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Tuées parce que nées femmes

Anonyme, Sunday, September 18, 2005 - 05:10

Yasmina

En Palestine comme en Israël, un même ordre nous condamne !

Tuées parce que nées femmes :
En Palestine comme en Israël, un même ordre nous condamne

Hiyam Ajaj avait 32 ans. Elle vivait dans le village de Deir Jrir en Palestine. Elle était enceinte de six mois. Elle a été assassinée par ses frères le 31 août ou le 1er septembre 2005. Empoisonnée, elle a ensuite été enterrée rapidement, comme on enterre un chien.

Le corps d'une femme de 40 ans a été retrouvé le 15 septembre dans la zone industrielle d'Holon, en Israël. Le corps de la victime était tellement marqué par les coups qu'il a fallu plusieurs heures à la police pour l'identifier. Cette femme se prostituait et l'assassin serait, selon les dépèches, un client.

Pourquoi Hiyam a-t-elle été condamnée à mort par sa famille ? Parce qu'elle avait couché avec un chrétien du village voisin ? Pour "laver l'honneur de la famille" diront ses assassins ; "à cause des coutûmes et des traditions" diront des sociologues.

Non ! Si Hiyam a été tuée cet été, comme l'ont été Faten Habash ou Rudaina et Amany Shurikat en mai dernier, comme l'ont été tant d'autres avant, dont certaines dont on ne connait même pas le nom, c'est parce qu'elle était une femme ! Personne ne s'inquiète qu'un garçon soit vierge avant le mariage ! Jamais un garçon n'a à se soumettre à un test de virginité ! Jamais un garçon n'est tué par sa soeur pour avoir eu une histoire d'amour hors du cadre du mariage ! A-t-on déjà entendu parler d'une soeur qui assassine son frère parce qu'il n'est plus vierge ?

Pourquoi une femme, déjà condamnée à la prostitution, a-t-elle été tuée dans la zone industrielle d'Holon, comme tant d'autres avant elle ? Parce qu'elle avait refusé une passe ? Parce qu'elle ne voulait pas accepter un fantasme d'homme ?

Non ! Si cette femme a été tuée, c'est aussi parce qu'elle est une femme, tout comme c'est parce qu'elle est une femme qu'elle a été condamnée à la prostitution. On n'a jamais vu une femme devenir proxénète et mettre un homme sur le trottoir ! De même, il n'y a pas de femmes qui, pour satisfaire un désir de domination, vont acheter un homme pour une passe rapide, une relation sans amour ni tendresse, vont aller jusqu'à cette abomination qui consiste à transformer ce qui devrait être un moment de tendresse et de plaisir partagés en une sordide transaction marchande.

Que l'on cesse de chercher des justifications sociologiques ou religieuses pour "comprendre" le meurtre de Hiyam, la raison de ce meurtre et de tous ces meurtres similaires, c'est la dictature patriarcale que subissent les femmes, cette dictature qui donne le droit aux hommes de disposer des corps et de la vie de leurs épouses, de leurs soeurs et de leurs filles, cette dictature qui sévit en Palestine comme partout dans le monde. Hiyam a été tuée parce qu'elle avait eu des relations sexuelles hors du cadre du mariage, deux semaine plus tard, le 15 septembre, c'est en Israël, dans la zone industrielle d'Holon, que la police découvre le corps d'une femme, prostituée, assassinée, peut-être parce qu'elle refusait une relation sexuelle. Quoique fasse une femme, elle peut être tuée, seulement parce qu'elle est née femme.

Virginité ou sexualité imposées sont les deux faces d'une même pièce. Que l'on contrôle sa virginité ou qu'on la prostitue, la logique est la même : la femme n'a pas le droit de disposer de son corps. Ce corps, son corps, est accaparé par d'autres, par des hommes, par le père et les frères, ou par le proxénète et les clients. Ce corps, son corps, ne lui appartient pas. Interdiction formelle d'aimer qui on veut ou obligation de se soumettre aux caprices d'un homme, on nie même à la femme le droit d'avoir ses sentiments propres.

Dans les familles musulmanes, on sacrifie un mouton pour fêter la naissance d'un garçon, mais pour une fille, on n'offrira un mouton que bien des années plus tard, lorsqu'elle sera enfin mariée, casée, passant de l'autorité de son père et de ses frères à celle de son mari. Chez les juifs, les hommes remercient chaque jour leur dieu de ne pas les avoir fait femmes. Dans les églises chrétiennes aussi, on enseigne la soumission de la femme et la domination de l'homme.

Méprisée par toutes les religions, les femmes sont assassinées dans les sociétés patriarcales traditionnelles au nom de "l'honneur" de la famille, soumises à un pouvoir qui leur nie toute autonomie dans leur vie affective et sexuelle ; dans les pays impérialistes modernes, elles sont exhibées comme objets sexuels, vendues comme prostituées, transformées en marchandises pour l'industrie pornographique.

