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Une puissante action de la guérilla au Népal

Eric Smith, Sunday, August 14, 2005 - 13:54

Arsenal-express

Pas moins de 159 membres de l'Armée royale ont été exécutés, alors qu'une cinquantaine d'autres ont été faits prisonniers, lors d'une action réalisée le 7 août dernier par l'Armée populaire de libération dans le nord du Népal. De plus en plus, le Népal est le théâtre d'un gigantesque affrontement entre le camp de la monarchie, du féodalisme et de la réaction, d'une part, et celui de la démocratie et de la révolution, d'autre part.

Cette semaine, les médias canadiens ont fait état de la réalisation d'une puissante action de la guérilla maoïste au Népal, qui aurait éliminé, selon les rapports officiels, pas moins de 40 militaires de l'Armée royale. De fait, selon un communiqué publié par le commandant de la Division occidentale de l'Armée populaire de libération (APL), le camarade Prabhakar, ce sont pas moins de 159 membres des forces de l'ordre qui ont été exécutés, alors qu'une cinquantaine d'autres ont été faits prisonniers.

L'action s'est déroulée près du village de Pili, dans le district de Kalikot, situé dans le nord du pays, où l'Armée royale avait établi une base militaire temporaire dans le cadre de ses opérations visant à contenir la guérilla. Le 7 août vers 17h40, des milliers de combattantes et combattants dirigéEs par l'APL ont littéralement pris d'assaut la dite base militaire. Il semble que les affrontements se soient poursuivis jusqu'à 4 heures le lendemain matin, avec les résultats que l'on sait.

L'APL reconnaît avoir perdu 26 combattantes et combattants; un certain nombre de guérilleros ont également été blesséEs. En outre, la guérilla maoïste en a également profité pour s'emparer d'une importante quantité d'explosifs, de mitraillettes, de fusils et de munitions, ce qui a fait dire à certains reporters que du coup, elle avait carrément réussi à renouveler une bonne partie de son arsenal.

Aux dernières nouvelles, les quelque 52 membres de l'Armée royale ayant été capturés sont toujours détenus par la guérilla. Dans un communiqué, le président du Parti communiste du Népal (maoïste), le camarade Prachanda, a assuré que ceux-ci étaient détenus en toute sécurité et traités avec respect, conformément aux dispositions des conventions de Genève sur le traitement des prisonniers de guerre, ajoutant qu'ils seront libérés "en temps et lieu, au terme d'un processus équitable".

Il s'agit certes des plus importantes pertes infligées à l'Armée royale depuis que le roi Gyanendra a réalisé son coup de force le 1er février dernier et qu'il s'est accaparé tous les pouvoirs. Selon le camarade Prabhakar de l'APL, l'action réalisée par la guérilla doit également être considérée comme une importante victoire "contre les impérialistes, les féodaux et les courants non-prolétariens" au Népal.

Rappelons que le monarque a démis le gouvernement, suspendu les libertés civiles et décrété l'état d'urgence le 1er février, dans une tentative désespérée de freiner la progression de la guérilla maoïste, qui est passée l'automne dernier à l'étape de l'offensive stratégique, dans le cadre de la stratégie de guerre populaire prolongée qu'elle a amorcée en février 1996. Même les partis parlementaires, qui soutenaient jusque là la monarchie, ont été pratiquement interdits par Gyanendra, qui a en outre fait emprisonner plusieurs de leurs responsables, y compris son ex-Premier ministre Sher Bahadur Deuba.

Depuis février, il est donc devenu clair que deux principaux camps s'affrontent au Népal: celui de la monarchie, soutenu par l'impérialisme et les féodaux, d'une part; et le camp démocratique révolutionnaire, d'autre part, dirigé par le PCN (maoïste). Celui-ci appelle d'ailleurs maintenant les partis parlementaires à se joindre à un large front uni contre la monarchie et la réaction.

Les grandes puissances étrangères qui historiquement ont toujours soutenu le régime monarchique au Népal -- dont l'Inde, la Grande-Bretagne et les États-Unis -- avaient d'abord condamné le coup de force de Gyanendra, exigeant le retour à "l'ordre constitutionnel". Ce qu'elles craignaient surtout, c'est que la décision du monarque de briser son alliance traditionnelle avec les partis parlementaires ouvre la porte à la consolidation, voire la victoire du camp révolutionnaire dirigé par les maoïstes. Au bout de quelques semaines toutefois, le gouvernement indien a fini par rétablir son aide économique et militaire destinée au régime et à son armée. Néanmoins, les grandes puissances continuent de penser que le roi n'arrivera pas, seul, à freiner la guérilla.

Dimanche dernier, quelques heures à peine avant le déclenchement de l'action menée par la guérilla à Pili, le ministre indien de la Défense, Pranab Mukherjee, se disait d'ailleurs préoccupé par la situation qui règne au Népal. Selon lui, la situation pourrait même devenir rapidement "hors de contrôle", compte tenu du peu d'efficacité de l'Armée royale: "L'armée tente certes de contenir les rebelles, mais elle s'en avère incapable... Malheureusement, les récents développements semblent indiquer que la lutte contre les maoïstes est en difficulté." (cité par nepalnews.com, le 08/08/2005) On imagine sans peine comment il a réagi, quelques heures plus tard, en apprenant ce qui s'est passé à Pili...

Fait significatif, le point de vue du ministre indien de la Défense va dans le même sens que celui exprimé quelques jours plus tôt par l'ambassadeur britannique au Népal, Keith George Bloomfield. Ex-responsable de la lutte antiterroriste au Foreign Office, Bloomfield a osé affirmer publiquement ce qui est une évidence pour quiconque connaît le moindrement la situation politique et sociale au Népal: à savoir que la guérilla maoïste s'appuie sur "des revendications sociales et politiques légitimes" et qu'elle mobilise "des milliers de citoyens népalais" (Indo-Asian News Service, 28/07/2005). D'après lui, même si les rebelles s'appuient sur "une idéologie dépassée et discréditée" (sic), on ne peut penser qu'on pourra les vaincre avec des fusils et des balles.

Telle est bien l'impasse dans laquelle se trouvent les classes réactionnaires alliées aux puissances étrangères qui dominent le Népal: incapables d'arrêter le puissant courant de la guerre populaire, elles craignent par-dessus tout l'impact qu'aurait une victoire des maoïstes sur la diffusion d'une idéologie si "dépassée et discréditée" qu'elle risque d'entraîner des millions de pauvres et d'oppriméEs, dans toute l'Asie du Sud et même ailleurs dans le monde, à se battre pour mettre fin au système capitaliste et impérialiste. Après tout, celui-ci est encore bien plus vieux, dépassé et discrédité, et il a fait bien assez de dommages sur toute la planète...

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Article paru dans Arsenal-express, nº 59, le 14 août 2005.

Arsenal-express est une liste de nouvelles du Parti communiste révolutionnaire (comités d'organisation).

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