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Des jeunes ont dit oui à l'avenir!

Hubert Brochard, Friday, September 30, 2005 - 06:28

Robert St-Amant et Hubert Brochard

Des jeunes ont exploré comment ils pouvaient donner leur coup de main aux agriculteurs de l'étranger et d'ici avant de se lancer dans leur vie professionnelle. D'autres ont décidé d'accueillir des étudiants réfugiés de pays en guerre pour les aider à terminer leurs études dans le domaine agroalimentaire. Ça se passe au Collège d'Alfred de l'Université de Guelph, le seul établissement d'enseignement francophone spécialisé en agriculture en Ontario. Le Collège d'Alfred n'est toutefois qu'à une heure et demie de route de Montréal. Là se donnent des cours en "agriculture et développement international" et là se trouve un Comité local de l'Entraide universitaire mondiale du Canada (EUMC), qui parraine des étudiants réfugiés. Écoutons ces jeunes conter l'histoire.

Émile Niyonzima et César Habumugisha, originaire du Burundi et du Rwanda respectivement, ont eu la chance de fuir une vie insoutenable. (Photo : Enrique Alarcon.)

Des jeunes ont dit oui!

Par Robert St-Amant et Hubert Brochard*

Le Collège d’Alfred de l’Université de Guelph, situé à Alfred, près de la rivière Outaouais, est l’irréductible et unique collège d’enseignement agricole francophone de l’Ontario. Il accueille chaque année presque autant d’étudiants ontariens que québécois. Récemment, le Collège invitait des anciens étudiants du cours d’« agriculture et développement international » (ADI) à parler de leur stage outre-mer et de leur expérience ici. Le Collège écoutait aussi le témoignage de deux étudiants réfugiés qui ont dû fuir d’un camp de réfugiés à l’autre, avant d’être parrainés par le comité local de l’Entraide universitaire mondiale du Canada (EUMC) du Collège d’Alfred.

De belles expériences
« Avec d’autres jeunes, je devais appuyer des projets en agriculture, en plantes médicinales et en développement des enfants, entre autres, dans une communauté autochtone. Une super belle expérience! », lance Mathieu Lipari, qui a fait son stage au Mexique. Mathieu est aujourd’hui administrateur au Centre de recherches pour le développement international (CRDI). Au Sri Lanka, Nicolas Dessaint a partagé ses connaissances acquises à la ferme de ses parents et au Collège. Aux Caisses populaires de l’Ontario, il donne maintenant des coups de pouce et des conseils financiers avisés aux producteurs de sa région.

De son côté, Simon Poirier est conseiller en production végétale à la Coopérative des Frontières de Sainte-Barbe, en Montérégie ouest. Ses séjours au Bénin et ailleurs l’ont peut-être préparé au désarroi des agriculteurs d’ici, aux prises avec les prix planchers du maïs, le lent et douloureux réveil de la crise de la vache folle, etc. « Dans mon travail, je dois me faire un peu psychologue! », admet-il. Jean-François Giroux, que ses stages ont mené en Amérique latine et en Afrique, veille à la logistique de Cyclo Nord-Sud, cet organisme qui envoie nos vélos inactifs en Afrique et en Amérique latine. «Là-bas, nos vieux vélos servent de façon inespérée! », assure Jean-François.

S’adapter à l’imprévu!
En Afrique, Alex Alliez a élevé du tilapia, ce délicieux poisson est-africain, et a combattu la désertification. « Parfois, il fallait simplement encourager et conseiller les gens sur des notions de base comme la gestion du coût et des bénéfices », relate Alex. C’est aussi ce qu’a fait Danielle Lefebvre, tout en distribuant des plants d’arbres aux personnes âgées, dans son stage en agroforesterie au Ghana. «Il m’a fallu apprendre, mais mes idées étaient les bienvenues!», dit-elle. Réal Bonneville a, lui aussi, participé au reboisement et à l’alphabétisation, en Haïti et au Tchad. « En faisant le bilan, l’agriculture ou la coopération internationale me semble la plus belle job! », dit Réal.
Les quartiers d’Abidjan, en Côte d’Ivoire, sont bien loin des champs de maïs… Pourtant, Dominic Bouchard s’est impliqué avec cœur dans la formation en micro-crédit, en maçonnerie et en couture, parmi d’autres projets. « J’ai laissé venir les choses simplement et j’ai créé de bons contacts avec les gens », dit-il. Sarah Kroetsch, quant à elle, s’est découvert de nouveaux talents au Sénégal et en Équateur. « Parfois, les choses avancent lentement et on ne peut faire autrement que de prendre le thé à l’ombre, avec les sages du village! », dit Sarah, philosophe.