Enterrées vivantes dans l'Arabie pré-islamique, brûlées comme sorcières dans l'Europe chrétienne, enfermées dans les harems des aristocrates ottomans, déportées à Ravensbrück pour des baisers volés à un amant "pas assez allemand", ou tondues à la libération pour les mêmes baisers mais donnés, cette fois, à un amant "trop allemand", mutilées en Afrique de l'Est, assassinées pour "l'honneur" au Moyen-Orient ou "par passion" en Occident, mariées de force au Maghreb ou répudiées à Méa Shéarim, vendues comme prostituées d'Amsterdam à Johannesburg, emprisonnées dans des bordels ou au domicile conjugal, transformées en butin pour soldats, violées et massacrées à Sebrenica ou dans les maquis d'Algérie, lapidées en Iran, au Pakistan ou en Afghanistan, insultées, sifflées comme des chiens, agressées, violées et battues aux quatres coins du monde, massacrées dans tous les pays, ... on ne produira jamais assez de papier pour décrire toutes les violences, toutes les souffrances, toutes les atrocités qu'ont subit et que continuent de subir des êtres humains uniquement parce qu'elles sont des femmes.

Hiyam, la Palestinienne, ne connaissait pas la prostituée israélienne. Et pourtant, elles sont comme deux soeurs, assassinées par un même ordre patriarcal, tuées pour la même raison, massacrées parce qu'elles sont des femmes. Ni nos larmes, ni notre haine ne les feront revenir à la vie. Mais que leur souvenir reste dans nos coeurs, comme un drapeau, comme le souvenir de ces milliards de femmes méprisées, exploitées, opprimées, assassinées, uniquement parce qu'elles sont des femmes.

Yasmina

(Site sur la situation des femmes et les luttes féministes en Palestine)


Subject: 
Vous faites trop simple!
Author: 
YvesBleuler
Date: 
Mon, 2005-09-19 12:50

Yasmina,

Vous faites trop simple. Les gens ne se font pas spécifiquement tuer parce qu'ils sont hommes ou femmes. Les exemples que vous donnez en témoignent.

Pour la seconde dame, il est difficile de connaître les mobiles de l'assassin pour la bonne raison qu'on ne connaît pas l'assassin. Peut-être a t elle été tué parce qu'elle travaillait dans le secteur d'une autre prostituée? Peut-être a t'elle été tué par l'épouse jalouse d'un de ses clients? Peut-être a t'elle été tué par un psychotique qui la prenait pour une extra-terrestre? Peut-être n'importe quoi! On n'en sait rien! Affirmer qu'elle a été tuée parce que "c'était une femme" est une hypothèse qui flatte vos croyances et qui alimente votre campagne personnelle, mais ça reste une hypothèse parfaitement gratuite.

Hiyam aussi était une femme, elle s'est fait tuer et, s'il faut en croire votre texte, nous savons par qui et pourquoi. Elle s'est fait tuer parce qu'elle avait transgressé un tabou culturel auquel sa famille semble avoir attaché beaucoup d'importance. Vous ne partagez pas cet attachement. Moi non-plus! En fait, vous n'aurez pas de difficulté à trouver des oreilles sympathiques en occident parce qu'ici "l'honneur" n'est pas une valeur très importante et parce que notre conception de ce qui est honorable a peu de rapports avec la représentation que s'en fait la famille de Hiyam.

Vous cherchez à prouver qu'il n'y a pas symétrie parce que pour de semblables "crimes" un homme ne se ferait pas tuer. Vous êtes dans le vrai, mais vous n'êtes pas très juste. Ce qui serait juste serait de dire que, dans cette société, bien des hommes se font tuer aussi pour des questions d'honneur et qu'ils se font tuer dans une bien plus grande proportion. Que l'on pense, par exemple, au service militaire en temps de guerre. C'est juste que les tabous culturels ne sont pas exactement les mêmes pour les hommes et les femmes. En occident aussi les tabous ne sont pas les mêmes pour les hommes et les femmes. Un homme qui commet un vol est condamné à une peine plus lourde qu'une femme pour le même crime. Une femme peut se présenter au bureau en portant une jupe qui montre ses cuisses, un homme ne le pourrait pas. Un père peut négliger sa famille au profit de son travail sans être trop inquiété, alors qu'une mère serait moralement condamnée par son entourage. Une mère peut choisir de rester à la maison pour élever ses enfants en gardant sa dignité de femme. Un père qui ferait le même choix apparaîtrait "suspect" à son entourage.

Le problème dont vous parlez n'est donc pas essentiellement un problème de genre, mais un problème de tabou. Les problèmes de tabou ne sont jamais simples. Ils ne peuvent pas se ramener à la petite équation que vous annoncer dans le titre de votre texte.


