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Le silence d'Elie Wiesel, ou : Comment être une Bonne Victime ?Anonyme, Thursday, September 1, 2005 - 09:14 (Analyses) Le silence d'Elie Wiesel, ou : Comment être une Bonne Victime ? [« Le capitaine Gordon Pim a déclaré, dans son discours, que tuer les indigènes relevait de la philanthropie ; il y a, a-t-il dit, « de la miséricorde, dans un massacre » Sven Lindqvist, in Exterminez les Brutes ! (1996)] Enfin, M. Elie Wiesel a daigné dire un mot des « dépossédés » en Palestine. Et c'est ainsi que M. Wiesel a évoqué la douleur d'être dépossédé, en des termes qui traduisent bien sa profonde empathie pour les victimes. Dans une tribune du New York Times, le 21 août dernier, il évoque les images « déchirantes » de la dépossession. « Certaines de ces images sont insoutenables. Des hommes en colère, des femmes en pleurs. Des enfants emmenés au loin, à pied. » Les victimes sont « contraintes à se déraciner, à prendre leurs biens les plus précieux et les plus sacrés, leurs mémoires et leurs prières, leurs rêves et leurs disparus, pour partir à la recherche d' Certains, parmi vous, seront sans doute surpris de voir que M. Wiesel éprouve de la peine pour les victimes, en Palestine. Cela semble tellement inattendu. Cependant, personne n'irait jusqu'à accuser M. Wiesel de réserver son action humanitaire aux seuls juifs. De fait, selon son propre témoignage, il est non seulement « un partisan inconditionnel d'Israël », il a également « défendu la cause des juifs soviétiques, les Indiens Miskito du Nicaragua, les Desaparecidos d'Argentine, les réfugiés cambodgiens, les Kurdes, les victimes de la famine et des génocides en Afrique, de l' A juste titre, M. Wiesel accuse le monde d'indifférence - et de silence - tandis que les nazis oeuvraient à l'extermination des juifs. Et néanmoins, lui aussi, il a choisi - de plus, par principe - d'observer un silence assourdissant sur la souffrance des Palestiniens. Voici en quels termes il énonça ce principe, voici bien des années : « Je soutiens Israël. Point barre. Je m'identifie à Israël. Point barre. Je n'attaque jamais, je ne critique jamais Israël, quand je ne suis pas en Israël. » Ces mots auraient tendance à suggérer que l'engagement de M. Wiesel envers Israël est viscéral ; il s'agit d'une relation strictement monogame ! Ce n'est pas seulement que M. Wiesel ne critiquera jamais Israël quand il ne s'y trouve pas. Le problème, c'est qu'Israël ne peut jamais rien faire qui puisse s'attirer ses critiques. « Israël n'a jamais rien fait d'autre que réagir. Israël n'a jamais fait autre chose que ce qu'il était normal qu'il fît. Je ne pense pas qu'Israël viole en quoi que ce soit la charte des droits de l'homme. La guerre a ses règles propres. » Israël n'est pas seulement au-dessus de toute critique : il a toujours été la victime des guerres des Arabes et des Palestiniens. Israël est foncièrement innocent. Malheureusement, il n'y a nulle surprise dans la tribune de M. Wiesel : il n 'y a donc aucun motif de se réjouir. M. Wiesel n'a pas renoncé à son grand principe. Les « dépossédés », dans sa tribune, ce ne sont pas les Palestiniens : ce sont les colons illégaux de la bande de Gaza ! Au lieu de s'apitoyer sur les Palestiniens, M. Wiesel s'aventure encore et toujours dans une nouvelle partie de son petit jeu consistant à blâmer les victimes - et à attirer l'attention sur une nouvelle forme de victimisation juive. Il s'agit tout simplement en l'occurrence, de la dernière invention, ingénieuse, de la splendide stratégie sioniste consistant à peindre Israël et les Israéliens aux couleurs de victimes. Les Israéliens n'ont jamais dépossédé quiconque. Mais les Israéliens sont en train d'être « dépossédés », aujourd'hui, dans leur terre promise, dans leur propre pays. Dans leur nouveau rôle de « dépossédés », les Israéliens ont de nouvelles opportunités de blâmer les véritables victimes : les Palestiniens. Quel est donc le crime palestinien du jour ? Face aux « larmes et à la souffrance des Israéliens évacués », les Palestiniens ont décidé de ne pas « cacher leur joie et leur fierté ». Bien au contraire, ils ont organisé des « défilés militaires, avec des combattants masqués, mitraillette à la main, tirant en l'air comme s'ils étaient en train de célébrer une grande victoire sur le champ de bataille ». M. Wiesel est en train de dire aux Palestiniens qu'ils n'ont pas le droit de jouir, fût-ce de leurs petites victoires chèrement arrachées - pour lesquelles ils ont versé, tout au long des huit années écoulées, un lourd tribut de larmes et de sang. La logique invoquée par les sionistes pour blâmer les Palestiniens est parfaitement extravagante. Ils exigent que les victimes sympathisent avec leur tourmenteur ; la victime doit comprendre le chagrin de son bourreau, ce chagrin qui l'amène à torturer ses victimes, et aussi le terrible chagrin qu 'il ressent, même quand il est en train de les torturer. Autrement dit, les victimes d'Israël doivent faire montre d'une sainteté inaccessible aux saints eux-mêmes. Si un Palestinien hait son bourreau, il est antisémite. S' Tel est le langage de la supériorité raciale - cette doctrine qui croit en une hiérarchie des races, dans laquelle les races supérieurs ont des droits et les races inférieures sont condamnées à disparaître ou à une vie marginale sous la tutelle de races plus élevées dans la hiérarchie. Selon la doctrine sioniste, les juifs appartiennent à la race supérieure. D'après certaines versions, cette supériorité est commandée divinement : Dieu a conclu son alliance avec les Israélites, et pas avec les Ismaélites. Cette supériorité est également établie de manière empirique : les sionistes voulaient prendre la Palestine aux Palestiniens - et ils l'ont fait. Mais les Israéliens ne sont pas seulement supérieur par leur force. Ils le sont aussi par leur magnanimité. Les Palestiniens vivent toujours, n'est-ce pas ? N'est-ce pas là la preuve de la magnanimité israélienne ? Les Israéliens se sont contentés de pousser un peu les Palestiniens en-dehors de leur territoire ; ils ne les ont pas incinérés dans des fours crématoires. Que les Palestiniens célèbrent leur chance extraordinaire : ils n'ont pas été expropriés par les Allemands, ni par les Anglo-Saxons. Les Herero d' Les sionistes sont outrés, quand les Palestiniens osent refuser cette « offre généreuse ». « Ce n'est pas prévu dans notre script ! » hurlent-ils. Tandis que ce projet sioniste se développait, guerre après guerre, à travers des épurations ethniques, à travers des expropriations, à travers une occupation militaire qui a mobilisé une société entière dans la destruction impitoyable d'un autre peuple, combien de sionistes peuvent-ils sincèrement affirmer - en dépit des succès militaires remportés par leur projet - que leur humanité est toujours intacte, que les Israéliens, aujourd'hui, incarnent de meilleurs exemples des hautes valeurs des traditions juives que les générations de juifs qui les ont précédés ? Israël s'est donné la forme d'une société dont la vocation première est d' [* M. Shahid Alam, professeur d'économie à la Northeastern University, contribue régulièrement à CounterPunch.org. Certains de ses articles ont été publiés sous la forme d'un livre : Is There An Islamic Problem ? (Kuala Lumpur ; The Other Press, 2004). On peut lui écrire à l'adresse e-mail suivante : alqa...@yahoo.com Site ouèbe : http://www.islamicity.com ] |
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