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Droits et libertés: le Canada s'aligne derrière les États-Unis et la Grande-Bretagne

Anonyme, Saturday, August 27, 2005 - 13:45

Arsenal-express

Au cours des dernières semaines, au moins trois annonces ou déclarations importantes ont été faites par des ministres du gouvernement fédéral, qui témoignent de la ferme volonté de la bourgeoisie canadienne de se ranger derrière les États-Unis, dans le cadre de la "lutte antiterroriste" que l'impérialisme US mène pour défendre et renforcer son hégémonie mondiale.

Au cours des dernières semaines, au moins trois annonces ou déclarations importantes ont été faites par des ministres du gouvernement fédéral, qui témoignent de la ferme volonté de la bourgeoisie canadienne de se ranger derrière les États-Unis, dans le cadre de la "lutte antiterroriste" que l'impérialisme US mène pour défendre et renforcer son hégémonie mondiale (cela, sans compter l'implication encore plus directe de l'armée canadienne dans le maintien de l'occupation étrangère en Afghanistan, dont nous avons fait état dans notre édition du 7 août dernier).

Le 5 août, le ministre des Transports, Jean Lapierre, a d'abord annoncé une série de mesures visant à "renforcer la sécurité" dans le transport aérien, maritime et ferroviaire, ainsi que dans les transports en commun. Parmi elles, on trouve l'établissement d'une "liste noire de passagers aériens indésirables" à qui il sera désormais interdit de prendre l'avion au Canada. Sur quelles bases cette liste sera-t-elle confectionnée? À partir de quels renseignements et selon quel processus? Pour l'instant, nul ne le sait, même si cela fait plus d'un an que la commissaire à la protection de la vie privée, Jennifer Stoddart, tente d'obtenir plus de détails auprès de Transports Canada; néanmoins, Jean Lapierre compte bien aller de l'avant avec sa proposition et ce, dès le début de l'année 2006.

L'ineffable ministre responsable du Québec au sein du cabinet Martin, dont l'opportunisme politique ne connaît certainement pas de limites, a également affirmé que dans la foulée des attentats du 7 juillet à Londres, son gouvernement songe à installer des caméras de surveillance dans les métros et les autobus à travers tout le pays. Rien qu'à Montréal, le métro compte déjà 400 caméras de ce genre, qui seront d'ailleurs remplacées sous peu par 1 200 autres, plus performantes. Depuis deux ans, une cinquantaine d'autobus en ont également été munis. Il va sans dire que les fabricants de ce type d'équipement et les compagnies qui en assurent la maintenance doivent déjà saliver, en pensant aux dizaines de millions de dollars qui leur tomberont du ciel et qu'ils n'auront qu'à cueillir.

Comme on l'a vu justement à Londres, l'installation de caméras de surveillance et leur multiplication n'auront jamais aucun effet dissuasif sur un kamikaze bien décidé à se sacrifier pour la réussite de telle ou telle action. Néanmoins, les gouvernements des grands pays impérialistes qui participent, à un degré ou à un autre, à la soi-disant "guerre au terrorisme" menée par l'administration Bush, ont choisi de jouer sur les craintes -- réelles ou imaginaires -- savamment entretenues parmi la population pour justifier la mise en place de ce qui ressemble de plus en plus à un véritable État policier.

Après Jean Lapierre, c'était au tour du ministre de la Justice, Irwin Cotler, de déclarer le 15 août dernier, à l'occasion du congrès annuel de l'Association du Barreau canadien, que son gouvernement souhaitait s'inspirer des nouvelles mesures "antiterroristes" mises de l'avant par la Grande-Bretagne pour réviser la législation canadienne à cet égard. En vertu des dispositions de la Loi antiterroriste adoptée en décembre 2001 dans la foulée des attentats du 11 septembre, le Sénat et la Chambre des communes doivent en effet procéder à une révision exhaustive de la législation canadienne en matière de "sécurité nationale", y compris la délicate question des certificats de sécurité.