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Subject: 
Culturel ou naturel?
Author: 
YvesBleuler
Date: 
Mon, 2005-09-19 14:25

Yasmina,

Un autre élément ressort de votre texte. Vous constatez que, partout dans le monde, la culture patriarcale conditionne les relations entre les hommes et les femmes. Supposons que ce que vous dites est vrai. Il me viendrait alors une question: Pourquoi? Pourquoi, dans toutes les cultures, est-ce finalement les hommes qui imposeraient leurs standards? Les hommes seraient-ils, par leur nature, pourvus d'un "pouvoir spécial" ou d'un "vice" qui les disposerait mieux à imposer leur autorité?


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Subject: 
C'est une bonne question
Author: 
Yasmina
Date: 
Tue, 2005-09-20 15:49

que vous posez. Je ne crois pas du tout que les hommes aient un "vice" particulier ou un "pouvoir spécial", mais que partout les femmes sont soumises à une oppression particulière parce qu'elles sont femmes. Ce n'est pas, ici, le lieu de faire une longue analyse de l'histoire de l'oppression des femmes, mais je pense que l'oppression des femmes n'est en rien dûe à "la nature", mais bien à l'organisation des sociétés basées sur la propriété privée.


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Subject: 
Yasmina, Ma question n'éta
Author: 
YvesBleuler
Date: 
Tue, 2005-09-20 18:39

Yasmina,

Ma question n'était pas naïve. C'est une question réfléchie. Je m'intéresse beaucoup à la condition de la femme dans différentes cultures. Je m'intéresse aussi beaucoup à la façon de comprendre le problème des inégalités et de le résoudre.

Le courant féministe a proposé plusieurs analyses qui se distinguent les unes des autres par bien des aspects. Je remarque aussi que certains discours conduisent à des contradictions avec les faits et que d'autres conduisent à des contradictions logiques implicites.

L'une de ces contradictions concerne l'identification des causes de l'oppression de la femme. La plupart des discours féministes partent du principe qu'il n'y a pas de différence psychologique fondamentale et naturelle entre les hommes et les femmes. En tout cas, pas de différence qui justifierait que les femmes et les hommes aient un status civil différent, qu'ils occupent des emplois différents ou que les responsabilités ménagères et familiales leur soient confiées de manière discriminatoire. Ce postulat est bien résumé dans la formule de Simone de Beauvoir : «On ne naît pas femme! On le devient!»

Cette égalité et cette identité fondamentale, entre les hommes et les femmes, entraînent la question que je vous ai posée : Comment expliquer que la culture se soit retournée à la faveur de la condition masculine et de manière si désavantageuse pour les femmes?

Jusqu'ici on ne m'a proposé qu'une seule réponse cohérente à cette question. La culture serait devenue "patriarcale" et opprimante pour les femmes par un simple "accident de l'histoire". En d'autres mots, cela aurait pu être le contraire. En fait, si cette réponse était vraie, nous devrions observer un grand nombre de cultures égalitaristes et un petit nombre de cultures matriarcales en égale proportion avec un petit nombre de cultures patriarcales. Cette réponse est très logique mais, malheureusement, elle présente d'importants problèmes d'adéquation avec la réalité. Vous le reconnaissez vous-même, la grande majorité des cultures sont patriarcales. Les seules exceptions que nous connaissions sont les cultures de petites tribus primitives du Pacifique Sud et de l'Amazonie. Cette contradiction apparente avec les faits conduits à une autre question : Si le patriarcat est un accident de l'histoire, comment expliquer que le même accident se soit reproduit dans un si grand nombre de sociétés? À cette question personne ne m'a jamais proposé de réponse cohérente.


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Subject: 
Tués parce que nés animaux (non-humains)
Author: 
katherine
Date: 
Tue, 2005-09-20 04:23

Dans les familles musulmanes, on sacrifie un mouton pour fêter la naissance d'un garçon, mais pour une fille, on n'offrira un mouton que bien des années plus tard, lorsqu'elle sera enfin mariée, casée, passant de l'autorité de son père et de ses frères à celle de son mari.

[...] sifflées comme des chiens [...]

Chaque année, ce sont des milliards d'animaux (non-humains) qui sont méprisés, exploités, opprimés, assassinés, uniquement parce qu'ils sont des animaux.

Il est juste de dénoncer le système patriarcal, mais malheureux d'être incapable de reconnaître les autres structures oppressives, dont la plus majeure tant en termes de nombre de victimes qu'en termes de gravité de leurs sévices: la structure spéciste, à laquelle homme et femme participent.


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Subject: 
Beeee!
Author: 
YvesBleuler
Date: 
Tue, 2005-09-20 11:52

Katherine,

Si je te comprends bien, il aurait fallu lire :

"Tués parce que nées moutons!"


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