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Nouvelle époque, nouveaux mouvements... Nouvelle gauche

internationaliste, Saturday, September 10, 2005 - 10:32

Une nouvelle gauche émerge libérée de l'emprise de la social-démocratie et du stalinisme et qui veut construire une alternative au néolibéralisme et à l'impérialisme. Le plus important est de rassembler ceux et celles qui résistent et de mettre sur pied un parti qui participe aux luttes quotidiennes contre le capitalisme et qui est ouvert aux différentes tendances politiques de la gauche.

Résistance 27, mai 2005 • www.socialiste.qc.ca

Nouvelle époque, nouveaux mouvements …

Nouvelle gauche

Pendant plus de 60 ans, du milieu des années 1920 jusqu’aux années 1980, la gauche internationale a été dominée par deux grands courants de pensée : la social-démocratie et le communisme stalinien. Mais depuis les années 1980, le déclin de ces grands courants historiques a ouvert la porte à l’émergence d’une nouvelle gauche, à la fois démocratique et radicale. Puis, à la faveur de l’émergence de nouveaux grands mouvements internationaux altermondialiste (depuis Seattle en 1999) et anti-impérialiste (autour de la guerre en Iraq en 2003), cette nouvelle gauche s’est considérablement renforcée en même temps que différenciée.

L’Union des forces progressistes (UFP) au Québec s’inscrit dans ce grand chambardement mondial. Et un aperçu de la dynamique d’ensemble ainsi que de quelques cas nationaux devrait nous aider à comprendre ce qui se passe chez nous présentement.

La social-démocratie internationale incarne la volonté à court terme des travailleuses et des travailleurs d’améliorer leur sort mais sans questionner les fondements du système en place. Ces partis (le Labour britannique, le Parti socialiste français, le NPD…) sont généralement appuyés par les grands syndicats, dont ils sont l’expression sur la scène électorale. Les courants les plus à gauche de la social-démocratie ont parfois exprimé la volonté de créer une société socialiste, sans classes sociales, mais de manière graduelle, à travers les institutions de la société capitaliste, dont son état. Mais en général, il s’agissait plutôt de créer un capitalisme ´ à visage humain ª.

À cause de la crise économique à long terme qui s’est installée depuis les années 1970, à la fin de la période de croissance sans précédent de l’après guerre, la social-démocratie n’arrive plus à livrer la marchandise. En effet, il était relativement facile de créer de généreux programmes sociaux et de mettre en place des services publics gratuits et de qualité dans les pays riches et en période de croissance soutenue.

Mais depuis la récession du début des années 1980 en particulier, les gouvernements sont aux prises avec un système capitaliste qui va mal, avec une concurrence internationale exacerbée et un taux de croissance moyen à long terme presque nul. Dans ce climat de ´ mondialisation ª, les intellectuels capitalistes ont développé le néolibéralisme : une théorie économique fondée sur le libre marché, la réduction des salaires et la détérioration des conditions de vie et de travail de la majorité, en vue de faire face à la concurrence et de rétablir les taux de profits.

L’adaptation de la social-démocratie à ce programme politique a donné naissance à un compromis entre social-démocratie et néolibéralisme, d’où son nom de social libéralisme. Le gouvernement français de Mitterrand à partir de 1983 comme ceux de Tony Blair en Grande-Bretagne, de Schroeder en Allemagne, et plus récemment de Lula au Brésil se situent dans cette catégorie.

Le stalinisme, issu de la transformation de la révolution russe de 1917 en une dictature brutale et exploiteuse, s’est présenté comme un mouvement révolutionnaire. Mais en fait, il représentait la contre-révolution qui avait établit, à partir de la fin des années 1920, une nouvelle forme de capitalisme en Russie, centrée sur le pouvoir d’un état bureaucratique hyper centralisé.

En conséquence de l’identification de ce grand courant de la gauche avec une caricature de communisme fondée sur un marxisme dénaturé, la plupart des partis dits communistes ont été incapable de jouer un rôle révolutionnaire, sauf dans quelques cas de mouvements anti-impérialistes qui devaient mener à la reproduction du modèle russe de capitalisme d’état (la Yougoslavie de Tito ou la Chine de Mao par exemple).