Déjà, les lois en vigueur accordent d'énormes pouvoirs à la police, dont celui de procéder à des arrestations sans mandat et de détenir des suspects pendant trois jours sans accusation, sur simple soupçon. Les nouvelles mesures mises de l'avant par le gouvernement de Tony Blair au Royaume-Uni, dont Irwin Cotler dit vouloir s'inspirer, étendraient cette période à... trois mois. Elles permettraient également à Londres d'expulser des terroristes allégués du territoire britannique, même si la torture a cours dans leur pays d'origine, ce qui constitue une violation du droit international.

En outre, le ministre Cotler a également annoncé que son gouvernement s'apprêtait à déposer un nouveau projet de loi, qu'il souhaite faire adopter dès l'automne, qui accorderait de nouveaux pouvoirs à la police et aux agences nationales de sécurité afin de surveiller les appels faits sur cellulaire ainsi que les activités des internautes. Selon un article publié le 19 août dans le quotidien torontois The Globe and Mail, cette loi permettra à la police d'exiger des fournisseurs d'accès à Internet qu'ils lui donnent des renseignements personnels sur les internautes, "notamment les sites qu'ils fréquentent et les pseudonymes qu'ils utilisent sur le Web".

Certains s'étonneront peut-être de voir celui qui est vraisemblablement le ministre le plus "libéral" du gouvernement Martin (au sens non partisan du terme) mettre de l'avant autant de mesures ayant pour effet de restreindre les droits et libertés, notamment ceux qui sont conférés par la sacro-sainte Charte canadienne, que le gouvernement Trudeau nous a laissée en héritage et qui participe tellement à la définition de "l'identité démocratique" du Canada.

Sans doute Irwin Cotler devra-t-il piler sur ses convictions personnelles pour justifier toutes ces mesures (y compris celles mises de l'avant par son collègue Lapierre, dont on ne peut pas dire, par contre, qu'il soit aussi attaché à une certaine conception des droits et libertés -- c'est le moins qu'on puisse dire): mais puisqu'"il le faut", alors les plus libéraux d'entre tous les Libéraux n'hésiteront pas trop à aller de l'avant et à défendre l'indéfendable.

Dans le contexte international actuel, la grande bourgeoisie canadienne n'a pas nécessairement les moyens de continuer à maintenir ce genre de "distinctions", qui lui ont certes été utiles jusqu'à aujourd'hui mais qui pourraient s'avérer un boulet dans un avenir proche. Plusieurs entreprises canadiennes dépendent de l'accès au marché états-unien et font pression depuis déjà plusieurs années pour la diminution, voire même la disparition, des barrières douanières -- physiques ou réglementaires -- qui limitent ou ralentissent le commerce inter-frontalier. Ces secteurs soutiennent le projet de l'administration Bush visant à créer une véritable "forteresse Amérique", incluant un système de défense et de contrôle du territoire commun, mais qui favoriserait la libre circulation entre le Canada et les États-Unis. Il semble désormais assez évident que le gouvernement Martin a fait sienne cette orientation de la grande bourgeoisie canadienne, et que le temps des "fanfaronnades" anti-américaines d'un Jean Chrétien (ou même d'une Carolyn Parrish, à plus petite échelle) est bien révolu.

Reste à voir si les secteurs, les groupes et les organisations qui ont traditionnellement défendu la conception "canadienne" (ou québécoise) des droits et libertés suivront cette nouvelle politique canadienne, ou s'ils oseront s'y opposer et contribuer au développement d'un véritable mouvement de lutte en défense des droits du peuple, contre l'absolutisme du pouvoir bourgeois.

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Article paru dans Arsenal-express, nº 61, le 28 août 2005.

Arsenal-express est une liste de nouvelles du Parti communiste révolutionnaire (comités d'organisation).

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