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Ce qu’il reste du Sommet des AmériquesAnonyme, Tuesday, April 11, 2006 - 20:54
Sébastien Bouchard
Cinq ans après, voici un bref retour sur ce qu’a été la mobilisation autour du Sommet des Amériques et ses impacts à court et moyen terme. Notons d’abord que la vaste campagne d’opposition au Sommet des Amériques s’est déroulée dans un contexte d’approfondissement des politiques néolibérales doublé d’une croissance des luttes sociales. Cette mobilisation est une suite directe des manifestations de Seattle qui ont permis de faire dérailler les négociations de l’OMC. C’est aussi la suite de la Marche mondiale des femmes, événement unique qui a fait le tour de la planète et dont l’origine est québécoise. Mobilisation et prise de conscience Loin de se résumer à une fin de semaine, certaines des mobilisations autour du Sommet des Amériques prennent plutôt la forme de dizaines de milliers de journaux, de milliers de conférences et de réunions d’organisation de même que de nombreux groupes d’affinité, coalitions et organisations. Le Québec prend alors conscience des enjeux liés à la mondialisation des marchés. Les sondages démontrent, à la suite de l’événement, une modification significative de l’opinion publique. La négociation anti-démocratique de la ZLÉA, dont les députés eux-mêmes ne peuvent avoir accès aux textes, marquera plusieurs. C’est surtout la pression sur les programmes sociaux et les réglementations sociales et environnementales qu’implique le libre-échange qui offusquera les manifestants. Qui dit libre-échange dit éliminer tout ce qui nuit au commerce. Le Sommet a aussi pris la forme de la Marche des peuples, qui a rassemblé plus de 60 000 personnes. Cette Marche a été précédée d’un Sommet des peuples des Amériques qui a adopté l’idée que la ZLÉA est un projet « néolibéral, raciste, sexiste et destructeur de l’environnement ». Ce rejet clair de l’accord de libre-échange contraste avec la position ambiguë de certaines centrales syndicales du Québec. La mobilisation contre le Sommet a aussi permis une radicalisation de milliers de personnes qui a pris souvent la forme d’une opposition au capitalisme et aux inégalités qu’il engendre. Plusieurs garderons en tête les 15 000 personnes qui se sont rendus, en deux manifestations, jusqu’au mur de la honte pour le faire tomber. Plus que ce symbole, ce qui a eu lieu, c’est la politisation d’une nouvelle génération que l’on retrouvera plus tard dans les groupes du mouvement étudiant, populaire et écologiste. La politisation, à vitesse variable, de l’anti-capitalisme à la mondialisation à visage humain, se manifestera par la création de plusieurs niveaux de coalitions (trois dans la ville de Québec) qui coordonneront une partie de leurs efforts, mais utiliseront aussi des tactiques différentes. La question des moyens d’action sera d’ailleurs le principal sujet traité par les médias, plus intéressés à savoir la quantité de matraques et de masques à gaz utilisés durant le Sommet que de chercher à comprendre les enjeux du libre-échange. Le Sommet a enfin été un des rares moments où les mouvements sociaux du Québec, du Canada et du Nord-Est des États-Unis ont travaillé ensemble. Ce réseautage, au niveau international, se consolide depuis grâce aux forums sociaux qui se tiennent un peu partout sur la planète. Un premier forum social québécois se tiendra d’ailleurs à Trois-Rivières en juin cette année. Dans la région de Québec, le forum social qui s’est tenu en 2002 a débouché sur la création d’une coalition permanente des mouvements sociaux de la région : le Réseau du Forum social de Québec. Sur le plan politique, l’unanimité néolibérale règne de l’ADQ au PQ en passant par le PLQ. En effet, Bernard Landry, alors premier ministre, aurait été bien mal vu de critiquer le libre-échange, lui qui a été avec son parti un acteur clé pour faire élire les conservateurs de Mulroney justement pour établir l’accord de libre-échange avec les É.-U. La position du PQ sera particulièrement pitoyable, se limitant à brailler pour avoir droit à une chaise autour de la table, sans jamais être capable d’analyser les dangers de ces accords. À l’opposé, l’Union des Forces progressistes obtient un résultat de 24 % dans les élections partielles de Mercier, un mois avant le Sommet. Les suites du Sommet Alors que les manifestations de Seattle avaient été suivies d’une série de mobilisations mondiales contre les grands sommets des dirigeants de la planète, les attentats du 11 septembre, cinq mois après le Sommet des Amériques, auront un effet démobilisateur particulièrement puissant en Amérique du Nord. Au Canada, une vaste campagne de mobilisation et de perturbations économiques contre l’OMC (Organisation mondiale du commerce) est tombée du jour au lendemain. C’est paradoxalement le rejet de l’invasion de l’Irak pour son pétrole, justifié par cet attentat et les pseudos armes de destructions massive, qui remobilisera massivement la planète. En effet, les 20 000 personnes qui, à Québec, se sont mobilisées de même que les 200 000 à Montréal et les 5 000 à Alma, Gatineau, Trois-Rivières et ailleurs au Québec et, dans une moindre mesure, au Canada, sont les héritières du Sommet des Amériques et de sa conscience internationaliste. La construction du nouveau parti Québec solidaire est aussi un héritage de l’incapacité du Parti Québécois à répondre aux attentes soulevées par les mobilisations du Sommet, mais aussi à celles de la Marche mondiale des femmes. Au niveau des Amériques, trois facteurs expliquent l’incapacité actuelle d’adopter cet accord de libre-échange. À côté des mobilisations populaires des Amériques et de la prise de pouvoir par la gauche politique dans la majorité des pays, les crises engendrées par les politiques néolibérales en Amérique latine auront exacerbées les difficultés autour de la ZLÉA. Le Sommet des Amérique fut tout d’abord un moment historique qui permit une prise de conscience politique des enjeux liés à la mondialisation capitaliste. Le Sommet est aussi, tout comme les mobilisations contre la guerre ou pour l’écologie, la preuve que ce n’est pas les intérêts individualistes qui poussent les gens à se mettre massivement en action, mais plutôt la volonté de construire un monde meilleur. Sébastien Bouchard, Ex-coordonnateur de OQP-2001, la coalition de Québec contre la ZLÉA
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