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Rien à voir avec la "liberté d'expression"

Anonyme, Wednesday, February 8, 2006 - 15:49

Service de presse d'A World to Win

- Un éditorial du service de presse du magazine A World to Win

(Le 6 février 2006) En septembre dernier, le rédacteur en chef d'un quotidien danois de droite, le Jyllands-Posten, passait une commande à une douzaine de dessinateurs, à qui il demanda de produire des caricatures de Mahomet. Comme il l'a plus tard avoué, il souhaitait ainsi offenser les croyants musulmans, dont plusieurs considèrent la publication d'images représentant ce prophète comme un sacrilège. En outre, certaines de ces caricatures visaient expressément à insulter la religion islamique et ses adhérents, en les décrivant comme des poseurs de bombes insensés et des barbares sanguinaires. Dans l'ensemble, elles visaient à humilier et à rabaisser gratuitement une bonne partie de la population mondiale.

Il y a quelques semaines, en janvier, un prétendu magazine chrétien de Norvège a ravivé la controverse en publiant de nouveau les caricatures en question. Depuis lors, des quotidiens français et allemands, notamment, ont fait de même, tout cela au nom de la "liberté de presse".

Mais la "liberté de presse" et la "liberté d'expression" ont bien peu à voir avec toute cette affaire. En effet, la publication des fameuses caricatures ne visait aucunement à "rappeler quelque vérité à ceux qui tirent les ficelles"; au contraire, elle exprimait précisément le point de vue des éléments, au sein de la classe dominante des pays impérialistes, qui tentent de monter leur population indigène contre les immigrantEs et les peuples des pays du tiers monde, qu'ils exploitent et dominent. Il faut bien voir que leur croisade n'en est pas une contre la religion en général: elle est en fait dirigée uniquement contre les religions des autres.

Ce n'est sans doute pas un hasard si l'épicentre de la tempête se trouve au Danemark - un pays qui est dirigé par l'un des gouvernements les plus ouvertement anti-immigrants de toute l'Europe (cela, en dépit du fait que le Danemark présente l'un des plus faibles taux d'immigration en Europe de l'Ouest); un pays, en outre, qui maintient actuellement ses troupes en Irak et en Afghanistan.

Et ce n'est certainement pas un hasard non plus si ces caricatures ont été reprises en France. Leur publication dans un prétendu quotidien de gauche, après qu'elles eurent été reprises une première fois dans un tabloïd de droite, illustre clairement à quel point le racisme est désormais admis et répandu parmi la classe politique de ce pays. La situation a d'ailleurs empiré, à cet égard, depuis la révolte des jeunes du prolétariat immigré, qui a secoué la France vers la fin de l'année dernière. Le ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy a adopté le discours anti-immigration qui était autrefois l'apanage des néo-nazis. Les 12 caricatures anti-islamiques ne détonnent aucunement dans un pays qui a récemment vu le Parlement adopter, et deux fois plutôt qu'une, une loi exigeant qu'on enseigne dans les écoles les soi-disant "bienfaits" du colonialisme français, incluant vraisemblablement les épisodes d'esclavage qui l'ont accompagné.

Les caricatures ont également été reprises avec empressement en Allemagne - un pays dans lequel les politiques anti-immigration traditionnelles ne cessent de se durcir. Ainsi, les musulmans qui tentent d'obtenir la citoyenneté en Bavière doivent maintenant répondre à un questionnaire dans lequel on cherche à mesure leur tolérance vis-à-vis les autres groupes ethniques et les gais et lesbiennes (notamment). Il va sans dire que l'Allemagne connaîtrait un grave problème de sous-population s'il fallait que les mêmes critères soient appliqués à ses citoyens et citoyennes de souche...

Certaines personnes prétendent qu'on devrait être "tolérant" face à la publication de telles caricatures. Ce serait oublier bien vite que toute l'affaire découle elle-même d'un geste d'intolérance officiel, soutenu au plus haut niveau, tourné contre les "étrangers" et ceux "qui ne sont pas comme nous" - on parle ici essentiellement des gens qui ont été contraints de quitter leur patrie en raison des conditions imposées par les pays impérialistes comme la France, l'Allemagne, le Danemark et les États-Unis, et dont la surexploitation explique en bonne partie pourquoi ces pays sont maintenant si riches.

L'offense qu'on a commise délibérément ne visait pas tant Mahomet en soi, que ceux et celles qui ont un fils possiblement prénommé Mohamed. Tant et aussi longtemps qu'ils porteront un nom à consonance "islamique" ou qu'ils présenteront l'apparence d'un "musulman", leurs enfants seront en effet toujours traités différemment de leurs prochains à la peau blanche et présumés chrétiens, pour qui les croyances constituent rarement un facteur de discrimination.

On nous dit également qu'il faudrait appuyer la publication de ces caricatures au nom des idéaux du Siècle des lumières. Ce qu'on omet de nous rappeler toutefois, c'est que la montée de la science et de la raison qui a effectivement caractérisé cette époque fut accompagnée de manière indissociable par le pillage ouvert et la mise en esclavage d'une bonne partie de la population mondiale. N'est-ce pas d'ailleurs ce qui se passe encore dans le monde d'aujourd'hui -- à la différence près que les pays occidentaux, avec les États-Unis de George W. Bush à leur tête, peuvent de moins en moins prétendre représenter la science et la raison, eux qui n'hésitent plus à mener leur propre guerre sainte?

