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Plus de 300.000 manifestants à Washington DC le 24 septembre

Anonyme, Tuesday, October 4, 2005 - 04:51

Joëlle Pénochet

Les journées de mobilisation à Washington du 23 au 26 septembre ont été un franc succès pour le mouvement anti-guerre américain. Le samedi 24, plus de trois cent mille personnes venues de tous les Etats du pays ont marché pendant des heures autour de la Maison blanche. « La plus grande manifestation dans la capitale américaine depuis l’invasion de l'Irak», a du admettre le Washington Post.

Nouveau départ pour le mouvement pacifiste américain

Plus de 300.000 manifestants à Washington DC le 24 septembre

Les journées de mobilisation à Washington du 23 au 26 septembre ont été un franc succès pour le mouvement anti-guerre américain. Le samedi 24, plus de trois cent mille personnes venues de tous les Etats du pays ont marché pendant des heures autour de la Maison blanche. « La plus grande manifestation dans la capitale américaine depuis l’invasion de l'Irak», a du admettre le Washington Post. La semaine précédant les manifestations, Karl Rove avait dit que le mouvement anti-guerre était inexistant, et que Cindy Sheenan était « un clown » (1).

Le mouvement pacifiste américain, qui n’avait cessé de s’amplifier depuis septembre 2001, jusqu’à réunir un demi million de personnes à Washington le 19 janvier 2003 et environ le même nombre à New York le 15 janvier 2003 lors de la journée internationale contre la guerre (2), avait faibli après l’agression contre l’Irak, et surtout après la campagne présidentielle de 2004, en raison du soutien du mouvement « Anybody but Bush » au candidat démocrate ultra militariste et ultra sioniste John Kerry, auquel s’était rallié une partie des associations pacifistes.

« Fin de l’occupation en Irak, en Palestine, à Haïti, et partout dans le monde »

C’est la coordination A.N.S.W.E.R. (Act Now to Stop War and End Racism) qui avait initié la manifestation, le 12 mai 2005, avec les slogans « Arrêtez la guerre contre l’Irak » et « Fin de l’occupation en Irak, en Palestine, à Haïti, et partout dans le monde. » La manifestation, préparée depuis des mois par des centaines de volontaires, a réuni trois fois plus de personnes que les organisateurs en attendaient. Des bus avaient amené des manifestants venus de 350 villes américaines. D’autres grandes manifestations se sont déroulées simultanément dans deux cents villes du pays, dont San Francisco, New York, Chicago, Los Angeles, Seattle, Anchorage (Alaska) et Crawford (Texas).

Les actions ont débuté avec la 1e session du « Tribunal pour Haïti » qui s’est tenu le 23 septembre à l’université Georges Washington, avec des projections de films sur les crimes des occupants, des témoignages émouvants de victimes et le réquisitoire de Ramsey Clark, avocat, ancien ministre de la Justice du président Lyndon Johnson, prix Gandhi de la Paix, qui s’est battu contre toutes les guerres menées par les Etats-Unis, du VietNam, à l’Irak en passant par la Yougoslavie.

Près de deux tiers des Américains souhaitent le retrait des troupes d’Irak

Ces différentes manifestations se sont déroulées alors que près de 60% d’Américains (sondage CBS/New York Times) estiment aujourd’hui que cette guerre était une erreur (soit un peu plus qu’en janvier 2003), et que 63% d’entre eux souhaitent le retour des 147.000 militaires américains basés en Irak (sondage Gallup, septembre 2005). Les chiffres officiels déclarent 1 911 morts et 14 641 blessés depuis le début de la guerre en mars 2003, mais le bilan pourrait être en réalité beaucoup plus lourd. En outre, beaucoup de soldats se suicident à leur retour.