Le projet d’aide agricole aux Comores dans lequel Enrique Alarcon s’est engagé a pris une tournure imprévue. « Je me suis rendu compte que ce qu’il fallait vraiment dans ma communauté, c’était plutôt des cours de base en informatique… que j’ai donnés! », explique Enrique. De son côté, Francis Madore a fait des stages en Papouasie-Nouvelle-Guinée et au Guatemala. Ses séjours ont avivé son désir d’être tolérant envers les gens, une philosophie à la base du mouvement Falum Dafa, auquel il adhère et qui fait l’objet d’une persécution en Chine, dit -il.
« Les anciens d’ADI ont de quoi être fiers de leurs réalisations, affirme Robert St-Amant, responsable du programme développement international au Collège d’Alfred. Ils nous ont livré un message de sagesse et d’espoir! »

Amène-toi chez nous!
Lors de cette même rencontre des anciens du cours d’ADI, Émile Niyonzima et César Aimable Habumugisha ont parlé de leur expérience d’étudiants réfugiés et parrainés au Canada. Ils sont respectivement les quatrième et cinquième étudiants parrainés depuis 2000 par le Comité local de l’EUMC du Collège d’Alfred, animé par le professeur Robert St-Amant.
L’année de leur arrivée au Canada, les étudiants parrainés reçoivent une aide financière. Ainsi, le Collège fournit gratuitement des services (scolarité, résidence, etc.). De son côté, le Comité local de l’EUMC assure, grâce à des levées de fonds, les frais de subsistance les fins de semaine, l’installation et le billet d’avion.

Né au Burundi, en Afrique centrale, Émile Niyonzima a dû fuir son pays en pleine guerre civile à l’âge de quatorze ans. Son périple difficile le conduit en République démocratique du Congo, puis dans un camp de réfugiés en Tanzanie, où il retrouve son frère et ses deux sœurs, mais apprend la mort de ses parents. Quatre ans plus tard, il doit quitter la Tanzanie débordée de réfugiés pour se rendre dans un camp du Malawi. C’est là qu’il entend parler de l’EUMC. Reçu par le Collège d’Alfred en septembre 2003, Émile a décroché son diplôme en Technologie agricole en mai dernier. Il a même remporté quatre bourses, dont la bourse de 1000 $ de la Financière agricole du Canada pour la qualité du travail de projet de ferme, réalisé avec sa coéquipière Anne-Marie Richer!

« C’est un grand privilège de rencontrer des gens qui nous donnent de leur temps, disait Émile lors de la réunion du cours d’ADI. J’ai fais connaissance avec de braves personnes ici, qui sont un peu ma deuxième famille et grâce à qui je ne me sens pas étranger. » Il avoue avoir eu un petit choc culturel en arrivant. Émile travaille dans une ferme laitière à Lefaivre, près d’Alfred. Mais il entreprendra dès l’automne un baccalauréat en gestion à l’Université d’Ottawa, car il compte travailler à combattre la fin dans le monde.

César Aimable Habumugisha est né au Rwanda. En 1994, César a 13 ans. Survient alors le génocide des Tutsi par des extrémistes hutu. Puis, dans ce petit pays où les agriculteurs se partagent de trop petites parcelles de terres, le retour du pendule amène des extrémistes tutsi à chasser à leur tour les Hutu. César et sa famille doivent quitter leur maison. Dans les marais séparant le Rwanda et le Burundi où ils doivent se réfugier un long moment, les maladies et le manque de soin causent la mort de ses parents, de trois de ses frères et d’une de ses sœurs.

