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Pratique vs. Praxis/ Critique de la Religion Chrétiennefranz, Friday, July 1, 2005 - 15:28 (Analyses | Democratie)
Jutta Schmitt
Apports théoriques au Débat Révolutionnaire au Venezuela IV 14-05-2005 Cercle Bolivarien d’Etudes "El Momoy"/Chiguara Ces dernières séances ont été consacrées à l’analyse des concepts de pratique et de praxis, et à la controverse pour savoir si la religion chrétienne, ou certains de ses éléments, devraient ou non rentrer dans le nouveau socialisme que nous entendons construire, comme une de ses racines. Notre résumé se divise en deux parties : première, qu’est-ce que la Praxis ? Deuxième, Critique de la Religion Chrétienne. I. Qu’est-ce que la praxis ? Dans notre effort pour définir le concept de praxis, nous avons fait ressortir, premièrement, que celui-ci se différencie radicalement du concept de pratique, et deuxièmement, que pratique et praxis ne peuvent être séparées de ses parties correspondantes, idéologie et théorie. En ce sens, nous avons brièvement et en nous référant aux débats antérieurs, que la pratique, le que faire quotidien, répétitif, "automatique", sans réflexion préalable, est le concept corrélatif à l’idéologie dès qu’elle affirme et laisse intact l’ordre social existant ; alors que la praxis, l’activité nouvelle, précise, révolutionnaire, pondérée, produit par et imbriquée au pensé conscient, est le concept corrélatif à la théorie dès qu’elle nie, révolutionne et transforme la réalité existante. Face à la question : qu’est-ce qui détermine notre pensé et agir et qu’est-ce qui le transforme en théorie et praxis ou en idéologie et pratique, nous avons déterminé ce qui suit : 1. Tout notre pensé et agir est, en premier lieu, déterminé par un cadre préexistant de référence matérielle et spirituelle qui nous entoure et qui est le produit historique des conditions objectives et subjectives créées par les générations antérieures, dans la production et la reproduction de leur vie matérielle et spirituelle. 2. Nous qui sommes les produits de cette réalité déjà existante, nous avons deux "options" : Première : il ne nous est pas possible d’étudier en profondeur notre réalité existante, et par conséquent nous n’allons jamais parvenir à douter d’elle, à la questionner, à la nier et à la changer, auquel cas nous restons des êtres passifs et inconscients, des sortes d’automates, ou des êtres unidimensionnels, dominés dans nos perceptions par l’idéologie régnante, ce qui se traduit par une pratique quotidienne docile et inoffensive, qui continue à affirmer et appuyer l’ordre social existant ; Seconde : nous parvenons à connaître à fond notre réalité et par conséquent nous voulons la changer et révolutionner, auquel cas nous devenons des êtres actifs et conscients, créateurs de neuf sur le plan théorique, ce qui se traduit par une critique active et une activité critique, c’est-à-dire par une praxis révolutionnaire, transformatrice de l’ordre social existant. 3. Le dilemme de "l’homme nouveau", de comment nous pouvons nous changer nous-mêmes, si nous sommes précisément les produits de circonstances qui requièrent d’être changées pour que puissent changer les hommes, ne peut se solutionner que par le moyen de la praxis révolutionnaire et transformatrice, dans laquelle se retrouvent les deux : le changement des circonstances et le changement de l’être humain. Dans cet inventaire préliminaire a surgi la question, concernant précisément ces circonstances objectives et subjectives déjà existantes, qui déterminent notre comportement et notre "conscience", dont nous avons précisé qu’il s’agit des formes spécifiques de la production et de la reproduction matérielle de la vie humaine dans l’espace et le temps historique qu’il nous est donné de vivre. Dans notre cas, les circonstances objectives sont, évidemment, les relations de production capitaliste, opérantes dans un pays non-métropolitain, à savoir "en voie de développement", avec un modèle particulier d’accumulation au moyen de la rente pétrolière constituée dans le cadre d’une sorte de capitalisme d’Etat, où ce dernier, avec de brèves exceptions dans son histoire moderne, a joué un rôle keynésien en matière économique et paternaliste dans le domaine social. Sur le plan politique, a fait aussi partie des circonstances objectives un "unipartisme puntofijiste"aux deux visages, adeco et copeyano, qui a institutionnalisé le clientélisme politique et la corruption (le Pacte de Punto Fijo a été le système politique en vigueur une quarantaine d’années au Venezuela, jusqu’à l’arrivée de Chavez en 1998 ; "adeco" et copeyano désignent respectivement les deux partis dominants, AD, le parti social-démocrate et COPEI, le parti démocrate-chrétien, ndt). Nous avons constaté que les conditions