La marche a été précédée de prises de parole de nombreux représentants des différentes organisations et personnalités du mouvement, dont beaucoup avaient déjà milité contre la guerre du VietNam. Le député britannique George Galloway, opposant de la première heure à l’agression anglo-américaine contre l’Irak (3), a été l’un des intervenants à la tribune les plus applaudis, aux côtés des figures traditionnelles des pacifistes américains, comme Ramsey Clark, Ralph Nader, candidat aux trois dernières présidentielles (qui a fait une grande tournée contre la guerre à travers les Etats-Unis au printemps dernier avec la chanteuse engagée Patti Smith), le révérend Jessie Jackson ou l’actrice Jessica Lange. Un responsable de la coordination A.N.S.W.E.R exige le retrait immédiat des troupes : « Plus de cent mille irakiens et des milliers de GI’s ont été tués, de nombreux autres sont blessés. Le bilan va continuer de s’aggraver. Au lieu de dépenser 1,4 milliard de dollars par semaine pour la guerre (soit 200 millions par jour) pour une occupation illégale de l’Irak, ces fonds devraient être utilisés pour répondre aux besoins sociaux comme ceux des victimes de la gestion criminelle de l’ouragan Katrina. »

« Pas un de plus ! »

Très acclamée, la californienne Cindy Sheehan, mère d’un soldat de 24 ans, Casey, « mort pour rien » à Bagdad au printemps 2004, hurle à la tribune à l'attention des membres du Congrès, qui avaient voté en faveur de l’invasion de l’Irak : «Honte à vous ! Combien d'autres enfants voulez-vous sacrifier?» La foule répond avec elle : «Not one more!» (« Pas un seul de plus »). Cindy Shenan est devenue la nouvelle figure de proue du mouvement anti-guerre après avoir fait pendant tout le mois d’août le siège du ranch de G.Bush à Crawford (Texas) où le président passait ses vacances, en attendant une entrevue qu’elle n’a jamais obtenue. Le campement, dit « Camp Casey » a rassemblé des milliers de personnes. Après avoir quitté Crawford, les manifestants ont fait une tournée de trois semaines à travers vingt-cinq États en autocar (le « Bring Them Home Tour »), avant de rejoindre Washington le 24 septembre.

Les deux grandes coordinations nationales anti-guerre, International A.N.S.W.E.R. et United for Peace and Justice (UFPJ) ont réussi une unité de façade de dernière heure pour la grande marche du 24 (chaque organisation conservant ses propres bannières et slogans). À l’origine, l’U.F.P.J., qui voulait prendre la tête du mouvement en récupérant le travail d’A.N.S.W.E.R., avait refusé toute manifestation unitaire. Le mouvement « Move On », qui avait mené une campagne anti-Bush retentissante grâce aux fonds du milliardaire Georges Soros, afin de drainer les voix des pacifistes vers le candidat Démocrate militariste John Kerry, est resté discret (4).

« Bush doit être destitué»

Comme à l'habitude, des manifestants de toutes les générations, de tous les âges, de toutes les couleur de peau, de toutes les appartenances politiques (y compris des électeurs démocrates et républicains) et religieuses (chrétiens, musulmans, bouddhistes…) ont défilé côte à côte dans cette longue marche d’une dizaine d'heures. Des religieuses côtoient des militaires en uniforme, des jeunes aux cheveux teints en bleu et rouge, des handicapés en fauteuil roulant et des parents endeuillés en colère contre l’administration Bush ; beaucoup descendaient dans la rue pour la première fois. Anciens militants contre la guerre du VietNam ou du mouvement pour les droits civiques, écologistes, antinucléaires ou féministes, tous scandent des slogans très musclés : « Bush dehors ! », « Impeach Bush », en brandissant des pancartes sur lesquelles on peut lire, à côté des slogans classiques des deux coordinations (comme « Peace Now » - "La paix immédiatement"), des inscriptions plus personnelles : « Arrêtez le 4e Reich », « Le 9.11 était un job organisé de l’intérieur » ou encore : « Les terroristes sont au sein de notre gouvernement » ou "Bush dehors maintenant". Et, directement à l’adresse du président : « S’il s’agit réellement d’une noble cause, envoie tes jumelles en Irak » (les filles de G.W. Bush).

Aux abords du siège du FBI, quelques dizaines de contre-manifestants pro guerre, séparés des marcheurs par un cordon de police, invectivent les marcheurs en les traitant de communistes et de traîtres à leur patrie.

Des militaires fraîchement rentrés d’Irak défilent en uniforme

Alors qu’un retrait des troupes américaines d’Irak vient d’être de nouveau exclu par l'administration Bush, et que les démocrates réclament l’envoi de nouveau soldats, le mot d’ordre principal des manifestants reste : « We support our troups : Bring Them Home Now» (« Nous soutenons nos troupes : ramenez les à la maison immédiatement").