Avec ses deux sœurs, César continue de fuir pour aboutir au Burundi puis en Tanzanie, où ils retrouvent une tante et un oncle. Ils tentent de revenir chez eux en 1996, mais leur maison est occupée. En 1997, la pression est telle qu’ils repartent vers la Tanzanie. Deux ans plus tard, ce pays déclare que les réfugiés doivent partir. César, ses deux sœurs et sa tante repartent, cette fois-ci vers le Malawi, toujours à pied. Là-bas, dans le camp de Dzaleka, ils obtiennent officiellement le statut de réfugié et César poursuit ses études à l’école du village. En 2003, il entend parler de l’EUMC et demande lui aussi à être parrainé, plein d’espoir. En juin 2004, le comité de l’EUMC du Collège l’accepte!

« Jusqu’à présent, tout va bien pour moi et je suis très heureux de ce que l’EUMC a fait pour m’aider, dit César. Je suis prêt à aider le comité du Collège et le prochain étudiant parrainé. » César étudie en Nutrition et salubrité des aliments et il continuera peut-être dans ce domaine à l’université. Et il n’a pas traîné à se trouver un emploi d’été dans son domaine.

Ils arrivent!
Cette année, le comité local de l’EUMC et le Collège d’Alfred ont accueilli non pas un, mais deux étudiants réfugiés. Au début, il fallait choisir entre deux jeunes Burundais, une jeune dame, Frida Nkezabahizi et un jeune homme, Élias Bizimana, qui avaient un dossier similaire. Tous deux réfugiés dans un camp du Malawi et étudiant dans des conditions difficiles, Frida et Élias avaient fui l’oppression pendant leur adolescence et plusieurs membres de leur famille immédiate sont morts.

Le comité de l’EUMC avait opté pour Frida, puisqu’il est beaucoup plus difficile pour une jeune fille de terminer ses études en Afrique. Élias avait des chances d’être accepté par un autre établissement d’enseignement, mais ça n’a pas été le cas. Acceptant mal cette situation, le comité local de l’EUMC a décidé de parrainer les deux étudiants en même temps! Les 17 et 24 août derniers arrivaient finalement Élias Bizimana et Frida Nkezabahizi.

Pourquoi fêter ce soir?
Rigaud, 24 août 2005, 8 h : Le téléphone sonne! C’est pour César : « Peux-tu commencer plus tôt, il manque quelqu’un du quart du matin? » César Habumugisha travaille depuis quelques mois dans une entreprise de production de légumes germés pour salades. Il loge dans la famille d’un professeur du Collège d’Alfred.

Ce soir, ça sera la fête! César a plusieurs raisons de fêter. D’une part, le 18 août était le premier anniversaire de sa venue au Canada. César a travaillé tout l’été, est capable de subvenir à ses besoins et d’étudier pendant la prochaine année. Il a hâte de reprendre ses études même s’il aime beaucoup son travail. Mais il y a bien plus! Depuis une semaine, Élias Bizimana, un ami du camp de Dzaleka est arrivé au Canada. Il loge avec César en attendant de débuter ses études en Technologie agricole au même collège. Élias Bizimana est burundais. Il a fui le Burundi en 2003 après avoir perdu toute sa famille aux mains d’hommes armés.

Pourquoi fêter ce soir? Parce que Frida Nkezabahizi, une jeune Burundaise, viendra rejoindre ses deux amis. Elle étudiera également en Technologie agricole au Collège d’Alfred. Quelques amis canadiens se joindront à la maisonnée canado-africaine pour souligner ces retrouvailles. Frida arrive, aussi, de Dzaleka où elle a passé plusieurs années. Elle a, malheureusement, connu une histoire semblable à celle de ses amis.

César change de rôle : il devient grand frère. Il est le doyen de ce petit groupe d’Africains au Collège. « César a la responsabilité de faciliter l’intégration d’Élias et de Frida. Il prend cette responsabilité très au sérieux » selon sa mère canadienne adoptive. L’année 2005-2006 sera sans doute riche en apprentissages pour ces trois nouveaux venus et leurs amis canadiens. En août prochain, on devrait pouvoir fêter de nouveau.