objectives mentionnées se traduisent et s’expriment dans le domaine subjectif, c’est-à-dire précisément dans l’idéologie dominante avec sa pratique correspondante, jusqu’à aujourd’hui et nonobstant les efforts de transformation sociale entrepris par la Révolution Bolivarienne, dans l’égoïsme, l’individualisme, la compétition à la vie à la mort, et dans les attitudes de mépris ouvert de son prochain (héritage des rapports de production capitaliste), où se mêle une attitude passive-réceptive, faciliste et dépourvue de tout esprit de responsabilité propre (héritage de l’Etat paternaliste). Ce sont là, concrètement et immédiatement, les facteurs objectifs et subjectifs qui doivent être dépassés, qui nous ont déterminés et qui continuent à nous déterminer à un degré considérable. Revenant à l’idéologie et à la pratique comme facteurs inducteurs d’un véritable paralysie sociale, nous avons pu faire les constats suivants : 1. L’idéologie, qui garantit la perpétuation de l’ordre social existant dans les têtes surtout des économiquement exploités et humainement condamnés, semble avoir mille et un avantages sur toute pensée critique et neuve, du fait qu’elle est constituée par les idées des classes dominantes, qui en plus d’être propriétaires des moyens de production, le sont aussi des grands médias de communication de masse. 2. Les idées dominantes d’une époque non seulement sont les idées des classes dominantes, mais et comme le dit Marx dans l’Idéologie Allemande, elles se constituent comme le règne des idées sur la réalité matérielle objective ; ce qui signifie que se crée l’illusion fatale que la réalité matérielle-objective d’une époque historique est le produit des idées d’un grand "dieu", d’un sublime esprit, d’un "grand homme" ou même d’une "grande race", alors que les idées, au contraire, sont toujours les produits d’un espace-temps historique déterminé dans la production et la reproduction de la vie humaine. 3. De cette manière, l’idéologie suggère que les changements qui ont eu lieu dans le processus historique ont été le produit d’ "instances supérieures" et que le petit homme ordinaire, les masses, les exploités et les opprimés, ne pourront jamais être porteurs des grandes idées, et qu’encore moins elles pourront se constituer comme une force matérielle transformatrice du présent et du futur. 4. C’est dans ce même sens que se livre la guerre des idées de notre présent ; qu’elle est fondamentalement une guerre déclarée contre toute conception théorico-praxique qui diffère du modèle unique capitaliste, lequel s’étend de manière cancérigène sur le globe terrestre entier. Cette guerre est menée au moyen de la suffocante omniprésence des grands médias de communication de masse avec une couverture dans tout espace de la planète, et dirigée contre les esprits critiques et indépendants restant. 5. Le seul antidote contre le poison idéologique-pratique est la théorie incisive, révélatrice et destructrice des illusions et mensonges idéologiques, qui a et aura toujours son épreuve du feu dans la critique active ou activité critique, c’est-à-dire, dans la praxis révolutionnaire. II Critique de la Religion Chrétienne Nous avons récemment débattu de la recommandation du Président Chavez d’étudier, dans le cadre de l’immense tâche d’inventer le socialisme du XXIe siècle, non seulement les idées originales de Marx et Engels, mais aussi un apport possible de Jésus Christ à ce "socialisme nouveau", et nous avons lu et discuté un texte sur "le socialisme chrétien", extrait du livre "Hugo Chavez et le Socialisme du XXIe Siècle" de l’auteur connu et apprécié Heinz Dieterich. Même si nous avons perçu l’effort pour séparer la sphère des "enseignements bibliques" et de la "vie de Jésus Christ" du dogme ecclésiastico romano-catholique, ont surgi, tout de suite, une série d’observations et de questions relatives au sujet religieux-chrétien en général, qui sont les suivantes : 1. Quand il y a 500 ans les colonisateurs européens se donnèrent pour tâche d’implanter sur notre continent latino-américain le christianisme, il n’y avait pas de conditions objectives dans l’absolu pour l’implantation réussie de cette religion, qui était complètement étrangère à nos sociétés autochtones-indigènes. Seulement après l’extermination sans miséricorde, de la violence la plus brutale et du génocide perpétré contre nos peuples ancestraux indigènes, seulement après que le colonisateurs eurent transformé nos terres en une vallée de larmes, la religion chrétienne a pu prendre racines et "être adoptée" par les populations traumatisées, déracinées, renversées et réduites en esclavage par une culture étrangère. 