Des vétérans de la guerre d’Irak, et quelques dizaines de militaires en tenue de camouflage rentrés récemment d’Irak ont défilé devant la Maison Blanche en criant « Honte ». La présence de ces militaires en uniforme dans la manifestation n’a été rapportée par aucun grand media. Enfin, des centaines de marcheurs portant des cercueils recouverts de drapeaux américains ont simulé une procession funéraire. D'autres brandissent les portraits de soldats morts en Irak. A l’intérieur du « camp Casey » réinstallé près du monument de Washington, dans le « cimetière » des soldats morts en Irak, on lit : « Bush lied, my son died » (« Bush a menti, mon fils en est mort »). Le parallèle avec la guerre du VietNam est de plus en plus présent, renforcé par la présence de grandes figures du mouvement pacifiste des années soixante et soixante-dix dans les manifestations.

Le traitement de la catastrophe de la Nouvelle-orléans dénoncé comme « criminel et raciste »

Les membres du « Bread and Puppet Theater » célèbre troupe de théâtre d’avant-garde fondée il y a trente cinq ans, se laissent tomber de façon intermittente sur le sol pour simuler les conséquences des attaques contre les civils irakiens, accompagnés de cris d’horreur et de battements de tambours funèbres. Des badges, des pancartes et des T-shirts relient l’Irak avec la catastrophe de la Nouvelle Orléans : « Make levees, not war » (une allusion au célèbre « Make love, not war » des années soixante). Sur des pancartes où sont juxtaposées des photos d’enfants irakiens et louisianais en pleurs sur fond d’occupation militaire, on peut lire : « Voilà à quoi ressemble la Démocratie ! ». La gestion de l’ouragan Katrina par l’administration est qualifiée de « criminelle et raciste ». Le président vénézuelien Hugo Chavez, dont la proposition d’aide aux victimes a été refusée par le président Bush, de même que celle de Fidel Castro, est acclamé (on peut même lire sur plusieurs pancartes : « Chavez pour Président »).

Un grand concert de plein air gratuit organisé à proximité du monument de Georges Washington, et intitulé « Opération cessez-le-feu », commence bien avant la fin de la marche, et se poursuit tard dans la nuit, animé notamment par Joan Baez, l’un des symboles de la mobilisation contre la guerre du Vietnam, et de nombreux groupes africains américains.

Pendant le déroulement du concert, les stands d’information diffusant brochures, affiches, tracts et livres sont dévalisés, tout particulièrement les stands des associations contre les armes à l’uranium appauvri et les armes nucléaires en général, des victimes de l’agent orange (le défoliant qui continue encore aujourd’hui de faire des victimes aux VietNam) et ceux des différentes associations de vétérans (des guerres du VietNam, du Golfe et de la nouvelle guerre d’Irak).

Des actes de désobéissance civile dans la tradition américaine

Les jours suivants furent consacrés à des actions et des conférences décentralisées sur les différents thèmes reliés à la « Guerre infinie » des faucons de Washington (le gaspillage des matières premières, le réchauffement climatique, les différentes pollutions, les multinationales, les media indépendants…), et des actions de désobéissance civile, dans la grande tradition américaine des années soixante (5). Environ un millier de personnes manifestaient bruyamment devant les grilles de la résidence présidentielle lundi après-midi dans le but de se faire arrêter. Un groupe portant la tenue rouge des détenus de Guantanamo était agenouillé, les mains ligotées et les yeux bandés. D’autres manifestants brandissaient des pancartes avec des photos de victimes civiles irakiennes atrocement mutilées. Cindy Sheenan a été l’une des premières des 384 personnes interpellées et menottées pour avoir manifesté sans permis.

Dimanche après-midi, un rassemblement pro-guerre a rassemblé environ trois cents personnes. Des parents éplorés se sont succédé à la tribune pour dire leur fierté d’avoir un enfant mort pour la patrie, et fustiger les partisans de Cindy Sheenan. Ils furent invectivés à leur tour par une dizaine de contre-manifestants pacifistes !

Ces trois jours de mobilisation ont permis de redynamiser le mouvement anti-guerre, sans effacer les dissensions entre les différentes grandes organisations. Le 1er décembre prochain une grève générale contre la pauvreté, le racisme et la guerre est programmée à l’occasion du 50e anniversaire du boycott du bus de Montgomery commencé par Rosa Parks.

Joëlle PENOCHET, Washington DC, le 27 septembre, et Paris le 4 octobre 2005.

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