Mais depuis la crise finale des régimes staliniens d’Europe de l’Est en 1989-1991, la vision du monde basée sur l’identification du socialisme avec ces régimes répressifs est essentiellement disparue, sauf pour quelques petits groupes nostalgiques et sectaires. La plupart des vieux partis communistes se sont convertis en auxiliaires du social libéralisme, comme en fait foi la participation des communistes français au gouvernement de centre-gauche de Jospin entre 1997 et 2002.

En conséquence de cette double crise, du stalinisme et de la social-démocratie, à une époque de déclin du capitalisme et d’offensive incessante du patronat, il est de plus en plus évident qu’il faut rebâtir la gauche sur des bases différentes, en rupture avec le néolibéralisme et en lien avec les multiples résistances qui se développent partout.

Quelques cas internationaux

Au-delà des grandes tendances mondiales qu’on vient de mentionner, on remarque que dans chaque pays, les rythmes et les formes de la recomposition de la gauche sont uniques. Les variations sont en partie fonction de la force relative et de l’histoire particulière de la social-démocratie et du stalinisme dans chaque pays, ou région. Elles tiennent aussi aux fluctuations de la conjoncture politique et au niveau de mobilisation sociale. Voici quelques cas, dont la plupart sont européens. C’est en effet en Europe que les grands partis de gauche traditionnels ont eu le plus d’emprise sur la vie politique depuis cent ans. Et c’est donc également là que leur crise a le plus d’impact.

Allemagne

Le cas le plus récent de nouveau parti est issu de l’Allemagne, pays historique de la social-démocratie avec le SPD. En juin dernier, la convergence entre un groupe de syndicalistes ayant quitté le SPD et de divers groupes de gauche déjà existants a donné naissance à un nouveau parti appelé l’Alternative électorale pour l’emploi et la justice sociale. Ce parti est déjà crédité de votes allant de 5% à 10% dans différentes régions du pays. Ce sont les politiques du gouvernement actuel, une coalition du SPD et du Parti Vert, notamment l’augmentation de la durée de la semaine de travail, qui ont provoqué la création d’un nouveau parti.

Grande-Bretagne

Au pays du gouvernement ´ travailliste ª de Tony Blair, deux partis se partagent le travail de construction d’une alternative à gauche. En Écosse, le Scottish Socialist Party (SSP), déjà établi depuis plusieurs années, a fait une percée importante en faisant élire des députés au parlement Écossais, dans le cadre d’un scrutin proportionnel. Ce parti a réussi particulièrement bien le travail de combinaison du travail militant dans les luttes sociales et de participation aux élections.

En Angleterre et au Pays de Galles, après quelques années de travail ardu dans l’Alliance Socialiste, la confrontation spectaculaire entre une mobilisation gigantesque contre la guerre d’Irak et le gouvernement a permis la fondation d’un nouveau parti appelé RESPECT (un acronyme). Ce nouveau parti a déjà fait élire des conseillers municipaux et est arrivé bon quatrième dans plusieurs comptés. Dans quelques quartiers ouvriers des grandes villes, RESPECT est déjà plus populaire que le New Labour au pouvoir. L’élection générale du 5 mai devrait être un test important pour ces deux partis.

Italie

Au pays du milliardaire devenu premier ministre Berlusconi, c’est la crise du Parti communiste qui a donné naissance à un des plus vieux parti de cette nouvelle gauche. En effet, lorsque, au début des années 1990, la majorité du PCI a décidé d’abandonner le socialisme et de chercher à former un gouvernement de gestion ´ humaine ª du capitalisme, une minorité significative a refusé le tournant et est devenue le Parti de la refondation communiste (PRC). Ce parti, avec des dizaines de milliers de membres, a joué un rôle crucial dans les mouvements sociaux et les grandes campagnes anti-guerre, ainsi que dans les manifestations contre le G8 à Gènes à l’été de 2001.