Tout ce verbiage vertueux à propos des prétendues valeurs européennes séculières relève de la pure hypocrisie. Ainsi, la constitution danoise, pour une, reconnaît le luthéranisme comme religion officielle et oblige le gouvernement à protéger, administrer et financer l'Église évangélique luthérienne. On peut donc dire que la liberté de religion n'existe pas au Danemark. Le quotidien britannique The Guardian vient d'ailleurs de révéler qu'il y a trois ans, le même journal danois à l'origine de toute cette controverse avait refusé de publier des caricatures représentant Jésus-Christ, sous prétexte que cela aurait pu "offenser certains lecteurs" et qu'elles n'étaient tout simplement pas drôles (sic). Apparemment, des catholiques pratiquants les avaient pourtant trouvé plutôt amusantes - ce qui montre bien que ce qu'on trouve drôle, ou pas, dépend toujours du point de vue à partir duquel on se situe. En France et en Allemagne, en pratique (sinon du point de vue juridique), le christianisme peut également être considéré comme la religion officielle -- sans parler bien sûr des États-Unis, où la plupart des principaux supporters de George W. Bush (et lui aussi) croient qu'il a été choisi pour occuper la présidence par le Saint-Esprit lui-même.(1)

Comment peut-on accepter que le gouvernement Bush ait osé afficher sa solidarité avec les journaux qui ont publié les caricatures et avec les gouvernements qui les ont soutenus en invoquant la "liberté d'expression", au moment même où ses sbires n'ont pas hésité à arrêter, menotter et traîner par terre la mère d'un soldat américain ayant perdu la vie en Irak, simplement parce qu'elle a eu l'audace de porter un t-shirt anti-guerre pendant que le président livrait son dernier discours sur l'état de l'Union?

Il semble que pour bien des Européennes et Européens, il s'est avéré plus difficile que prévu de saisir les tenants et aboutissants de toute cette affaire. Si les caricatures controversées avaient stigmatisé les juifs plutôt que les musulmans, il est évident qu'un grand nombre de gens, y compris parmi les non-juifs, auraient tout de suite détecté l'odeur nauséabonde des camps de concentration. Demandez aux immigrantes et aux immigrants d'origine musulmane au Royaume-Uni ou dans n'importe quel autre pays européen si une telle chose aurait été acceptable: la plupart d'entre eux en auraient été indignés.

Il est vrai que la réaction à la publication des caricatures anti-islamiques a fait l'objet de manipulations à des fins réactionnaires. Le gouvernement égyptien, qui n'est rien d'autre, au demeurant, qu'une succursale des États-Unis, s'est volontairement hissé au premier rang au palmarès de l'indignation, dans le but de couper l'herbe sous le pied de l'opposition islamiste. Les attaques qui ont été commises contre des ambassades européennes en Syrie et au Liban ont elles aussi tout à voir avec les manœuvres des différentes forces réactionnaires qui luttent pour le pouvoir. En Syrie notamment, il appert que ces attaques ont été initiées par les forces d'opposition soutenues par les États-Unis, bien plus que par le gouvernement laïque actuellement en place. Il est également parfaitement ridicule que la bannière de l'opposition aux caricatures ait été principalement arborée par Muqtada Sadr en Irak; celui-ci a sauté sur l'occasion pour inciter ses supporters à s'en prendre aux troupes danoises plutôt qu'aux troupes américaines, avec qui il tente d'éviter tout affrontement et cherche à en arriver à un compromis à tout prix.

Comme on l'a vu en Irak et en Afghanistan, où des régimes intégristes ont été portés au pouvoir grâce aux balles tirées par des fusils américains (un phénomène qui s'est répété, de manière peut-être moins évidente mais non moins réelle, dans à peu près tous les pays du Moyen-Orient), les États-Unis et les autres puissances impérialistes ont joué un double jeu avec la religion. Ils ont arboré la bannière du christianisme et de la guerre sainte à des fins domestiques, auprès de leurs propres populations, tout en encourageant la montée de l'intégrisme musulman dans les pays qu'ils dominent, y voyant un moyen de confiner la résistance populaire dans des limites étroitement religieuses, ce qui leur a d'ailleurs souvent servi à imposer des régimes dociles.

Les maoïstes s'opposent aux caricatures anti-islamiques non pas pour des motifs religieux, mais parce qu'elles expriment à la fois l'écrasement de la majorité des peuples du monde par la classe dominante d'une poignée de pays impérialistes, et l'oppression sur laquelle repose tout le système actuel. Ce n'est qu'en démasquant et en s'opposant d'un point de vue révolutionnaire à ce qui n'est en fait rien d'autre qu'une incitation à la haine religieuse d'inspiration fasciste, qu'on pourra renforcer l'unité de tous les peuples dans la lutte contre les maîtres actuels du monde. Et ce n'est que de cette façon qu'on pourra faire émerger, éventuellement, une conscience et une vision du monde enfin débarrassées des chaînes de la religion -- de toute religion.

Traduction: Arsenal-EXPRESS

(1) [NDLR] Soit dit en passant, le rédacteur en chef du magazine hebdomadaire (et prétentieux) Voir, Richard Martineau, affirmait avec toute sa "prestance" (!) lors d'un débat diffusé sur les ondes du Grand Journal à TQS, que les musulmanes et musulmans qui ne sont pas d'accord avec "nos valeurs" n'avaient qu'à "quitter le pays", ajoutant "qu'ici au Canada, on a une charte des droits et on respecte la séparation entre l'église et l'État". Faut-il rappeler à ce parfait insignifiant que la dite Charte des droits, qu'il n'a de toute évidence jamais lue, affirme dans son préambule que "le Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie du Dieu"?

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Article paru dans Arsenal-express, nº 84, le 8 février 2006.

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