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Chine: une révolte parmi d'autres

Eric Smith, Sunday, May 22, 2005 - 17:11

Arsenal-express

 
On sait que derrière les chiffres qui font état d'une croissance économique absolument phénoménale en Chine se cache une augmentation tout aussi faramineuse des différentiations sociales et de l'exploitation de la majorité de la population. Ce qu'on sait moins par contre, c'est que ce phénomène n'est pas sans entraîner une forte résistance parmi les masses populaires. Un récent article publié par le quotidien britannique The Guardian, lève le voile sur une de ces révoltes paysannes.

 
On sait que derrière les chiffres qui font état d'une croissance économique absolument phénoménale en Chine se cache une augmentation tout aussi faramineuse des différentiations sociales et de l'exploitation de la majorité de la population. Ce qu'on sait moins par contre, parce que la bourgeoisie chinoise cherche à le cacher et que les médias occidentaux s'intéressent bien moins à la question, c'est que ce phénomène n'est pas sans entraîner une forte résistance parmi les masses populaires.

Récemment toutefois, le quotidien britannique The Guardian a publié un reportage du journaliste Jonathan Watts, envoyé spécial dans le village de Huankantou, situé dans la province du Zhejiang, faisant état d'une révolte absolument spectaculaire ("A bloody revolt in a tiny village challenges the rulers of China", The Guardian, 15/04/2005). En voici quelques extraits:

"Il y a actuellement une étrange attraction touristique dans ce petit coin habituellement tranquille de la campagne chinoise: des voitures de police détruites, des rangées d'autocars renversés, des casques de policiers anti-émeute cabossés...

"Ce sont là les 'trophées de chasse' d'une importante bataille suite à laquelle les paysanNEs ont remporté une rare et sanglante victoire contre les autorités communistes [NDLR - précisons que celles-ci n'ont de 'communistes' que le nom], qui ont dû faire face à l'un des plus grands défis auxquels elles ont été confrontées au cours des dernières années.

"En repoussant plus d'un millier de policiers anti-émeute au début de la semaine, le village de Huankantou devient donc la pointe avancée d'une vague d'anarchie qui a vu des millions de paysans appauvris se livrer à des blocages de routes et à d'autres actions de protestation contre la corruption, la destruction de l'environnement et l'écart grandissant entre la richesse des villes et la pauvreté rurale.

"Les médias chinois se sont vus interdire de parler de ces événements mais le mot s'est passé rapidement dans les villes et villages environnants, si bien que des dizaines de milliers de personnes sont accourues pour constater ce qui s'est passé et voir de leurs propres yeux 'le village qui a battu la police'...

"Ayant envoyé plus de 30 policiers à l'hôpital, dont cinq sont dans un état critique, les 10 000 résidantEs du village devraient normalement se terrer en attendant la riposte. Mais au contraire, l'atmosphère qui règne est rien de moins qu'euphorique. Les enfants ne sont pas allés à l'école depuis l'affrontement de dimanche. Il y a encore des barricades autour de l'usine de produits chimiques, là où les combats ont débuté. Les rues sont littéralement bondées de touristes, jusqu'à tard le soir, qui profitent des visites guidées offertes fièrement par les villageois.

"'Ces villageois ne sont-ils pas de braves gens? Ils sont si coriaces que c'en est incroyable', affirme un chauffeur de taxi de la ville voisine, qui ajoute: 'Tout le monde veut aller les visiter. Ces villageois sont réellement admirables.'...

"Même si les séquelles du soulèvement sautent aux yeux -- qu'on regarde du côté de ce grand terrain, situé près de l'école, où sont alignés les autocars détruits et les voitures de police incendiées, ou simplement dans les rues toujours remplies de briques et de bâtons de toutes sortes -- l'origine de l'émeute reste assez floue.

"Les premiers rapports indiquent qu'elle aurait débuté suite à la mort de deux femmes âgées, qui auraient été écrasées lorsque la police est intervenue pour mettre fin à une manifestation organisée près de l'usine de produits chimiques, située dans le parc industriel rattaché au village.