2. Cela veut dire que le christianisme était la main droite de la colonisation, de la militarisation, de la déshumanisation et de l’anéantissement de nos civilisations antiques ou "précolombiennes", fait historique violent et barbare, qui non seulement peut-être attribué au "mauvais usage" de cette religion ou à un "abus" au nom de son dieu, mais qui fait aussi partie intrinsèque des "enseignements bibliques" eux-mêmes. Nous nous référons ici au racisme, à la discrimination et à l’exclusion sociale, intrinsèques à la notion de "peuple élu par dieu" (dont les membres seraient, au passage, les seuls qui le jour du jugement final obtiendraient "le salut"), et d’où existe une connexion directe à la notion fasciste de la "race supérieure", dont la "tâche noble et missionnaire" est d’apporter les bienfaits de la "civilisation" aux peuples qui aujourd’hui constituent le "Tiers Monde". Le cynique Rudyard Kipling, un romancier britannique, est allé à appeler cela "la charge de l’homme blanc" (the white man’s burden) ! 3. Si notre propre expérience historique nous a enseigné que la déshumanisation totale et absolue était la condition sine qua none pour pouvoir implanter le christianisme, qu’est-ce qui nous empêche de conclure qu’avec la ré-humanisation de nos peuples disparaît le fantôme du christianisme et le besoin psychologique d’une "revendication divine" post-mortem pour les misères supportées dans cette vie unique, véritable et authentique qui est la nôtre ? 4. Si nous sommes conscients que le christianisme a été l’arme de contrôle mental la plus puissante des classes dominantes tout au long des siècles et depuis des millénaires pour que les opprimés supportent leur misère infinie dans ce qui est leur unique vie, pouvons-nous réellement "sauver" ne serait-ce que des fragments du christianisme pour notre socialisme nouveau, ou cela ne serait-il pas plutôt une irresponsabilité de taille historique ? Après ces observations et interrogations de caractère général, nous avons procédé à la lecture du texte de Dieterich, dans lequel l’auteur se donne pour tâche d’expliquer l’ "Apport de Jésus Christ au socialisme du XXIe siècle", et même si nous avons constaté qu’à première vue nous pourrions être d’accord avec la façon élégante de Dieterich de résoudre cette tâche, nous avons mis en doute la source même de l’analyse qu’ est, naturellement, la bible. Nous avons rappelé dans ce contexte, que la bible n’est pas un texte intégral et que pour aucun des livres qui la constitue n’a été conservé le texte original des auteurs respectifs, à tel point qu’il a fallu recourir à sa reconstruction à partir de multiples fragments et traductions. En conséquence et avant de pouvoir s’approcher d’une analyse de l’ "apport de Jésus", il convient de se familiariser avec la critique de la bible, qui comprend au moins deux moments fondamentaux : 1. Critique de l’origine, de la canonisation et de la traduction de la bible par la critique des sources, la critique des textes d’un point de vue philologique, et la critique de l’herméneutique biblique, ce qui conduit inévitablement à la compréhension de la bible comme un genre littéraire, produit d’êtres humains, et non comme "la parole de dieu". 2. Critique du contenu, qui comprend la critique des principes moraux et éthiques exposés dans la bible comme la violente intolérance religieuse dans l’ancien et le nouveau testament, la violence ouverte contre les ethnies différentes et les communautés qui ont un autre type de foi, les guerres de conquête et le génocide, le machisme patriarcal avec son hostilité et sa rigoureuse discrimination du féminin, l’asexualité, etc. etc. etc. A un autre niveau du débat et considérant le christianisme institutionnalisé, catholique romain, nous avons constaté que nous sommes entrés dans une nouvelle phase d’inquisition, dans laquelle se combinent le fondamentalisme chrétien le plus rude avec la technologie la plus sophistiquée d’armement et de destruction, représentée par la "formule" Ratzinger-Bush. Devant ce cadre préoccupant a surgi la question de savoir si "le rachat" de l’ "essence du christianisme", concentré dans la figure de Jésus et recommandé par le président Chavez afin d’enrichir le socialisme nouveau du XXIe siècle, tient à des considérations tactiques du fait que l’écrasante majorité de la population vénézuélienne est chrétienne, ou à un problème profond, non résolu par la religion. Néanmoins, ce problème devrait logiquement se résoudre dans le cadre d’une étude minutieuse des pensées originaires de Marx et Engels, également recommandée par Chavez, dans lesquelles nous trouvons que Marx, dans son introduction à la "Critique de la Philosophie du Droit de Hegel" observe que "la critique de la religion est la condition préalable de toute critique". Nous en sommes restés là de la discussion que nous reprendrons dans notre prochaine séance.
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