Une première semaine au Canada, un pays étonnant!
Nous surprenons une conversation entre Élias qui est au Canada depuis une semaine et son ami Jean-Pierre qui est resté dans le camp de Dzaleka au Malawi.
« Bonjour, Jean-Pierre, c’est moi Élias !
- Élias, c’est vraiment toi?, répond Jean-Pierre. Comment ça va?
- Oui, c’est moi, je suis bien arrivé.
- Raconte-moi, le Canada, ça se passe comment?
- Ça va bien!, tout va bien!, s’exclame Élias. Tout est verdoyant! La nature, le climat et les gens sont accueillants.
- Chanceux va! J’aimerais bien être là-bas avec toi! Si seulement on m’avait choisi, moi aussi.
- Ne te décourage pas, il faut être patient. Tu sais bien que nous sommes nombreux et qu’il n’y a pas beaucoup de places.
- Essaie quand même de trouver des ressources qui pourraient m’aider à immigrer.
- Je garde l’œil ouvert, c’est bien évident!
- Bon assez là-dessus. Raconte-moi! Comment ça s’est passé à l’aéroport, à l’école? Où loges-tu?
- Les premières journées ont été fatigantes. Le voyage est long : 36 heures. Le décalage horaire, important.
- Ça va quand même?
- Oui, j’ai été bien accueilli! Tout le monde m’a accueilli chaleureusement : les agents d’immigration, la famille, les professeurs, le personnel, les élèves. Tout le monde voulait m’aider, me rendre service. Je suis logé dans une famille avec notre ami César qui est venu l’année dernière. Comme je vis en famille, ça m’a rappelé des bons souvenirs du temps que j’étais enfant et que j’avais encore mes parents, mes frères et sœurs. Je suis très bien reçu.
Au Collège, j’ai rencontré une étudiante canadienne qui m’a parlé de mon programme d’études et qui m’a fait visiter le campus. J’ai même visité son appartement. Elle est bien sympathique et bien jolie.
- Ah! Tu t’intéresses déjà aux canadiennes!
- Sois sérieux, je la connais à peine. Elle a un copain qui étudie dans le même programme. Je connais déjà des collègues. Je comprends mieux mon programme d’études. Le responsable m’a expliqué. Je pourrai faire mes choix de cours selon mes intérêts. J’ai vu ma chambre en résidence, mais j’habiterai encore quelques jours chez un professeur en attendant que les étudiants canadiens arrivent eux aussi. C’est bien étonnant! Chez nous, les professeurs se tiennent loin des étudiants. Ici, les professeurs sont beaucoup moins formels. La hiérarchie semble moins importante.

- Quelles sont les autres choses qui t’ont étonné depuis que tu es arrivé?, demande Jean-Pierre, curieux.
- Mon professeur fait la cuisine. Les hommes participent aux tâches ménagères. Ce n’est pas du tout comme en Afrique. De plus, j’ai reçu une pluie de cadeaux : vêtements, livres, ustensiles de cuisine, etc. J’ai un compte de banque. Je peux retirer de l’argent d’un guichet automatique. Un ancien membre du Comité local de l’EUMC m’a proposé de visiter des fermes et même de travailler quelques jours dans l’une d’elle.
- Travailler, déjà?
- Ici, on peut et on doit étudier et travailler en même temps. On travaille à temps partiel les soirs et les fins de semaine. On travaille l’été pendant les grandes vacances. Le gouvernement peut nous aider mais on doit quand même faire notre part. Notre ami César, par exemple, a travaillé cet été et retourne terminer ses études en septembre. J’ai déjà rédigé mon curriculum vitæ. Ça m’a fait pratiquer le traitement de texte Word. Et aux camps, comment ça va?
- La situation se détériore. Des rumeurs suggèrent qu’on va suspendre l’aide internationale au camp. Cela inquiète les gens.
- Ça fait des années qu’on dit ça.
- Oui! En plus, comme tu le sais, la population locale n’est pas très favorable aux réfugiés. On est un poids pour le pays. J’aimerais bien te retrouver. Ici on s’ennuie de toi déjà. Je dois faire de plus en plus de prouesses pour vivre. Je continue à préparer le champ pour semer mes haricots. La pluie se fait attendre, le soleil est trop fort. Je m’inquiète pour la récolte.
- Je te comprends, je ne t’oublie pas. Je dois te laisser, il n’y a plus de temps sur la carte. Je te rappelle bientôt!
- N’oublie pas tes vieux amis qui sont encore ici.
- Ne t’inquiètes pas, Au revoir !
- Au revoir ! »

Pour information: 450-451-4541 ou 613-679-2218 poste 211.

Le site Web du Collège d'Alfred de l'Université de Guelph.
www.alfredc.uoguelph.ca
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