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L'antifascisme comme forme d'adhésion au système

Anonyme, Tuesday, August 23, 2005 - 14:15

El Último de Filipinas, Alacant, 1996.

Dire d'entrée que le fascisme autant que l'antifascisme ont joué historiquement un rôle contre-révolutionnaire et que les deux ont constitué et constituent une forme d'adhésion au capitalisme peut paraître un peu fort ou pour le moins étrange.
L'intention de cet article est d'essayer d'argumenter de telles affirmations ou au moins de provoquer un débat sur ce thème à la mode qu'est l'antifascisme.

Réexaminer l'histoire

Pour certain-e-s, l'histoire est la charogne des sociétés et les historiens leurs médecins légistes. Il s'agit peut-être là de l'histoire avec un grand "H", celle des facultés et des bibliothèques ; l'histoire que nous revendiquons n'est pas - ou ne devrait pas être - prétentieusement objective, elle est - ou devrait être - un outil critique pour comprendre le présent et le transformer.
À plusieurs reprises dans l'histoire les minorités aisées ont utilisé en moment de crise des mouvements folkloriques pour maintenir leurs privilèges, allant jusqu'à céder à ces groupes de pression le pouvoir politique. C'est le cas du fascisme pendant la période de l'entre-deux guerres. (1)
Après la guerre de 14-18 le capitalisme ne jouait déjà plus un rôle progressif, il ne développait plus les forces productives autrement qu'en provoquant des crises et des guerres. C'est dans ce contexte que surgira le fascisme, mais aussi l'antifascisme, tous deux poursuivant un but identique, bien qu'il puisse paraître contraire : sauvegarder les intérêts du capital impérialiste et écraser le prolétariat international.
La Guerre Civile espagnole illustre à la perfection le rôle contre-révolutionnaire de l'antifascisme.
Le 19 juillet 1936, dans plusieurs villes d'Espagne, les ouvrier-e-s ont barré la route à la rébellion militaire et ont lancé une dynamique d'expropriation de type clairement révolutionnaire. L'apogée de ce processus sera de courte durée, la constitution même du Comité de Milices Antifascistes (organisme interclassiste qui déplace le protagonisme des masses vers la direction des organisations) met en évidence l'attaque de la bourgeoisie antifasciste contre le prolétariat.
Le conclave de Burgos (*) et le gouvernement républicain de Madrid forment l'axe d'une même pince qui se referme sur la classe ouvrière.
L'Espagne ne sera pas le théâtre d'une guerre révolutionnaire, ni même d'une guerre civile, sinon celui d'une guerre impérialiste.
La bourgeoisie tant nationale qu'internationale, impliquée des deux côtés, règle ses comptes au dépens du prolétariat.
Depuis la République le message s'axe sur une politique de guerre. La guerre comme forme de restructuration du modèle capitaliste en crise et d'écrasement de la classe ouvrière. La guerre en Espagne servira de banc d'essai ; ce sera un avant-goût du même phénomène de restructuration qui sera vécu au niveau mondial (Seconde Guerre Mondiale). Un modèle capitaliste dictatorial s'imposera en Espagne (avec la complicité des démocraties occidentales et de l'URSS), tandis qu'après la Seconde Guerre Mondiale, dans le reste du monde, s'imposera un modèle capitaliste démocratique faussement opposé à un soit-disant bloc "socialiste" antagoniste. Le modèle dictatorial comme le modèle démocratique poursuivent un but identique : réajuster et maintenir le système d'exploitation. L'Espagne n'entrera évidemment pas dans le conflit mondial puisque le réajustement (via le triomphe dictatorial) a eu lieu avec anticipation.
Il est donc tout aussi logique, selon ce raisonnement, que les démocraties occidentales qui disaient lutter contre de le fascisme n'aient pas remis en cause le système politique (fasciste) espagnol après la Seconde Guerre Mondiale.
Durant la guerre d'Espagne l'idéologie qui s'imposera, comme prétendue nécessité inéluctable, sera l'antifascisme : le frontisme et la collaboration de classe - incluant la chefferie (on ne peut pas les appeler autrement) de la CNT-FAI et les opportunistes du POUM se démarquant ainsi d'une politique réellement révolutionnaire et se pliant au pragmatisme d'une politique de guerre.
L'unité antifasciste n'est rien d'autre que la collaboration de classe. Le prolétariat, au lieu d'affronter ses ennemis (la bourgeoisie fasciste et antifasciste) dans une véritable guerre de classe, se verra obligé de servir de chair à canon pour les deux bourgeoisies avec la complicité de quelques un-e-s de ses "dirigent-e-s les plus avancé-e-s".
Les événements de mai (**) à Barcelone se présentent clairement comme l'épilogue d'un désir frustré de communisme (2) d'une partie du prolétariat. C'est à partir de mai que l'on peut dire que la bourgeoisie (par la main de ses alliés staliniens) l'a emporté sur une révolution inachevée (les banques ne furent pas touchées, l'argent ne fut pas aboli, et surtout l'État ne fut pas détruit, bien au contraire : au lieu de ça quelques anarchistes allèrent jusqu'à se convertir en ministres). Le cadavre de Camilo Berneri (***) sera l'étendard d'un des crimes de l'antifascisme les plus évidents.
Les ouvrier-e-s espagnol-e-s furent massacrés sous la bannière de l'antifascisme et luttèrent en définitive (sans le vouloir) pour le triomphe du capitalisme.
Le prolétariat international unit sous la même bannière ébaucha seulement le tracé d'une solidarité médiatisée. Sa seule manière d'appuyer les ouvrier-e-s espagnol-e-s fut d'effectuer des actions de classe dirigées contre l'appareil économique et politique du capital. C'est pour cela que l'aide effective à l'Espagne révolutionnaire résida uniquement dans le changement radical des relations de classe au niveau mondial. (3)