"Des témoins nous ont confirmé que l'association locale des personnes âgées a tenu une vigile pendant plus de deux semaines, en face de l'usine, suite à cet événement. Plusieurs nous ont dit en avoir entendu parler, bien que personne n'ait pu nous donner le nom des victimes. Le gouvernement local insiste, de son côté, pour dire qu'il n'y a eu aucune perte de vie...

"Les résidantEs accusent les autorités de s'être accaparées de leurs terres pour aménager un parc industriel il y a trois ans, sans leur consentement. Certains affirment que les produits toxiques qu'on y manipule désormais sont responsables de la ruine de leurs récoltes, de malformations congénitales et de la contamination de la rivière Huashui, qui alimente le village.

"Le chef du village aurait refusé de tenir une assemblée publique pour écouter les doléances de la population. Des pétitions acheminées au gouvernement central se sont également avérées vaines. Les résidantEs affirment ne plus avoir confiance aux autorités...

"Les gens n'ont aucune peine à raconter les événements de dimanche. La propriétaire d'une petite boutique, qui vit tout près de l'école où les affrontements ont eu lieu, nous a relaté ce qui suit: 'Il était environ quatre heures du matin lorsque je me suis fait réveiller par des bruits inhabituels. Lorsque j'ai jeté un œil par la fenêtre, j'ai vu une énorme quantité de policiers anti-émeute qui couraient dans tous les sens. Nos hommes sont sortis de leurs maisons pour défendre le village.'...

"Les résidantEs affirment qu'au moins 3 000 policiers ont envahi le village; que plusieurs personnes -- incluant des policiers -- ont été tuées, que des douzaines d'autres ont été blessées et qu'une trentaine d'autocars ont été détruits. Mais le gouvernement local affirme que les policiers n'étaient qu'un millier, et qu'ils ont été pris par surprise par la foule en colère...

"Apparemment, le chef du village se serait enfui. Les résidantEs disent avoir formé un comité d'organisation pour le remplacer, dont on a toutefois refusé de nous dévoiler la composition, pour éviter les représailles.

"Un homme d'âge moyen nous a déclaré qu'il ne regrettait aucunement d'avoir participé à cette action: 'Les policiers ne sont pas revenus depuis qu'on les a renvoyés, et ils n'oseront jamais se pointer de nouveau!'

"Certaines personnes, toutefois, craignent les représailles qui pourraient survenir. Parmi elles, une vieille dame a hésité avant de finalement accepter de nous laisser entrer chez elle afin qu'on puisse voir sa collection de 'trophées de chasse', qui inclut deux casques de policiers anti-émeute cabossés, de nombreuses bombonnes de gaz lacrymogène, un plastron, des matraques et des machettes... 'Nous voulons que l'usine soit démantelée, ajoute une autre femme, et nous ne ferons pas de compromis à ce sujet.'"

Le reporter du Guardian ajoute en conclusion que selon les chiffres officiels admis par le gouvernement chinois, le nombre d'actions de protestation de ce genre a augmenté de 15% au cours de l'année 2004 à l'échelle du pays, pour se chiffrer à pas moins de 58 000!

Dans une lettre qu'il avait écrite à sa conjointe et camarade Jiang Qing au tout début de la Révolution culturelle, Mao Zedong avait prédit que "si jamais les droitiers comme Deng fomentent un coup d'État anti-communiste, je suis sûr qu'ils ne connaîtront jamais la paix, et leur règne sera vraisemblablement de courte durée". Peut-être que celui-ci s'avère déjà plus long que ce qu'il prévoyait (bien que Mao était patient et qu'il avait certes le sens de l'histoire), mais pour ce qui est de la paix sociale, il semble bien que Mao ne s'était vraiment pas trompé.

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Article paru dans Arsenal-express, nº 50, le 22 mai 2005.

Arsenal-express est une liste de nouvelles du Parti communiste révolutionnaire (comités d'organisation).

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Subject: 
Kein les flics!
Author: 
Alex V
Date: 
Mon, 2005-05-23 06:11

Ahhhh, que ce rapport d'évènements fait du bien à lire en se réveillant le matin!


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