émeutes, tout ça montre à l'évidence que la manifestation, dont le leadership appartenait aux forces anticapitalistes, a fait preuve d'un caractère offensif et combatif exceptionnel, qu'il faut saluer de toutes nos forces. Il faudra s'en souvenir et s'éduquer pour longtemps dans un tel esprit combatif et révolutionnaire qui honore les militantEs mille fois plus que ne saurait le faire un soi-disant "sommet des peuples" où viennent se pavaner des vedettes, ou alors une quelconque conférence de presse où on joue, comme au théâtre, les oppositionnels alors que dans les faits on est attachés par mille et un fils au char de l'État.

L'appui apporté par une grande partie de la population de Québec, au moyen de multiples gestes d'entraide et de solidarité, suffirait à montrer le contenu positif, l'adhésion, et le ralliement à l'attaque contre le Sommet, sentiments qui ont traversé de très larges secteurs des classes populaires. Mais il faut en plus mentionner les deux points suivants.

L'impact populaire de la victoire contre le périmètre du vendredi s'est vérifié dès le début de la journée du samedi par la mobilisation d'une deuxième vague de manifestantEs, dont une large part venait des milieux populaires de Québec et qui se sont activés dès 10h00 ou 10h30 contre le périmètre, et ce à peu près à chacun des points où le dit périmètre était accessible.

L'autre point qui doit être mentionné et qui est lui aussi d'une signification importante, c'est la désertion massive par des milliers de syndiquéEs et leurs supporters, de la grande manifestation syndicale. Devant la futilité des objectifs tactiques et du déroulement de cette manifestation, la foule était nombreuse en court de trajet à rebrousser chemin et à se porter vers la haute-ville, aux abords du périmètre. La mobilisation syndicale et réformiste, qui est toujours trompeuse à sa manière, a amené dans les rues de Québec des travailleursSES et des militantEs sincères qui croyaient honnêtement que la marche du 21 avril allait constituer le moment fort du mouvement d'opposition. Or, loin d'être le moment fort, c'en fut plutôt le moment faible. La simple quantité ne suffisant pas à attribuer une portée politique qu'elle ne mérite pas à telle ou telle manifestation. Cela, les travailleurs et les travailleuses de la base l'ont bien compris.

Mine de rien, toute la période de mobilisation de l'opposition au Sommet de Québec a constitué une terrible défaite pour les milieux platement réformistes qui dirigent et orientent le mouvement syndical, les ONGs et les groupes communautaires. Ceux-ci ont cru pouvoir occuper tout le terrain avec leur simulacre d'opposition assis sur les discours creux de la société civile et de l'opposition citoyenne, qui sont autant de contresens démocratico-petit-bourgeois qui dépolitisent et dissimulent les enjeux de classe. Or, un certain nombre de forces anticapitalistes, sans véritables moyens ni ressources, ont pris de vitesse cette opposition officielle maintenant discréditée.

La première qualité d'une véritable opposition de classe, c'est son contenu offensif. Dès l'instant où on accepte d'être limités, contraints, circonscrits dans notre action à l'intérieur d'un espace toléré par l'État capitaliste et par la démocratie bourgeoise, on perd ce contenu offensif, cette capacité de confronter la bourgeoisie et éventuellement de lui imposer des défaites.

La manifestation docile du 21 n'était plus qu'une chose gérée par l'administration du Sommet des Amériques (bureaucratie, services de sécurité, polices). Par contre, les mouvements d'attaque contre le Sommet, les manifestations contre le périmètre, n'avaient rien quant à eux d'une simple chose qu'on peut gérer administrativement. C'était clairement une manière de se réapproprier l'action politique.

À partir de maintenant, il faut répercuter l'esprit combatif qui a prévalu lors de la fin de semaine des 20 et 21 avril à Québec. Il faut gagner le plus grand nombre possible de travailleursSES, de jeunes et de sans-emploi à adopter cet esprit et à s'en inspirer quotidiennement dans leurs luttes contre le système capitaliste et contre l'État bourgeois.

Saluons tous les militants et toutes les militantes des 20 et 21 avril à Québec!
Continuons le combat contre le système capitaliste!
Luttons pour la révolution prolétarienne et le socialisme!

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Article paru dans Arsenal-express, nº 95, le 20 avril 2006.

Arsenal-express est une liste de nouvelles du Parti communiste révolutionnaire (comités d'organisation).

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