Le fascisme aujourd'hui

Pour déterminer la fonction que remplit de nos jours le fascisme il faut déterminer quelle est la réalité dans laquelle il se déroule, qui n'est évidemment pas la même que celle des années 30.
La nécessité constante du développement des forces productives du capitalisme a mené celui-ci à une crise permanente.
La crise du modèle keynésien depuis le début des années 70 conduit à un dépassement graduel de ce modèle (l'État Providence) et, petit à petit, à l'extension d'un nouveau (vieux) modèle de libéralisme.
Actuellement les deux modèles cohabitent et/ou rivalisent entre eux dans le cadre mondialisé de l'économie de marché.
Cet état d'instabilité est susceptible de générer de graves dysfonctionnements. La substitution d'un modèle décadent par un autre à son apogée crée une situation de dérégulation et une forte résistance dans plusieurs couches de la société. À cela s'ajoute la supposée immigration massive comme cause de dysfonctionnement supplémentaire fruit de la mondialisation de l'économie et l'augmentation de l'exploitation dans les pays de la périphérie (****), ainsi que la marginalisation de grandes aires géographiques du marché-monde.
En fin de compte c'est là le cadre dans lequel situer le fascisme aujourd'hui. Sa mission y serait de faciliter la transition d'un modèle à l'autre, développant des politiques visant non à prendre le pouvoir (pas pour maintenant) mais plutôt à le fortifier et à le rendre totalitaire par le biais de lois répressives, sécuritaires, anti-immigration, etc. qui empêchent ou neutralisent les dysfonctionnements possibles (qui se traduiraient en révoltes cycliques ou en mouvements de résistance) (4) en conservant et en maintenant des formes de gouvernements formellement démocratiques mais en accentuant le rôle répressif de l'État capitaliste.
Le fascisme essaiera donc de "droitiser" la société en même temps qu'il la déstabilise pour justifier des mesures d'urgence de la part de l'État.
D'un autre côté surgit à nouveau la dichotomie démocratie ou fascisme (deux visages du même capitalisme) qui pousse à renforcer l'alternative démocratique face à l'éventualité fasciste, le capital sortant victorieux de ce faux affrontement. [cf. plus loin "Ni honte ni F-Haine !"]

L'antifascisme aujourd'hui

Ayant compris quel rôle joue le fascisme dans le cadre des relations sociales et économiques, nous pouvons comprendre la fonction que remplit son anti.
L'antifascisme adopte aujourd'hui (consciemment ou non) différentes facettes et fonctions :

L'antifascisme comme attitude esthétique

L'antifascisme n'est pas loin d'être une mode. Le manque d'analyse, de débat et de critique est manifeste. Au lieu de s'attaquer au problème de manière globale on essaie d'en bloquer les effets les plus palpables (violence de rue fasciste) en reproduisant, dans la plupart des cas, la même chose (violence de rue antifasciste).
Autour de l'antifascisme se crée et se recrée une esthétique de bande et de contenu limité menée par une violence stérile et grossière.
Il y a prolifération de groupes, collectifs, plateformes, etc., qui tentent de répondre à un phénomène sans en analyser les causes ou tout du moins sans les attaquer. Les actions a contra ou de caractère purement anecdotique comme les manifs du 20-N [jour anniversaire de la mort de Franco, le 20 novembre 1975, qui donne lieu tous les ans en Espagne à des manifs fascistes et des contre-manifs antifascistes, ndt] sont monnaie courante.
Au-delà il faut encore repérer l'image pathétique du mata-nazi [littéralement tueur-de-nazi, ndt] comme figure folklorique du mouvement qui trop souvent copie les attitudes et les schémas mentaux de ses victimes présumées, dans une tendance clairement militariste qui peut finir par prévaloir et entraîner tout le mouvement.