Après avoir soutenu un gouvernement de centre gauche au parlement, le PRC a décidé d’abandonner cette politique lorsque la supposée gauche gouvernementale s’est attaquée à des acquis sociaux importants. Cette évolution a été une inspiration pour bien des militantes et des militants à travers le monde. Par contre, depuis quelques mois, la direction du PRC affirme vouloir carrément faire partie d’un futur gouvernement avec la gauche social libérale, si celle-ci devait remporter les prochaines élections (ce qui est probable). Entre la participation à un tel gouvernement et son rôle d’animation des mouvements à la base, le PRC va devoir choisir ou faire face à des divisions profondes.

Brésil

Mais le premier de tous les nouveaux partis est sans doute le Parti des Travailleurs (PT) brésilien. Ce parti issu des luttes ouvrières du temps de la dictature militaire s’est présenté depuis les années 1980 comme étant ni social-démocrate, ni stalinien. Le PT a joué un rôle déterminant dans les mobilisations continentales contre la Zone de libre-échange des Amériques (ZLÉA). Ses gouvernements municipaux, notamment à Porto Allegre, ont crée des modèles de démocratie participative qui inspirent bien des gens à travers le monde. Ce n’est pas un hasard si les Forums sociaux mondiaux (FSM) se sont tenus quatre fois sur cinq à Porto Allegre.

Mais l’évolution récente de ce parti devrait en faire réfléchir plusieurs sur la possibilité d’une voie électorale vers le socialisme. Après avoir fait campagne à plusieurs reprises contre les politiques du Font Monétaire International (FMI) et dénoncé le néolibéralisme sur tous les tons, la direction du PT a fait alliance avec de petits partis patronaux, et son chef Lula a déclaré son intention de respecter les dictats du FMI et de payer l’énorme dette extérieure du pays. Résultat, une fois arrivé au pouvoir, le gouvernement Lula a coupé dans les pensions des employés du secteur public et d’autres programmes sociaux en vue de payer la dette encore plus vite que ne le demandait le FMI.

Les quatre parlementaires PT qui ont voté contre la série de lois d’austérité budgétaires ont été expulsés du parti. Quelques mois plus tard, ces quatre figures de proue de la gauche brésilienne ont fondé, avec des milliers d’autres personnes, le Parti du Socialisme et de la Liberté (PSOL).

C’est la première fois qu’un parti identifié à la nouvelle gauche prends le pouvoir, et le résultat est qu’il faut maintenant en construire un autre, dont le but ne sera pas de prendre le pouvoir le plus vite possible, mais de rassembler ceux et celles qui résistent.

Nouvelles ruptures

En conclusion, il semble bien que la crise des partis de la gauche traditionnelle n’est pas près de se conclure. On observe des nouvelles ruptures comme en Allemagne et en Angleterre, en particulier quand les vieux partis de centre gauche sont au pouvoir. Tôt ou tard, une crise semblable frappera le NPD et permettra l’émergence d’un nouveau parti de gauche de masse au Canada anglais. La question n’est pas si ça va arriver, mais seulement quand et comment.

Il apparaît aussi que l’idée d’un bon gouvernement, travaillant pour le peule, est incompatible avec le néolibéralisme, la phase actuelle du capitalisme. Le renouveau de la gauche ne passe pas par l’électoralisme et les alliances sans principe, comme on peut le voir avec la crise du PT brésilien. C’est du côté du refus d’appliquer les politiques néolibérales et de la recherche d’une rupture, par la base, avec le capitalisme lui-même qu’on pourra trouver les sources d’une nouvelle gauche à la hauteur des aspirations de la majorité de l’humanité.

Ici on trouvera une leçon pour l’UFP. Si on cherche par tous les moyens à faire élire des membres de l’UFP, ou du nouveau parti qui résulterait de la fusion avec Option citoyenne, on risquerait de laisser tomber nos principes en échange d’un pouvoir bien limité. Le rôle du parti politique devrait être de renforcer et d’unifier les mobilisations à la base. Le vrai contre pouvoir est dans la rue. C’est là qu’on doit chercher à construire une alternative.

Benoit Renaud

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