L'antifascisme comme lutte de distraction

Le fait de concentrer nos efforts dans la lutte antifasciste à un niveau partiel nous éloigne inéluctablement du point central de la lutte de classes : travailler à la conscience et l'auto-organisation de classe. L'antifascisme détournerait les volontés vers un problème concret fruit d'une situation globale.
On tombe vite dans des dynamiques de repression-action (difficiles à éviter) qui amènent le mouvement à concentrer son travail pour répondre à des agressions de groupes fascistes ou de l'appareil répressif de l'État lorsque les antifascistes sont réprimés.

L'antifascisme comme collaboration de classe

Le slogan "tou-te-s contre le fascisme" peut illustrer une tendance à la collaboration de classe. L'alliance, en plateformes et autres, avec les forces contre-révolutionnaires de la gauche capitaliste est évidente dans la plupart des cas. Un slogan si général peut être assumé par tous, de la gauche collaborationniste à la droite libérale (n'oublions pas qu'Antenne 3 s'est convertie en paladin antifasciste *****) en passant par des groupuscules opportunistes (les restes du léninisme qui combattent le fascisme ici et qui soutiennent des alliances entre fascistes et "communistes" dans l'ancienne URSS).
L'histoire se répète à nouveau avec un scénario différent tandis que se développent des politiques frontistes qui entraînent un renforcement du modèle capitaliste sous des formes démocratiques parlementaires. On collabore à nouveau avec nos ennemis de classe, torpillant nos propres intérêts, pour défendre tou-te-s ensembles nos ennemis apparemment les plus directs et les plus atroces : les fascistes. (5)
Il en résulte qu'au lieu de faire la révolution quotidiennement nous nous allions avec ses ennemis.

L'antifascisme comme manière de renforcer l'État

Certains groupes antifascistes réclament des mesures étatiques et légales pour réprimer le fascisme : lois contre les groupes nazis, augmentation des moyens policiers, hautes peines de prison, etc. (6)
L'application de telles mesures joueraient difficilement en notre faveur, bien au contraire. De cette manière le rôle de l'État se renforce au niveau de la répression et son pouvoir se fortifie. Il est surprenant et alarmant que depuis nos rangs on donne des armes à notre ennemi le plus notoire : l'État. Il en est de même du fait de considérer que leurs lois puissent être notre sauvegarde contre ceux qui ne sont ni plus ni moins que leurs complices : les fascistes. [cf. plus loin "Censure et violence contre le FN : principes ou stratégie ?"]

Derniers mots

Cet article ne prétend pas faire une critique sanguinaire et sans nuances de tous les groupes antifascistes. On ne peut pas penser que ce mouvement soit homogène et également critiquable, mais il est nécessaire de commencer à critiquer, à analyser et en définitive à réfléchir à la réalité.
Globaliser les situations pour intervenir dans la réalité et la transformer est la tâche de tout-e révolutionnaire. Dans le cas contraire nous pouvons tomber (même sans le vouloir) dans le rôle de complices ou compagnons de route du système même qui nous opprime.
Cet article ne veut pas non plus dire que nous ne devons pas affronter le fascisme, mais bien éclaircir le fait que cette lutte est une partie (et pas fondamentale) de l'affrontement quotidien au Capital-État et non une manière de justifier son existence.
Salud y anarquía.

Autres textes
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Subject: 
ceci n'est pas un texte qui v
Author: 
blackcat
Date: 
Tue, 2005-08-23 21:05

ceci n'est pas un texte qui vien d'un anarchiste, mais plutôt un foutu identitaire qui ce prétent l'être,surment pour nous nuire avec des mensonges.
Le CMAQ ne devrait pas accepter cela selon moi.
Nous
anarchistes nous sommes résolument anti-fasciste et ont te rejette pauvre con. T'on texte en est d'une ambiguité exécrable.
Les identitaires comme toi je les ai profondément dans le cul.
Vive l'anarchisme, mort aux fascistes.


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Subject: 
"L'Espagne ne sera pas le thé
Author: 
gabriel
Date: 
Wed, 2005-08-24 08:02

"L'Espagne ne sera pas le théâtre d'une guerre révolutionnaire, ni même d'une guerre civile, sinon celui d'une guerre impérialiste."

Cette seule phrase en dit long sur la pertinence de ce texte, sans parler de son acuité historique. Fuck, c'est une analyse carrément révisionniste. Bien entendu que les "fronts populaires" ne sont pas révolutionnaires. D'accord, on sait ça. Mais de là à en faire des agents impérialistes, c'est grave. Ce texte transforme tous les interbrigadistes qui ont combattu en Espagne en agents impérialistes, simplement parce qu'ils étaient antifascistes avant tout! Anyway, l'antifascisme est une lutte à finir, quoi qu'en pensent certains...


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